Cour d'appel de Paris, Chambre 2-7, 25 septembre 2019, 17/18140

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    17/18140
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de Grande Instance de PARIS, 24 mai 2017
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/5fda1f2db522026362fcb92e
  • Président : Mme Anne-Marie SAUTERAUD
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2021-12-08
Cour de cassation
2021-12-08
Cour d'appel de Paris
2019-09-25
Tribunal de Grande Instance de PARIS
2017-05-24

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2 - Chambre 7

ARRET

DU 25 SEPTEMBRE 2019 (n° 26/2019, 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/18140 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4E5X Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/08511 APPELANTE Madame [R], [X], [C] [L] épouse [K] [Adresse 6] - [Localité 1] (Belgique) née le [Date naissance 3] 1971 à [Localité 9] Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, avocat postulant Assistée de Me Maria DZIUMAK de la SELARL GASTAUD - LELLOUCHE - HANOUNE - MONNOT, avocat au barreau de PARIS, toque : G430, avocat plaidant INTIMES Monsieur [G] [M] [Adresse 5] [Localité 8]/France né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 7] Représenté et assisté par Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0738, avocat postulant et plaidant Monsieur [O] [Y] [Adresse 5] [Localité 8]/France né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 8] Représenté et assisté par Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0738, avocat postulant et plaidant SA SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU MONDE [Adresse 5] [Localité 8]/France N° SIRET : 433 891 850 Représentée et assistée par Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0738, avocat postulant et plaidant COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 mai 2019, en audience publique, devant la cour composée de : Mme Anne-Marie SAUTERAUD, Présidente Mme Sophie-Hélène CHATEAU, Conseillère un rapport a été présenté à l'audience par Madame CHATEAU dans les conditions prévues par les articles 785 et 786 du code de procédure civile. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme Anne-Marie SAUTERAUD Mme Sophie-Hélène CHATEAU Mme Isabelle CHESNOT Greffier, lors des débats : Mme Margaux MORA ARRET : - CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Anne-Marie SAUTERAUD, Présidente et par Margaux MORA, Greffière, présente lors de la mise à disposition. FAITS et PROCÉDURE Par actes d'huissier délivrés le 22 mai 2015, Mme [R] [L] a fait citer la Société éditrice du Monde, M. [G] [M] et M. [O] [Y] aux fins de voir reconnaître une atteinte portée à sa vie privée et obtenir la réparation de son préjudice, la destruction de tous documents ou supports sur lesquels figurerait la retranscription de conversations téléphoniques avec son père, la suppression de l'article sur le site internet, une publication judiciaire ainsi que leur condamnation aux dépens et à une indemnité de procédure, sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Il ressort des éléments du dossier que Mme [R] [L] épouse [K] est la fille de M. [P] [L], ancien secrétaire général de l'Elysée et ancien ministre de l'Intérieur pendant la présidence de M. [W] [A], que le 15 avril 2015 est paru sur le site internet www.lemonde.fr et dans le journal papier Le Monde daté du lendemain, en page 10, un article intitulé 'Placé sur écoutes M. [L] promet de 'ne pas balancer' ' et sous-titré 'Les interceptions réalisées sur son deuxième téléphone révèlent l'amertume de l'ex-ministre de l'intérieur, lâché par ses collègues de l'UMP', signé par M. [G] [M] et M. [O] [Y]. Le titre de l'article est annoncé en première page du journal, dans sa version papier, sous le titre '[P] [L] seul face aux affaires'. Les passages de cet article dont Mme [L] se plaint, concernant des conversations téléphoniques qu'elle a eues avec son père, sont rédigés sur le site internet dans les termes suivants : « Quelques jours plus tard, le 11 juin, c'est [R] [K], la fille de M. [L], qui téléphone à son père, afin d'évoquer cette affaire de primes. « Moi j'en ai ras-le-bol des insultes », clame Mme [K]. « Moi aussi. Oui oui. Ben moi aussi hein », répond M. [L]. « Ça doit être l'intérieur qui fait des communications uniquement sur toi », lance-t-elle encore, imaginant que son père est victime d'une manipulation politique. « Ouais bien sûr' », approuve ce dernier. La conversation vient alors sur les « amis » politiques de l'ancien ministre. Des échanges savoureux. « Et puis l'UMP est nulle aussi' Parce qu'ils ne te défendent pas !, dit [R] [K] ' Oui. Bien sûr, répond [P] [L]. ' Ils sont dégueulasses ! C'est des dégueulasses de toute façon. ' Oui mais ça c'est sûr (') Et puis quand tu vois certains qui disent pas forcément des choses négatives, qui disent' Mais qui défendent pas, quoi (') Et que tu sais qui ils sont et ce qu'ils ont fait (') Ou font ! ' Ouais. ' Bon, ben tu peux' Hein' Parce que je' Je sais quelques petits trucs quand même ! ' Ouais. ' Tu vois ' On n'est pas ministre de l'intérieur en vain ! ' Ben ce serait bien qu'un jour tu les balances' Parce que franchement' ' (Rires de M. [L]) ' Franchement il y a vraiment des claques qui se perdent ! ' Ouais. » Quelques heures plus tard, M. [L] est recontacté par sa fille. « Ce qu'il y a c'est qu'il faudrait que t'aies un ou deux copains à l'UMP qui te défendent, quoi, parce que c'est pas juste ce qu'il font, hein ' », interroge Mme [K]. « Bah oui je sais bien », approuve son père. « Mais t'en as pas un ou deux qui peut quand même être sympa et' » « Non », la coupe [P] [L], qui indique : « Je me démerderai tout seul et j'y arriverai tout seul. » « C'est dégueulasse franchement la politique c'est vraiment un sale milieu, vraiment' », déplore-t-elle. « Ah oui ça c'est sûr », approuve M. [L]. « Ouais et puis ils se tiennent tous entre eux tu vois, c'est vraiment des médiocres », ajoute sa fille. « Oui, oui, quand je vois les mecs (') qui font des trucs (') quand je sais ce qu'ils font, ce qu'ils ont fait et ce qu'ils font, hein bon' », lui répond-il. « Mais pourquoi tu débines pas aussi toi, hein ' », insiste-t-elle. « Ah non c'est pas mon genre (') Je vais pas débiner [B], [S],' (') Je me défends mais de là à mettre en cause des gens. » Le 13 juin 2013, M. [L] est rappelé par sa fille, sur le même thème. « Je suis très en colère, attaque-t-elle, parce que je trouve qu'à l'UMP quand même, ils ne se sont pas beaucoup bougé les fesses pour te défendre hein quand même' » « Oh bah non, c'est le moins qu'on puisse dire », acquiesce M. [L], qui pense avoir l'explication : « Surtout, je ne fais pas partie de la bande quoi' » Sa fille approuve : « T'es pas de leur bande ! C'est pour ça que je te dis' Ils se tiennent tous entre eux ! » « Oui oui (') Ah c'est sûr ! », conclut M. [L]. La discussion vient alors sur M. [A]. [R] [K] : « Ils en ont long comme le bras dans leurs petites affaires personnelles, et puis il n'y en a pas un qui' Et moi je ne suis pas contente après [A] parce qu'il aurait pu faire quelque chose pour toi ! » ' Oui, je pense aussi. Oui oui, moi non plus, répond [P] [L]. ' Hein ' Hein ' Alors il a intérêt à se méfier parce que le jour où tu vas décider de balancer, et ben' tu vas voir ! ' Oh bah je vais pas balancer ! ' Ses petits copains, là' ' Je ne vais pas balancer, tu le sais bien. ' Oui, ben écoute' ' Bon, enfin' On est comme on est' ' Il mériterait' Il mériterait' ' (Rires) OK, allez, salut [J]. » Fillon dans le collimateur Le 20 juin 2013, toujours en ligne avec sa fille, [P] [L] évoque un article de L'Express le concernant. « J'ai compris, résume-t-il, que ça voulait dire qu'il fallait un minimum de solidarité parce qu'il ne fallait pas que je craque ! » « Mais c'est pas mon genre », ajoute-t-il, avant de préciser : « Mais je vais quand même distribuer quelques taloches' Gentiment hein' ». La version papier pour ce passage est plus courte, certains propos dévoilés dans la version internet n'y figurant pas : « Quelques jours plus tard, le 11 juin, c'est [R] [K], la fille de M. [L], qui téléphone à son père, afin d'évoquer cette affaire de primes. « Ça doit être l'intérieur qui fait des communications uniquement sur toi », lance-t-elle, imaginant que son père est victime d'une manipulation politique. « Ouais bien sûr' », approuve ce dernier. La conversation vient alors sur les « amis » politiques de l'ancien ministre. Des échanges savoureux. [R] [K] : « Et puis l'UMP est nulle aussi' Parce qu'ils ne te défendent pas ! » - [P] [L] : « Oui mais ça c'est sûr (') Et puis quand tu vois certains (') Et que tu sais qui ils sont et ce qu'ils ont fait (') Ou font ! Parce que je ' Je sais quelques petits trucs quand même ! Tu vois ' On n'est pas ministre de l'intérieur en vain ! ». [R]-[K] : « Ben ce serait bien qu'un jour tu les balances' Parce que franchement' » Quelques heures plus tard, M. [L] est recontacté par sa fille. « Ouais et puis ils se tiennent tous entre eux tu vois, c'est vraiment des médiocres », ajoute t-elle. « Oui, oui, quand je vois les mecs (') qui font des trucs (') quand je sais ce qu'ils font, ce qu'ils ont fait et ce qu'ils font, hein bon' », lui répond-il. Le 13 juin 2013, M. [L] est rappelé par sa fille. La discussion vient alors sur M. [A]. [R] [K] : « Et moi je ne suis pas contente après [A] parce qu'il aurait pu faire quelques chose pour toi ! ». [P] [L] : « Oui, je pense aussi ». Sa fille : « Alors il a intérêt à sa méfier parce que le jour où tu vas décider de balancer, et ben' tu vas voir ! [P] [L] : « Oh bah je vais pas balancer ! » [R] [K] : « Il mériterait'Il mériterait' » Par jugement en date du 24 mai 2017, le tribunal de grande instance de Paris a : - débouté Mme [R] [L] de toutes ses demandes, - condamné Mme [R] [L] au versement d'une somme globale de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) à la Société éditrice du Monde, à M. [G] [M] et à M. [O] [Y], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire, - condamné Mme [R] [L] aux dépens, avec distraction au profit de Maître Christophe Bigot. Pour l'essentiel, le tribunal a considéré que le dialogue rapporté entre Mme [R] [L] et son père était issu d'une conversation privée dans le cadre d'écoutes téléphoniques licites, que les propos ont été publiés sans le consentement de Mme [R] [L], qu'il relève donc du droit au respect de la vie privée, mais qu'en mettant en balance le droit à la vie privée de la demanderesse et le droit à la liberté d'expression des défendeurs il a retenu que les sujets abordés dans la conversation relevaient de toute évidence d'un débat d'intérêt général, que la publication des propos de la demanderesse visait à mieux comprendre les réponses de M. [P] [L], personnage public de premier rang, et à rendre plus précises les informations données, que dès lors, ce sujet d'intérêt général justifiait une publication, en raison du droit du public à l'information et du principe de la liberté d'expression, qu'en conséquence, l'atteinte à la vie privée n'était pas constituée. Mme [R] [L] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 29 septembre 2017 enregistrée le 3 octobre 2017. Par dernières conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 2 mai 2018, l'appelante demande à la cour, au visa des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil, de : - déclarer Mme [R] [L] recevable et bien fondée en son appel, Y faisant droit, - infirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Paris sous le n° RG 15/08511, Et statuant à nouveau, - condamner solidairement la Société éditrice du Monde, M. [G] [M] et M. [O] [Y] à payer à Mme [R] [L] la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi en raison de l'atteinte à l'intimité de sa vie privée, - ordonner la destruction de tous les documents ou supports quelconques en possession de M. [G] [M], de M. [O] [Y] et/ou de la Société éditrice du Monde sur lesquels figurerait la retranscription de conversations téléphoniques intervenues entre Mme [R] [L] et M. [P] [L] sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours de la signification de l'arrêt à intervenir, - ordonner la suppression sur le site internet www.lemonde.fr exploité par la Société éditrice du Monde de l'article intitulé « Placé sur écoutes, [P] [L] promet de ne pas « balancer » » sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours du jour de la signification de l'arrêt à intervenir, - condamner la Société éditrice du Monde à publier à ses frais, dans le plus prochain numéro du journal Le Monde, le dispositif de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours du jour de la signification de l'arrêt à intervenir, - condamner solidairement la Société éditrice du Monde, M. [G] [M] et M. [O] [Y] à payer à Mme [R] [L] une somme de 18 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner solidairement la Société éditrice du Monde, M. [G] [M] et M. [O] [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés par la SCP Grappotte Benetreau dans les conditions fixées par l'article 699 du code de procédure civile. Selon conclusions notifiées par voie électronique le 12 février 2018, la Société éditrice du Monde, M. [G] [M] et M. [O] [Y] sollicitent de la cour, au visa de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle : - confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ; - déclare Mme [R] [L] épouse [K] irrecevable comme prescrite à fonder ses demandes sur l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 en cause d'appel ; - la déclare mal fondée en toutes ses demandes ; - l'en déboute ; Y ajoutant, - condamne Mme [R] [L] épouse [K] à payer à la société éditrice du Monde, à M. [G] [M] et à M. [O] [Y], une somme globale de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; - condamne Mme [R] [L] épouse [K] en tous les frais et dépens dont distraction au profit de Me Christophe Bigot, avocat au barreau de Paris, dans les conditions fixées à l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance clôturant l'instruction de l'affaire a été rendue le 28 novembre 2018. En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

Sur ce,

la cour Conformément à l'article 9 du code civil et à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. Cependant, ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d'expression, consacré par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ils peuvent céder devant la liberté d'informer, par le texte et par la représentation iconographique, sur tout ce qui entre dans le champ de l'intérêt légitime du public, certains événements d'actualité ou sujets d'intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l'information et du principe de la liberté d'expression. C'est à juste titre que l'appelante sollicite la confirmation de l'analyse des premiers juges en ce qu'ils ont estimé que le dialogue rapporté entre elle-même et son père dans les deux versions de l'article, de façon plus détaillée dans la version internet, est une conversation téléphonique privée dans laquelle celle-ci exprime à son père ses sentiments de colère et de dégoût envers d'anciens alliés de celui-ci et qu'il relevait du droit au respect de la vie privée. Cette conversation entre un père et sa fille sans consentement à la publication est donc susceptible de caractériser une atteinte à la vie privée. Admettant que la liberté d'expression et d'information devait se concilier avec le droit au respect de la vie privée et qu'il appartient au juge d'effectuer une mise en balance des intérêts en jeu , l'appelante maintient cependant que les intimés n'ont pas agi de bonne foi dans le respect des règles d'un journalisme responsable dans la mesure où ni la licéité de l'origine des écoutes téléphoniques prétendument retranscrites dans les articles visés ni la véracité des informations publiées dans cet article ne sont démontrées, les pièces produites pour en justifier étant délibérément tronquées, leur caractère incomplet leur retirant toute valeur probante ; qu'en tout état de cause en retranscrivant des écoutes téléphoniques que l'appelante a eu avec son père les journalistes ont publié des documents protégés par le secret de l'instruction, violant ainsi de façon flagrante des règles déontologiques d'un journalisme responsable, que quoi qu'il en soit la liberté d'information invoquée ne pouvait justifier l'atteinte au droit au respect de sa vie privée ,celle-ci étant tiers au regard des sujets évoqués par l'article visé, que la nécessité de l'information ne justifiait pas de dévoiler son identité ni même de reproduire littéralement la conversation téléphonique entre elle et son père, qu'aurait été suffisante la rédaction d'un commentaire concernant les propos de Monsieur [L], seuls relevant d'un débat d'intérêt général. Cependant c'est à juste titre que les intimés font valoir que dans la présente affaire, les captations des conversations téléphoniques entre [P] [L] et sa fille ne sont en aucune manière illicites, s'agissant d'interceptions téléphoniques ordonnées légalement par l'autorité judiciaire et qui par définition, ne tombent pas sous le coup des articles 226-1, ni par voie de conséquence 226-2, du code pénal ; qu'en outre le sujet d'intérêt général n'est pas sérieusement contestable, l'objet de la conversation téléphonique interceptée faisant référence à une procédure judiciaire engagée contre [P] [L] alors qu'il était directeur de cabinet de [W] [A] au ministère de l'intérieur, et que les écoutes téléphoniques ont été interceptées sur commission rogatoire du juge d'instruction [V] [I] dans le cadre d'une autre information judiciaire relative à un éventuel financement libyen de la campagne électorale de [W] [A] en 2007, que les échanges téléphoniques eux-mêmes contiennent des informations d'intérêt général, que la réalité de la teneur des conversations téléphoniques ne peut être contestée, les avocats en produisant une copie, que le contenu des propos rapportés par les journalistes ne porte pas sur la vie privée ou familiale de l'appelante et que la publication litigieuse respecte le principe de proportionnalité . Par ailleurs, si l'appelante souligne que la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré que l'interdiction de publication des actes de procédure avant qu'ils aient été lus en audience publique, prévue à l'article 38 de la loi de 1881, constituait un but légitimant la restriction à la liberté d'expression, l'intimé relève justement que l'interdiction de publication des actes de procédure prévue à l'article 38 de la loi de 1881 ne peut plus être invoquée comme étant prescrite. En l'espèce, les propos publiés extraits des écoutes téléphoniques ordonnées judiciairement sur commission rogatoire évoquent les émotions ressenties par les protagonistes suite aux informations révélées sur le financement de la campagne électorale de [W] [A] en 2007 et le comportement des alliés politiques subséquent à ces révélations. Ils comportent bien un intérêt politique traitant des relations entre les hommes politiques suite la révélation d'affaires judiciaires et relèvent donc d'un sujet d'intérêt général. En outre, c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont souligné que l'objet de l'article n'était donc pas la vie privée de l'appelante, mais ses réactions et réflexions spontanées suite aux révélations judiciaires permettant à son père de réagir lui-même et d'éclairer ses motivations et comportements politiques .Ainsi le choix de la mention même de l'identité de sa fille, qui n'est pas un tiers anodin, tout comme celui de la retranscription fidèle du dialogue, plutôt qu'écrire un commentaire résumant les propos, permettaient de comprendre l'intimité, la spontanéité et la sincérité des propos tenus, et pouvait donc se justifier en raison du droit du public à l'information et du principe de la liberté d'expression. La cour confirmera donc que l'atteinte à la vie privée n'est pas constituée et déboutera l'appelante de ses demandes. Sur les frais et dépens L'équité justifie que l'appelante qui succombe à l'instance supporte les frais irrépétibles exposés par la partie adverse ; une somme de 4000 € est allouée à ce titre pour toute la procédure, la réclamation de l'appelante fondée sur ce texte étant rejetée ; au surplus, elle est condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement, Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 24 mai 2017 en ce qu'il a débouté [R] [L] épouse [K] de toutes ses demandes, Condamne [R] [L] épouse [K] à payer à la société éditrice du Monde, à [G] [M], et à [O] [Y], une somme globale de 4 000 € pour toute la procédure de première instance et d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne [R] [L] épouse [K] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Christophe Bigot, Avocat au Barreau de Paris, dans les conditions fixées à l'article 699 du code de procédure civile. LE PRÉSIDENT LE GREFFIER