Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 13 décembre 2005, 04-10.775

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2005-12-13
Cour d'appel de Paris (4e chambre, section A)
2003-10-22

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 22 octobre 2003), que la société de droit helvétique des Produits Nestlé est titulaire de la marque complexe n° 98 737 592, déposée auprès de l'Institut national de la propriété industrielle le 16 juin 1998, pour désigner en classe 30 du chocolat et divers produits de chocolaterie, et qui est constituée par la représentation d'un emballage de tablette de chocolat sur laquelle sont inscrits sous la formule "Nestlé Grands Chocolats", en gros caractères et sur deux lignes les mots "Eclat noir" ; que cette marque est exploitée en France par la société Nestlé France ; qu'ayant constaté que la société de droit helvétique Chocolade Fabriken Lindt et Sprungli (société Lindt Suisse) avait déposé en France le 28 mai 1999, pour désigner les mêmes produits, les marques complexes n° 99 794 378 et 99 794 379 constituées de la représentation d'un conditionnement de tablette reproduisant notamment le terme "Eclat", les sociétés Nestlé ont poursuivi judiciairement en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale le titulaire de ces marques et la société Lindt et Sprungli SA (société Lindt France) qui exploite en France ces marques ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que la société Lindt Suisse fait grief à

l'arrêt d'avoir décidé que les marques dont elle est titulaire constituaient la contrefaçon de la marque n° 98 735 592 dont est titulaire la société des Produits Nestlé, alors, selon le moyen : 1 / qu'il résulte de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit être appliqué à la lumière des dispositions de l'article 5, 1 de la directive du Conseil des communautés européennes du 21 décembre 1988, que l'enregistrement d'une marque complexe ne peut protéger un élément de la marque pris isolément, mais ne peut protéger que l'ensemble pris d'une façon indissociable ; qu'en accueillant la prétention de la société des Produits Nestlé tendant à la protection, au sein de la marque complexe n° 98 737 592, du seul élément dénominatif "Eclat" en raison du caractère prétendument "attractif", "arbitraire et de fantaisie" de cet élément, et en raison du fait que le mot "Eclat" ne s'insérait pas dans un ensemble pourvu d'une signification propre, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ; 2 / qu'il résulte de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit être appliqué à la lumière des dispositions de l'article 5, 1 de la directive du Conseil des Communautés européennes du 21 décembre 1988, que le risque de confusion, à l'existence duquel est subordonnée la contrefaçon en l'absence d'identité absolue, sans retranchement ni ajout, entre la marque invoquée et le signe postérieur, doit faire l'objet d'une appréciation globale, fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte de tous les éléments composant les marques complexes en présence ; qu'en appréciant le risque de confusion au regard de la seule reprise du mot "Eclat(s)" sans procéder, comme elle y était invitée, à une comparaison globale, fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, incluant l'ensemble des éléments, autres que le terme "Eclat(s)", composant les marques complexes en présence, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes qui précèdent ; 3 / qu'après avoir énoncé que, dans les marques critiquées, les termes "Noir éclats" et "Lait éclats" constituaient "l'un des éléments attractifs des signes contestés", constatant ainsi que ces marques comportaient d'autres éléments attractifs que la seule présence du terme "Eclats", la cour d'appel ne pouvait se dispenser de rechercher si cette pluralité d'éléments attractifs n'était pas de nature à conjurer le risque de confusion tenant à la présence du mot "Eclat" ; que faute d'avoir procédé à cette recherche, qui était impliquée par ses propres constatations, la cour d'appel a, pour cette raison encore, privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tel que ce texte doit être appliqué à la lumière des dispositions de l'article 5, 1 de la directive du Conseil des Communautés européennes du 21 décembre 1988 ;

Mais attendu

que l'arrêt relève que par la taille de ses caractères, sa position centrale et son absence d'insertion dans un ensemble grammaticalement structuré, le terme "Eclat" se distingue des autres dénominations apposées sur la marque complexe de la société des Produits Nestlé et en constitue l'élément attractif ; qu'il retient que les dénominations et expressions "Lindt Excellence noir aux éclats de cacao dégustation" et "Lindt Excellence lait aux éclats de cacao dégustation" qui précèdent les termes "Noir éclats "et "Lait éclats" ne sont pas de nature à conjurer le risque de confusion entre les signes en présence, dès lors que ces derniers sont isolés sur la partie inférieure des emballages dans un cartouche au fond blanc, de sorte que se détachant visuellement, ils sont lus séparément des autres termes composant l'ensemble et constituent, comme dans la marque première, l'un des éléments attractifs des signes contestés qu'un consommateur même moyennement attentif appréhende immédiatement ; qu'en déduisant de ces constatations et observations l'existence d'un risque de confusion entre les marques, la cour d'appel, qui n'a pas isolé un élément de la marque mais s'est fondée sur l'impression d'ensemble produite en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celle-ci, a pu, abstraction faite d'un motif surabondant critiqué à la troisième branche, statuer comme elle a fait ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé en ses autres branches ;

Et sur le second moyen

:

Attendu que la société

Lindt France reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société Nestlé France une certaine somme en réparation du préjudice résultant des faits de concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1 / que la condamnation de la société Lindt et Sprungli au titre de la concurrence déloyale étant motivée par la seule énonciation que les actes de contrefaçon de la marque n° 98 737 592, propriété de la société des Produits Nestlé, constituaient des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Nestlé France, qui commercialise en France les produits revêtus de cette marque, la cassation de la disposition de l'arrêt relative à la contrefaçon entraînera par voie de conséquence la cassation de la disposition relative à la concurrence déloyale, en application de l'article 625, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ; 2 / que faute d'avoir expliqué les raisons pour lesquelles la contrefaçon de la marque de la société des Produits Nestlé constituait, en même temps, un acte de concurrence déloyale à l'égard de la société Nestlé France, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

, d'une part, que la première branche est sans objet, dès lors que le premier moyen est rejeté ; Attendu, d'autre part, que la société exploitante d'une marque, qui ne dispose pas d'un droit privatif sur le titre de propriété industrielle, est recevable à agir en concurrence déloyale, peu important que les éléments sur lesquels elle fonde sa demande soient les mêmes que ceux que le titulaire de la marque a pu opposer au titre de la contrefaçon ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Chocolade Fabriken Lindt et Sprungli AF et Lindt et Sprungli aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les sociétés Chocolade Fabriken Lindt et Sprungli AF et Lindt et Sprungli à payer aux sociétés des Produits Nestlé et Nestlé France la somme globale de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille cinq.