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Tribunal administratif de Versailles, 8ème Chambre, 13 octobre 2022, 2100294

Mots clés
harcèlement • discrimination • préjudice • service • requête • pouvoir • rejet • condamnation • rapport • subsidiaire • réparation • report • requérant • requis

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Versailles
  • Numéro d'affaire :
    2100294
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Dispositif : Rejet
  • Rapporteur : Mme Marc
  • Nature : Décision
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2021, M. A C demande au tribunal de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 500 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des agissements de harcèlement moral et de la discrimination liée à son handicap dont il est victime. Il soutient que : - depuis son affectation à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, il subit des agissements de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie et de ses collègues ; - il est victime de discrimination en raison de son handicap ; - il est fondé à demander l'indemnisation du préjudice moral et du préjudice physique qu'il a subis en raison du harcèlement moral dont il est victime, respectivement à hauteur de 3 500 et de 15 000 euros. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les conclusions indemnitaires présentées par M. C sont irrecevables en l'absence de demande indemnitaire préalable en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; - M. C n'établit pas la réalité des agissements de harcèlement moral qu'il invoque et n'apporte aucun élément de fait susceptible de laisser présumer l'existence d'une telle situation ; - il n'apporte aucun élément de fait susceptible de laisser présumer qu'il serait victime de discrimination en raison de son handicap ; - à titre subsidiaire, il n'établit ni la réalité, ni le montant, ni le lien de causalité entre les fautes alléguées de l'administration relatives aux agissements de harcèlement moral et de discrimination et ses préjudices moral et physique ; - à titre subsidiaire, ses demandes indemnitaires devraient être ramenées à de plus justes proportions. Par une ordonnance du 11 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B, - les conclusions de Mme Marc, rapporteure publique, - et les observations de M. C.

Considérant ce qui suit

: 1. M. C, surveillant pénitentiaire à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant des agissements de harcèlement moral et de la discrimination liée à son handicap dont il estime être victime. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la liaison du contentieux : 2. Lorsque le juge de première instance est saisi de conclusions indemnitaires à hauteur d'un certain montant pour divers chefs de préjudice, sans qu'il soit établi qu'une demande indemnitaire aurait été préalablement soumise à l'administration, et qu'une réclamation est par la suite adressée à celle-ci, au cours de la première instance, en vue de la régularisation de la demande contentieuse, dans laquelle ne sont invoqués que certains de ces chefs de préjudice, le silence gardé par l'administration sur cette demande a pour effet de faire naître une décision implicite qui lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par le fait générateur invoqué dans cette réclamation, dans la limite du montant total figurant dans les conclusions de la demande contentieuse. 3. Il résulte de l'instruction que M. C a adressé, le 15 janvier 2021, simultanément à l'introduction de sa requête devant le tribunal, une réclamation à l'administration pénitentiaire par laquelle il demandait l'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 3 500 euros, de son préjudice physique à hauteur de 15 000 euros et du préjudice résultant de la discrimination liée à son handicap à hauteur de 150 000 euros. Dans sa requête introductive d'instance devant le tribunal, M. C ne reprend pas sa demande relative à ce dernier dommage mais demande la condamnation de l'Etat à hauteur de 18 500 en raison du préjudice moral et du préjudice physique résultant des agissements de harcèlement moral et de la discrimination liée à son handicap dont il a été victime. Il résulte de ce qui est dit au point 2 que sa réclamation adressée à l'administration pénitentiaire le 15 janvier 2021 et sur laquelle le silence gardé par l'administration pénitentiaire a fait naître une décision implicite de rejet est de nature à lier le contentieux pour l'ensemble des dommages invoqués dans cette réclamation, y compris le préjudice résultant de la discrimination liée à son handicap, dans la limite du montant de 18 500 euros mentionné dans les conclusions présentées par M. C devant le tribunal. 4. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir soulevée en défense tirée de l'absence de liaison du contentieux ne peut qu'être écartée. En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat : 5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel () ". 6. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. En outre, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. 7. D'une part, M. C soutient qu'il fait l'objet de convocations intempestives de sa hiérarchie. Il résulte cependant de l'instruction que, convoqué par le chef d'établissement par intérim de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis pour " évoquer sa situation professionnelle ", le 9 septembre 2020 puis le 12 janvier 2021, date à laquelle il était en service et non en congés contrairement à ce qu'il soutient, M. C ne s'est pas présenté, à ces deux convocations, seul un représentant syndical s'étant présenté le 9 septembre 2020. Il résulte également de l'instruction qu'il a été convoqué le 2 février 2021 par le directeur de l'infrastructure de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, sans pour autant établir, par ses seules allégations, que cette convocation aurait eu un objet vexatoire. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que les trois convocations en six mois adressées à M. C de la part de sa hiérarchie excèdent les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 8. D'autre part, il ne résulte pas davantage de l'instruction que la notation de M. C au titre de l'année 2019, établie le 9 juillet 2020, qui fait état de ses difficultés dans son affectation au service de la fouille et en particulier de ses relations compliquées avec ses collègues comme de son caractère " solitaire, procédurier et peu solidaire ", des relations tendues avec sa hiérarchie, de sa " tendance à oublier l'importance de l'esprit et du travail d'équipe " et de ses difficultés à accepter les ordres, excède les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, M. C n'apportant d'ailleurs aucun élément précis de nature à remettre en cause le bien-fondé de ces appréciations, confirmées, au surplus, par sa notation au titre de l'année 2021. 9. En outre, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le rejet de sa demande de reprise d'ancienneté au titre des années au cours desquelles il a exercé au sein du secteur privé, qui résulte ainsi que l'énonce le courrier du 12 juillet 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice, de la seule application de la réglementation alors en vigueur, serait susceptible de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral à son encontre. S'il invoque le refus de demandes de formation, le rejet de sa demande de report de ses congés annuels en 2020, le refus systématique de ses demandes, des comportements visant à le pousser à quitter son poste ou encore le refus de lui accorder des heures supplémentaires, M. C n'apporte aucun élément de nature à étayer ses allégations et à établir que ces agissements seraient constitutifs d'une situation de harcèlement moral à son encontre. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'il a été affecté au service des fouilles de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis en raison des séquelles résultant de son accident de service du 30 septembre 2018, poste " qui lui convient parfaitement " selon ses écritures, sans qu'il n'établisse la réalité d'agissements de nature à caractériser une situation de harcèlement moral à cet égard. 10. Enfin, les propos selon lesquels son responsable aurait déclaré, lors de son entretien professionnel, qu'il estimait que M. C ne faisait " plus partie de son secteur " à la suite de la plainte déposée par le requérant à son encontre, à les supposer établis, présentent un caractère isolé et ne peuvent être regardés comme susceptibles de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. 11. Il résulte de ce qui est dit aux points 7 à 10, que les faits invoqués par M. C n'excèdent pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et ne permettent pas davantage de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. 12. En second lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. / La discrimination inclut : / 1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; / 2° Le fait d'enjoindre à quiconque d'adopter un comportement prohibé par l'article 2. ". Selon l'article 4 de la même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. ". 13. M. C soutient que certains de ses collègues essaient de le déstabiliser en raison de son handicap et précise qu'il n'a bénéficié d'aucun aménagement de poste " officiel " en l'absence de déclaration de son employeur. Il résulte toutefois de l'instruction que son accident du 30 septembre 2018, alors qu'il était affecté au centre pénitentiaire de Fresnes, a été reconnu imputable au service par un arrêté du 31 janvier 2019. Il résulte également de l'instruction que M. C a été affecté au service des fouilles de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, poste compatible avec son état de santé et son handicap. En se bornant à invoquer le comportement de certains collègues sans étayer ses allégations par des éléments suffisamment circonstanciés et l'absence d'aménagement " officiel " de poste, M. C ne soumet au tribunal aucun élément de nature à permettre de présumer l'existence d'une situation de discrimination liée à son handicap en application des dispositions citées au point précédent. 14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. C tendant à l'indemnisation des préjudices moral, physique et résultant du harcèlement moral et de la discrimination liée à son handicap doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient : - Mme Grenier, présidente, - Mme Caron, première conseillère, - M. Connin, conseiller. Rendu public par mise à disposition du greffe, le 13 octobre 2022. La présidente-rapporteure, signé C. B L'assesseure la plus ancienne dans le grade, signé V. Caron La greffière, signé G. Le Pré La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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