AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Neli que sur le pourvoi incident relevé par la société CSF (venant aux droits de la société Amidis) et la société Comptoirs modernes (venant aux droits de la société Iris) :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juin 2004), que la société Iris a acquis auprès de la société Neli, de droit portugais, quinze mille autocuiseurs de marque OVNI destinés à la société Amidis ; que certains de ces appareils ayant révélé des vices rendant leur utilisation dangereuse, les sociétés Amidis et Iris ont assigné la société Neli en résolution de la vente et paiement de dommages-intérêts ;
:
Sur le premier moyen
du pourvoi principal :
Attendu que la société Neli fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution des ventes par la société Neli de l'ensemble des autocuiseurs, ordonné leur enlèvement à ses frais et de l'avoir condamnée à en rembourser le prix à la société Les Comptoirs modernes, alors, selon le moyen :
1 / qu'il incombe au demandeur de faire la preuve de ses allégations ; que pour prononcer la résolution des ventes de l'ensemble des autocuiseurs à la demande de la société Les Comptoirs modernes, ventes qui ont fait l'objet de plusieurs factures et bons de livraisons successifs, la cour d'appel a affirmé que ces ventes ont fait l'objet d'un marché unique ; qu'en statuant ainsi, sans viser ni analyser le moindre élément qui établirait que les ventes successives auraient fait l'objet d'un "marché unique", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1134 et
1315 du code civil et
6 du nouveau code de procédure civile ;
2 / que dans ses conclusions d'appel, la société Neli faisait valoir, preuve à l'appui, que si les différents modèles d'appareils étaient désignés par une même dénomination commerciale et facturés, sous un même code produit, les produits eux-mêmes portaient des numéros de série différents permettant de les identifier, les emballages comportant également un étiquetage permettant de les identifier, ce qui avait été confirmé tant par l'huissier mandaté par la société Iris que par l'AFNOR ;
qu'en s'abstenant totalement d'examiner et de répondre à ces conclusions, ainsi que les preuves dûment versées aux débats, la cour d'appel a violé l'article
455 du nouveau code de procédure civile ;
3 / que la traçabilité d'un produit au sens du règlement et des certifications AFNOR suppose que ce produit soit identifiable depuis la production jusque chez le consommateur ; qu'en affirmant que la traçabilité des autocuiseurs fabriqués par la société Neli, certifiés par l'AFNOR, ne permettait pas leur identification, la cour d'appel a violé l'article 5.2.1.4. de l'annexe 5 du règlement de certification NF cuisson ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les factures portaient mention d'un numéro unique de référence, que la société Neli avait admis la défectuosité d'un tiers des appareils mais qu'elle ne proposait aucune méthode fiable de reconnaissance des autocuiseurs permettant de différencier les produits sûrs de ceux qui ne l'étaient pas ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations et abstraction faite des motifs surabondants critiqués à la première branche, la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions mentionnées à la deuxième branche, a légalement justifié sa décision de prononcer la résolution de la vente des quinze mille autocuiseurs ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen
du même pourvoi :
Attendu que la société Neli fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée aux entiers dépens, alors, selon le moyen, que les dépens ne sont à la charge que de la partie perdante, sauf décision contraire spécialement motivée ; que la cour d'appel a débouté la société Amidis de l'intégralité de ses prétentions contre la société Neli ; qu'en mettant l'intégralité des dépens à la charge de la société Neli sans motiver sa décision en ce qui concerne les dépens afférents à la demande de la société Amidis, la cour d'appel a violé l'article
696 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que lorsque deux parties succombent respectivement sur quelques chefs de leurs prétentions, les juges du fond sont investis d'un pouvoir discrétionnaire pour mettre les dépens à la charge de l'une d'elles, sans avoir à justifier l'exercice de ce pouvoir par des motifs spéciaux ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société CSF et la société Les Comptoirs modernes font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande formée au nom de la société Amidis, alors, selon le moyen :
1 / que les juges du fond sont tenus, lorsqu'ils sont saisis de plusieurs chefs de préjudice, de s'expliquer chef par chef, tant en ce qui concerne le lien de cause à effet que la justification du préjudice ; qu'en s'expliquant globalement sur la demande de la société Amidis, qui visait plusieurs chefs de préjudice, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles
1382 et
1383 du code civil ;
2 / que faute de s'être expliqué sur le coût de la prestation de mailing, lorsqu'il a fallu alerter les clients, faisant l'objet de la facture correspondant à la pièce n° 34, du coût des affranchissements faisant l'objet d'une facture répertoriée sous le n° 35 et des frais de constat d'huissier afférent au prélèvement des autocuiseurs dans les stocks, faisant l'objet d'une facture répertoriée sous le n° 33, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles
1382 et
1383 du code civil ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel qui n'était pas tenue de s'expliquer plus précisément, a décidé que la preuve du préjudice en lien de causalité avec la faute commise par la société Neli n'était pas rapportée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille six.