MHD/LD
ARRET
N° 63
N° RG 21/01524
N° Portalis DBV5-V-B7F-GIUI
[O]
[O]
[O]
[O]
[O]
[O]
C/
G.A.E.C. DE [Adresse 36]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 avril 2021 rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de POITIERS
APPELANTS :
Monsieur [X] [O]
né le 05 Septembre 1954 à [Localité 26] (86)
[Adresse 35]
[Localité 27]
Monsieur [N] [O]
né le 12 Novembre 1952 à [Localité 26] (86)
[Adresse 9]
[Localité 28]
Madame [L] [O] épouse [C]
née le 28 Novembre 1950 à [Localité 26] (86)
[Adresse 8]
[Localité 26]
Madame [Z] [O] épouse [B]
née le 12 Août 1962 à [Localité 37] (86)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Monsieur [W] [O]
né le 26 Octobre 1975 à [Localité 37] (86)
[Adresse 3]
[Localité 25]
Monsieur [A] [O]
né le 09 Août 1979 à [Localité 37] (86)
[Adresse 2]
[Localité 30]
Représentés Me Philippe GAND de la SCP GAND-PASCOT, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉ :
G.A.E.C. DE [Adresse 36]
N° SIRET : 414 750 372
[Adresse 36]
[Localité 29]
Représenté par Me Alexis BAUDOUIN, substitué par Me Baptiste GUILLON, tous deux de la SCP TEN FRANCE, avocats au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article
945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, devant :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Valérie COLLET, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte notarié en date du 28 août 2015, Madame [U] [J] veuve [O], Madame [L] [O], Monsieur [N] [O], Monsieur [X] [O], Madame [Z] [O], Monsieur [W] [O] et Monsieur [A] [O] ont consenti un bail rural - prenant effet au 29 septembre 2015 - au GAEC de [Adresse 36] portant sur les parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 17], [Cadastre 24], [Cadastre 18], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 16], [Cadastre 20], [Cadastre 21], [Cadastre 22], [Cadastre 23], [Cadastre 31], [Cadastre 32], [Cadastre 33], [Cadastre 5] ' [Adresse 35]' et [Cadastre 19] et [Cadastre 5] ' [Adresse 34]' pour une superficie de 52 ha 84 a 31 ca moyennant le paiement d'un fermage annuel de 12 644 €.
Par un autre acte notarié du même jour, les consorts [O] ont conclu avec le GFA de [Adresse 36] un compromis de vente aux termes duquel il a été prévu que les consorts [O] vendent au GFA de [Adresse 36] les biens visés au bail au prix de 520 000 €, et ce, sous condition suspensive d'obtention d'un prêt avec stipulation de réitération de la vente au plus tard le 30 novembre 2018.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 16 juin 2018, le GAEC de [Adresse 36] a sollicité vainement des consorts [O] une révision amiable du fermage, afin de ramener celui-ci de 10 quintaux par hectare à 7 quintaux par hectare, proposant à cet effet de conclure un avenant le 30 juillet 2018.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 8 septembre 2018, il a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Poitiers afin de faire réviser le montant du fermage et de le ramener à 5 quintaux par hectare.
La vente des parcelles affermées n'a pas pu être réitérée fin novembre 2018, faute pour l'acquéreur d'obtenir un prêt.
Par jugement mixte en date du 13 avril 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Poitiers a notamment :
- rejeté toutes les demandes reconventionnelles des consorts [O],
- déclaré recevable l'action en révision de fermage du GAEC de [Adresse 36],
- ordonné avant dire droit sur l'évaluation du fermage une expertise aux fins de donner un avis au tribunal sur la catégorie des terres louées et leur valeur locative en application des arrêtés préfectoraux de la Vienne en vigueur en 2018 (année de la demande de révision) et pris en vertu des dispositions impératives de l'article L 41 1-11 du code rural et de la pêche maritime ;
- commis pour y procéder en tant qu'expert Monsieur [V] [T].
Par déclaration en date du 12 mai 2021, les consorts [O] ont interjeté appel de tous les chefs de cette décision.
****
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions du 15 juillet 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Madame [L] [O] épouse [C], Monsieur [N] [O], Monsieur [X] [O], Madame [Z] [O] épouse [B], Monsieur [W] [O] et Monsieur [A] [O] demandent à la cour de :
- les recevoir en leur appel, les y déclarer bien fondés.
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,
- statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable ou en toute hypothèse débouter le GAEC de [Adresse 36] de toutes ses demandes fins et conclusions.
- les recevoir en leurs demandes reconventionnelles, les y déclarer bien fondés.
- à titre principal,
- prononcer l'annulation pour dol du bail rural consenti au GAEC de [Adresse 36] par acte en date du 28 août 2015.
- à titre subsidiaire,
- prononcer la nullité du bail rural pour défaut d'autorisation administrative d'exploiter du preneur.
- à titre infiniment subsidiaire,
- prononcer la résiliation du bail rural pour défaut d'entretien du fonds loué compromettant sa bonne exploitation.
- en toute hypothèse et en conséquence,
- déclarer le GAEC de [Adresse 36] occupant sans droit ni titre des terres et bâtiments leur appartenant,
- ordonner l'expulsion desdites terres et desdits bâtiments du GAEC de [Adresse 36] et de tout occupant de son chef.
- condamner le GAEC de [Adresse 36] à leur payer pris globalement des dommages intérêts d'un montant de 20.000 €
- condamner le GAEC de [Adresse 36] à leur payer pris globalement une indemnité de 4.000 € par application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
- condamner le GAEC de [Adresse 36] aux dépens.
Par conclusions du 22 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, le GAEC de [Adresse 36] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles des consorts [O] et déclaré recevable son action en révision du fermage,
- infirmer le jugement attaqué ;
- statuant à nouveau :
- à titre principal :
- fixer le fermage annuel dû à la somme de 6 523,42 € sur la base de l'indice des fermages dans la Vienne 2018, se ventilant comme suit :
° 5 205,72 € pour les terres ;
° 749,70 € pour le hangar ;
° 568,00 € pour la stabulation/stockage,
ce fermage se répartissant comme suit :
° 315,24 € pour la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 19] appartenant à Messieurs [X] [O], [W] [O] et [A] [O] ;
° 6208,18€ pour le surplus des parcelles appartenant à Mesdames [U] [O] née [J], [L] [C] née [O] et [Z] [B] née [O] et Messieurs [N] [O] et [X] [O].
- dire que le fermage révisé s'applique à compter du 8 septembre 2018, date de la demande en justice.
- à titre subsidiaire :
- ordonner une mesure d'expertise confiée à tel expert qu'il plaira au tribunal et avec pour mission de donner au Tribunal toutes informations utiles quant à la valeur locative des biens objet du bail et d'en proposer une évaluation :
°de convoquer les parties,
° de se rendre sur les lieux en y convoquant les parties,
° de se faire remettre tout document qu'il jugera utile par les parties,
° de prendre connaissance de tout document qui lui serait transmis par les parties,
° de répondre à tout dire,
° de déposer un pré-rapport en accordant aux parties un délai de 15 jours pour faire valoir leurs observations,
° de déposer son rapport,
- en tout état de cause :
- débouter les consorts [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamner solidairement les héritiers de Madame [U] [O] née [J], à savoir Mesdames [L] [C] née [O], [Z] [B] née [O] et Messieurs [X] [O], [N] [O], [W] [O] et [A] [O] à lui payer la somme de 4.000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
SUR QUOI,
I - SUR L'ANNULATION OU LA RESILIATION DU BAIL :
A - Sur la nullité du bail pour dol :
En application de l'article
1116 du code civil, dans sa version applicable à l'espèce :
'Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé.'
Il en résulte qu'il y a dol dès lors que les manoeuvres, les mensonges, les tromperies ou omissions de dire et de faire sont déterminantes afin d'obtenir le consentement du cocontractant.
Il appartient au cocontractant qui se prévaut d'une nullité pour dol de rapporter la preuve des éléments constitutifs de ce dernier en application de l'article
1353 du code civil.
***
En l'espèce, les consorts [O] soutiennent :
- qu'ils n'ont consenti le bail rural au GAEC qu'en raison de la passation du compromis de vente le même jour portant les terres données à bail rural et l'engagement selon lequel la vente allait être réitérée par acte authentique du 30 novembre 2018 sous condition suspensive d'obtention d'un prêt alors que les consorts [I] composant le GAEC et le GFA ont man'uvré, en offrant un prix d'achat et un prix de location intéressants pour se faire attribuer en tant que fermiers un bien rural tout en sachant qu'au bout de trois ans, comme ils ne l'achèteraient pas à l'échéance et qu'ils se prévaudraient du défaut de réalisation de la condition suspensive et de l'impossibilité pour eux d'obtenir un prêt , ils solliciteraient la réduction du fermage,
- que cette fraude résulte du fait que les contrats de vente et de bail ont été conclus concomitamment et que la réitération de la vente était programmée à l'expiration des 3 ans suivant la signature du compromis,
- que l'attestation de refus du prêt rédigée par le banquier est de pure complaisance dans la mesure où tout en se présentant comme ne disposant d'aucune possibilité d'obtention de crédit ou d'autofinancement, le preneur exerce dans le même temps son droit de préemption sur les terres qu'il loue à des tiers, les consorts [E] [D] et engage une action estimatoire devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Poitiers pour faire fixer la valeur vénale desdites terres (RG 20/1255, audience de conciliation tenue le 8 septembre 2020).
En réponse, le GAEC de [Adresse 36] fait valoir :
- que les consorts [O] se bornent à alléguer l'existence d'un dol,
- qu'en tout état de cause, la vente était suspendue à l'obtention d'un financement qui lui a été refusé par le crédit Mutuel,
- que d'ailleurs, le compromis de vente prévoyait une condition suspensive qui n'a pas été levée par les bailleurs relative à l'obtention d'un diagnostic concernant la présence de matériaux et de produits contenant de l'amiante alors que la présence d'amiante était avérée dans les bâtiments,
- qu'enfin, le compromis de vente avec condition suspensive de 3 ans et moyennant un prix de 520 000 € a été mis en place à l'initiative des consorts
[O] et non de celle du GAEC car ceux-ci savaient pertinemment que la
SAFER pouvait leur proposer un prix inférieur lors de l'exercice de son droit de préemption et qu'ainsi, ils se ménageaient la possibilité de vendre leur bien au prix qu'ils voulaient.
***
Cela étant, contrairement à ce que prétendent les appelants, ils n'établissent par aucun élément que la passation du bail rural était conditionnée à la réalisation de la vente.
En effet, ni le bail rural, ni la promesse synallagmatique de vente, conclus tous les deux le même jour et portant tous les deux sur les mêmes terres, ne prévoient que la location serait résolue en cas de non réalisation des conditions suspensives de la cession.
De même, les consorts [O] ne versent aucun élément permettant de l'établir.
Par ailleurs, ils n'apportent pas davantage de pièces pour démontrer que les deux courriers en date des 2 février et 14 novembre 2017 produits par le GAEC aux termes desquels le crédit mutuel refuse à ce dernier de lui accorder un prêt en raison de ses résultats économiques et de l'analyse financière de ses résultats réalisés en septembre 2018 sont de pure complaisance.
Ils se bornent à spéculer et à alléguer la mauvaise foi de l'intimé.
De ce fait, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il les a déboutés de leur demande de nullité du bail rural fondé sur le dol.
B - Sur la nullité du bail rural pour défaut d'autorisation d'exploiter :
En application des articles :
* L331-6 du code rural et de la pêche maritime : 'Tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d'effet de la cession de bail selon les cas, la superficie et la nature des biens qu'il exploite ; mention expresse en est faite dans le bail. Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L. 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L.331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.'
* L331-7 dudit code : 'Lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux dispositions du présent chapitre, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois.
La mise en demeure mentionnée à l'alinéa précédent prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées.
Lorsque l'intéressé, tenu de présenter une demande d'autorisation, ne l'a pas formée dans le délai mentionné ci-dessus, l'autorité administrative lui notifie une mise en demeure de cesser d'exploiter dans un délai de même durée.
Lorsque la cessation de l'exploitation est ordonnée, l'intéressé est mis à même, pendant le délai qui lui est imparti, de présenter ses observations écrites ou orales devant toute instance ayant à connaître de l'affaire.
Si, à l'expiration du délai imparti pour cesser l'exploitation des terres concernées, l'autorité administrative constate que l'exploitation se poursuit dans des conditions irrégulières, elle peut prononcer à l'encontre de l'intéressé une sanction pécuniaire d'un montant compris entre 304,90 et 914,70 euros par hectare. La surface prise en compte correspond à la surface de polyculture-élevage faisant l'objet de l'exploitation illégale, ou son équivalent, après, le cas échéant, application des coefficients d'équivalence résultant, pour chaque nature de culture, de l'application de l'article L. 312-6.
Cette mesure pourra être reconduite chaque année s'il est constaté que l'intéressé poursuit l'exploitation en cause.'
Il en résulte :
- d'une part que seul le refus définitif de l' autorisation d'exploiter opposé par l'administration (Cass. 3e civ., 12 déc. 2012, n° 11-24.384 : JurisData n°2012-029201 ; RD rur. 2013, comm. 12, note S. Crevel) emporte la nullité du bail que seuls le bailleur ou le préfet ou la SAFER peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux (Cass. 3e civ., 21 déc. 2017, n° 16-17.863),
- d'autre part que la sanction prévue par l'article sus visé ne peut pas être prononcée si l'exploitant n'a pas été mis en demeure de régulariser la situation.
***
En l'espèce, les consorts [O] font valoir que les preneurs n'ont pas justifié d'une autorisation administrative d'exploitation pour la période postérieure au 20 juillet 2017, date de l'expiration de l'autorisation donnée par un arrêté de la préfète de la Vienne et que ce défaut d'autorisation leur ouvre l'action en nullité sans que cette action soit subordonnée à la délivrance d'une mise en demeure de l'administration au preneur exploitant.
En réponse, le GAEC soutient que si l'autorisation a été délivrée le 20 juillet 2015 sous condition d'installation de Madame [H] [I] au plus tard le 20 juillet 2017, à peine de caducité de l'autorisation, le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire qui s'est tenue le 1er septembre 2015, déposé au greffe le 30 novembre 2015 prouve l'installation de Madame [H] [I] en qualité de co-gérante du GAEC à compter du 1 er septembre 2015.
***
Cela étant, compte tenu des principes jurisprudentiels sus rappelés, si l'autorisation préfectorale annexée au bail rural n'est qu'une autorisation temporaire d'exploiter jusqu'au 20 juillet 2017 et si le GAEC n'établit pas qu'il a sollicité ensuite une autorisation définitive d'exploiter à compter de cette date, il n'en demeure pas moins que les consorts [O] ne démontrent pas qu'un refus définitif d'autorisation d'exploiter a été opposé au GAEC ou qu'après mise en demeure par l'autorité administrative du GAEC pour ce faire, le preneur n'a pas sollicité une autorisation d'exploiter dans le délai qui lui avait été imparti.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du bail formée de ce chef.
C - Sur la résiliation du bail pour défaut d'entretien du fonds loué :
La résiliation du bail est encourue lorsque les agissements du preneur sont 'de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds' (article L. 411-31, I, 2° du code rural).
Il en résulte donc que la résiliation n'est possible que s'il y a péril pour l'exploitation du fonds et le fonds lui-même.
Si la résiliation n'est pas prononcée, le bailleur conserve, selon le droit commun, la possibilité de demander une réparation pécuniaire lorsque l'inexécution du contrat lui a causé un préjudice.
***
En l'espèce, les consorts [O] font valoir :
- que le GAEC de [Adresse 36] n'a ni entretenu et ni ensemencé les parcelles louées,
- que de plus, au cours de l'année culturale qui s'achève il a semé à deux reprises du maïs sur une superficie d'environ 25 hectares pour en définitive ne pas le récolter,
- que de ce fait, ses agissements compromettent la bonne exploitation du fonds et justifient la demande de résiliation du bail.
En réponse, le GAEC de [Adresse 36] soutient :
- qu'il ressort des comparaisons des procès-verbaux d'huissier des 17 février et 25 juin 2020 qu'il a procédé au semis des terres dans ce délai ;
- que les terres sont cultivées,
- qu'en tout état de cause, il utilise un mode d'agriculture qui permet d'améliorer la structure du sol et d'en préserver la vie microbienne,
- que ce mode de culture raisonnée consistant en un semis direct du maïs sans labour préalable ne signifie pas qu'il a abandonné l'exploitation.
***
Cela étant :
* par des motifs que la cour adopte, le premier juge a relevé :
- que la comparaison du procès-verbal d'huissier de justice du 17 février 2020 avec celui établi le 25 juin 2020 démontre qu'entre ces deux dates, le preneur a ensemencé toutes les terres,
- que par ailleurs, les photographies annexées au constat du mois de juin 2020 prouvent que le preneur procède à la tonte des herbes autour des hangars et bâtiments objets du bail rural afin d'y permettre l'accès,
- que de surcroît, les deux procès-verbaux d'huissier de justice, produits aux débats, décrivent des hangars dont l'état, relativement ancien et vétusté ne peut être imputé à un défaut d'entretien du preneur,
* et la cour y ajoute :
- que l'attestation de Monsieur [R] est vague dans la mesure où elle ne décrit pas précisément les éléments objectifs qui conduisent son rédacteur à soutenir que les terres sont mal entretenues,
- que le témoignage de Madame [F] ' produit par les appelants eux-mêmes ' mentionne notamment que les terres situées à [Adresse 35] sont cultivées,
- que l'attestation de Monsieur [P] ne précise pas la date à laquelle il a fait avec Monsieur [X] [O] le tour des bâtiments et de la cour loués pour en conclure qu'elles ne sont pas entretenues alors que la pénétration dans les lieux loués durant l'exécution du bail par des personnes non autorisées par le preneur est interdite,
- qu'enfin les dernières pièces produites par les appelants échouent tout autant que les précédentes à démontrer un défaut d'entretien du bien loué en ce que :
° la photographie du chemin encadré par deux haies est non datée et en tout état de cause, ne démontre pas que lesdites haies sont envahissantes et que le chemin est impraticable,
° la lettre de Monsieur [Y] [G] qui indique que le GAEC de [Adresse 36] cultive ses terres selon un mode d'agriculture biologique qui entraîne un 'appauvrissement des terres et les buissons prenant de l'ampleur sur les terres' ne repose que sur les sentiments et les opinions de son rédacteur sur le bien fondé de l'agriculture biologique sans caractériser des éléments concrets permettant d'établir en toute objectivité un défaut d'entretien des biens loués.
Il convient donc de confirmer le jugement attaqué de ce chef en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation du bail pour défaut d'entretien.
II - SUR LES DOMMAGES INTÉRÊTS :
En l'absence de tout agissement fautif du GAEC et de tout préjudice subi par les consorts [O], il convient de débouter ces derniers de leur demande de dommages intérêts.
Le jugement doit être confirmé de ce chef.
III - SUR LA RÉVISION DU FERMAGE
A - Sur la recevabilité de la demande de révision :
L'action en révision, prévue par l'article
L. 411-13 du code rural et de la pêche maritime, figure dans une série de dispositions auxquelles le législateur a expressément conféré un caractère d'ordre public (article L. 411-14 du code rural).
Il en résulte donc que les parties, lors de la conclusion du bail, ne peuvent pas renoncer à former une demande de révision.
***
En l'espèce, les consorts [O] soutiennent :
- que la demande en révision du fermage formée par le GAEC est irrecevable pour deux raisons :
° d'une part en raison du dol qu'il a commis,
° d'autre part, en raison d'une stipulation dans le contrat de bail qui interdit au preneur d'exercer cette action et qui est rédigée de la façon suivante : '... Bailleur et preneur déclarent faire leur affaire personnelle de la détermination du fermage et requiert (sic) le notaire soussigné de régulariser les présentes sans modification du fermage convenu entre eux et déclarent expressément renoncer à tous recours l'un envers l'autre ou à l'encontre du notaire soussigné à ce sujet ...'
En réponse, le GAEC fait valoir que selon l'article
L 411-1 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime, l'ensemble des dispositions du statut du fermage et du métayage prévu par le code rural et de la pêche maritime est d'ordre public et que de ce fait, les consorts [O] ne peuvent se prévaloir d'aucune clause neutralisant le droit à la révision du fermage.
***
Cela étant, il convient de rappeler :
- que d'une part, le jugement attaqué vient d'être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du bail fondée sur le dol,
- que d'autre part, l'action en révision du fermage a un caractère d'ordre public qui interdit aux parties de renoncer au droit de demander la révision du fermage.
En conséquence, la demande formée par le GAEC est recevable.
B - Sur le fond :
En application de l'article
L411-13 du code rural de la pêche maritime :
'Le preneur ou le bailleur qui, lors de la conclusion du bail, a contracté à un prix supérieur ou inférieur d'au moins un dixième à la valeur locative de la catégorie du bien particulier donné à bail, peut, au cours de la troisième année de jouissance, et une seule fois pour chaque bail, saisir le tribunal paritaire qui fixe, pour la période du bail restant à courir à partir de la demande, le prix normal du fermage selon les modalités ci-dessus.
La faculté de révision prévue à l'alinéa précédent vaut pour la troisième année du premier bail, comme pour la troisième année de chacun des baux renouvelés.'
La charge de la preuve du montant du fermage incombe au preneur qui agit en justice sur le fondement de l'article
L. 411-13 du Code rural et de la pêche maritime.
La valeur locative est déterminée au jour de la conclusion ou du renouvellement du contrat (Cass. 3e civ., 12 mars 1975 : JCP G 1976, II, 18262, note P. Ourliac et M. de Juglart. ' Cass. 3e civ., 24 mars 1981 : Bull. civ. III, n° 65. ' Cass. 3e civ., 18 avr. 1985 : RD rur. 1985, p. 468) et de ce fait, c'est l'arrêté préfectoral en vigueur au moment de la formation du bail ou de sa reconduction (Cass. 3e civ., 16 oct. 2012, n° 11-22.621 : JurisData n°2012-023538) qui constitue la référence de la valeur locative.
Le tribunal fixe, pour la période du bail restant à courir à partir de la demande, le prix normal du bail en application de l'article
L. 411-13, al. 1er.
Ceci signifie donc que la révision n'est pas rétroactive.
***
En l'espèce, les consorts [O] exposent :
- que la demande de révision est conditionnée par un excédent d'au moins 10 % de la valeur locative du bien considéré, que détermine l'autorité administrative chaque année,
- que ce n'était pas le cas en l'espèce, car en examinant l'arrêté applicable en 2018, il en ressort que la valeur locative est de 14 076,38 € alors que le fermage convenu est de 12 644 €.
- qu'enfin, la contestation des preneurs de la classification des biens loués ne se fonde pas sur des preuves concluantes,
- que le tribunal n'a pas respecté les règles de preuves car il incombait au preneur de prouver que le fermage excédait de plus de 10 % de la valeur locative.
En réponse, le GAEC fait valoir :
- que la comparaison entre le prix convenu au bail et les valeurs minimales et maximales de la valeur locative doit s'effectuer par référence à l'arrêté préfectoral en vigueur à la date de la conclusion ou de renouvellement du bail,
- qu'ainsi, le texte de référence en l'espèce doit être l'arrêté du préfet de la Vienne en date du 29 septembre 2015,
- que les deux bâtiments loués (un hangar et une stabulation) sont accessoires au regard des plus de 52 hectares de surface loués et qu'il est permis de retenir, par souci de simplicité, les valeurs locatives applicables aux terres nues,
- que selon le contrat, le fermage s'élevait à 12 644 €, soit 239,27 € par hectare alors que la valeur maximale prévue par l'arrêté applicable était de 167,67 € pour le groupe 0 qui est la meilleure catégorie de terre, et ce selon l'indice national des fermages en 2018 dans la Vienne.
- qu'en conséquence, le fermage dû était supérieur d'au moins 42,7 % au maximum et 65,61 % au regard de l'indice.
- qu'enfin le notaire établissant l'acte a attesté que les parcelles louées étaient de classe 2 et 3 au vu de l'arrêté préfectoral.
- que d'ailleurs, lui-même, en qualité de preneur, estime que les bâtiments loués relevaient de la catégorie 4 pour la stipulation et 2 pour le hangar.
***
Cela étant, au vu des principes sus-rappelés, contrairement à ce que soutiennent les consorts [O], c'est l'arrêté préfectoral du 1er juin 2015 - en vigueur au jour où le bail rural a été conclu les 28 et 31 août 2015 - qui s'applique ; peu important la date de prise d'effet du bail.
En application de ce texte, répertorié comme suit : n° 2015/DDT/SEADR/ 454 :
- le prix par hectare pour des terres nues classées :
° dans le groupe 0, soit dans la catégorie des terres de la meilleure qualité, est de 165 €,
° dans le groupe 4, soit dans la catégorie des terres de la qualité de la plus basse, est de 52 €,
- le prix des bâtiments d'exploitation classés :
° dans la catégorie 0, soit dans la catégorie de bâtiments neufs, varie entre 2, 88 et 5, 75 € / m²,
° dans la catégorie 1, soit dans la catégorie de bâtiments spécifiques répondant à une agriculture moderne varie entre 1, 40 et 4,03 € / m²,
° dans la catégorie 2, soit dans la catégorie de bâtiments ou hangars fermés au moins sur trois faces accessibles aux matériels agricoles modernes varie entre 0, 87 et 2, 88€ / m²,
° dans la catégorie 3, soit dans la catégorie de bâtiments de construction traditionnelle ou non, en bon état, d'accès facile varie entre 0, 53 € et 2,08 € par m²,
° dans la catégorie 4, soit dans la catégorie de bâtiments de la troisième catégorie en état médiocre varie entre 0,18 et 0,57 € / m²,
° dans la catégorie 5, soit tous les bâtiments tels que toits à porcs, appentis, poulaillers et ne permettant qu'un usage de complément, est comptabilisé comme néant.
En appliquant le barème ainsi fixé pour des terres nues classées dans le groupe 0, le fermage pour 52 ha n'aurait pas dû excéder un montant de 8580 € alors qu'en l'occurrence, il est d'un montant de 12 644 €.
De même, il ne peut pas être sérieusement contesté - quoiqu'en disent les appelants - qu'en raison de leur état ' établi d'une part par les procès verbaux de constat d'huissier des 17 février 2020 (dressé à la demande du preneur) et 25 juin 2020 (dressé à la demande des bailleurs) qui établissent que le caractère relativement vétuste des bâtiments et hangars n'est que le fruit d'un lent processus de dégradation résultant de l'ancienneté des constructions et non d'un défaut d'entretien et d'autre part par le rapport d'évaluation de la SAFER' :
- les bâtiments et stabulation doivent être classés en catégorie 4 et auraient dû être loués de ce fait à la somme de 912 €,
- le hangar doit être classé en catégorie 2 et être loué de ce fait à la somme de 1209,60 €,
En tout état de cause, 1'article 10 intitulé 'fermage' figurant en page 12 du contrat de bail précise : '... bailleur et preneur déclare avoir été informés par le notaire.. que le montant du fermage ...est supérieur au maxima des loyers des terres et des bâtiments d'exploitation précisé par deux arrêtés des 22 juillet 2014 et 29 octobre 2014 repris dans une note récapitulative par la chambre d'agriculture de la Vienne...'.
Il en résulte donc que le GAEC rapporte ainsi, conformément aux principes sus rappelés, la preuve d'un fermage supérieur d'un dixième de la valeur locative des biens donnés à bail.
***
Cela étant, la cour ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer sur le montant du fermage au vu de la catégorie des terres louées et de leur valeur en application de l'arrêté préfectoral sus visé.
En effet, les parties sont contraires dans leurs déclarations et les pièces qu'elles produisent.
Il y a donc lieu d'ordonner une mesure d'expertise.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé de ce chef, sauf à infirmer la disposition prévoyant que l'étude de l'expert doit s'effectuer quant à la catégorie des terres louées et leur valeur locative en application de l'arrêté préfectoral de la Vienne en vigueur au 1 er juin 2015.
IV - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Les dépens d'appel doivent être supportés par les consorts [O].
***
Il n'est pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective formée en application de l'article
700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé par le tribunal paritaire des baux ruraux de Poitiers en date du 13 avril 2021 sauf en ce qu'il a mandaté l'expert pour évaluer la catégorie des terres louées et leur valeur locative en application des arrêtés préfectoraux de la Vienne en vigueur en 2018 (année de la demande de révision),
Infirmant de ce chef,
Statuant à nouveau,
Dit que l'expert commis, Monsieur [T], a pour mission de donner un avis au tribunal sur la catégorie des terres louées et leur valeur locative en application de l'arrêté préfectoral de la Vienne du 1er juin 2015 n°2015/DDT/SEADR/ 454 en vigueur au jour de la conclusion du bail intervenue les 28 et 31 août 2015,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article
700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Madame [L] [O] épouse [C], Monsieur [N] [O], Monsieur [X] [O], Madame [Z] [O] épouse [B], Monsieur [W] [O] et Monsieur [A] [O] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,