LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa sixième branche :
Vu l'article
455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (1ère Civ. 3 mars 2011 n° 10-11494), que la caisse de Crédit mutuel de Burnhaupt-le-Soultzbach, aux droits de laquelle vient la caisse de Crédit mutuel La Doller (la banque) a, selon acte reçu le 20 décembre 1991 par M. Y..., notaire associé de la SCP Y...-A..., aux droits de laquelle vient la SCP Y...-Z..., consenti aux époux X...un prêt de 1 500 000 francs, garanti par une hypothèque de troisième rang inscrite sur un immeuble leur appartenant ; qu'après le versement des fonds aux emprunteurs par l'intermédiaire de l'étude, le notaire a, par lettre du 16 janvier 1992, avisé la banque qu'après vérifications, il était apparu qu'une inscription en troisième rang existait déjà au profit de la BNP pour un montant important, et lui a demandé si elle maintenait le prêt avec une hypothèque en quatrième rang, ce que la banque a accepté, par lettre du 11 février 1992 ; que les époux X...ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, clôturée pour insuffisance d'actifs, la banque a assigné l'office notarial en indemnisation de la somme qu'elle aurait pu percevoir si son inscription avait primé celle de la BNP ;
Attendu que pour rejeter l'ensemble de ses demandes, l'arrêt énonce que la banque, qui le reconnaît elle-même dans sa lettre du 11 février 1992, ne justifie d'aucun préjudice dès lors que son autre inscription de deuxième rang venant à expiration dans des délais très brefs, elle était assurée que l'inscription hypothécaire prise par M. Y...en quatrième rang au lieu du troisième, tel que prévu à l'acte, passerait de fait au troisième rang ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la banque qui soutenait que son inscription hypothécaire, quand bien-même aurait-elle repris un troisième rang, n'en restait pas moins primée par l'inscription antérieure de la BNP, laquelle grevait le bien donné en garantie et diminuait d'autant l'efficacité de la sûreté destinée à garantir le prêt consenti aux époux X..., la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que M. Y...et la SCP Y...-A... ont commis une faute, l'arrêt rendu le 12 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la SCP Y...-Z..., M. Y... et Mmes Y...aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette leur demande ; les condamne à payer à la caisse de Crédit mutuel La Doller la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, signé par Mme Crédeville, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles
456 et
1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire empêché et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour la caisse de Crédit mutuel La Doller.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué du 12 novembre 2013, tel que rectifié par l'arrêt du 27 février 2014, D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la CCM LA DOLLER de sa demande de réparation formée à l'encontre des notaires ;
AUX MOTIFS QU'il appartient à celui qui se prévaut d'un principe de responsabilité quasi délictuelle de démontrer l'existence d'un préjudice certain présentant un lien de causalité directe avec la faute commise ; que le 16 janvier 1992, M. Jean Philippe Y...écrivait à la Caisse de Crédit Mutuel : « « Compte tenu des éléments en ma possession lors de la rédaction de l'acte et de l'impossibilité matérielle de vérifier ces informations (les services du livre foncier étant en grève), j'ai requis l'inscription de votre hypothèque en troisième rang, après deux hypothèques prises au profit du Crédit Immobilier de Thann et de votre établissement. Or, après vérification, il s'est avéré qu'il existe déjà une inscription en troisième rang, à savoir une hypothèque conventionnelle pour sûreté de la somme principale 450 000 F, montant d'un cautionnement partiel au profit de la Banque Nationale de Paris. Votre hypothèque a donc le quatrième rang. Par conséquent, je vous prie de bien vouloir m'indiquer votre accord de maintenir le prêt compte tenu des éléments évoqués ci-dessus » ; que le 11 février 1992, la Caisse de Crédit Mutuel répondait : « Nous venons de contrôler le prêt cité sous référence. L'inscription hypothécaire en notre faveur du 4 avril 1977 sera caduque le 31 mars 1992 (reste à payer deux échéances sur prêt). Nous considérons par conséquent que le prêt peut être maintenu tel quel » ; que par là-même, la Caisse de Crédit Mutuel a reconnu ellemême ne pas subir de préjudice résultant de la faute du notaire puisque son autre inscription de deuxième rang venant à expiration dans des délais très brefs, elle était assurée que l'inscription hypothécaire prise par Maître Y...en quatrième rang au lieu du troisième, comme il était prévu à l'acte notarié pour garantie du prêt consenti aux époux X..., passerait mécaniquement au troisième rang ; que dans ces conditions, faute de préjudice et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens, il convient de confirmer la décision entreprise qui a débouté la Caisse de Crédit Mutuel de ses demandes ;
1)° ALORS QUE en déboutant la banque de sa demande indemnitaire après avoir caractérisé la faute du notaire et constaté que cette faute rendait les garanties hypothécaires prévues à l'acte de prêt inefficaces, le rang initialement prévu n'étant pas assuré en présence d'une hypothèque de troisième rang prise pour le compte d'un autre créancier, la cour d'appel a violé l'article
1382 du code civil ;
2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent, sous couvert d'interprétation, dénaturer les écrits soumis à leur appréciation ; que par sa lettre du 11 février 1992 précisant que « l'inscription hypothécaire en notre faveur du 4 avril 1977 sera caduque le 31 mars 1992 (reste à payer deux échéances sur prêt). Nous considérons par conséquent que le prêt peut être maintenu tel quel », la banque prêteuse ne faisait qu'observer qu'il ne pouvait être remédier à la révélation tardive d'une inscription hypothécaire de la BNP en troisième rang en garantie d'une créance de 400 000 F, les fonds ayant d'ores et déjà été décaissés et les emprunteurs dans l'impossibilité de les restituer ; qu'en affirmant que cette lettre contenait une reconnaissance de la banque de ce qu'elle ne subissait pas de préjudice résultant de la faute du notaire, la cour d'appel a dénaturé cette lettre du 11 février 1992 et violé l'article
1134 du code civil ;
3°) ALORS QUE il est interdit au juge de fonder sa décision sur une contestation qu'il a élevée de son propre mouvement là où aucun désaccord n'était apparu entre les parties ; qu'en énonçant que par sa lettre du 11 février 1992, la banque avait reconnu elle-même ne pas subir de préjudice résultant de la faute du notaire, cependant que les défendeurs à l'action n'avaient jamais prétendu que la banque n'avait pas subi de préjudice et qu'elle l'avait reconnu dans sa lettre du 11 février 1992, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article
4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en l'espèce, il n'était ni soutenu ni même simplement allégué que la banque aurait reconnu dans sa lettre du 11 février 1992 n'avoir subi aucun préjudice résultant de la faute du notaire puisque son autre inscription de deuxième rang venant à expiration dans des délais très brefs, elle aurait été assurée que l'inscription hypothécaire prise en quatrième rang au lieu du troisième passerait mécaniquement au troisième ; qu'en fondant sa décision sur ce moyen, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article
16 du code de procédure civile ;
5°) ALORS subsidiairement QU'à supposer même que la lettre du 11 février 1992 ait contenu reconnaissance par la banque de ce qu'elle ne subissait pas de préjudice résultant de la révélation tardive d'une inscription hypothécaire primant la sienne, cette lettre ne faisait pas obstacle à une demande indemnitaire ultérieure dès lors qu'au moment de l'envoi de cette lettre, le préjudice n'était qu'hypothétique et que la banque pouvait en conséquence demandé réparation de son préjudice une fois ce dernier constitué ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article
1382 du code civil ;
6°) ALORS QU'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la banque faisant valoir que le préjudice résultait de l'existence d'une inscription hypothécaire en troisième rang d'un autre créancier pour une somme conséquente et de ce que son hypothèque était précédée par une autre inscription d'un autre créancier, la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile ;
7) ALORS QUE il était indifférent que l'inscription de la banque, prise en quatrième rang, passe automatiquement en troisième rang en suite de l'expiration de son autre inscription de deuxième rang dès lors que, en toute hypothèse, son hypothèque se trouvait précédée par celle de la BNP prise pour une somme conséquente et dont le notaire ne l'avait pas informée ni au moment de la signature de l'acte, ni lors du versement des fonds ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard de l'article
1382 du code civil.