Chronologie de l'affaire
Cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre, section A) 08 novembre 1993
Cour de cassation 19 mars 1996

Cour de cassation, Première chambre civile, 19 mars 1996, 94-10965

Mots clés donation · nullité · action en nullité · prescription · nullité soulevée par le défendeur par voie d'exception à une action de revendication · prescription quinquennale · separation de biens conventionnelle · acquisition d'un immeuble par les époux · acquisition indivise · paiement en totalité par la femme · propriété indivise des époux · conséquence · mari propriétaire de la moitié de l'immeuble

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 94-10965
Dispositif : Rejet
Textes appliqués : Code civil 1538, Nouveau code de procédure civile 73
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre, section A), 08 novembre 1993
Président : Président : M. LEMONTEY
Rapporteur : M. Thierry
Avocat général : M. Sainte-Rose

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre, section A) 08 novembre 1993
Cour de cassation 19 mars 1996

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Marie-Jeannne Y..., veuve Z..., demeurant Quartier de Magagnosc, Villa Beauséjour, 06130 Grasse,

en cassation d'un arrêt rendu le 8 novembre 1993 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1re chambre, section A), au profit de Mme Michèle B... épouse X..., demeurant ...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt;

LA COUR, en l'audience publique du 6 février 1996, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Thierry, conseiller rapporteur, MM. Renard-Payen, Chartier, Ancel, Durieux, conseillers, M. Savatier, Mme Bignon, conseillers référendaires, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre;

Sur le rapport de M. le conseiller Thierry, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Y... veuve Z..., de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de Mme B... épouse X..., les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que les époux A... se sont mariés le 24 juillet 1952 sous le régime de la séparation de biens; que, par acte notarié du 26 décembre 1958, le mari a fait donation à sa femme de l'universalité des biens destinés à composer sa succession; que cet acte n'a pas été signé par les parties; que, le 18 décembre 1966, les époux Z... ont acquis indivisément, chacun pour moitié, la villa "Beauséjour" sise à Grasse, moyennant le prix de 160 000 francs, dont 60 000 francs réglés au comptant et le solde de 100 000 francs payé à l'aide d'un emprunt; que M. Wenck est décédé le 9 juin 1979; que, le 16 août 1982, Mme Michèle Wenck épouse Cabane, enfant d'un premier lit de M. Wenck, a assigné sa belle-mère en liquidation-partage de la succession de ce dernier; que, le 14 janvier 1986, Mme Cabane a assigné de nouveau Mme veuve Wenck, cette fois en licitation de la villa "Beauséjour"; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 novembre 1993) a accueilli cette dernière demande;

Sur le premier moyen

:

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné la vente aux enchères publiques de la villa "Beauséjour", alors, selon le moyen, que l'exception de nullité ne peut être soulevée sans limitation de durée que lorsqu'elle a pour but de défendre à une action principale en exécution d'un contrat; que l'action de Mme Cabane en liquidation-partage de la succession et en licitation de la villa "Beauséjour", objet d'une donation de M. Z... à sa femme, soulevait implicitement et à titre principal la nullité de cette donation, qui n'était pas opposée par voie d'exception; que cette action en nullité étant soumise à la prescription quinquennale, acquise en l'espèce, la cour d'appel, en accueillant néanmoins l'action, a violé l'article 71 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1304 du Code civil;

Mais attendu que Mme X... ayant sollicité la licitation de la villa "Beauséjour", Mme veuve Z... s'est opposée à cette demande en revendiquant la propriété exclusive de cette villa sur le fondement de la donation que son mari lui aurait consentie le 26 décembre 1958; que, défendeur à cette revendication, Mme X... a soulevé la nullité de la donation; que la cour d'appel en a exactement déduit que cette nullité avait été invoquée par voie d'exception, et que Mme veuve Z... ne pouvait opposer à son adversaire la prescription quinquennale; que le premier moyen ne peut être accueilli;

Sur le deuxième moyen

:

Attendu qu'il est également reproché à la cour d'appel d'avoir décidé que les époux Z... étaient propriétaires indivis de la villa "Beauséjour" à concurrence de 50 % chacun, alors, selon le moyen, que les gains professionnels d'un époux marié sous le régime de la séparation de biens lui demeurent personnels, et que les biens achetés avec ces fonds lui appartiennent; qu'en considérant que la villa "Beauséjour" était la propriété indivise des époux Z..., tout en constatant que les fonds utilisés pour cette acquisition avaient principalement été prélevés sur un compte ouvert au nom de Mme Z... et alimenté par ses revenus provenant exclusivement de l'exploitation d'un fonds de commerce, l'arrêt attaqué a violé l'article 1538 du Code civil;

Mais attendu que, sous le régime de la séparation de biens, l'époux qui acquiert un immeuble ou une fraction de cet immeuble, pour son compte, même si le prix en a été payé par des deniers provenant pour la plus grande partie ou même en totalité de son conjoint, en devient propriétaire; qu'en l'espèce, l'acquisition litigieuse ayant été effectuée indivisément par les époux, "chacun pour moitié", le mari était devenu propriétaire d'une moitié de la villa "Beauséjour"; que le deuxième moyen est donc inopérant;

Sur le troisième moyen

:

Attendu que Mme veuve Z... fait enfin grief à l'arrêt d'avoir dit que les meubles garnissant la villa "Beauséjour" étaient la propriété indivise des époux Z..., alors, selon le moyen, que la société en nom collectif dispose d'un patrimoine distinct de celui de ses associés; qu'en estimant qu'était rapportée la preuve selon laquelle les meubles garnissant cette villa appartenaient en commun aux époux Z..., dès lors que Mme Z... avait reconnu qu'ils étaient la propriété de la SNC Z... et compagnie, la cour d'appel a violé les articles 1 et 6 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966;

Mais attendu que, dans ses conclusions d'appel, Mme veuve Z... n'a jamais soutenu cette thèse; qu'il s'ensuit que le troisième moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit et, par suite, irrecevable;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Rejette la demande de Mme X... formée sur le fondement de ce texte;

Condamne Mme Y... veuve Z..., envers Mme B... épouse X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-seize.