CIV. 1
CGA
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 juin 2018
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 660 F-P+B
Pourvoi n° F 17-20.911
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
Statuant sur le pourvoi formé par M. Sylvain X..., domicilié [...],
contre l'arrêt rendu le 9 mai 2017 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme Z... X..., domiciliée [...],
2°/ à Mme Odile Y..., domiciliée [...],
3°/ à l'ATIMP 44, dont le siège est [...], prise en qualité de tuteur Mme Z... X...,
4°/ au procureur général près la cour d'appel de Rennes, domicilié en son parquet général, place du Parlement de Bretagne, CS 66423, [...],
défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 23 mai 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Le Cotty , conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Le Cotty , conseiller référendaire, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. X..., l'avis de Mme A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué
(Rennes, 9 mai 2017), que, sur requête de Mme Y..., le juge des tutelles a placé Mme Z... X..., sa fille, née le [...], sous tutelle, un mandataire judiciaire à la protection des majeurs étant désigné en qualité de tuteur ; que M. X..., père de la majeure protégée, a interjeté appel de cette décision en limitant expressément son recours au choix du tuteur ;
Sur le premier moyen
:
Attendu que M. X... fait grief à
l'arrêt de désigner en qualité de tuteur l'ATIMP 44, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, alors, selon le moyen :
1°/ que si, par exception au principe qui veut que dans le cadre d'une procédure orale, seuls les prétentions et les moyens formulés à l'audience saisissent le juge, il peut être admis, sur le fondement de l'article
432 du code de procédure civile, que l'avis du ministère public peut être formulé par écrit, c'est à la condition que, corrélativement, il soit constaté que les parties à l'instance, notamment lors des débats, ont eu connaissance de cet avis et ont pu en débattre ; que la régularité de la procédure postule que l'on puisse constater que cette formalité a été respectée ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour que le ministère public a émis un avis écrit le 3 mars 2017 tendant à la confirmation de la décision déférée ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que les conclusions écrites du ministère public avaient été mises à la disposition de M. X... afin qu'il puisse y répondre utilement, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard des articles
16 et
431 du code de procédure civile, ensemble 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ que la procédure devant la cour d'appel statuant sur les recours contre les décisions du juge des tutelles est orale ; qu'en se fondant sur le rapport écrit de l'ATIMP 44 en date du 15 février 2017 dont elle constate pourtant qu'elle était non comparante, ni représentée la cour d'appel a violé les articles
446-1,
472,
473 et
1245 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en statuant comme elle l'a fait au vu du rapport de l'ATIMP 44 en date du 15 février 2017, reçu au greffe le 20 février sans qu'il résulte de ses constatations que ce rapport avaient été communiqué aux parties et notamment à M. X..., et qu'elles avaient eu la possibilité d'y répondre, la cour d'appel a violé les articles
16,
432 et
1245 du code de procédure civile, ensemble 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu
qu'il résulte des pièces de la procédure que l'avis écrit du ministère public et le rapport de situation du mandataire judiciaire à la protection des majeurs du 15 février 2017, qui ne contenait pas de prétentions et moyens au sens de l'article
446-1 du code de procédure civile, figuraient au dossier de la cour d'appel, que M. X... avait la possibilité de consulter, en application de l'article
1222 du code de procédure civile ; que, ces éléments du dossier ayant ainsi été mis à sa disposition, avant l'audience, afin qu'il puisse y répondre utilement, le principe de la contradiction et les garanties conventionnelles résultant de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnus ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
:
Attendu que M. X... fait le même grief à
l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que le motif dubitatif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce pour confier la tutelle de Mme X... à un tiers, la cour a relevé que M. X... se serait fait prêter par Mme X... des fonds dans des conditions indéterminées et que les fonds litigieux auraient été inscrits en compte courant d'associé ouvert au nom de M. X... ; qu'en se prononçant par des motifs dubitatifs impropres à justifier sa décision, la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, diviser la mesure de protection entre un tuteur chargé de la protection de la personne et un tuteur chargé de la gestion patrimoniale ; qu'au cas présent, la cour s'est exclusivement bornée à critiquer les répercussions négatives occasionnés par le montage financier de M. X... sur les droits à prestations sociales de Mme X... pour désigner l'ATIMP 44 en qualité de tuteur, qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur les raisons pour lesquelles elle ne désignait pas M. X... en qualité de tuteur à la personne de Mme X..., la cour d'appel, qui a pourtant constaté qu'il avait toujours vécu avec la majeure protégée avec laquelle il était uni par une affection sincère et réciproque, a privé sa décision de base légale au regard des articles
449 et
450 du code civil, ensemble l'article
415 du même code ;
Mais attendu
que la cour d'appel a relevé, d'une part, les répercussions négatives occasionnées par le montage financier réalisé par M. X... sur les droits à prestations sociales de sa fille, lesquelles n'avaient pu être corrigées que grâce à l'intervention de l'ATIMP 44, d'autre part, par motifs adoptés, la difficulté pour M. X... à envisager la volonté propre de la majeure protégée, en dépit du courage et de l'énergie dont il faisait preuve dans les actions menées pour elle, et la nécessité pour cette dernière de bénéficier d'un regard neutre, à l'abri des tensions familiales, sur sa situation et les décisions à prendre à l'avenir ; qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la première branche, elle a ainsi légalement justifié sa décision de désigner, dans l'intérêt de la majeure protégée, un tiers en qualité de tuteur aux biens et à la personne ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir désigné en qualité de tuteur l'Association de Tutelles dans l'intérêt des Majeurs Protégés pour la Loire Atlantique à Saint Herblain, mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
- AU MOTIF QUE L'appelant a fait déposer par son conseil des conclusions écrites le 27 septembre 2016, par lesquelles il fait valoir que :
* contrairement à ce qu'elle allègue, Madame Y... n'a pas été incitée par l'équipe éducative de l'ESAT à engager une action eu vue de l'ouverture d'une mesure de protection pour le compte de Z... X... ;
* il n'existe aucun risque de malversation financière sur les comptes de la majeure protégée, l'appelant disposant d'un patrimoine personnel le mettant à l'abri de toute tentation et ayant constitué une épargne à sa fille, destinée à faire en sorte qu'elle ne manque de rien s'il venait à disparaître ;
* Madame Y... ne souhaite pas s'occuper de Z..., puisqu'elle ne veut être ni tutrice, ni subrogée tutrice de leur fille : elle désire uniquement avoir accès à ses comptes ;
* l'appelant s'est toujours occupé de sa fille, depuis que Madame Y... a quitté le domicile conjugal courant 2001; il a toujours tout fait pour accompagner Z..., tout en la responsabilisant et en favorisant son autonomie ; que les articles
446 à
451 du code civil prévoient que le tuteur doit être prioritairement désigné parmi les membres de la famille de la majeure protégée ; qu'il est, dès lors, dans l'intérêt de Z... que son père soit désigné en qualité de tuteur, une forte relation de confiance s'étant créée entre eux ;
* l'existence de dissensions familiales, même très vives, ne permet pas d'écarter des fonctions de tuteur un membre de la famille et de nommer un tiers ; qu'en l'espèce, le différend familial est vieux de 15 ans ; que Monsieur X... n'a jamais impliqué sa fille dans ce conflit et ne s'est jamais opposé aux relations entre Z... et sa mère ; que la majeure protégée occupe un logement qui lui est propre et que rien n'empêche Madame Y... de s'y rendre ; qu'ainsi, l'absence de relations entre Z... et Madame Y... n'est que la conséquence du désintérêt manifesté par celle-ci à l'égard de sa fille.
Il sollicite, en conséquence, la réformation du jugement déféré ; sa désignation en qualité de tuteur de sa fille Z... X... ; le débouté de Madame Odile Y... de toutes ses demandes, fins et concluions plus amples ou contraires ; la condamnation de Madame Odile Y... à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
Dans son rapport du 15 février 2017, reçu au greffe de la cour le 20 février 2017, l'ATIMP 44 précise que la majeure protégée se rend chez chacun de ses parents une fin de semaine sur deux ; qu'elle perçoit des ressources mensuelles d'un montant total de 1.100 €.
Le tuteur indique que le montant des sommes dont Z... X... est susceptible de disposer a diminué, en raison d'investissements inadaptés effectués par son père. La majeure protégée a prêté à Monsieur Sylvain X... la somme de 42.000 € en août 2012 et celle de 5.632,64 € courant avril 2013 ; que ces sommes ont été inscrites par le père sur son compte-courant d'associé ouvert dans les livres de la SARL dont il est l'associé unique ; que ces sommes sont censées porter intérêts au taux de 5 % l'an et que ces prêts seront remboursés lors de la vente des actifs de la société. Ces intérêts étant fiscalisés, ils ont eu un impact sur l'allocation pour adulte handicapé, l'aide personnalisée au logement et la prime d'activité versées à Z... X..., laquelle a dû reverser, de surcroît, 90 % du montant de ces intérêts. Le père indiquant qu'il n'avait pas conscience de l'impact de la perception de ces intérêts sur les droits dont sa fille pouvait bénéficier, il a fait un chèque à sa fille, d'un montant correspondant à celui de ces intérêts.
Le ministère public a émis, le 3 mars 2017, un avis écrit tendant à la confirmation de la décision déférée. A l'audience de la cour, le conseil de l'appelant a développé oralement les conclusions écrites précédemment déposées.
- ALORS QUE D'UNE PART si, par exception au principe qui veut que dans le cadre d'une procédure orale, seuls les prétentions et les moyens formulés à l'audience saisissent le juge, il peut être admis, sur le fondement de l'article
432 du code de procédure civile, que l'avis du ministère public peut être formulé par écrit, c'est à la condition que, corrélativement, il soit constaté que les parties à l'instance, notamment lors des débats, ont eu connaissance de cet avis et ont pu en débattre ; que la régularité de la procédure postule que l'on puisse constater que cette formalité a été respectée ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour que le ministère public a émis un avis écrit le 3 mars 2017 tendant à la confirmation de la décision déférée ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que les conclusions écrites du ministère public avaient été mises à la disposition de M. Sylvain X... afin qu'il puisse y répondre utilement, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle au regard des articles
16 et
431 du code de procédure civile, ensemble 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
- ALORS QUE D'AUTRE PART la procédure devant la cour d'appel statuant sur les recours contre les décisions du juge des tutelles est orale ; qu'en se fondant sur le rapport écrit de l'ATIMP 44 en date du 15 février 2017 dont elle constate pourtant qu'elle était non comparante, ni représentée la cour d'appel a violé les articles
446-1,
472,
473 et
1245 du code de procédure civile
- ALORS QUE DE TROISIEME PART et en tout état de cause en statuant comme elle l'a fait au vu du rapport de l'ATIMP 44 en date du 15 février 2017, reçue au greffe le 20 février sans qu'il résulte de ses constatations que ce rapport avaient été communiqué aux parties et notamment à M. Sylvain X..., et qu'elles avaient eu la possibilité d'y répondre, la Cour d'appel a violé les articles
16,
432 et
1245 du code de procédure civile, ensemble 6 de la convention européenne des droits de l'Homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir désigné en qualité de tuteur l'Association de Tutelles dans l'intérêt des Majeurs Protégés pour la Loire Atlantique à Saint Herblain, mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
- AU MOTIF QUE Seule reste en discussion la question du choix du tuteur. L'article
449 du code civil dispose que le juge nomme, comme tuteur, le conjoint de la personne protégée, le partenaire avec qui elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin, à moins que la vie commune ait cessé entre eux ou qu'une autre cause empêche de lui confier la mesure. A défaut de nomination faite en application de l'alinéa précédent, le juge désigne un parent, un allié ou une personne résidant avec le majeur protégé ou entretenant avec lui des liens étroits et stables. L'article
450 du même code prévoit la désignation mandataire judiciaire à la protection des majeurs dans le cas la famille ou aucun proche ne peut assurer la tutelle. Si, comme le souligne le conseil de l'appelant l'existence de dissensions familiales ne suffit pas à écarter le principe de la préférence familiale défini par l'article
449 du code civil, beaucoup plus inquiétante apparait en l'espèce l'utilisation faite par Monsieur Sylvain X... de fonds appartenant à la protégée, qu'il se serait fait prêter par celle-ci, dans des indéterminées puisqu'il a été constaté médicalement que Z... X... est hors d'état d'exprimer sa volonté et que, dès lors, se pose la question de son consentement à un acte de prêt aurait pu être recueilli, En outre, ces fonds auraient été inscrits au compte-courant d'associé ouvert au nom de l'appelant, dans les livres de la SARL dont il est l'associé unique. Par ailleurs, Monsieur Sylvain X... prétend avoir fait le nécessaire, par devant notaire, pour que sa fille puisse récupérer le capital et les intérêts au cas où il lui arriverait malheur. Force est de constater que l'ensemble de ces déclarations ne constituent que des allégations, l'appelant n'ayant produit aucun élément de nature à les corroborer. Ce qui est bien réel, en revanche, ce sont les répercussions négatives occasionnées par ce montage financier sur les droits à prestations sociales de Z... X..., qui n'ont été corrigées que grâce à l'intervention de l'ATIMP 44. La cour estime que ces circonstances constituent, au sens de l'article
449 du code civil précité, une cause de nature à empêcher que la mesure de protection relative à Z... X... puisse être confiée à Monsieur Sylvain X.... En conséquence, le jugement déféré sera confirmé.
- ALORS QUE D'UNE PART le motif dubitatif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce pour confier la tutelle de Z... X... à un tiers, la cour a relevé que M. Sylvain X... se serait fait prêter par Z... X... des fonds dans des conditions indéterminées et que les fonds litigieux auraient été inscrits en compte courant d'associé ouvert au nom de M. Sylvain X... ; qu'en se prononçant par des motifs dubitatifs impropres à justifier sa décision, la cour d'appel a violé article
455 du nouveau code de procédure civile
- ALORS QUE D'AUTRE PART et subsidiairement le juge peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, diviser la mesure de protection entre un tuteur chargé de la protection de la personne et un tuteur chargé de la gestion patrimoniale ; qu'au cas présent, la cour s'est exclusivement bornée à critiquer les répercussions négatives occasionnés par le montage financier de M. X... sur les droits à prestations sociales de Z... X... pour désigner l'ATIMP 44 en qualité de tuteur, qu'en se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur les raisons pour lesquelles elle ne désignait pas M. Sylvain X... en qualité de tuteur à la personne de Z... X..., la cour d'appel, qui a pourtant constaté qu'il avait toujours vécu avec la majeure protégée avec lequel il était uni par une affection sincère et réciproque, a privé sa décision de base légale au regard des articles
449 et
450 du code civil, ensemble l'article
415 du même code.