Vu la procédure suivante
:
Par une requête enregistrée le 12 octobre 2023, Mme C A, représentée par Me Barthélémy, demande au juge des référés sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 11 septembre 2023 du préfet de la Haute-Garonne portant interdiction administrative de stade ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
s'agissant de la condition tenant à l'urgence :
-l'interdiction de se rendre au stade porte atteinte aux libertés fondamentales d'aller et de venir, d'expression, de réunion et d'association, et l'obligation de pointage porte pour sa part atteinte à la liberté d'entreprendre en ce qu'elle oblige à poser des congés pour pouvoir s'y conformer ainsi qu'au droit au respect de la vie privée en ce qu'elle a pour effet de passer le week-end et ses soirées à pointer plutôt que les passer en famille ;
-la mesure contestée présente un caractère disproportionné dès lors qu'elle lui impose de se rendre au commissariat à chaque rencontre sportive disputée par le club de football du Toulouse Football Club (TFC), lequel devrait, en fonction de ses résultats sportifs, disputer entre 40 et 54 rencontres cette saison du fait de son engagement dans plusieurs compétitions nationales et internationales, cette obligation portant atteinte, d'une part, à sa vie étudiante dans la mesure où elle prépare un master ressources humaines en alternance chez Airbus et que les rencontres se disputant du jeudi au dimanche, quatre jours de la semaine sur sept, sont donc sujettes à occurrences hebdomadaires de pointage, occurrences étant difficiles à prévoir à l'avance car les horaires exacts des rencontres ne sont communiqués par les diffuseurs télévisuels et la ligue de football professionnel (LFP) que trois à quatre semaines à l'avance, en championnat et qu'en coupe de France et coupe d'Europe, le calendrier ne peut pas être anticipé car le match suivant dépend du résultat du match précédent, d'autre part, à sa vie privée et familiale dans la mesure où, résidant désormais à Castelginest, elle a demandé à pouvoir pointer à la gendarmerie locale, laquelle ferme toutefois à 18h00 ce qui est incompatible avec les matchs se tenant en soirée et devant donc se rendre à l'hôtel de police du centre-ville de Toulouse pour chaque pointage, ce alors qu'elle ne peut pas se déplacer en voiture et qu'elle doit donc faire l'aller-retour en transports en commun, ce qui lui prend au total plus de deux heures à chaque fois, ces contraintes n'étant pas seulement logistiques, mais générant également de la fatigue physique et, notamment, une baisse de productivité au travail quand le club joue en coupe d'Europe le jeudi, et elle ne peut plus prévoir ni week-end, ni vacances, ni sorties à l'avance car le calendrier n'est pas connu suffisamment tôt ;
-il n'existe aucun impératif d'intérêt général de porter une atteinte aussi lourde à ses libertés fondamentales, n'ayant aucun antécédent et surtout, dès lors qu'elle ne va jamais voir les rencontres d'un club qu'elle ne soutient pas, n'étant pas même amatrice de football, de sorte qu'il n'existe aucun risque qu'elle vienne à méconnaître la mesure d'interdiction de stade prise à son encontre, méconnaissance qui l'exposerait à une peine d'emprisonnement ;
s'agissant de la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée :
-si, comme elle l'affirme, l'administration lui a vraisemblablement adressé en recommandé un courrier daté du 30 juin 2023 l'informant de la possibilité que soit prise à son encontre une décision d'interdiction administrative de stade, elle n'en a jamais été rendue destinataire et l'administration a méconnu le principe du contradictoire en s'abstenant de la contacter alors qu'elle disposait du temps nécessaire pour ce faire avant de lui notifier, trois mois plus tard, la mesure contestée ;
-l'affirmation selon laquelle elle aurait " introduit et fait usage d'un engin pyrotechnique en tribune " manque en fait ou relève d'une erreur de qualification en ce qu'il reprend la formulation de l'article
L. 332-8 du code du sport dès lors, d'une part, qu'elle n'a jamais pu accéder aux tribunes puisqu'elle a été interpellée avant d'accéder au stade, au moment de la fouille de ses affaires, d'autre part, qu'elle n'a pu faire usage d'un engin pyrotechnique, ce qui n'était d'ailleurs nullement son intention, ayant simplement accepté à la demande de ses amis de placer cet engin pyrotechnique dans sa boîte à lunettes, dans la mesure où cet engin a été confisqué au stade de la fouille, avant même de pouvoir être utilisé ;
-elle admet avoir accepté, pour le compte de ses amis, d'avoir tenté d'introduire un engin pyrotechnique en tribunes, sans avoir réellement conscience de l'illégalité et des conséquences judiciaires de son acte, mais n'a donc jamais introduit ni fait usage d'un tel engin ;
-la décision contestée est entachée d'une erreur de droit dès lors, d'une part, qu'elle ne s'appuie sur aucun des quatre fondements de l'article
L. 332-16 du code du sport, d'autre part, que les faits qui lui sont reprochés ne révèlent aucun agissement grave, n'ayant porté atteinte à la sécurité de personne ni à l'intégrité d'un quelconque bien, la pyrotechnie non autorisée étant certes illégale mais ne caractérisant aucun acte grave en l'absence de composant explosif ou de fumée dangereuse ;
-en ce qu'il évoque simplement que sa présence dans une enceinte sportive serait " constitutive d'un risque de trouble à l'ordre public ", l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de droit, dès lors qu'il s'agirait d'un simple risque et non d'une menace et qu'au surplus, ce risque ou ce trouble redoutés ne sont d'aucune gravité ;
-l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il retient qu'elle constituerait un tel risque de trouble à l'ordre public, n'ayant aucun antécédent, n'allant jamais au stade, sauf cette occurrence exceptionnelle, n'étant pas supportrice du club de football de Toulouse, n'ayant adopté aucun comportement agressif, violent, menaçant, injurieux ou discriminatoire et n'ayant aucune volonté d'utiliser un engin pyrotechnique ;
-le principe même de cette mesure d'interdiction administrative de stade présente un caractère disproportionné, la durée de cette mesure, soit la durée maximale de douze mois, est elle-même disproportionnée ;
-l'obligation de pointage telle que posée à l'article 2 de l'arrêté contesté présente également un caractère disproportionné dès lors, d'une part, que l'administration ne justifie pas en quoi il apparaîtrait manifeste qu'elle entendrait se soustraire à la mesure d'interdiction, d'autre part, au regard de l'acte en cause qui ne s'avère ni grave, ni dangereux et compte tenu de son comportement calme, responsable et collaboratif au moment de la fouille et de l'interpellation, enfin dans la mesure où elle n'est pas supportrice du club de football de Toulouse et ne se rend jamais au stade, sauf ce jour-là.
Vu :
-les autres pièces du dossier ;
-la requête n° 2306209 enregistrée le 6 octobre 2023 tendant à l'annulation de la décision contestée.
Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal a désigné M. B pour statuer sur les demandes de référé.
Considérant ce qui suit
:
1. Il ressort des pièces versées dans l'instance que Mme A s'est rendue au stadium de Toulouse le 27 mai 2023 pour assister à la rencontre opposant, à l'occasion de la 37ème journée du championnat de France de ligue 1 de football, l'équipe du Toulouse Football Club (TFC) à celle de l'Association de la Jeunesse Auxerroise (AJ Auxerre). Lors des opérations de contrôles de sécurité à l'entrée du stade a été découvert, dans ses effets et en particulier dans son étui à lunettes rangé dans son sac-à-dos, un engin pyrotechnique de type fumigène. Au vu de ces faits, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé à l'encontre de l'intéressée, par un arrêté daté du 11 septembre 2023, une mesure d'interdiction administrative de stade pour une durée de 12 mois, et plus précisément, selon les énonciations de l'article 1er de cet arrêté, une interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive de l'équipe de football du Toulouse Football Club ou une rencontre d'Europa League ou de Champion's League, assortie d'une obligation de pointage fixée à la mi-temps de chaque match du Toulouse Football Club, y compris s'il se déroule sur le territoire d'un Etat étranger. Par la présente requête, Mme A demande au juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ". Aux termes de l'article
L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles
L. 521-1 et
L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (). ". L'article
L. 522-3 de ce même code dispose : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article
L. 522-1 ".
3. Il résulte des dispositions citées au point 1 que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il en va ainsi, alors même que cette décision n'aurait un objet ou des répercussions que purement financiers et que, en cas d'annulation, ses effets pourraient être effacés par une réparation pécuniaire. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.
4. En l'espèce, pour justifier de l'urgence, Mme A, qui affirme qu'elle n'est pas supportrice du TFC et ne va jamais au stade, excepté ce jour du 27 mai 2023 où, par curiosité, elle a accompagné des amis, l'un d'entre eux selon ses affirmations lui ayant demandé de cacher le fumigène dans sa boîte de lunettes, n'apparaît donc pas directement affectée par la mesure d'interdiction administrative de stade qui a été prononcée à son encontre. S'agissant de l'obligation de pointage à laquelle est astreinte l'intéressée par l'arrêté en litige, qui dans l'hypothèse, qui ne peut être exclue, où le TFC remporterait l'ensemble des matchs de coupes nationale et internationales dans lesquelles il est engagé pour la saison 2023-2024, conduirait à ce qu'elle se présente devant les autorités de police au maximum à 54 reprises, soit une fois par semaine, elle se borne à invoquer, de manière insuffisamment circonstanciée, les inconvénients que présenteraient pour elle cette obligation au regard de sa vie étudiante et de sa vie privée et familiale, ce alors que les matchs de Coupe d'Europe ont lieu les jeudis et, faisant l'objet de diffusion télévisuelle, sont ordinairement programmés en soirée, les autres matchs se tenant selon les cas soit les vendredis, les samedis ou les dimanches, et affirme, sans aucunement l'établir, qu'elle ne peut se déplacer en voiture pour aller pointer à l'hôtel de police du centre-ville de Toulouse en provenance de Castelginest où elle réside, ce alors qu'elle est en capacité de se rendre à l'université au sein de laquelle elle est étudiante et sur le site de la société Airbus avec laquelle elle a conclu un contrat de formation en alternance. L'ensemble de ces éléments n'est ainsi pas de nature, en l'état de l'instruction, à révéler l'existence d'une situation d'urgence justifiant que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient des dispositions précitées de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté querellé, il y a lieu de rejeter la requête de l'intéressée selon la procédure prévue à l'article
L. 522-3 précité du même code.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C A.
Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Fait à Toulouse, le 23 octobre 2023.
Le juge des référés,
B. B
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
la greffière en chef,
ou par délégation, la greffière,