Cour d'appel de Douai, 22 mai 2008, 07/07681

Synthèse

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Texte intégral

COUR D'APPEL DE DOUAI TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT

DU 22/05/2008 * * * N° RG : 07/07681 Offre FIVA du 04 Octobre 2007 DEMANDEUR Monsieur Ahmed X... né le 01 Juin 1947 à AIT CHAFA (ALGERIE) Demeurant ... 59760 GRANDE SYNTHE représenté par Me BOUVET de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS DÉFENDEUR FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE Ayant son siège social Tour Galliéni II 36 Avenue du Général de Gaulle 93175 BAGNOLET CEDEX représenté par Me Mario CALIFANO, avocat au barreau de LILLE COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Madame MERFELD, Président de chambre Madame BERTHIER, Conseiller Monsieur KLAAS, Conseiller --------------------- GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame AMBROZIEWICZ DÉBATS à l'audience publique du 26 Mars 2008, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe. ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 Mai 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame MERFELD, Président, et Madame AMBROZIEWICZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ***** Monsieur Ahmed X... , né le 1er juin1947, qui exerçait son activité professionnelle en qualité d'étancheur asphalteur pour la Société SMAC depuis 1973 a présenté un cancer broncho-pulmonaire qui a été diagnostiqué le 6 juillet 2006. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de DUNKERQUE a reconnu le caractère professionnel de sa maladie et lui a attribué un taux d'incapacité de 70 % à compter du 2 novembre 2007. Monsieur X... a saisi le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante (FIVA) qui, le 4 octobre 2007, lui a présenté une offre d'indemnisation établie comme suit : - préjudice patrimonial taux d'incapacité de 100 % du 6 juillet 2006 au 5 juillet 2008 : réservé dans l'attente des informations sur le montant des indemnités qui seront servies par l'organisme de sécurité sociale. taux d'incapacité d'au moins 70 % à compter du 6 juillet 2008. - préjudice extra-patrimonial souffrances physiques 15.500,00 euros préjudice moral 25.000,00 euros préjudice d'agrément 15.000,00 euros préjudice esthétique 1.000,00 euros Monsieur X... a contesté cette offre par lettre reçue au greffe de la Cour le 3 décembre 2007. Par conclusions déposées le 12 mars 2008 il demande à la Cour de lui allouer en réparation de son préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle, la somme de 21.245,86 euros au titre des arriérés de rente pour la période du 7 juillet 2006 au 30 septembre 2007 et une rente de 17.166 euros par an à compter du 1er octobre 2007, avec revalorisation annuelle. Il soutient que la rente accident du travail versée par l'organisme de sécurité sociale présente, compte tenu de ses critères d'attribution et de calcul, un caractère professionnel et ne doit pas venir en déduction de l'indemnité allouée en réparation de l'incapacité fonctionnelle qui est un préjudice personnel. Il invoque notamment l'avis rendu le 29 octobre 2007 par la Cour de Cassation sur l'application de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, duquel il résulte que la rente versée par l'organisme social en application de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale, à la victime d'un accident du travail, doit s'imputer sur les pertes de gains professionnels et sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle et l'arrêt du Conseil d'Etat du 5 mars 2008 par lequel il a été jugé que l'objet exclusif de la rente accident du travail est de contribuer à la réparation du préjudice subi par l'intéressé dans sa vie professionnelle du fait du handicap. A titre subsidiaire pour le cas où la Cour considérerait que la rente versée par la CPAM au titre de la maladie professionnelle doit venir en déduction de l'indemnité réparant le déficit fonctionnel il demande à la Cour de dire que la rente servie par l'organisme social ne viendra en déduction de la rente du FIVA qu'à compter du 2 novembre 2007. Il estime que ses autres chefs de préjudices ont également été sous-évalués et demande : - 40.000 euros pour les souffrances physiques - 70.000 euros pour le préjudice moral - 30.000 euros pour le préjudice d'agrément - 3.000 euros pour le préjudice esthétique. Il se porte demandeur d'une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses conclusions du 17 mars 2008 le FIVA offre de verser à Monsieur X... au titre de l'arriéré de rente au 31 décembre 2007, la somme de 23.922,23 euros établie comme suit : du 7 juillet au 31 décembre 2006 17.166 euros x 178/365 8.371,36 euros année 2007 17.166,00 euros 25.537,36 euros à déduire arriérés de la rente servie par l'organisme social du 2 novembre au 31 décembre 2007 9.855,01 euros x 59/360 - 1.615,13 euros Solde 23.922,23 euros Il propose en outre une rente trimestrielle de 1.800,65 euros du 1er janvier au 6 juillet 2008, soit 17.166 euros par an sous déduction de la rente de 9.963,42 euros servie par l'organisme social. S'agissant de la déduction de la rente de l'organisme social, il considère que les dispositions du IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 imposent de déduire, pour le calcul de la rente, les indemnités de toute nature qui ont été versées à la victime et en particulier les indemnités services par l'organisme social. Il rappelle l'interdiction des doubles indemnisations et des enrichissements sans cause et invoque le caractère historiquement mixte de la rente d'invalidité qui a vocation à la fois à indemniser le déficit fonctionnel et à fournir un revenu de remplacement. Il ajoute qu'il n'incombe pas au FIVA d'établir que la prestation versée par l'organisme de sécurité sociale indemnise l'incapacité fonctionnelle mais que conformément au droit commun, c'est au demandeur de démontrer qu'il conserve un préjudice non indemnisé par la sécurité sociale. Pour les autres chefs de préjudice il sollicite la confirmation de ses offres du 4 octobre 2007 et s'oppose aux évaluations de Monsieur X... qu'il considère comme nettement excessives ainsi qu'à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure

SUR CE

1 le déficit fonctionnel Attendu que Monsieur X... a présenté un cancer broncho-pulmonaire dont il a été opéré le 4 août 2006 ; Attendu que les parties s'accordent sur le taux d'incapacité de 100% du 7 juillet 2006 au 6 juillet 2008 ainsi que sur le montant de la rente annuelle de 17.166 euros ; Attendu que Monsieur X... demande à la Cour de calculer les arrérages de la rente FIVA jusqu'au 30 septembre 2007 ; que le désaccord qui oppose les parties sur la déduction de la rente servie par l'organisme de sécurité sociale ne concerne pas la période du 7 juillet 2006 au 30 septembre 2007 puisque la rente de la sécurité sociale n'a pris effet qu'à compter du 2 novembre 2007 ; qu'il est donc dû par le FIVA jusqu'au 30 septembre 2007 : - du 7 juillet au 31 décembre 2006 17.166 euros x 178/365 8.371,36 euros - du 1er janvier au 30 septembre 2007 17.166 euros x 3/4 12.874,50 euros 21.245,86 euros Attendu que du 1er octobre 2007 au 6 juillet 2008 le FIVA est redevable d'une rente annuelle de 17.166 euros de laquelle il prétend déduire la rente de 9.963,42 euros servie par l'organisme social, en application de l'article L 434-2 du code de la sécurité sociale, ce que conteste Monsieur X... ; Attendu qu'il résulte des dispositions du IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 que dans son offre d'indemnisation présentée au demandeur, le FIVA doit indiquer "l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice" ; Attendu que selon l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 venu modifier l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale et l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 les recours subrogatoires des caisses de sécurité sociale s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; que cependant si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice ; Attendu que l'indemnité offerte par le FIVA au titre de l'incapacité fonctionnelle répare, selon la définition adoptée dans son barème indicatif, "la réduction du potentiel physique psyho sensoriel ou intellectuel résultant d'une atteinte à l'intégrité corporelle d'une personne" ; qu'il s'agit donc de l'indemnisation d'un chef de préjudice personnel et non d'un préjudice patrimonial, le FIVA indemnisant distinctement la perte de gains et le préjudice économique ; Attendu que le capital ou la rente versé en application des articles L 434-1 et suivants du code de la sécurité sociale à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise notamment, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité ; qu'il doit en conséquence s'imputer sur les pertes de gains professionnels et sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle ; Que si le FIVA souhaite l'imputer sur un poste de préjudice personnel, il lui appartint d'établir qu'une part de cette prestation a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un tel poste de préjudice personnel ; Que le FIVA qui n'apporte pas la preuve dont il a la charge ne peut opérer la déduction de la rente versée par la caisse de sécurité sociale ; Qu'en conséquence il doit régler à Monsieur X... une rente calculée sur la base de 17.166 euros par an pour la période du 1er octobre 2007 au 6 juillet 2008 ; Attendu que pour la période postérieure le montant de la rente sera revu en fonction de l'état de santé de Monsieur X... ; 2) Sur les souffrances endurées Attendu que Monsieur X... a subi une fibroscopie bronchique en juillet 2006, une lobectomie supérieure gauche le 4 août 2006 et un curage ganglionnaire fin août 2006 ; que par ailleurs il a suivi des séances de kinésithérapie respiratoire ; Attendu qu'il fait état de douleurs localisées au niveau du grand pectoral, consécutives à l'écartement lors de la lobectomie ; Attendu que compte tenu des douleurs ressenties du fait de la maladie et des traitements mis en oeuvre pour la combattre l'offre du FIVA apparaît quelque peu sous-évaluée ; Que toutefois le demande de Monsieur X... , qui ne justifie pas de la prescription d'un traitement antalgique, est excessive ; Qu'il sera accordé une indemnité de 20.000 euros ; 3) Sur le préjudice moral Attendu que Monsieur X... subit un préjudice moral caractérisé par l'angoisse d'apprendre qu'il était atteint d'un cancer broncho pulmonaire et par les craintes quant à l'évolution de cette pathologie maligne et à son espérance de vie ; Attendu que ce préjudice est mis en évidence par les attestations de ses proches qui témoignent de l'inquiétude manifestée par la victime et de ses troubles de sommeil avec cauchemars ; Qu'en considération de son âge, 59 ans à la date du diagnostic, il sera alloué à Monsieur X... une indemnité réparatrice de 45.000 euros ; 4) Sur le préjudice d'agrément Attendu que les attestations produites montrent que depuis la déclaration de sa pathologie due à l'amiante Monsieur X... a limité ses activités de loisirs nécessitant un effort physique, telles la randonnée et la conduite automobile sur de longues distances ; que son épouse signale également une baisse d'activité sexuelle ; Que le préjudice ainsi caractérisé justifie l'octroi d'une somme de 17.000 euros ; 5) Sur le préjudice esthétique Attendu que le préjudice esthétique lié à la présence d'un cicatrice de thoracotomie de bonne qualité sera réparé par une somme de 1.500 euros ; * * * Attendu qu'en application de l'article 31 du décret du 23 octobre 2001 les dépens sont à la charge du FIVA qui versera en outre à Monsieur X... une somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant en audience publique et contradictoirement, Alloue à Monsieur Ahmed X... en réparation du déficit fonctionnel jusqu'au 6 juillet 2008, la somme de 21.245,86 euros au titre des arriérés de rente au 30 septembre 2007, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et, du 1er octobre 2007 au 6 juillet 2008 une rente calculée sur la base annuelle de 17.166 euros, Dit que pour la période postérieure le montant de la rente sera revu en fonction de l'état de santé de Monsieur X... , Alloue à Monsieur X... les sommes de : - 20.000 euros pour les souffrances endurées - 45.000 euros pour le préjudice moral - 17.000 euros pour le préjudice d'agrément - 1.500 euros pour le préjudice esthétique avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, Dit que ces sommes seront versées par le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante sous déduction des provisions éventuellement déjà réglées, Met les dépens à charge du FIVA, Dit qu'il devra verser à Monsieur X... une somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.