Cour de cassation, Chambre criminelle, 23 novembre 2010, 09-85.152

Mots clés
société • pouvoir • risque • service • signification • absence • preuve • production • commandement • prestataire • pourvoi • qualification • sinistre • surcharge • connexité

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
23 novembre 2010
Cour d'appel de Rennes
2 juillet 2009

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    09-85.152
  • Dispositif : Rejet
  • Publication : Inédit au recueil Lebon
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Cour d'appel de Rennes, 2 juillet 2009
  • Identifiant Légifrance :JURITEXT000023143714
  • Rapporteur : M. Monfort
  • Président : M. Louvel (président)
  • Avocat général : M. Lucazeau
  • Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan
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Résumé

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Texte intégral

Statuant sur les pourvois formés par : - M. Etienne X... - M. Christophe Y... - Mme Caroline Z..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 2 juillet 2009, qui, pour homicides et blessures involontaires, a condamné le premier à vingt-quatre mois d'emprisonnement avec sursis, le second à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ; La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 octobre 2010 où étaient présents : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, M. Blondet, Mmes Koering-Joulin, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori conseillers de la chambre, Mmes Divialle, Degorce conseillers référendaires ; Avocat général : M. Lucazeau ; Greffier de chambre : Mme Krawiec ; Sur le rapport de M. le conseiller MONFORT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAZEAU, l'avocat des demandeurs ayant eu la parole en dernier ; Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits ; I) Sur le pourvoi de Mme Z... : Attendu qu'aucun moyen n'est produit ; II) Sur les pourvois de M. X... et de M. Y... : Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 15 novembre 2003, la passerelle installée à tribord avant du navire "Queen Mary II", en cours de construction aux Chantiers de l'Atlantique, à Saint-Nazaire, s'est effondrée, entraînant dans sa chute, 18 mètres plus bas, les quarante-six personnes, visiteurs et agents d'entretien, qui l'empruntaient à ce moment ; que seize d'entre elles ont trouvé la mort, les autres subissant des blessures, entraînant des incapacités totales de travail personnel excédant trois mois pour dix-huit d'entre elles ; que l'information a établi que cette passerelle avait été conçue, réalisée et installée la veille de l'accident par la société Endel, sous-traitante de la société Chantiers de l'Atlantique, pour permettre l'accès à bord de colis ; que les expertises ont montré que la chute de l'ouvrage avait pour cause une instabilité physique, résultant d'un défaut de conception et de réalisation tenant à l'absence de contreventements dans les plans horizontaux ; Attendu qu'ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, des chefs d'homicides et blessures involontaires, la société Chantiers de l'Atlantique et la société Endel, ainsi que huit de leurs préposés, notamment M. X..., coordonnateur d'ouvrage, titulaire d'une délégation générale pour la sécurité à bord du navire, et M. Y..., responsable du bureau "Méthodes-Logistique", qui avait passé commande de l'ouvrage litigieux auprès de la société Endel ; qu'il était notamment reproché à M. X... d'avoir méconnu les dispositions des articles L. 230-1 à L. 230-3, L. 233-5 et suivants, R. 232-12-3 et R. 233-45 du code du travail et des décrets des 29 novembre 1977 et 20 février 1992, et à M. Y... d'avoir commis diverses imprudences ou négligences à l'origine de l'accident ; Que, par jugement du 11 février 2009, le tribunal correctionnel a retenu les personnes morales dans les liens de la prévention, relaxé les prévenus personnes physiques et prononcé sur les intérêts civils ; que le procureur de la République, les sociétés condamnées et plusieurs parties civiles ont relevé appel de ce jugement ; En cet état :

Sur le premier moyen

de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour M. X..., pris de la violation du décret n° 92-158 du 20 février 1992, du décret n°77-1321 du 29 novembre 1977, des articles L. 230-1, L. 230-2, L. 230-3, L. 233-5 et suivants, R. 232-21-3, R. 233-45 anciens du code du travail, 121-3, 221-6, 221-8, 221-10, 222-19, 222-44, 222-46, R. 625-2, R. 625-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X..., prévenu, coupable d'homicides involontaires, de blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à trois mois et de blessures involontaires ayant entraîné une ITT n'excédant pas trois mois, et a prononcé sur la répression et les intérêts civils ; "aux motifs qu'il lui incombait de s'assurer que les services dont il avait la direction contrôleraient que la passerelle commandée avait été construite dans les règles de l'art ; que le fait d'avoir accepté la mise en service le 15 novembre 2003 d'une coupée a constitué une erreur d'appréciation qui a été directement à l'origine de la catastrophe, dès lors que les experts désignent le rassemblement des visiteurs sur un bord de la passerelle, pour laisser passer des salariés, comme le facteur déclenchant de la perte de stabilité de l'ouvrage ; qu'il appartenait à M. X..., titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité, de mettre en oeuvre les dispositions légales et réglementaires destinées à assurer la sécurité des salariés des Chantiers de l'Atlantique ou de ceux travaillant pour elle ; qu'il lui incombait de s'assurer que les services dont il avait la direction contrôlaient que la passerelle commandée avait été construite dans les règles de l'art ; que le caractère délibéré de la violation d'une obligation de sécurité découle du seul fait qu'un manquement à cette obligation a été commis ; qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre les dispositions du code du travail, tant celles résultant de l'article 22 du décret du 8 janvier 1965, que celles définies par l'article L. 230-2 du code du travail, pour garantir leur intégrité physique, tant aux salariés qu'aux visiteurs, et n'étant pas parvenu à permettre la fluidité du flot de visiteurs, M. X... n'a pas mis en oeuvre les dispositions législatives réglementaires propres à assurer la sécurité des travailleurs et visiteurs du navire et a commis une série de négligences et manquements dont la multiplication a permis, même indirectement mais de façon certaine, de créer les conditions qui ont provoqué la mort ou les blessures ; que ces manquements sont revêtus d'un caractère de gravité tel et sont dans un lien de proximité et de causalité tel avec le dommage subi, qu'ils constituent la faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité que l'auteur connaissait, définie par l'article 121-3 du code pénal ; "1°) alors qu'en laissant totalement dans l'imprécision le fondement légal de sa décision et de la responsabilité pénale de M. X..., en désignant le lien de causalité à la fois comme étant direct ou indirect et en se référant à la fois, et à propos du même comportement, à la violation délibérée d'une obligation particulière de sécurité, et à la faute caractérisée exposant autrui à un risque que l'auteur ne pouvait ignorer, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision qu'elle a exposée à une censure certaine pour manque de base légale ; "2°) alors que les faits reprochés à M. X... – prétendue insuffisance de mise en oeuvre des règles de sécurité et décision d'une seule coupée d'accès au navire au moment des faits – ne pouvaient être – à supposer qu'ils aient concouru à la situation – qu'en lien de causalité indirecte avec le dommage causé directement et essentiellement, selon la cour d'appel elle-même, par l'instabilité de la passerelle à raison de l'absence de contreventements ; que la cour d'appel a violé les articles 121-3 et 221-6 du code pénal ; "3°) alors que le caractère délibéré de la violation d'une obligation particulière de sécurité ne peut résulter de la seule constatation de cette violation ; qu'il doit être constaté en sus des manquements allégués ; que, faute d'avoir constaté ce caractère prétendument délibéré de façon concrète et autrement qu'à la faveur de cette erreur de droit, la cour d'appel a encore violé les textes précités ; "4°) alors que l'obligation de sécurité pesant sur un salarié titulaire d'une délégation à cet effet n'est qu'une obligation de moyen et non de résultat, notamment à l'égard de salariés d'une entreprise tierce ou de visiteurs de l'entreprise ; qu'en déduisant l'existence d'une violation, par M. X..., de ses obligations en matière de sécurité, dela seule circonstance que cette sécurité n'a pas été assurée, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a encore violé les textes susvisés ; "5°) alors que l'obligation générale de sécurité pesant sur l'employeur, édictée par l'article L. 4121-1 du code du travail (anciennement L. 230-2) n'est pas une obligation particulière de sécurité au sens de l'article 121-3 du code pénal ; que son éventuelle violation ne peut, en cas de causalité indirecte, entraîner à elle seule la responsabilité pénale de son auteur ; "6°) alors que l'arrêt attaqué ne caractérise aucune violation par M. X... d'une des obligations particulières de sécurité édictées par le décret du 8 janvier 1965, lequel texte, non visé par la prévention, est au demeurant relatif aux travaux effectués sur les immeubles par nature ou par destination, ce que n'est pas un navire, ni aucune violation des obligations particulières visées par les textes de la prévention, la cour d'appel qui constate par ailleurs que la «passerelle incriminée répondait aux exigences de l'article R. 233-45» visé à la prévention, se bornant à reprocher à M. X... une absence générale de mise en oeuvre des dispositions du code du travail, sans préciser laquelle des dispositions visées aurait été spécifiquement méconnue ; qu'ainsi l'arrêt attaqué ne caractérise pas la première des fautes particulières réprimées par les articles 121-3, dernier alinéa, et 221-6 du code pénal ; "7°) alors que ne constitue pas une faute caractérisée au sens des textes précités la circonstance, imputée à M. X... selon laquelle il aurait laissé, au moment des faits, un accès unique pour rentrer à bord du navire, dès lors que, comme il l'expliquait dans ses conclusions, il avait donné des ordres exprès, quelques jours avant le drame, aux fins de supprimer les contrôles d'identité à l'entrée de la coupée pour éviter les files d'attente, qu'il avait fait remettre aux accompagnateurs une circulaire leur demandant d'assurer une circulation fluide des visiteurs, qu'il avait transmis ces instructions au sous-traitant chargé de la sécurité sur le site (instructions que les salariés du sous-traitant n'ont pas respectées), tous éléments excluant une faute caractérisée de sa part ; qu'en retenant une telle faute, sans s'expliquer sur ces éléments, ni les examiner, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal ; "8°) alors que faute d'expliquer de façon concrète et précise en quoi M. X... aurait été défaillant dans la mise en oeuvre des règles de sécurité internes à l'entreprise, se bornant à déduire l'existence d'une telle faute de la circonstance qu'une passerelle édifiée par un sous-traitant ne l'a pas été dans les règles de l'art, la cour d'appel, qui a déduit la qualification de faute caractérisée du degré de causalité avec le dommage, a privé sa décision de toute base légale" ;

Vu

l'article 593 du code de procédure pénale ; Attendu que, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu que, pour infirmer le jugement et déclarer M. X... coupable des faits reprochés, l'arrêt relève qu'en sa qualité de coordonnateur d'ouvrage aux Chantiers de l'Atlantique, il disposait d'une délégation générale en matière d'hygiène et de sécurité, en date du 2 juillet 2002, à laquelle s'ajoutait une délégation du 2 octobre 2002, et que ces deux délégations lui imposaient de prendre les mesures propres à éviter tout accident sur les lieux du travail ; que les juges énoncent que le caractère délibéré de la violation de cette obligation découle du seul fait qu'un manquement à cette obligation a été commis ; Qu'ils ajoutent qu'il importe peu, pour retenir le grief tiré de l'absence d'organisation des visites du navire, ou des défaillances dans celle-ci, que cette obligation ne soit pas spécialement prévue par les termes de la délégation du 2 octobre 2002, dès lors que, chargé d'une délégation générale relative à la sécurité du navire pendant sa construction, et principal signataire des autorisations de visite, il lui incombait de tout mettre en oeuvre pour éviter la survenance d'un quelconque dommage au détriment des visiteurs admis à bord du navire ; Que la cour retient encore qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre les dispositions du code du travail pour garantir l'intégrité physique des salariés et des visiteurs, comme en n'étant pas parvenu à permettre la fluidité du flot des visiteurs en donnant les instructions nécessaires pour y parvenir, et en autorisant un nombre de coupées correspondant au nombre de visiteurs attendus, le prévenu n'a pas mis en oeuvre les dispositions législatives et réglementaires propres à assurer la sécurité, dispositions qui auraient été de nature à éviter le sinistre, et a commis une série de négligences et manquements dont la multiplication a permis, même indirectement, mais de façon certaine, de créer les conditions qui ont provoqué la mort ou des blessures à ceux qui ont emprunté l'ouvrage incriminé ; que ces manquements sont revêtus d'un caractère de gravité telle et sont dans un lien de proximité et de causalité tel avec le dommage subi, qu'ils constituent la faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité que l'auteur connaissait, définie par l'article 121-3 du code pénal ;

Mais attendu

qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a constaté que la cause déterminante de l'accident résidait dans l'absence de contreventements sur les plans horizontaux de l'ouvrage livré par le sous-traitant et que le prévenu n'avait pas causé directement le dommage, n'a pas justifié sa décision, alors que le caractère délibéré de la violation d'une obligation particulière de sécurité ne peut résulter de la seule constatation de cette violation et que la qualification de faute caractérisée ne saurait se déduire du degré de proximité du manquement incriminé avec le dommage ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le second moyen

de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet Farge et Hazan pour M. X..., pris de la violation du décret n°92-158 du 20 février 1992, du décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977, des articles L. 230-1, L. 230-2, L. 230-3, L. 233-5 et suivants, R. 232-21-3, R. 233-45 anciens du code du travail, 121-3, 221-6, 221-8, 221-10, 222-19, 222-44, 222-46, R. 625-2, R. 625-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X..., prévenu, coupable d'homicides involontaires, de blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à trois mois et de blessures involontaires ayant entraîné une ITT n'excédant pas trois mois, et a prononcé sur la répression et les intérêts civils ; "1°) alors que le délégataire est exonéré de sa responsabilité pénale si l'infraction a été commise dans l'exercice d'une mission qu'il a subdéléguée à un préposé désigné par lui ; qu'en reprochant au prévenu de ne pas s'être assuré de la fiabilité et de la conformité aux règles de l'art de la passerelle commandée, cependant qu'il résulte des éléments de la procédure, visés dans les conclusions du prévenu, que, titulaire d'une délégation de pouvoir en matière de sécurité sur le navire, celui-ci avait subdélégué au responsable du département FLUO, en la personne de M. B..., le contrôle du respect des règles de sécurité pour les formes de construction, catégorie dont relevait la passerelle litigieuse, la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen péremptoire des conclusions, n'a pas justifié sa décision ; "2°) alors que l'organigramme établi par le juge d'instruction dans son ordonnance de renvoi du 15 juin 2007 ayant confirmé l'absence de lien de subordination entre le prévenu et les services FLUO et Méthodes Logistique, dirigés respectivement par M. C... et M. D..., sous le contrôle hiérarchique exclusif de M. E..., en imputant à faute au prévenu de ne pas s'être assuré du contrôle par ces services de la conformité aux règles de l'art de la passerelle commandée et de ne pas avoir vérifié que les salariés affectés à ces services avaient reçu la formation requise pour vérifier la conformité de la passerelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; "3°) alors, en tout état de cause, que le délégué en matière de sécurité dépourvu de tout pouvoir de commandement n'est pas responsable pénalement ; qu'en reprochant au prévenu de ne pas être parvenu à fluidifier le flot des visiteurs accueillis à bord du navire, cependant que la mise en oeuvre des mesures décidées par lui dans les jours ayant précédé le drame était confiée aux salariés de la société ISP, sous-traitante de la société des Chantiers de l'Atlantique, chargée du gardiennage et de la sécurité sur le site, salariés dont la procédure a établi qu'ils n'avaient pas respecté les instructions expresses du prévenu de n'assurer aucun contrôle d'identité à l'entrée de la coupée pour éviter les files d'attente sur la passerelle, et sur lesquels le prévenu ne disposait d'aucun pouvoir de commandement l'autorisant à leur imposer le strict respect des mesures préconisées, la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen péremptoire des conclusions, n'a pas justifié sa décision ; "4°) alors que le délégué en matière de sécurité, dépourvu de tout pouvoir de décision, n'est pas responsable pénalement ; qu'en imputant à faute au prévenu d'avoir accepté de ne mettre en service le 15 novembre 2003 qu'une seule coupée pour permettre le passage des visiteurs et des salariés appelés à intervenir sur le navire, décision prise le 3 octobre 2003 par M. E..., coordonnateur de navires, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, nonobstant la délégation de pouvoir à lui consentie par ledit M. E... en matière d'hygiène et de sécurité, le prévenu avait joui, s'agissant de la mise en service d'une coupée unique décidée par son supérieur hiérarchique direct, de l'autonomie correspondant à l'exercice d'une véritable délégation de pouvoir et de responsabilité, n'a pas justifié sa décision" ;

Vu

l'article 593 du code de procédure pénale ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu que, pour déclarer M. X... coupable d'homicides et de blessures involontaires, l'arrêt attaqué retient notamment qu'en sa qualité de coordonnateur d'ouvrage aux Chantiers de l'Atlantique, il disposait d'une délégation générale en matière d'hygiène et de sécurité, en date du 2 juillet 2002, à laquelle s'ajoutait une délégation du 2 octobre 2002, et que ces deux délégations lui imposaient de prendre les mesures propres à éviter tout accident sur les lieux du travail ;

Mais attendu

qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu qui faisait valoir que, titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité sur le navire, il avait rempli ses obligations en donnant des instructions pour assurer la fluidité de la circulation des visiteurs, en supprimant notamment le contrôle d'entrée au niveau de la coupée, et qu'il ne pouvait être tenu pour responsable du non-respect desdites instructions par les préposés de la société sous-traitante ISP, chargés du gardiennage et de la sécurité, sur lesquels il n'exerçait aucun pouvoir de commandement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;

Sur le moyen

unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet Farge et Hazan pour M. Y..., pris de la violation des articles 121-3, 221-6, 221-8, 221-10, 222-19, 222-44, 222-46, R. 625-2, R. 625-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ; "en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. Y..., prévenu, coupable d'homicides involontaires, de blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à trois mois et de blessures involontaires ayant entraîné une ITT n'excédant pas trois mois, et a prononcé sur la répression et les intérêts civils ; "aux motifs qu'il convient en tout premier lieu de relever que le service Méthodes Logistique était celui qui, au sein de la société des Chantiers de l'Atlantique, était en charge de la définition et du contrôle des éléments techniques afférents aux différents projets réalisés ; que même si la production d'une note de calcul n'était pas obligatoire en présence de la fourniture par la société Endel d'un matériel standard, l'absence d'exigence d'un tel document, en présence d'un devis dont les spécifications n'étaient pas respectées, constitue une négligence et une imprudence susceptible de créer les conditions de réalisation du dommage ; qu'en effet, sauf à considérer que l'exigence de caractéristiques spécifiques dans la commande de l'ouvrage était dépourvue de toute signification, M. Y..., responsable d'un service dont l'objet et la compétence consistaient à traduire en des données et exigences techniques précises, l'expression d'un besoin, devait apporter un soin particulier à vérifier que les spécifications exigées étaient respectées par le fournisseur ; qu'en se bornant à seulement vérifier si la spécification relative à la charge ponctuelle était respectée, sans même s'alarmer de l'absence de toute cotation claire et précise des plans qui lui étaient soumis, ni même demander quelle était la signification claire des flèches figurant sur certaines parties de plans, alors qu'un tel signe ne possède pas selon les experts, une signification unanimement reconnue de la présence de contreventements, il a fait preuve d'une grande légèreté incompatible avec les responsabilités dont il avait été investi ; que bien au contraire, l'exigence de la note de calcul qui lui était proposée lui aurait permis de vérifier, d'une part, si la solution envisagée par la société Endel était la seule possible et, d'autre part, si elle répondait aux règles de l'art et ce d'autant que pour constituer un ouvrage standard, cette passerelle n'était pas pour autant une réalisation habituelle de la société Endel ; que l'exigence de la production d'une telle note de calcul aurait été la preuve de la réalisation d'un contrôle effectif, sérieux et efficace ; que son passé d'ingénieur calcul ayant dans ses précédentes fonctions, exercé ses compétences au sein de différents bureaux d'études, recruté par la société des Chantiers de l'Atlantique pour faire des calculs, il aurait ainsi pu s'apercevoir des graves imperfections techniques et du vice intrinsèque de l'ouvrage proposé par M. F... et notamment s'il avait été ou non achevé ; que, bien plus, lui qui ne pouvait ignorer la destination multi-usage de l'ouvrage commandé, il se devait d'apporter un soin particulier et une curiosité d'une impérieuse intensité, au fait que l'expression de la charge répartie avait été réduite de moitié ; qu'au lieu de cela, il résulte de la procédure que M. Y... n'a pas même cherché à savoir ou à comprendre pourquoi ce critère avait été modifié par le responsable du bureau d'études de la société Endel ; que la modification de ce critère aurait dû l'alerter sur un risque, malheureusement réel, que la société Endel ne possédait pas en son sein, de la compétence voulue pour réaliser l'ouvrage demandé ; qu'en effet, même si au cas d'espèce, l'ouvrage incriminé s'est effondré en raison d'une perte de sa stabilité et non pas d'une surcharge, il n'ignorait pas que le passage d'un nombre de personnes qui pouvait être important au moment de l'embauche ou de la débauche du personnel, rendait particulièrement sensible et nécessaire le respect du critère de la charge répartie, dès lors qu'il est apparu que c'est précisément en raison d'une mauvaise répartition de la charge supportée par son tablier, que l'ouvrage a perdu toute stabilité ; qu'ainsi, la réalisation d'un contrôle particulièrement rigoureux du non-respect des spécifications exigées, aurait pu permettre de s'apercevoir que la passerelle proposée par la société Endel, n'était pas finie et souffrait d'un vice majeur et rédhibitoire conduisant inexorablement à sa ruine dans les conditions d'utilisation contractuellement prévues ; qu'enfin, en raison de la connaissance qu'il avait de la nature de l'ouvrage, destiné à permettre le franchissement d'un vide d'environ dix-huit mètres, par des personne transportant des colis ou cherchant à pénétrer ou à sortir du navire, il ne pouvait ignorer les conséquences dangereuses pour la vie ou l'intégrité physique de ses utilisateurs, si celui-ci venait à s'effondrer ; que cette seule considération suffit à se convaincre de ce que la série de négligences, d'imprudences, de légèretés dans le contrôle de l'ouvrage commandé, commises par M. Y..., qui ont de façon certaine quoique indirecte, créé ou contribué à créer le dommage subi par les victimes, revêtent, par leur accumulation même et leur proximité avec le dommage, le caractère de fautes caractérisées, au sens de l'article 121-3 du code pénal ; "1°) alors que ne commet pas de faute celui qui accomplit les diligences normales compte tenu de la nature de ses fonctions et des compétences, ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose ; que la production d'une note de calcul n'étant pas obligatoire en présence de la fourniture par la société Endel d'un matériel standard, en reprochant au prévenu de ne pas s'être fait remettre une note de calcul qu'il n'entrait pas dans les diligences normales attendues de lui de demander, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "2°) alors, en tout état de cause, que l'absence de production d'une note de calcul non obligatoire n'excluant pas en soi la réalisation d'un contrôle effectif, sérieux et efficace de l'ouvrage commandé, en déduisant de cette seule circonstance la preuve d'un défaut de contrôle imputable au prévenu, la cour d'appel qui s'est fondée sur une simple hypothèse, n'a pas justifié sa décision ; "3°) alors qu'en énonçant que le prévenu avait été recruté par la société des Chantiers de l'Atlantique « pour faire des calculs », sans répondre aux conclusions de l'intéressé qui soutenait qu'ayant été recruté en 2001 en qualité d'adjoint au responsable du service Méthodes Logistique alors que ce service n'assurait plus depuis 1996 ni la conception ni la réalisation ni le montage des échafaudages, et que le cahier des charges avait confié au seul prestataire la responsabilité des études nécessaires à la réalisation des travaux d'échafaudage, il n'avait pour fonction ni d'opérer les calculs d'échafaudage ni de contrôler ceux du prestataire, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; "4°) alors que, pour imposer au prévenu une vigilance particulière à l'endroit de la prestation de la société Endel, l'arrêt retient que la passerelle commandée n'était pas une réalisation habituelle de celle-ci ;

qu'en statuant ainsi

, cependant que, comme le soutenait le prévenu dans ses conclusions, et comme le relève l'arrêt attaqué lui-même, la société Endel ayant satisfait antérieurement à quatre commandes identiques de passerelles multiusages, la passerelle commandée constituait pour elle une réalisation courante si ce n'est ordinaire, la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen péremptoire des conclusions, n'a pas justifié sa décision ; "5°) alors que, pour reprocher au prévenu de ne pas avoir exigé de note de calcul de la société Endel, l'arrêt retient que le devis de celle-ci ne respectait pas les spécifications exigées pour la réalisation de la passerelle commandée, la charge répartie y ayant été ramenée de cinq tonnes (soit 250 kg/m²) à trois tonnes (soit 150 kg/m²), tandis que la charge ponctuelle y était demeurée inchangée à deux tonnes ; qu'en statuant ainsi, cependant que les experts judiciaires ayant conclu qu'une charge ponctuelle de deux tonnes induisait obligatoirement une charge répartie de quatre tonnes (soit 200 kg/m²), et non de trois tonnes comme indiqué par erreur par la société Endel, et cette charge induite étant conforme à la charge d'exploitation répartie exigée par la norme NF P 06-001, le devis transmis au prévenu pour accord était conforme tant aux spécifications globales exigées pour la réalisation de la passerelle qu'aux charges d'exploitation homologuées par l'Afnor, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur ces éléments de la procédure visés expressément dans les conclusions du prévenu, n'a pas justifié sa décision ; "6°) alors que les experts judiciaires ayant retenu qu'une passerelle conçue et dimensionnée pour supporter une charge ponctuelle de deux tonnes était capable de supporter une charge d'exploitation répartie de quatre tonnes et ayant conclu à l'inutilité de définir précisément la charge répartie qui s'induisait obligatoirement de la charge ponctuelle de deux tonnes annoncée par la société Endel, en imputant à faute au prévenu d'avoir vérifié seulement le respect du critère de la charge ponctuelle, et non de la charge répartie pourtant «réduite de moitié» dans les plans contractuels transmis par la société Endel, sans examiner ces éléments de la procédure visés expressément dans les conclusions du prévenu, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; "7°) alors qu'en reprochant au prévenu de ne pas s'être alarmé de l'absence de toute cotation claire et précise des plans contractuels transmis par la société Endel et de ne pas avoir vérifié le respect des spécifications contractuelles, cependant que le prévenu faisait valoir que ces plans ayant été accompagnés d'un devis précisant les cotations utiles, la lecture conjointe des plans et du devis renseignait exactement sur les cotations de la passerelle, constat partagé par l'expert judiciaire qui a déduit les caractéristiques exactes de la passerelle livrée de la seule lecture des plans et du devis transmis par la société Endel, et qu'aucune spécification contractuelle ne portait sur les contreventements, la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen péremptoire des conclusions et qui a statué par motifs insuffisants, n'a pas justifié sa décision ; "8°) alors que ne commet pas de faute celui qui accomplit les diligences normales compte tenu de la nature de ses fonctions et des compétences, ainsi que du pouvoir et des moyens dont il dispose ; que le prévenu n'ayant reçu mission de contrôler ni la conception ni le montage de la coupée commandée à la société Endel, demeurés sous l'entière responsabilité de celle-ci, en lui reprochant de ne pas s'être enquis de la signification claire des flèches qui, figurées sur les plans contractuels remis par la société Endel, indiquaient à l'attention des monteurs de celle-ci exclusivement l'emplacement des contreventements à installer, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "9°) alors que seule l'accumulation d'imprudences ou de négligences successives témoignant d'une impéritie prolongée s'analyse en une faute caractérisée ; que le seul fait pour le prévenu de ne pas avoir exigé de la société Endel, bien qu'il n'y ait pas été tenu, la remise d'une note de calcul aussi inutile qu'impropre à éviter le dommage, et ne pas avoir commenté les plans qui lui ont été remis et qui ne révélaient pas le vice ultérieur de la construction, ne caractérisant pas l'existence d'une impéritie prolongée pénalement punissable, la cour d'appel, qui a déduit la faute caractérisée concrètement du caractère aussi dramatique que mortel de l'accident survenu, a violé les textes susvisés ; "10°) alors que ne commet une faute caractérisée que celui qui doit connaître le risque d'une particulière gravité auquel il expose autrui par sa négligence ; que le risque ainsi méconnu est, aux termes de la loi, celui qui résulte de la faute commise et non pas le risque attaché potentiellement à toute installation par elle-même dangereuse ; qu'en se déterminant en considération de la connaissance qu'avait le prévenu du caractère intrinsèquement dangereux d'un ouvrage destiné à permettre le franchissement d'un vide d'environ dix-huit mètres, sans rechercher s'il avait eu conscience que l'absence de contrôle du critère de la charge répartie, matérialisée par l'absence de note de calcul, pouvait provoquer l'effondrement de la passerelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; "11°) alors que seule la faute en relation causale certaine avec le dommage engage la responsabilité pénale de son auteur ; qu'il résulte des expertises judiciaires que la charge ponctuelle est un poids s'exerçant en un point quelconque du tablier de la passerelle, tandis que la charge répartie est le poids total supporté uniformément par la longueur du tablier qui peut être rapporté à un poids moyen au mètre carré ; que la charge répartie n'est donc pas fonction de la répartition de la charge ; que le rassemblement sur un bord de la passerelle des visiteurs en attente de pénétrer à l'intérieur du navire, désigné par les experts judiciaires comme le facteur déclenchant de la perte de stabilité de l'ouvrage, ayant constitué une charge d'exploitation ponctuelle supportée en un point donné par la passerelle, la cour d'appel qui, sans examiner ces éléments de la procédure visés expressément dans les conclusions du prévenu, a reproché à celui-ci de ne pas avoir prêté une attention particulière à la modification par la société Endel du critère de la charge répartie, demeuré pourtant sans lien causal ni direct ni indirect avec le sinistre, n'a pas justifié sa décision ; "12°) alors que la passerelle ayant été construite sans contreventements en dépit des indications figurées sur les plans contractuels de la société Endel sous la forme de flèches et cette absence de contreventement ayant été identifiée comme la cause majeure de son effondrement, la cour d'appel, qui a reproché au prévenu de ne pas s'être informé de la signification claire des flèches figurant sur les plans remis par la société Endel, omission sans lien causal aucun avec la survenance des dommages constatés, a violé les textes susvisés ; "13°) alors que la passerelle ayant été construite sans contreventements en dépit des indications figurées sur les plans contractuels de la société Endel sous la forme de flèches et cette absence de contreventement ayant été identifiée comme la cause majeure de son effondrement, ni le fait de ne pas avoir exigé une note de calcul qui n'aurait pu renseigner le prévenu ni sur les graves imperfections techniques de l'ouvrage ni sur le vice intrinsèque dont il était entaché ni enfin sur son état d'inachèvement, tous vices et malfaçons qui ne pouvaient être décelés que postérieurement aux opérations de montage les ayant générés, ni le fait de ne pas avoir prétendument surveillé le respect des spécifications contractuelles, spécifications qui ne comportaient pas de dispositions précises sur les contreventements, élément inhérent à la protection demandée et attendue du maître d'oeuvre, et n'ayant pas à faire l'objet d'une disposition contractuelle particulière, n'ont eu le moindre rôle causal dans l'effondrement de la passerelle ; que la cour d'appel a encore violé les textes susvisés" ;

Vu

l'article 593 du code de procédure pénale ; Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; Attendu que, pour infirmer le jugement et déclarer M. Y... coupable des faits reprochés, l'arrêt relève que le service "Méthodes-Logistique", dont il était le chef, était, au sein de la société Chantiers de l'Atlantique, celui qui était en charge de la définition et du contrôle des éléments techniques afférents aux différents projets réalisés ; que même si la production d'une note de calcul n'était pas obligatoire en présence de la fourniture par la société Endel d'un matériel standard, l'absence d'exigence d'un tel document en présence d'un devis dont les spécifications n'étaient pas respectées constitue une négligence et une imprudence susceptibles de créer les conditions de réalisation du dommage ; qu'en effet, sauf à considérer que l'exigence de caractéristiques spécifiques dans la commande de l'ouvrage était dépourvue de toute signification, M. Y... devait apporter un soin particulier à vérifier que les spécifications exigées étaient respectées par le fournisseur ; qu'en se bornant à vérifier si la spécification relative à la charge ponctuelle était respectée, sans s'alarmer de l'absence de toute cotation claire et précise des plans qui lui étaient soumis, ni demander quelle était la signification exacte des flèches figurant sur certaines parties de plans, alors qu'un tel signe ne possède pas, selon les experts, une signification unanimement reconnue de la présence de contreventements, il a fait preuve d'une grande légèreté, incompatible avec les responsabilités dont il avait été investi ; Que les juges ajoutent que l'exigence de la note de calcul qui lui était proposée lui aurait permis de vérifier, d'une part, si la solution envisagée par la société Endel était la seule possible et, d'autre part, si elle répondait aux règles de l'art et ce d'autant que cette passerelle n'était pas une réalisation habituelle de cette société ; que l'exigence de la production d'une telle note de calcul aurait été la preuve de la réalisation d'un contrôle effectif, sérieux et efficace ; que, compte tenu de son expérience d'ingénieur calcul, il aurait ainsi pu s'apercevoir des graves imperfections techniques et du vice intrinsèque de l'ouvrage proposé par M. F... et notamment s'il avait été ou non achevé ; Que la cour retient qu'il se devait d'apporter un soin particulier, et une curiosité d'une impérieuse intensité, au fait que l'expression de la charge répartie avait été réduite de moitié ; qu'au lieu de cela, il résulte de la procédure que M. Y... n'a pas cherché à savoir pourquoi ce critère avait été modifié par le responsable du bureau d'études de la société Endel ; que la modification de ce critère aurait dû l'alerter sur le fait que la société Endel ne possédait pas la compétence voulue pour réaliser l'ouvrage demandé ; qu'en effet, même si l'ouvrage incriminé s'est effondré en raison d'une perte de sa stabilité et non pas d'une surcharge, M. Y... n'ignorait pas que le passage d'un grand nombre de personnes, lors de l'arrivée et du départ du personnel, rendait particulièrement nécessaire le respect du critère de la charge répartie, dès lors que c'est précisément en raison d'une mauvaise répartition de la charge supportée par son tablier que l'ouvrage a perdu toute stabilité ; qu'ainsi, la réalisation d'un contrôle particulièrement rigoureux du non-respect des spécifications exigées aurait pu permettre de s'apercevoir que la passerelle proposée par la société Endel n'était pas finie et souffrait d'un vice majeur et rédhibitoire conduisant inexorablement à sa ruine dans les conditions d'utilisation contractuellement prévues ; Que la cour énonce enfin qu'en raison de la connaissance qu'il avait de la nature de l'ouvrage, destiné à permettre le franchissement d'un vide d'environ 18 mètres, par des personnes transportant des colis ou cherchant à pénétrer dans le navire ou à en sortir, M. Y... ne pouvait ignorer les conséquences dangereuses pour la vie ou l'intégrité physique de ses utilisateurs, si celui-ci venait à s'effondrer ; que cette seule considération suffit à se convaincre de ce que les négligences, imprudences, et légèretés dans le contrôle de l'ouvrage commandé, commises par le prévenu, qui ont de façon certaine quoiqu'indirecte créé ou contribué à créer le dommage subi par les victimes, revêtent, par leur accumulation même et leur proximité avec le dommage, le caractère de fautes caractérisées, au sens de l'article 121-3 du code pénal ; Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions du prévenu qui faisait valoir qu'il n'avait pour fonction ni d'opérer les calculs d'échafaudage ni de contrôler ceux du prestataire, que la passerelle commandée constituait pour la société Endel une réalisation courante, que le devis transmis était conforme aux spécifications globales exigées pour la réalisation de la passerelle et aux charges d'exploitation homologuées par l'AFNOR, que les experts avaient conclu à l'inutilité de définir précisément la charge répartie qui s'induisait de la charge ponctuelle annoncée par la société Endel, que les caractéristiques de la passerelle se déduisaient de la seule lecture des plans et du devis transmis par la société Endel et qu'aucune spécification contractuelle ne portait sur les contreventements, et alors qu'il résulte de l'arrêt que ni le contrôle des opérations de construction de la passerelle en cause ni l'exigence d'une note de calcul n'entraient dans les diligences normales attendues du prévenu, la cour d'appel, qui ne pouvait par ailleurs déduire la connaissance qu'il aurait eue du risque auquel il exposait autrui de la seule dangerosité intrinsèque de l'ouvrage et qui n'a pas suffisamment caractérisé les fautes imputables au prévenu et précisé leur lien de causalité avec le dommage, n'a pas justifié sa décision ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs

: I) Sur le pourvoi formé par Mme Z... : Le REJETTE ; II) Sur les pourvois formés par M. X... et M. Y... : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 2 juillet 2009, en ses seules dispositions pénales et civiles concernant M. X... et M. Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-trois novembre deux mille dix ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.