Cour d'appel d'Orléans, 26 janvier 2012, 2011/01718

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
  • Numéro de pourvoi :
    2011/01718
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Parties : CINQ-HUITIEMES SA / SCORP SARL ; TNT SAS
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Tours, 15 avril 2011
  • Président : Monsieur Alain RAFFEJEAUD
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'Orléans
2012-01-26
Tribunal de commerce de Tours
2011-04-15

Texte intégral

COUR D'APPEL D'ORLÉANSARRÊT du : 26 JANVIER 2012 CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈREN° RG : 11/01718 DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 15 Avril 2011 PARTIES EN CAUSEAPPELANTELa SA CINQ-HUITIEMESagissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège[...]75011 PARIS représentée par Me Elisabeth BORDIER, avoué à la Courayant pour avocat Me Thibault L, du barreau de PARIS D'UNE PART INTIMÉES : La SARL SCORPprise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]37000 TOURSreprésentée par Me Estelle GARNIER, avoué à la Courayant pour avocat la SELARL 2BMP, du barreau de TOURS La SAS T.N.T.agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège[...]31500 TOULOUSE représentée par la SCP DESPLANQUES DEVAUCHELLE, avoués à la Courayant pour avocat Me Anne L, du barreau de LYON

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 01 JUIN 2011ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 30 NOVEMBRE 2011 Lors des débats, du délibéré :Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre,Monsieur Alain GARNIER, Conseiller,Monsieur Thierry MONGE, Conseiller. Greffier :Mme Evelyne PEIGNE, Greffier lors des débats et du prononcé. DÉBATS :A l'audience publique du 08 DECEMBRE 2011 à 14 heures, à laquelle ont été entendus Monsieur Thierry MONGE, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT

:Prononcé le 26 JANVIER 2012 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. EXPOSÉ :La S.A Cinq-Huitièmes, fondée en 1987, commercialise sous la marque 'Eden Park' une ligne de vêtements et accessoires inspirés par le rugby. À Tours, elle vend ses produits dans un magasin sis [...]. Soutenant qu'un magasin exploité par la société Scorp au numéro 31 de la même rue, qui commercialise sous les marques 'Quinze' et 'Serge B' des vêtements également associés au monde du rugby, s'était placé dans son sillage et s'appropriait sans bourse délier une partie de ses investissements en adoptant pour sa devanture la même couleur bleu marine que celle de ses boutiques, et pour sa vitrine, son enseigne et ses affiches la combinaison des couleurs marine et rose qui est emblématique de sa marque, la société Cinq-Huitièmes a fait assigner la société SCORP devant le tribunal de commerce de Tours sur le fondement de la concurrence parasitaire en sollicitant réparation de son préjudice et l'interdiction sous astreinte de tous nouveaux actes de concurrence illicite, ainsi que la publication de la décision à intervenir. La société Scorp a appelé en garantie la société TNT, auprès de laquelle elle s'était approvisionnée. TNT a sollicité le sursis à statuer dans l'attente qu'une décision définitive soit rendue dans l'instance en déchéance d'une marque 'French Flair' et en parasitisme l'opposant elle-même à Cinq-Huitièmes devant la cour d'appel de Paris, et elle a formulé à titre reconventionnel des demandes d'indemnisation pour concurrence déloyale contre Cinq-Huitièmes. Par jugement du 15 avril 2011, le tribunal a refusé de surseoir à statuer et débouté les parties de leurs prétentions respectives, en condamnant la société Cinq- Huitièmes aux dépens avec indemnités de procédure. La société Cinq-Huitièmes a relevé appel. Elle met en avant la spécificité de la combinaison des deux couleurs qu'elle décline en bandes larges depuis les années 1991-1992, et s'appuie sur les résultats d'enquêtes menées par l'IFOP pour affirmer que le public représentatif établit fortement un lien entre les produits 'Eden Park' et les rayures marine et rose. Elle invoque l'importance de ses dépenses publicitaires en l'opposant à l'insignifiance de celles justifiées par Scorp. Elle conteste l'objection de TNT selon laquelle des produits '15-Serge B' à rayures bleu marine et roses auraient été fabriqués par le passé. Elle s'oppose à tout sursis à statuer en indiquant que le procès en cours à Paris porte sur des faits différents, notamment de contrefaçon, le parasitisme n'y étant évoqué qu'au titre d'une mise en valeur des couleurs marine et rose dans la vitrine du magasin parisien de TNT, alors qu'elle-même agit ici contre le seul commerçant tourangeau 'Scorp', détaillant multi-marques qui doit répondre de la mise en avant systématique, par ses soins, des couleurs emblématiques d''Eden Park' dans sa vitrine, son enseigne et sa publicité. Elle réclame 30.000 € de dommages et intérêts, la fixation d'une astreinte en cas de nouveaux actes illicites, et la publication du dispositif de l'arrêt aux frais adverses. Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté TNT des prétentions qu'elle formait à son encontre. La S.A.R.L. Scorp déclare s'en remettre à justice sur la demande de sursis à statuer. Elle dénie à Cinq-Huitièmes tout droit privatif sur la combinaison en larges bandes des couleurs bleu marine et rose, rappelle que la cour d'appel de Paris a annulé le 16 septembre 2009 la marque que celle-ci avait déposée en ce sens, et observe que plusieurs marques de vêtements de sport proposent des produits de ces deux couleurs. Elle fait valoir que l'appelante ne verse pas l'intégralité de ses catalogues, que son site internet révèle que cette combinaison concerne seulement quelques produits de sa gamme 'Eden Park', et que ses enseignes ne l'utilisent pas, de sorte qu'elle n'a rien d'emblématique de la marque. Elle tient pour non significatif le sondage invoqué, et soutient que la concurrence parasitaire requiert bien la preuve d'un risque de confusion, selon elle d'autant plus exclu en l'affaire que les vêtements 'Quinze-Serge B' qu'elle a exposés en vitrine sont rayés rose et noir et non pas rose et bleu marine, et portent dans le dos le chiffre 15 emblématique de cette marque. Elle précise que sa vitrine est changée tous les dix jours. Elle affirme que pareillement, ses affiches publicitaires ne mettaient pas en exergue les couleurs rose et marine mais noire et blanche. Elle assure que la devanture de son magasin n'est pas de couleur bleu marine mais anthracite, et que les couleurs de ses enseignes étaient le noir et le blanc pour la première, et le rose et le noir pour la seconde. Elle réfute le grief de parasitisme en invoquant l'importance de son budget publicitaire, et observe que Cinq-Huitièmes s'abstient de son côté de justifier du sien sur la ville de Tours, seule concernée. Elle conteste la réalité du préjudice allégué. Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris, et sollicite à titre subsidiaire la réduction des prétentions adverses et l'entière garantie de TNT pour toute condamnation qui viendrait néanmoins à être prononcée à son encontre au profit de l'appelante, en tant qu'elle lui a fourni les produits litigieux. La S.A.S. TNT conteste à Cinq-Huitièmes toute prééminence dans la référence au rugby en matière de vêtements et évoque, en critiquant le jugement rendu, l'instance pendante devant la cour d'appel de Paris qui les oppose en fait de contrefaçon prétendue de marque et de concurrence déloyale ou parasitaire. Elle demande à la cour de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'arrêt soit rendu, sauf à confirmer d'emblée le jugement déféré. Rappelant que la société Scorp n'est pas sa franchisée et choisit de sa propre initiative les couleurs de ses affiches, de sa devanture et de son enseigne, elle estime subsidiairement n'être susceptible de devoir sa garantie qu'au titre des polos 'Quinze-Serge Blanco'exposés en vitrine, et conclut au rejet des demandes adverses en arguant du caractère commun des rayures bleu marine et roses, en déniant tout caractère probant aux sondages invoqués, et en contestant l'existence d'un risque de confusion. Il est référé pour le surplus aux dernières conclusions récapitulatives des parties, respectivement déposées et signifiées le 14 novembre 2011 s'agissant de la société Cinq-Huitièmes, le 14 octobre 2011 s'agissant de la société Scorp, et le 16 novembre 2011 s'agissant de la société TNT. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 30 novembre 2011, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés. MOTIFS DE L'ARRÊT :Attendu que l'objet du présent litige consiste, de la part de la société Cinq-Huitièmes, à rechercher la responsabilité propre de la société Scorp pour des actes de parasitisme commercial qu'elle lui impute en septembre 2008 au titre de son utilisation des rayures bleu marine et roses dans la vitrine de son magasin, sur son enseigne et dans sa campagne publicitaire, et de la couleur bleu marine pour l'habillage extérieur de son magasin ; Et attendu qu'il ressort des productions -particulièrement d'un constat d'huissier de justice dressé à Tours le 23 septembre 2008- qu'en effet, la société Scorp avait, à tout le moins ledit jour, exposé dans la partie gauche de sa vitrine sur rue une majorité de produits à motif rayé bleu-marine et rose, que son enseigne représentait trois polos rayés aux couleurs bleu marine ou noir et rose, motif également présent sur des affiches publicitaires mentionnant son enseigne et son adresse ; Attendu que s'il est certes acquis aux débats que la S.A.R.L. Scorp est un commerçant indépendant, il n'en reste pas moins que la boutique d'articles de vêtements qu'elle exploitait à Tours à l'époque considérée était à l'enseigne '15-Fifteen' sous laquelle TNT diffuse ses produits ; que les vêtements à rayures bleu marine et roses dont la présentation dans sa vitrine est querellée étaient tous de la gamme '15/Fifteen-Serge B' ; que l'enseigne extérieure litigieuse apposée sur son magasin de la rue des Halles était une enseigne '15-Serge B' reproduisant la marque semi-figurative exploitée par TNT composée de trois polos à rayures ; et que les affiches placardées à son initiative sur les panneaux publicitaires locaux reproduisaient cette même marque 'Quinze-Serge Blanco' ; Et attendu que dans le cadre du procès actuellement pendant devant la cour d'appel de Paris, la société Cinq-Huitièmes reproche à la société TNT des faits de concurrence parasitaire ayant consisté à se placer dans son sillage en utilisant la couleur bleu marine pour la devanture de ses magasins (cf pièce n°65 de l'appelante : jugement du 05.11.10, page 2) et en exploitant sur ses vêtements, dans ses boutiques et sur ses affiches publicitaires, la combinaison de rayures bleu marine et roses devenue selon elle emblématique de sa marque 'Eden Park' (jugement p.4); que le tribunal a retenu de ce chef la responsabilité de TNT, réparé le préjudice subi par Cinq-Huitièmes en tenant compte de la dévalorisation des ses investissements (cf p.15) et ordonné à titre de réparation complémentaire la publication de sa décision (cf p.18) ; Attendu que même si aucune autorité de chose jugée n'est assurément susceptible d'en résulter sur le présent litige -qu'il s'agisse de l'action principale ou de l'action subsidiaire en garantie, puisque la société Scorp n'est pas partie à l'instance parisienne- il n'en demeure pas moins que les agissements incriminés céans par la demanderesse ne constituent qu'une déclinaison locale de ceux imputés à titre général à la société TNT, appliquée aux agencements du magasin exploité à Tours par la S.A.R.L. Scorp et aux couleurs ornant son enseigne, ses affiches publicitaires et sa devanture ; Attendu, dans ces conditions, qu'il apparaît de bonne administration de la justice de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive soit intervenue dans le litige pendant entre les sociétés Cinq-Huitièmes et TNT;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort : SURSOIT à statuer jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur l'instance actuellement pendante devant la cour d'appel de Paris, opposant la S.A. Cinq-Huitièmes et la S.A.S. TNT ORDONNE le retrait du rôle de l'affaire, et DIT qu'elle sera rétablie à l'initiative de la partie la plus diligente, sur justification de la décision rendue dans ladite instance RÉSERVE les dépens.