Cour de cassation, Troisième chambre civile, 17 novembre 2021, 20-21.326

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2021-11-17
Cour d'appel de Besançon
2020-02-04

Texte intégral

CIV. 3 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 17 novembre 2021 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 810 F-D Pourvoi n° U 20-21.326 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 NOVEMBRE 2021 1°/ Mme [Z] [S], 2°/ M. [O] [E], domiciliés tous deux [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° U 20-21.326 contre l'arrêt rendu le 4 février 2020 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige les opposant à la société Caisse de Crédit mutuel Union, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme [S] et de M. [E], de Me Le Prado, avocat de la société Caisse de Crédit mutuel Union, après débats en l'audience publique du 12 octobre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 4 février 2020), M. [E] et Mme [S] (les consorts [E]-[S]) ont conclu avec la société ETC 70 un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan. 2. Pour financer ce projet, ils ont souscrit un prêt immobilier auprès de la Caisse de crédit mutuel union (la banque). 3. Le chantier a été arrêté au stade du clos et du couvert, alors que le prix avait été intégralement payé. 4. Le constructeur a été mis en liquidation judiciaire. 5. Les consorts [E]-[S], estimant que la banque avait commis des fautes à leur détriment, l'ont assignée en indemnisation.

Examen du moyen



Enoncé du moyen

6. Les consorts [E]-[S] font grief l'arrêt de condamner la banque à leur payer seulement la somme de 20 000 euros en réparation de la perte de chance d'éviter la faillite de leur projet de construction et de rejeter le surplus de leurs demandes, alors : « 1°/ que, en l'état d'un CCMI ne répondant pas aux exigences légales d'ordre public, la perte de chance d'éviter le dommage, consécutive à la réalisation du risque que le constructeur chargé de réaliser sa maison individuelle ne délivre pas, dans les délais convenus, un ouvrage achevé et exempt de vices, et que toutes les garanties prévues légalement ne soient pas acquises au maître d'ouvrage, constitue un préjudice distinct du préjudice moral subi par ce dernier ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner la CCM Union à payer une somme de seulement 20.000 € aux consorts [E]-[S], que le défaut de conseil et d'information de la banque a généré à leur détriment une perte de chance de conclure un CCMI conforme, rigoureux, avec un constructeur solide et sérieux, et d'éviter la faillite de leur projet, et que ce préjudice relevait du préjudice moral des maîtres d'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; 2°/ que l'indemnité de réparation d'une perte de chance ne peut être forfaitaire et doit correspondre à une fraction des différents chefs de préjudice supportés par la victime, de sorte qu'il appartient au juge d'évaluer ces différents chefs de préjudice et d'apprécier à quelle fraction de ces préjudices doit être évaluée la perte de chance indemnisée, afin de fixer la part de l'indemnité correspondant au préjudice de la victime ; que, pour condamner la CCM UNION à payer une somme de seulement 20.000 € aux consorts [E]-[S], la cour d'appel retient que le défaut de conseil et d'information de la banque a généré à leur détriment une perte de chance de conclure un CCMI conforme, rigoureux, avec un constructeur solide et sérieux, et d'éviter la faillite de leur projet, que ce préjudice relevait donc du préjudice moral et, dans ces conditions, qu'il devait être fixé à la somme de 20.000 euros ; qu'en fixant ainsi l'indemnité de réparation de la perte de chance subie par les consorts [E]-[S], de manière forfaitaire, sans évaluer les différents chefs de préjudice invoqués par les maîtres d'ouvrage, ni apprécier à quelle fraction de ces préjudices devait être évaluée la perte de chance indemnisée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

7. Dans leurs conclusions d'appel, les consorts [E]-[S] demandaient l'indemnisation de leur perte de chance à hauteur de 99 % du préjudice total subi. 8. Ils invoquaient, à ce titre, le surcoût du prix de la maison, le coût d'une porte et d'une fenêtre volées et de l'achèvement de l'ouvrage, les pénalités de retard, les intérêts bancaires et l'absence d'assurance dommages-ouvrage. 9. Ils incluaient également la réparation du préjudice moral. 10. La cour d'appel a retenu que la banque, qui s'était assurée de la communication de l'attestation de garantie de livraison, ne pouvait être tenue d'indemniser le préjudice relatif au dépassement du coût de la construction, aux pénalités de retard et aux conséquences du paiement anticipé. 11. Elle a ajouté qu'il en était de même du préjudice découlant de l'absence d'assurance dommages-ouvrage, dès lors que la banque disposait d'une attestation à ce titre, quand bien même elle se serait révélée ultérieurement frauduleuse. 12. Elle a examiné les différents chefs de préjudice invoqués par les consorts [E]-[S] et a pu retenir que le droit à indemnisation résultant du manquement de la banque à son devoir de contrôle des mentions obligatoires du contrat de construction de maison individuelle, consistant en la perte d'une chance de se détourner d'un constructeur peu respectueux de la législation en vigueur et d'en choisir un autre, serait réparé par l'allocation d'une somme dont elle a souverainement évalué le montant, sans le fixer à une somme forfaitaire. 13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS

, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [E] et Mme [S] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt et un. Le conseiller referendaire rapporteur le president Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour Mme [S] et M. [E]. Les consorts [S]-[E] font grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR seulement condamné la CCM UNION à payer aux consorts [S]-[E], la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance d'éviter la faillite de leur projet de construction et de les AV OIR déboutés du surplus de leurs demandes, 1/ ALORS QUE, en l'état d'un CCMI ne répondant pas aux exigences légales d'ordre public, la perte de chance d'éviter le dommage, consécutive à la réalisation du risque que le constructeur chargé de réaliser sa maison individuelle ne délivre pas, dans les délais convenus, un ouvrage achevé et exempt de vices, et que toutes les garanties prévues légalement ne soient pas acquises au maître d'ouvrage, constitue un préjudice distinct du préjudice moral subi par ce dernier ; qu'en affirmant néanmoins, pour condamner la CCM UNION à payer une somme de seulement 20.000 € aux consorts [S]-[E], que le défaut de conseil et d'information de la banque a généré à leur détriment une perte de chance de conclure un CCMI conforme, rigoureux, avec un constructeur solide et sérieux, et d'éviter la faillite de leur projet, et que ce préjudice relevait du préjudice moral des maîtres d'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ; 2/ ALORS QUE l'indemnité de réparation d'une perte de chance ne peut être forfaitaire et doit correspondre à une fraction des différents chefs de préjudice supportés par la victime, de sorte qu'il appartient au juge d'évaluer ces différents chefs de préjudice et d'apprécier à quelle fraction de ces préjudices doit être évaluée la perte de chance indemnisée, afin de fixer la part de l'indemnité correspondant au préjudice de la victime ; que, pour condamner la CCM UNION à payer une somme de seulement 20.000 € aux consorts [S]-[E], la cour d'appel retient que le défaut de conseil et d'information de la banque a généré à leur détriment une perte de chance de conclure un CCMI conforme, rigoureux, avec un constructeur solide et sérieux, et d'éviter la faillite de leur projet, que ce préjudice relevait donc du préjudice moral et, dans ces conditions, qu'il devait être fixé à la somme de 20.000 € ; qu'en fixant ainsi l'indemnité de réparation de la perte de chance subie par les consorts [S]-[E], de manière forfaitaire, sans évaluer les différents chefs de préjudice invoqués par les maîtres d'ouvrage, ni apprécier à quelle fraction de ces préjudices devait être évaluée la perte de chance indemnisée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. Le greffier de chambre