Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2014, présentée pour la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) PharmacieB..., dont le siège est 37 rue Lénine à Ivry-sur-Seine (94200), par le Cabinet Nataf etA... ; la société Pharmacie B...demande à la Cour :
1°) de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la régularité de la constitution du fichier Excel transmis par le juge d'instruction à l'administration fiscale ;
2°) d'annuler le jugement n° 1301011/3 du 3 juillet 2014 du Tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant 1er janvier 2008 au 31 janvier 2011 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 ;
3°) de prononcer la décharge sollicitée ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les opérations d'extraction et de saisie des fichiers du logiciel Alliance effectuées par le service dans le cadre du contrôle inopiné constituent en réalité des traitements informatiques au sens des dispositions du II de l'article 47 A du livre des procédures fiscales ; traitements irréguliers dès lors qu'ils correspondent à l'examen au fond des documents comptables et non à une simple constatation matérielle de l'existence et de l'état des documents comptables ;
- l'administration l'a induite en erreur sur ses droits et obligations en procédant au contrôle de son logiciel de gestion d'officine, qui n'appartient pas au système comptable informatisé de l'entreprise ;
- lors du contrôle inopiné, elle n'a été informée ni de la nature des investigations souhaitées par l'administration, ni des options prévues par le II de l'article
L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
- lorsque l'administration lui a demandé d'exercer son choix, elle n'a pas été informée de la nature des traitements informatiques envisagés par le service ;
- l'administration lui a demandé de faire connaître son option sans respecter le délai prévu à l'article
L. 11 du livre des procédures fiscales ;
- l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été méconnu ;
- l'administration ne pouvait régulièrement faire usage des pièces dont elle a obtenu communication auprès de l'autorité judiciaire, dès lors que celles-ci ont été obtenues au terme d'une procédure contraire aux dispositions du code de procédure pénale ;
- la saisie par laquelle l'autorité judiciaire a obtenu ces pièces, qui n'avait pas d'autre objectif que fiscal, est entachée de détournement de procédure, dès lors qu'elle aurait dû être menée sur le fondement des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;
- l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu et le principe de l'égalité des armes n'a pas été respecté ;
- les éléments de preuve qui lui ont été opposés ont été obtenus par la contrainte et la pression de l'administration au mépris de la volonté du contribuable, qui s'est ainsi auto incriminé ;
- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses qui lui ont été infligées ne sont pas fondées, dès lors que le service ne démontre pas qu'elle a pris l'initiative de demander un mot de passe permettant la mise en oeuvre d'un module de fraude sur son logiciel de caisse ;
- l'administration n'a pas respecté, au cours de la procédure d'établissement des pénalités, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a violé le principe de l'égalité des armes ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2014, présenté par le ministre de des finances et des comptes publics ; le ministre de des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête, y compris des conclusions à fin de sursis à statuer ;
Il soutient que :
- compte tenu des dégrèvements prononcés au titre de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'année 2010, les impositions en litige s'élèvent aux montants respectifs de
3 932 euros, 5 153 euros et 123 euros pour les périodes allant du 1er janvier au
31 décembre 2009, du 1er janvier au 31 décembre 2010 et du 1er au 31 janvier 2011 ;
- la société Pharmacie B...figurait parmi les officines visées par l'enquête judiciaire relative aux pharmacies ayant expressément demandé à la société Alliadis le mot de passe permettant d'accéder à la commande de suppression des opérations de caisse correspondant à certaines ventes payées en espèces ;
- le service n'a procédé le 5 mars 2011 qu'à des constatations matérielles dans le cadre du contrôle inopiné, et nullement à l'examen au fond de documents comptables ;
- le logiciel en cause, dont les fonctionnalités ont pour finalité de permettre à l'exploitant de faire disparaître une partie des recettes et ainsi de modifier des données comptables informatisées, pouvait faire l'objet d'un contrôle dans le cadre de la vérification de comptabilité ;
- le service a remis en mains propres au gérant, M.B..., lors de la première intervention sur place, un courrier informant la société de sa possibilité de choisir l'une des options prévues par les dispositions du II de l'article
L. 47 du livre des procédures fiscales ;
- cet article n'instituant aucun délai quant à l'option que doit choisir le contribuable, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article
L. 11 du livre des procédures fiscales sera écarté ;
- la société requérante ne peut se prévaloir du principe d'égalité des armes, dont elle n'a pas souhaité faire usage, ni invoquer l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans un litige relatif à l'assiette de l'impôt ;
- il n'apparaît pas que le contribuable se soit incriminé ;
- la société requérante n'établit pas en quoi le principe de l'égalité des armes n'aurait pas été respecté s'agissant des majorations pour manoeuvres frauduleuses ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 février 2015 :
- le rapport de Mme Appèche, président,
- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la société Pharmacie B...;
1. Considérant que la société PharmacieB..., qui exploitait une officine de pharmacie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 janvier 2011 et, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2008 et 2009 ; que le vérificateur lui a adressé le
13 octobre 2011, selon la procédure contradictoire, une proposition de rectification concernant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er janvier 2008 au
31 janvier 2011 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dues au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ; que, par un courrier du 10 janvier 2012, il a, dans sa réponse aux observations de la société PharmacieB..., maintenu les rectifications envisagées ; qu'après que la société Pharmacie B...se soit désistée de sa demande de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 25 août 2012 s'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et le 25 septembre 2012 s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; que, le 1er octobre 2012, la société Pharmacie B...a formé une réclamation tendant à contester ces impositions ; que cette réclamation a fait l'objet d'une décision d'admission partielle en date du 6 février 2013 ; qu'à la suite de cette décision, la société PharmacieB..., après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés auxquels elle restait assujettie au titre respectivement de la période allant du
1er janvier 2008 au 31 janvier 2011 et des exercices clos en 2008 et 2009, ainsi que de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article
1729 du code général des impôts, relève appel du jugement n° 1301011/3 du 3 juillet 2014 de ce tribunal rejetant sa demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article
L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / (...) / En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un
conseil. " ;
3. Considérant que la société Pharmacie B...soutient devant la Cour, comme elle le faisait en première instance, que les opérations d'extraction et de saisie des fichiers du logiciel Alliance effectuées par le service dans le cadre d'un contrôle inopiné constituent des traitements informatiques au sens des dispositions du II de l'article
L. 47 A du livre des procédures fiscales et que de tels traitements sont irréguliers dès lors qu'ils correspondent à l'examen au fond des documents comptables et non à une simple constatation matérielle de l'existence et de l'état des documents comptables ; que, toutefois, et ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, il résulte de l'instruction qu'avant de procéder au contrôle inopiné le
15 mars 2011, le service a remis en mains propres à M.B..., gérant de la société PharmacieB..., un avis de vérification de comptabilité dont il a été accusé réception le jour même et qui fait apparaître l'intention du service de procéder, dès le 15 mars 2011, à la constatation des éléments physiques de l'exploitation, de l'existence et de l'état des documents comptables de la société ; qu'il ressort des mentions de l'état contradictoire des constatations matérielles effectuées lors de ce contrôle inopiné, contresigné par M.B..., que ce dernier a, à la demande du vérificateur, sauvegardé une copie de cinq fichiers informatiques utilisés par le logiciel Alliance et que le fichier intitulé " a_futil.d " a été ouvert à seule fin de noter les dates de première et de dernière intervention, ainsi que le nombre de lignes contenues dans ce fichier ; que l'unique copie réalisée de ces fichiers, enregistrée dans deux dossiers créés à cet effet, a été gravée sur un CD-Rom fourni par l'administration ; que cet unique support a été placé dans une enveloppe fermée sur laquelle le cachet du service a été apposé et qui a été remise à M.B..., celui-ci s'engageant à ne pas l'ouvrir et à la présenter ultérieurement au cours de la procédure ; qu'enfin, aucun support de sauvegarde ni aucune copie de fichiers n'ont été emportés par le vérificateur ; qu'ainsi, l'ensemble de ces opérations n'ont eu ni pour objet ni pour effet pour le service de procéder à l'analyse critique des fichiers en cause ou à leur emport physique ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la société requérante, le vérificateur n'a pas procédé à l'examen au fond de ses documents comptables dès sa visite inopinée sans respecter le délai raisonnable qu'imposent les dispositions précitées de l'article
L. 47 du livre des procédures fiscales, mais s'est borné, lors de cette visite, à examiner l'existence et l'état des documents comptables et à consigner ses constatations dans un procès-verbal qui a été contresigné par M. B...; que, dans ces conditions, la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir de ce que l'article 14 de la loi n° 2013-117 du 6 décembre 2013 susvisée, postérieure aux faits de l'espèce, ait modifié l'article
L. 47 A du livre des procédures fiscales en lui ajoutant un III précisant les conditions dans lesquelles le vérificateur peut, dans le cadre d'un contrôle inopiné, effectuer plusieurs copies de certains fichiers informatiques, n'est pas fondée à soutenir que le contrôle inopiné dont elle a fait l'objet aurait méconnu les dispositions de l'article
L. 47 susrappelé en outrepassant les finalités dudit contrôle définies par cet article ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article
L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " (...) / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements / (...) " ;
5. Considérant que la société Pharmacie B...reproche au vérificateur d'avoir procédé au contrôle de son logiciel de gestion d'officine qui, selon elle, n'appartient pas au système comptable informatisé de l'entreprise, dès lors que les recettes sont comptabilisées ultérieurement dans son logiciel comptable, que les inventaires annuels des stocks proviennent de relevés physiques réalisés par un prestataire extérieur, qu'aucune écriture de correction du montant des stocks après inventaire n'est enregistrée dans ledit logiciel Alliance et qu'aucune connexion informatique n'existe entre le logiciel Alliance et le logiciel comptable de la société ; que, toutefois, comme le relève l'administration, le rapport établi par un expert informatique près la Cour d'appel d'Aix-en-Provence et obtenu dans le cadre de son droit de communication fait apparaître que le logiciel Alliance " dispose de fonctions permettant à l'utilisateur de supprimer l'historique de la caisse en cours " et que " les fonctionnalités "traitement écriture Règlements" et "traitement écriture Factures" disponibles nativement dans le logiciel ALLIANCE +, ne peuvent avoir pour finalité que de permettre à l'exploitant de faire disparaître une partie des recettes en espèces de l'officine " ; qu'ainsi, le logiciel Alliance en cause permettant de modifier des données comptables informatisées constitue un élément de traitement comptable informatisé servant à soustraire une partie des recettes payées en espèces sans " concerner des opérations commerciales engageant des tiers et sans perturber les fonctions automatisées de gestion des stocks de marchandises " ; que ce logiciel, même s'il n'est pas connecté au logiciel de comptabilité de la société, fait donc office de logiciel de caisse et concourt à la formation des résultats comptables ; qu'il pouvait dès lors faire l'objet, dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la société PharmacieB..., d'un contrôle sur le fondement de l'article
L. 13 du livre des procédures fiscales ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article
L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure en cause : " (...) / II.-En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double. L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. / Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui ou sous le contrôle desquels les opérations sont réalisées " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / En cas d'application des dispositions du II de l'article
L. 47 A, l'administration précise au contribuable la nature des traitements effectués. / (...) " ;
7. Considérant que la société Pharmacie B...soutient qu'elle n'a été informée ni de la nature des investigations souhaitées, ni de la nature des traitements informatiques envisagés par l'administration avant d'exercer l'option prévue par le II de l'article
L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, il est constant que, lors de sa première intervention sur place le 31 mars 2011, le vérificateur a remis en main propre au représentant de la société un courrier par lequel l'administration fiscale informait celle-ci de la possibilité de choisir l'une des options prévues par les dispositions précitées du II de l'article
L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que ce courrier, qui précise la nature tant des données à contrôler, notamment les ventes et règlements enregistrés, les taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués aux articles vendus, les stocks, les entrées et les sorties de produits, que des traitements informatiques à effectuer, de nature à permettre un contrôle de cohérence et d'exhaustivité des rapprochements et un contrôle des procédures de correction et d'annulation utilisées sur le système de caisse, notamment à partir des éléments de traçabilité intégrés, a suffisamment informé la société Pharmacie B...sur la nature des investigations souhaitées pour lui permettre d'effectuer son choix en toute connaissance de cause, ce qu'elle a d'ailleurs fait au moyen de l'attestation qu'elle a signée le 4 avril 2011 et qui était jointe au courrier du 31 mars 2011 ; que la société Pharmacie B...a, dans des conditions conformes aux dispositions susrappelées, exercé en toute connaissance de cause une option en faveur, non pas de la réalisation par ses soins des traitements envisagés, mais de la simple remise au vérificateur des copies des fichiers nécessaires à la réalisation par le service desdits traitements ;
8. Considérant que, si la société requérante a entendu invoquer l'instruction 13 L-2-08 du 6 mars 2008, elle ne peut en tout état de cause le faire utilement pour contester la régularité de la procédure d'imposition ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article
L. 11 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification " ;
10. Considérant que la société Pharmacie B...soutient que l'administration lui a demandé d'exercer l'une des options prévues au II de l'article
L. 47 A du livre des procédures fiscales sans respecter le délai prévu à l'article
L. 11 du même livre ; que, toutefois, la demande adressée au contribuable d'effectuer un tel choix est un élément du dialogue auquel donne lieu la vérification de comptabilité dans laquelle elle s'insère et n'est pas soumise, notamment, au délai de trente jours prévu à l'article
L. 11 précité du livre des procédures fiscales ; que, par suite, l'administration, en demandant à la société par le courrier du 31 mars 2011 de lui faire connaître son choix d'ici au 6 avril, soit dans un délai raisonnable, n'a pas entaché la procédure d'imposition d'irrégularité ;
11. Considérant que l'administration fiscale a obtenu, sur le fondement des articles L. 81, L. 82 C et
L. 101 du livre des procédures fiscales, communication auprès de l'autorité judiciaire de pièces saisies non pas dans les locaux de la société requérante, mais dans ceux d'une autre société et dans le cadre d'une instruction pénale dirigée à l'encontre de tiers, responsables d'une officine de pharmacie ; que, si ces pièces étaient relatives au module de fraude fiscale intégré au logiciel Alliance utilisé par un certain nombre d'officines pharmaceutiques, dont fait partie la société PharmacieB..., et à l'obtention par ces officines, sur leur demande, du mot de passe nécessaire à l'activation dudit module, les irrégularités qui, selon la société requérante, affecteraient ces saisies, notamment celle du fichier intitulé " listing-mot de passe xls ", au motif qu'une telle saisie était étrangère aux faits dont le juge d'instruction était saisi, sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'établissement des impositions notifiées à la société PharmacieB..., ainsi que sur la possibilité pour l'administration de s'en prévaloir pour établir les impositions contestées ;
12. Considérant, en cinquième lieu, que la société Pharmacie B...n'est pas davantage fondée à prétendre que la Cour devrait surseoir à statuer sur le présent litige dans l'attente que l'autorité judiciaire puisse se prononcer sur la légalité de la constitution du fichier susmentionné ;
13. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support / (...) " ;
14. Considérant que la saisie susmentionnée n'a pas été effectuée par l'administration fiscale sur le fondement des dispositions susénoncées, mais par l'autorité judiciaire et que, dans le cadre de son droit de communication, le service s'est borné à consulter la procédure judiciaire dans le cabinet du juge d'instruction et a obtenu de celui-ci l'autorisation de prendre copie de tous les documents relatifs à l'affaire ; que la société Pharmacie B...a été informée par le service de la teneur et de l'origine des renseignements dont il a obtenu communication auprès de l'autorité judiciaire et qui lui ont servi à fonder les impositions en litige ; que la société requérante n'allègue pas avoir demandé en vain la communication de ces documents avant la mise en recouvrement des impositions contestées ; que, par suite, elle ne peut pas utilement soutenir que l'administration fiscale aurait commis un détournement de procédure ou exercé irrégulièrement les droits qu'elle tient des dispositions susénoncées, ni qu'en lui refusant la communication de pièces pénales, le service l'aurait placée dans une situation de net désavantage attentatoire au principe d'égalité des armes ;
15. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ; que les litiges concernant les procédures relatives aux taxations fiscales, qui ne portent ni sur une contestation de caractère civil, ni sur une accusation en matière pénale, ne sont pas visés par les stipulations précitées ; que, si l'administration s'est fondée, comme elle l'a indiqué au contribuable dans la proposition de rectification, sur certains éléments d'information obtenus lors de la consultation du dossier de la procédure judiciaire susmentionnée, il n'en résulte pas, comme le prétend la société requérante, une imbrication de cette procédure avec la procédure fiscale engagée à son encontre, de nature à conférer un caractère pénal à cette dernière procédure et à la faire rentrer dans le champ des stipulations susrappelées ; que, par suite, la société Pharmacie B...ne peut utilement se prévaloir à l'appui de ses conclusions dirigées contre la procédure relative à l'assiette de l'impôt de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration, en lui faisant réaliser des opérations sur les fichiers du logiciel Alliance Plus dont elle s'est ensuite servie à son encontre, aurait contraint la société Pharmacie B...à s'auto incriminer ;
Sur les pénalités :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'établissement des pénalités :
16. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ;
17. Considérant, d'une part, qu'en demandant au représentant de la société PharmacieB..., dans le cadre d'un contrôle inopiné précédant un contrôle fiscal destiné à garantir dans un but d'intérêt général, la bonne perception des recettes fiscales, de copier des fichiers de traitement comptable concourant à la formation des résultats de cette société, l'administration ne peut être regardée comme ayant, en méconnaissance des stipulations susénoncées, contraint ledit représentant à s'incriminer lui-même ;
18. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des mentions de la proposition de rectification en date du 13 octobre 2011 que l'administration fiscale ne s'est fondée, s'agissant des documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire, que sur la liste des pharmacies ayant demandé à la société Alliadis le mot de passe permettant d'accéder au module de fraude du logiciel Alliance et sur un rapport d'expertise faisant apparaître que ledit module était destiné à minorer les bases imposables ; que le vérificateur a, par lettre du 13 juillet 2012, donné à la société contribuable la possibilité de prendre connaissance des documents utilisés par lui pour procéder aux rehaussements de ses impositions et à l'application de pénalités fiscales ; que, par suite, cette dernière n'était pas placée dans une situation de net désavantage attentatoire au principe d'égalité des armes, ce principe n'imposant pas au vérificateur de communiquer au contribuable qui en aurait fait la demande des renseignements et des documents obtenus de tiers n'ayant pas servi à établir les pénalités envisagées ;
19. Considérant qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 susrappelé doit être écarté ; qu'il en va de même, en tout état de cause, de celui tiré de la méconnaissance de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités :
20. Considérant qu'aux termes de l'article
1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " ; qu'aux termes de l'article
L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;
21. Considérant que, pour justifier l'application de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 précité du code général des impôts, l'administration fait valoir que le rapport de l'expertise diligentée dans le cadre de l'instruction pénale a fait apparaître que le logiciel Alliance utilisé par la société Pharmacie B...comportait un module permettant de dissimuler des recettes et qui ne peut avoir d'autre finalité que la fraude fiscale et que l'activation de ce module nécessitait l'entrée d'un mot de passe " après un laborieux parcours dans les menus et sous-menus de l'application ", ce qui suppose une manoeuvre consciente de l'utilisateur, que la société requérante a expressément utilisé le mot de passe permettant d'accéder à cette fonctionnalité, que ces agissements délibérés ont créé une situation occultant des opérations imposables tout en donnant à la comptabilité l'apparence de la sincérité, et que le fichier " trace " a mis en évidence une suppression moins importante de factures pendant les périodes de congés du gérant de la société PharmacieB... ; que, compte tenu de ce qui vient d'être dit et eu égard à la circonstance que la société requérante se borne à faire valoir que l'administration n'apporte pas la preuve qu'elle a elle-même demandé le mot de passe à la société Alliadis, éditrice du logiciel Alliance, l'administration établit la volonté délibérée de la société Pharmacie B...d'éluder l'impôt ; que, par suite, la société Pharmacie B...n'est pas fondée à demander la décharge de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 précité du code général des impôts ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Pharmacie Batholomew n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des impositions litigieuses doivent, par suite, être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de celles présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, l'Etat n'ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Pharmacie Batholomew est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie Batholomew et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 4 février 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Tandonnet-Turot, président de chambre,
Mme Appèche, président assesseur,
M. Magnard, premier conseiller,
Lu en audience publique le 19 février 2015.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
S. TANDONNET-TUROT
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 11PA00434
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N° 14PA03295