Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
La société Cosylva a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de La Plaine des Palmistes à lui verser une somme de 143 678, 59 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 août 2014, en paiement des travaux qu'elle a réalisés en qualité de sous-traitant de la société " Trait Carré ", titulaire du lot " charpente " du marché public de construction du " groupe scolaire du 1er village de la commune ", ainsi qu'une somme de 40 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 août 2014, en réparation des préjudices financiers subis du fait du refus de paiement opposé par ladite commune.
Par un jugement n° 1401104 du 6 mai 2016, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la commune de La Plaine des Palmistes à verser à la société Cosylva la somme de 143 678, 59 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2014, mis à la charge de cette commune la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de la société Cosylva.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juillet 2016 et 30 novembre 2016, la commune de La Plaine des Palmistes, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 mai 2016 du tribunal administratif de La Réunion en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme de 143 678, 59 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2014, à la société Cosylva ;
2°) de rejeter la demande de paiement présentée par la société Cosylva devant le tribunal administratif de La Réunion ;
3°) de mettre à la charge de la société Cosylva une somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Cosylva, qui n'a pas la qualité de sous-traitant, est dépourvue d'intérêt à agir et ne saurait se prévaloir du droit au paiement direct ; elle a en effet la qualité de fournisseur, n'ayant participé à aucune prestation sur le site ; elle n'a appliqué aucune spécificité technique au bois livré, puisque c'est la société Trait Carré qui était chargée de la taille du bois puis de l'assemblage pour édifier la charpente ; la circonstance qu'elle aurait été par erreur considérée comme un sous-traitant et agréée en cette qualité, est sans incidence sur sa qualité effective de fournisseur ;
- la commune a refusé à juste titre de payer la société Cosylva ; en effet, le droit au paiement direct de travaux ne vaut qu'après contrôle par le maître d'ouvrage des travaux réalisés ; la jurisprudence reconnaît ainsi au maître d'ouvrage le pouvoir de contrôler que les travaux ont été entièrement réalisés et qu'ils sont exempts de malfaçons ; en cas de résiliation du matché et lorsque le titulaire est en liquidation judiciaire, le maître d'ouvrage doit de plus fort contrôler le montant de la créance due ; en cas de résiliation, le contrôle des prestations réalisées s'effectue conformément aux stipulations des articles
46 et
47 du CCAG travaux ; or, en l'espèce, la commune n'a pas été en mesure de contrôler la prestation de la société Cosylva ; en effet, lors des opérations d'état des lieux, la charpente sur mesure, qui n'était pas stockée sur le chantier, n'a pas été réceptionnée par le maître d'oeuvre lors de ses constatations du 26 mai 2014 ; il ne lui appartenait pas de se rendre dans les locaux de la société Trait Carré pour constater la réalité de la prestation, le contrôle du maître d'ouvrage s'effectuant dans le cadre de la procédure de résiliation de l'article
47 du CCAG Travaux ; le contrôle de la prestation impliquait que la charpente soit posée, afin de vérifier, notamment, l'absence de fuite ;
- la demande de paiement direct a été présentée tardivement, alors que le marché était résilié et que les rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et le titulaire avaient cessé ; le règlement n'est apparu que dans la situation n° 7 du 26 juin 2014, sans que les bois de la charpente ne soient présents lors de la réception des parties d'ouvrage exécutés par le maître d'oeuvre ; la demande de paiement direct ne lui a été adressée que le 4 août 2014 ; de plus, il existe un doute sur la réalité de la prestation du sous-traitant avant le 10 juin 2014, dès lors notamment qu'aucune situation de la société Trait Carré n'a mentionné cette prestation ;
- devant la cour, la société Cosylva ne justifie pas de l'indemnisation sollicitée, ni dans son principe, ni dans son quantum ; elle ne démontre pas davantage l'existence d'un lien de causalité entre le refus de paiement de la commune et les licenciements auxquels elle a dû procéder ; les sociétés Cosylva et Trait carré ont commis des fautes qui sont à l'origine des préjudices dont l'indemnisation a été demandée.
Par des mémoires en défense enregistrés les 26 août 2016, 12 janvier 2017 et 22 décembre 2017, la société Cosylva, représentée par la société Fidal, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de la Plaine des Palmistes d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et demande à la cour, d'une part, de fixer à 13,15 % le taux des intérêts moratoires et de prononcer la capitalisation des intérêts, d'autre part, d'annuler le même jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation de ses préjudices financiers et de condamner la commune de La Plaine des Palmistes à lui verser une somme totale de 50 588,26 euros en réparation de ses préjudices et de ses frais de recouvrement.
Elle soutient que :
- en application des dispositions de l'article 112 du code des marchés publics, elle a participé à un marché industriel en fournissant des bois lamellé-collé découpés sur mesure pour la construction projetée ; il ne lui incombait pas de poser cette charpente, la société Trait Carré étant chargée des prestations de taille du bois, d'assemblage et de pose ; le transport n'était pas non plus à sa charge ; sa prestation consistait à fabriquer, non pas un produit standard réutilisable sur tout chantier, mais des poutres découpées spécialement selon les plans du bureau d'études ; elle avait donc bien la qualité de sous-traitant ;
- compte-tenu des prestations qui lui étaient confiées, seules la longueur et la qualité des poutres pouvait le cas échéant faire l'objet d'un contrôle ; ce contrôle n'aurait pas préjugé de l'édification correcte de la charpente ; elle établit avoir réalisé sa prestation, ce dont la commune a été informée à plusieurs reprises ; la commune, invitée à récupérer les bois, ne peut prétendre qu'elle n'a pas été mise à même de contrôler les prestations dont le paiement est demandé ; dans les circonstances exceptionnelles de résiliation anticipée du marché, rien ne faisait obstacle à ce que la commune se déplace en dehors du chantier pour contrôler la réalité des travaux du sous-traitant ; il est au demeurant étonnant que la commune ne récupère pas ces bois, qui auraient pu être utilisés dans le cadre d'un marché de substitution ; le CCAG Travaux n'étant pas mentionné dans l'acte spécial de sous-traitance, ses dispositions ne lui sont pas applicables ; en tout état de cause, il ne ressort pas de ces dispositions que le contrôle doive nécessairement se limiter au périmètre du chantier ; le caractère hermétique d'une charpente ne peut se constater que par temps de pluie, et non au stade d'une réception ; en demandant le paiement intégral de la prestation de son sous-traitant, la société Cosylva a nécessairement contrôlé et validé les travaux réalisés, de sorte que le contrôle revendiqué était inutile ;
- elle établit avoir réalisé sa prestation avant le 10 juin 2014, date de résiliation du marché ; la résiliation du marché ayant été prononcée le 10 juin 2014, la société Trait Carré avait jusqu'au 25 juillet 2014 pour communiquer sa dernière situation de travaux ; la procédure de présentation des demandes de paiement direct prévue par l'article 116 du code des marchés publics n'est pas impérative ; les carences de la société Trait Carré sont sans incidence sur son droit au paiement direct ;
- la commune de La Plaine des Palmistes est seule responsable du retard de paiement ; ce refus de paiement l'a placée dans une situation financière difficile, la conduisant à se séparer de huit salariés pour motifs économiques ; elle établit l'existence d'un lien de causalité en produisant des liasses fiscales ; ces licenciements l'ont conduite à verser à Pôle Emploi une contribution au financement de l'allocation de sécurisation professionnelle pour un montant total de 40 631, 35 euros ;
- en application des dispositions de l'article 40 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 et de l'article 9 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013, elle a droit à une indemnité forfaitaire de 40 euros pour frais de recouvrement ;
- le refus de la commune de payer sa dette l'a contrainte à mandater un avocat en vue de recouvrer sa créance ; le montant des honoraires afférents aux démarches amiables puis contentieuses s'élève à 40 548, 26 euros, préjudice qui n'est pas entièrement couvert par les frais de procès mis à la charge de la commune pour un montant de 1 500 euros ;
- la somme de 1 500 euros mise à la charge de la commune par le jugement en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, qui n'a pas été réglée, devra être assortie des intérêts à compter de la notification du jugement le 7 mai 2016 ;
- malgré le caractère exécutoire du jugement, la commune ne s'est pas acquittée de la somme de 143 678, 59 euros au paiement de laquelle elle a été condamnée ; en application des dispositions de l'article
L. 313-3 du code monétaire et financier, le taux de l'intérêt légal doit en conséquence être majoré de 5 points, s'agissant tant des intérêts afférents à ladite somme de 143 678, 59 euros, que des intérêts dus sur la somme de 1500 euros correspondant aux frais de justice ; la capitalisation des intérêts devra en outre être prononcée ;
- ses conclusions incidentes ne soulèvent pas un litige distinct de l'appel principal et sont par suite recevables.
Par une ordonnance du 26 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 février 2017 à 12 heures.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;
- la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la société Cosylva.
Considérant ce qui suit
:
1. La commune de La Plaine des Palmistes a attribué, en 2014, à la société Trait Carré, le lot " charpente " du marché public du " groupe scolaire du 1er village ". Par un acte spécial du 25 mars 2014, la commune a agréé, à hauteur de 147 678, 59 euros HT, les conditions de paiement de la société Cosylva en qualité de sous-traitante de la société Trait Carré. Le marché conclu entre cette société et la commune a été résilié par la commune le 10 juin 2014. La société Trait Carré a adressé le 9 juillet 2014 au maître d'oeuvre du marché une situation de travaux n°7, datée du 26 juin 2014, mentionnant un montant de 143 678, 59 euros correspondant aux prestations réalisées par la société Cosylva. La commune ayant refusé de régler cette somme, la société Cosylva lui a adressé, par courrier du 4 août 2014 reçu le 8 août 2014, une demande de paiement direct sur le fondement des dispositions de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. A la suite du rejet, le 19 septembre 2014, de cette demande, la société Cosylva a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une requête tendant, d'une part, à la condamnation de la commune de La Plaine des Palmistes à lui verser une somme de 143 678, 59 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 août 2014, en paiement des travaux réalisés en qualité de sous-traitante de la société " Trait Carré ", d'autre part, à la condamnation de cette commune à lui verser une indemnité de 40 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 août 2014, en réparation des préjudices financiers subis du fait du refus de paiement opposé par ladite commune. Par un jugement du 6 mai 2016, le tribunal a condamné la commune de La Plaine des Palmistes à verser à la société Cosylva la somme de 143 678, 59 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2014, a mis à la charge de cette commune une somme de 1500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la société Cosylva. La commune de La Plaine des Palmistes relève appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée. Par la voie de l'appel incident, la société Cosylva demande à la cour, d'une part, de fixer à 13, 15 % le taux des intérêts moratoires et de prononcer la capitalisation des intérêts, d'autre part, d'annuler le même jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation de ses préjudices financiers et de condamner la commune de La Plaine des Palmistes à lui verser une somme totale de 50 588,26 euros en réparation de ses préjudices.
Sur l'appel principal de la commune de La Plaine des Palmistes :
2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage (...) ". L'article 6 de cette loi dispose : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...). Ce paiement est obligatoire même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation de biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites (...) ". Aux termes de l'article 8 de la même loi : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. / Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception "Aux termes de l'article 116 du code des marchés publics en vigueur à la date du litige : " Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / Le pouvoir adjudicateur ou la personne désignée par lui dans le marché adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant. / Le pouvoir adjudicateur procède au paiement du sous-traitant dans le délai prévu par l'article 98. Ce délai court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'accord, total ou partiel, du titulaire sur le paiement demandé, ou de l'expiration du délai mentionné au deuxième alinéa si, pendant ce délai, le titulaire n'a notifié aucun accord ni aucun refus, ou encore de la réception par le pouvoir adjudicateur de l'avis postal mentionné au troisième alinéa. / Le pouvoir adjudicateur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant ".
3. En premier lieu, en vertu des dispositions précitées, les décisions d'accepter une entreprise en qualité de sous-traitante et d'agréer ses conditions de paiement ne sont susceptibles d'ouvrir à celle-ci un droit au paiement direct de ses prestations que pour autant que ces prestations relèvent effectivement du champ d'application de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, lequel ne concerne que les prestations relatives à l'exécution d'une part de marché, à l'exclusion de simples fournitures à l'entrepreneur principal. Ainsi, une entreprise dont le contrat conclu avec l'entrepreneur principal n'a pas les caractéristiques d'un contrat d'entreprise mais d'un simple contrat de fourniture n'a pas droit au paiement direct de ses fournitures par le maître d'ouvrage, en dépit du fait qu'elle a été acceptée par ce dernier en qualité de sous-traitante et que ses conditions de paiement ont été agréées.
4. Il résulte de l'instruction, notamment du devis établi le 7 mars 2014 par la société Cosylva, auquel se réfère expressément l'acte de sous-traitance du 25 mars 2014, ainsi que des factures émises par cette société les 25, 26 et 27 mars 2014 et 10 avril 2014, que la société Cosylva a fourni à la société Trait Carré un ensemble de poutres en bois lamellé-collé, répondant à des spécifications techniques précises en termes de longueur, d'épaisseur, de largeur et d'inclinaison, fabriquées sur mesure aux fins de constituer la charpente du préau et d'une salle en forme d'oeuf, ainsi que la métallerie et la quincaillerie nécessaires à leur assemblage. Les opérations nécessaires à la mise en oeuvre des éléments fabriqués par la société Cosylva, consistant en des prestations de taille des poutres et d'assemblage, constituent de simples ajustements, qui n'emportent pas de modification desdits éléments. Ainsi, contrairement à ce que fait valoir en appel la commune de La Plaine des Palmistes, le contrat passé entre la société Cosylva et la société Trait Carré présente les caractéristiques d'un contrat d'entreprise, de sorte que les prestations fournies par la société Cosylva relèvent du champ d'application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1975.
5. En deuxième lieu, dans l'hypothèse d'une rémunération directe du sous-traitant par le maître d'ouvrage, ce dernier peut contrôler l'exécution effective des travaux sous-traités et le montant de la créance du sous-traitant. La commune de La Plaine des Palmistes fait valoir que le marché qu'elle avait conclu avec la société Trait Carré ayant été résilié avant la pose de la charpente, dont les éléments, fabriqués par la société Cosylva, étaient stockés sur le site de la société Trait carré, elle n'a pas été mise à même de contrôler l'exécution effective des prestations sous-traitées à la société Cosylva et leur conformité aux spécifications prévues par le marché. Cependant, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la commune, informée du lieu de stockage des éléments fabriqués par la société Cosylva, était en mesure de procéder au contrôle des prestations réalisées par cette société, et ne saurait sur ce point se prévaloir des stipulations de l'article 47.1 du cahier des clauses administratives générales " Travaux ", applicables uniquement au marché conclu avec la société Trait Carré. Ainsi, l'absence de contrôle des prestations de la société Cosylva ne saurait justifier le refus de paiement direct opposé par la commune appelante à cette société.
6. En troisième lieu, dans l'hypothèse où le contrat de sous-traitance est résilié, le droit au paiement direct établi par les dispositions précitées au profit du sous-traitant s'applique à tous les travaux qui ont été réalisés avant la résiliation ; une telle demande doit être adressée au maître d'ouvrage en temps utile. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que la société Cosylva a réalisé ses prestations de fabrication en mars 2014, les éléments fabriqués ayant été livrés à la société Trait Carré en mai 2014. Ainsi, les travaux lui incombant en sa qualité de sous-traitante de la société Trait Carré ont été réalisés avant la résiliation du marché, intervenue le 10 juin 2014. Si la commune de La Plaine des Palmistes fait valoir que la demande de paiement direct de la société Cosylva ne lui a été adressée que postérieurement à cette résiliation, cette seule circonstance ne suffit pas à faire regarder cette demande comme présentant un caractère tardif. Il n'est en effet ni établi ni même allégué que cette demande n'aurait pas été présentée selon la procédure prévue par les dispositions précitées de l'article 116 du code des marchés publics, ou encore qu'elle aurait été présentée après l'établissement du décompte de liquidation du marché résilié.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de la Plaine des Palmistes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à verser à la société Cosylva la somme de 143 678, 59 euros.
Sur les conclusions de la société Cosylva :
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
8. Par la voie de l'appel incident, la société Cosylva demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 6 mai 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du refus fautif de paiement opposé par la commune de La Plaine des Palmistes. Ces conclusions soulèvent un litige distinct de celui, principal, relatif à la mise en oeuvre du droit au paiement direct des sous-traitants prévu par la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. Lesdites conclusions sont par suite irrecevables.
En ce qui concerne les frais de recouvrement :
9. Aux termes de l'article 40 de la loi du 28 janvier 2013 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière : " Le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. L'indemnité forfaitaire et l'indemnisation complémentaire sont versées au créancier par le pouvoir adjudicateur (...) ". L'article 9 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique a fixé à 40 euros le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
10. En application de ces dispositions, la société Cosylva est fondée à demander la condamnation de la commune de la Plaine des Palmistes à lui verser une somme de 40 euros au titre de ses frais de recouvrement. En revanche, elle ne démontre pas, en se bornant à produire des notes d'honoraires d'avocats, avoir exposé, au sens de ces dispositions, des frais de recouvrement d'un montant plus élevé. Ses conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité complémentaire au titre de ses frais de recouvrement ne peuvent ainsi être accueillies en tout état de cause.
En ce qui concerne les intérêts :
11. En premier lieu, même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal puis, en application des dispositions de l'article
L. 313-3 du code monétaire et financier, au taux majoré s'il n'est pas exécuté dans les deux mois de sa notification. Il n'y a dès lors pas lieu pour la cour, saisie comme juge d'appel, de majorer le taux des intérêts dont a été assortie la somme que la commune a été condamnée à verser à la société Cosylva, intérêts dont la liquidation relève, en cas de litige, de l'office du juge de l'exécution.
12. En second lieu, pour l'application des dispositions de l'article
1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. De même, la capitalisation s'accomplit à nouveau, le cas échéant, à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.
13. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la commune de la Plaine des Palmistes à verser à la société Cosylva une somme de 143 678,59 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 août 2014. Ladite société a demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire enregistré devant la cour le 26 août 2016. A cette date, les intérêts étaient dus pour une année entière. Il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande au 26 août 2016, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Cosylva, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que sollicite la commune de La Plaine des Palmistes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ladite commune la somme de 3 000 euros demandée par la société Cosylva en application des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de La Plaine des Palmistes est rejetée.
Article 2 : Les intérêts dont la somme de 143 678,59 euros, mentionnée à l'article 1er du jugement attaqué, a été assortie, seront capitalisés à compter du 26 août 2016 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : La commune de La Plaine des Palmistes est condamnée à verser à la société Cosylva une somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Article 4 : Le jugement n° 1401104 du 6 mai 2016 du tribunal administratif de La Réunion est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : La commune de La Plaine des Palmistes versera à la société Cosylva une somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la société Cosylva est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Cosylva et à la commune de La Plaine des Palmistes. Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer et au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 7 février 2018 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 mars 2018.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Christophe PELLETIER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX02206