COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-4
ARRET
N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 AVRIL 2024
N° RG 22/01291
N° Portalis DBV3-V-B7G-VEVK
AFFAIRE :
[Z] [V]
C/
Société ML CONSEILS prise en la personne de Maître [L] en qualité de liquidateur judiciaire de la société RUGBY MEDIAS
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 ars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY
Section : E
N° RG : F 21/00110
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Thibaut BONNEMYE
Me Carine COOPER
Me Claude-Marc BENOIT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [Z] [V]
de nationalité française
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentant : Me Thibaut BONNEMYE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0726
APPELANT
****************
Société ML CONSEILS prise en la personne de Me [L] en qualité de liquidateur judiciaire de la société RUGBY MEDIAS
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Carine COOPER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411
INTIMEE
****************
UNEDIC délégation AGS CGEA D'[Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Claude-Marc BENOIT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1953
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article
805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 2 février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Aurélie PRACHE, Président,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [V] a été engagé par la société Rugby médias, en qualité de journaliste-pigiste, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à compter du 1er mars 2016.
Cette société est spécialisée dans les commentaires de match de rugby. L'effectif de la société au jour de la rupture n'est pas connu. Elle applique la convention collective nationale des journalistes.
En dernier lieu, il percevait une rémunération brute horaire de base de 40 euros, outre une rémunération variable.
Par lettre du 26 août 2020, M. [V] a présenté sa démission dans les termes suivants : « (') j'ai l'honneur de vous informer de ma décision de démissionner de mes fonctions de Journaliste-Pigiste exercées depuis le 1er mars 2016 au sein de RUGBY MEDIAS. Je vous demande de bien vouloir me libérer de mon préavis de départ, avec effet immédiat. Par ailleurs, je souhaiterais être dispensé de l'application de l'article VIII du contrat, afin de pouvoir travailler dans les plus brefs délais avec un de vos clients. (...) ».
Par jugement du 27 juillet 2021, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société Rugby Médias, la Selarl ML Conseils, prise en la personne de M. [L], étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 4 mars 2021, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy aux fins de requalification de sa démission en prise d'acte et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Par jugement du 29 mars 2022, le conseil de prud'hommes, en formation paritaire, de Poissy (section encadrement) a :
. fixé la créance de Monsieur [Z] [V] au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Rugby Médias, représentée par son mandataire liquidateur Me [K] [L] aux sommes suivantes :
. 301,02 euros au titre de la prime d'ancienneté,
. 1 euro symbolique au titre de l'article
700 du Code de procédure civile.
. ordonné l'exécution provisoire de la présente décision sur le fondement de l'article
515 du code de procédure civile.
. débouté Monsieur [Z] [V] du surplus de ses demandes.
. débouté la S.A.R.L. Rugby Médias, représentée par son mandataire liquidateur Me [K] [L] de ses demandes reconventionnelles.
. dit que la présente décision est opposable au Centre de Gestion et d'Études AGS (CGEA) [Localité 6] dans la limite de sa garantie légale.
. ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
Par déclaration adressée au greffe le 19 avril 2022, M. [V] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 9 janvier 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article
455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [V] demande à la cour de :
. infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Poissy le 29 mars 2022,
Statuant de nouveau,
Au titre de l'exécution du contrat de travail :
. ordonner à la Selarl ML Conseils prise en la personne de Me [K] [L], es qualité de mandataire liquidateur de la société Rugby Médias de porter sur le relevé de créance de Monsieur [V] les sommes suivantes :
. Rappel de salaire sur la rémunération non versée : à titre principal 136.691,22euros bruts, outre 13.669,12 euros au titre des congés payés afférents ; à titre subsidiaire 76 278.42 euros outre 7.627,84euros au titre des congés payés afférents ; à titre infiniment subsidiaire 76 278.42 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation contractuelle de verser le salaire dû ;
. Rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté : 3.640,08 euros outre 364 euros au titre des congés payés afférents ; subsidiairement sur ce point 2 390.16 euros outre 239,02 euros au titre des congés payés afférents ;
. Rappel de salaire au titre de la majoration pour travail de nuit : 7000 euros
. Dommages et intérêts pour non-versement d'indemnité de déplacement : 8 000 euros
. Dommages et intérêts pour le manquement aux dispositions contractuelles et atteinte à la vie privée : 3.000 euros.
Au titre de la rupture du contrat de travail :
. dire que la prise d'acte en date du 26 août 2020 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
. ordonner à la SELARL ML CONSEILS prise en la personne de Me [K] [L], es qualité de mandataire liquidateur de la société Rugby Médias de porter sur le relevé de créance de Monsieur [V] :
. Indemnité légale de licenciement : 6.809,98 euros, subsidiairement 4.471,59euros
. Indemnité compensatrice de préavis : 12.133,60 euros outre 1.213,36euros au titre des congés payés afférents, subsidiairement 3.983,60 euros outre 398,36 euros au titre des congés payés afférents
. Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30.300 euros, subsidiairement 19.918 euros
. 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
700 du Code de procédure civile pour la procédure CPH ;
. 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
. ordonner la remise de l'attestation Pôle emploi et certificat de travail portant la mention « licenciement »
. Toutes condamnations assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité pour les salaires et de la saisie pour les autres sommes.
. dire que l'AGS CGEA IDF garantira l'ensemble des sommes.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article
455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la Selarl ML Conseils, prise en la personne de M. [L], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Rugby médias, demande à la cour de :
. prononcer l'irrecevabilité des demandes en requalification en temps plein, de rappel de salaires pour un montant de 136 .691,22 euros outre les congés payés du fait de l'absence d'effet dévolutif.
A titre subsidiaire,
. débouter Monsieur [V] de sa demande au titre de requalification du contrat en temps plein, de sa demande de rappel de salaires pour un montant de 136.691,22 euros outre les congés payés pour un montant de 13.669,12 euros.
. confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de POISSY en ce qu'il a fixé au passif de la société Rugby Médias la somme de 301,02 euros au titre de la prime d'ancienneté et DEBOUTER Monsieur [V] de ses demandes au titre de rappel de salaires outre congés payés afférents, subsidiairement de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de verser le salaire dû, de rappel de salaire pour majoration de nuit, de sa demande indemnitaire pour non versement d'indemnité de déplacement, demande indemnitaire pour le manquement aux dispositions contractuelles et atteinte à la vie privée, de sa demande de requalification de démission en prise d'acte et par conséquent de ses demandes au titre de l'indemnité légale de licenciement, de préavis et de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
. condamner Monsieur [V] [Z] à verser la somme à la SELARL ML Conseils prise en la personne de Maître [L] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens de la présente Instance.
Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article
455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l'AGS CGEA d'[Localité 6] demande à la cour de :
. infirmer le jugement entrepris,
. débouter M. [V] de ses demandes
A titre subsidiaire
Vu l'article
L 1235-3 du code du travail,
. réduire à 3 mois de salaire le montant de l'indemnité pour licenciement injustifié,
. fixer au passif de la liquidation les créances retenues,
. dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article
L 3253-19 du code du travail,
Vu l'article
L 3253-8 du code du travail,
. exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS, ainsi que la garantie de la contrepartie du chômage partiel,
. exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du CPC,
Vu les articles
L.3253-6,
L.3253-8 et
L.3253-17 du code du travail, dire le jugement opposable dans la limite du plafond 6 toutes créances brutes confondues,
Vu l'article
L 621-48 du code de commerce,
. rejeter la demande d'intérêts légaux,
. dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité des demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de rappel de salaires et des congés payés
Le mandataire liquidateur de la société Rugby médias conclut à l'absence d'effet dévolutif des demandes de requalification en contrat de travail à temps plein et rappel de salaire, exposant que la déclaration d'appel du salarié ne comporte aucune critique du jugement relativement à la requalification du contrat en contrat de travail à temps plein et encore moins relativement à un rappel de salaire pour un montant de 136 691,22 euros outre les congés payés afférents. Il ajoute que cette demande est en outre une demande nouvelle.
En réplique, le salarié objecte que sa déclaration d'appel mentionne clairement le dispositif du jugement attaqué et qu'allant au-delà de son obligation légale, il a même précisé dès le stade de la déclaration d'appel les demandes qu'il soumettait à la cour, lesquelles sont identiques à celles qu'il soumettait au conseil de prud'hommes. Il ne réplique pas sur le caractère nouveau de sa demande.
L'AGS CGEA d'[Localité 6] ne formule pas d'observations relativement à cette fin de non-recevoir.
***
Selon l'article 901, 4°, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, la déclaration d'appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. En application des articles 748-1 et 930-1, cet acte est accompli et transmis par voie électronique.
En application de l'article
562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.
Il en résulte que les mentions prévues par l'article 901, 4°, du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul.
Par ailleurs, en application de l'article
564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article
566 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions, sauf à ce que celles-ci soient l'accessoire, la conséquence ou le complément de celles soumises au premier juge, ces dispositions n'étant applicables qu'aux litiges engagés devant les conseils des prud'hommes après le ler août 2016, le principe de l'unicité de l'instance n'ayant été abrogé que par le décret n°2016-660 du 20 mai 2016.
En l'espèce, la déclaration d'appel du salarié en date du 19 avril 2022 mentionne : « appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Il est demandé d'infirmer le jugement en ce qu'il a « fixé la créance de M. [V] au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. Rugby Media, représentée par son mandataire liquidateur Me [K] [L] aux sommes suivantes : 301,02 euros au titre de la prime d'ancienneté, 1 euro symbolique au titre de l'article
700 du Code de procédure civile, débout M. [V] de sa prime d'ancienneté ». Il est demandé d'infirmer notamment sur le débouté des demandes suivantes :
. ordonner à la la Selarl ML Conseils prise en la personne de Me [K] [L], es qualité de mandataire liquidateur de la société RUGBY MEDIAS de porter sur le relevé de créance de Monsieur [V] les sommes suivantes : Au titre de l'exécution du contrat de travail :
. ordonner à la Selarl M1 Conseils prise en la personne de Me [K] [L], es qualité de mandataire liquidateur de la société Rugby Medias de porter sur le relevé de créance de M. [V] les sommes suivantes :
. Rappel de salaire sur rémunération contractuelle 76 278,42euros; subsidiairement sur ce point 76 278,42 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation contractuelle de verser le salaire dû ;
. Rappel de salaire au titre de la prime d'ancienneté : 2 390.16 euros,
. Rappel de salaire au titre de la majoration pour travail de nuit : 7000 euros
. Dommages et intérêts pour non-versement d'indemnité de déplacement : 8 000 euros
. Dommages et intérêts pour le manquement aux dispositions contractuelles et atteinte à la vie privée : 3.000 euros.
Au titre de la rupture du contrat de travail :
. dire que la prise d'acte en date du 26 août 2020 doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
. ordonner à la SELARL ML CONSEILS prise en la personne de Me [K] [L], es qualité de mandataire liquidateur de la société RUGBY MEDIAS de porter sur le relevé de créance de Monsieur [V] :
. Indemnité légale de licenciement : 4.471,59euros
. Indemnité compensatrice de préavis : 3.983,60 euros outre 398,36 euros au titre des congés payés afférents
. Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 19.918 euros
. 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
700 du Code de procédure civile,
. ordonner la remise de l'attestation Pôle emploi et certificat de travail portant la mention « licenciement »
En tout état de cause :
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article
515 du code de procédure civile,
. Toutes condamnations assorties des intérêts au taux légal à compter de la date d'exigibilité pour les salaires et de la saisie pour les autres sommes.
. dire que l'AGS CGEA IDF garantira l'ensemble des sommes »
En l'espèce, M. [V] sollicite pour la première fois en cause d'appel, dans la partie « Discussion » de ses conclusions la requalification de son contrat en contrat à temps plein au motif que le contrat ne mentionne pas la durée mensuelle ou hebdomadaire de travail, et la condamnation de la société à lui payer un rappel de salaire de 136.691,22 euros bruts, outre 13.669,12 euros au titre des congés payés afférents, cette dernière demande figurant également dans le dispositif de ses conclusions. Il ne réplique pas sur la nouveauté de ces demandes, soulevées par l'intimée.
La cour constate en premier lieu, qu'elle n'est pas saisie d'une demande de requalification de son contrat en contrat à temps plein d'une part, et, d'autre part, que la demande de rappel de salaire au titre de la requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps plein et congés payés afférents est nouvelle en cause d'appel, ce que le salarié ne conteste d'ailleurs pas.
Ces demandes, au regard des dispositions précitées, sont nouvelles, ne constituent ni l'accessoire ni le complément de demandes soumises au premier juge et seront en conséquence déclarées irrecevables.
La cour constate en second lieu que la déclaration d'appel ne vise a fortiori pas de chef de dispositif du jugement déboutant le salarié d'une demande de requalification de son contrat en contrat de travail à temps complet et de débouté d'une demande de rappel de salaire au titre de la requalification, puisque, ainsi qu'il a été dit, ces demande n'ont pas été présentées devant les premiers juges.
Enfin, contrairement à ce que soutient le salarié, les demandes qu'il a formées devant le conseil de prud'hommes au titre d'un « rappel de salaire sur rémunération contractuelle 76 278,42euros » ne sont pas identiques à celle qu'il formule en appel de « Rappel de salaire sur la rémunération non versée : à titre principal 136.691,22euros bruts, outre 13.669,12 euros au titre des congés payés afférents ».
Dès lors, en tout état de cause, la déclaration d'appel du salarié n'a pas opéré dévolution du chef de la demande de M. [V] de rappel de salaire de 136 691,22 euros bruts, au titre de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.
En conséquence, la cour retient qu'elle n'est pas saisie d'une demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, et que la demande de rappel de salaires et des congés payés au titre de cette requalification est irrecevable.
Sur les demandes en lien avec l'exécution du contrat de travail
Sur la nature du contrat de travail
Les parties sont en discussion sur la nature du contrat de travail qui liait l'employeur à son salarié, ce dernier exposant qu'il ne s'agit pas d'un contrat dit de « pige » alors que le mandataire liquidateur considère au contraire que le contrat est bien un contrat de pigiste.
En l'espèce, le contrat de travail du salarié est ainsi libellé : « contrat de travail de pigiste » (pièce 2 du salarié). Il prévoit par ailleurs que le salarié a plusieurs missions : « commenter des matches de rugby, rédiger des comptes-rendus de matches de rugby, commenter des contenus audiovisuels ». Le contrat de travail prévoyait encore :
« Article VI : Durée du travail
Les horaires sont fixés par l'entreprise selon les règles de la convention collective.
M. [Z] [V] travaillera prioritairement pour Rugby médias :
. le vendredi de 18h00 à 24h00
. le samedi de 13h00 à 24h00
. le dimanche de 14h00 à 20h00
Ces horaires pourront être modifiés ponctuellement, à la demande de l'entreprise ou du salarié, dans le seul but d'effectuer les missions demandées par les clients.
Article VII : Rémunération
En contrepartie de son activité, le salarié percevra une rémunération horaire brute de 40 euros. La rémunération brute du salarié couvre ses congés payés et le 13ème mois ».
En premier lieu, à la convention collective nationale des journalistes du 1er novembre 1976, refondue le 27 octobre 1987 et étendue par arrêté du 2 février 1988, est annexé un accord du 7 novembre 2008 relatif aux journalistes rémunérés à la pige auquel le salarié se réfère. Cet accord ne définit cependant pas le pigiste.
La convention collective en donne pour sa part une définition en son article 52. Le pigiste, présenté comme un « " journaliste professionnel employé à titre occasionnel" désigne le journaliste salarié qui n'est pas tenu de consacrer une partie déterminée de son temps à l'entreprise de presse à laquelle il collabore, mais n'a pour obligation que de fournir une production convenue dans les formes et les délais prévus par l'employeur. ».
Selon une circulaire du 28 juillet 1950 du ministre du Travail relative à la situation au regard des législations de sécurité des journalistes rémunérés à la pige, la pige se définit comme « un mode de rémunération des articles, dessins ou photographies insérés par une entreprise de presse ou d'édition. La pige règle une fourniture. Elle est calculée en fonction de la qualité ou de l'importance de cette fourniture. Le pigiste est le journaliste ou assimilé, titulaire de la carte professionnelle, dont la collaboration assidue ou occasionnelle avec une entreprise de presse ou d'édition est rémunérée à la pige »
Il en résulte que le pigiste, journaliste professionnel, n'est pas payé au temps mais à la tâche, selon le nombre et la qualité des articles fournis. A contrario, un journaliste qui « n'était pas rémunéré à la tâche en fonction du nombre et de la qualité des prestations fournies, mais percevait régulièrement une rémunération forfaitaire » n'a pas la qualité de pigiste mais celle de journaliste professionnel permanent (Soc., 26 janv. 2000, n° 97-45.583).
En l'espèce, le contrat de travail prévoyait une rémunération du salarié basée sur les heures de travail accomplies à raison de 40 euros bruts par heure, étant rappelé que les heures de travail « prioritairement » définies étaient fixées aux vendredi de 18h00 à 24h00, samedi de 13h00 à 24h00 et dimanche de 14h00 à 20h00. C'est ainsi à tort et contre les termes clairs du contrat de travail que le mandataire liquidateur soutient que le salarié était rémunéré à hauteur de 40 euros « par pige » et non par heure.
En second lieu, si l'employeur d'un journaliste pigiste employé comme collaborateur régulier est tenu de lui fournir régulièrement du travail sauf à engager la procédure de licenciement, il n'est pas tenu de lui fournir un volume de travail constant (Soc., 29 septembre 2009, n°08.43-487, publié).
Or, le contrat de travail conclu entre la société Rugby médias et le salarié le 29 février 2016 faisait de ce dernier un collaborateur régulier, définissain des horaires de travail « prioritaires » du salarié de façon précise (vendredi de 18h00 à 24h00, samedi de 13h00 à 24h00 et dimanche de 14h00 à 20h00) lesquels pouvaient être modifiés, mais seulement de façon « ponctuelle », le contrat stipulant : « ces horaires pourront être modifiés ponctuellement ». La cour en déduit que l'employeur s'est en définitive engagé à lui fournir à M. [V] un travail régulier et constant.
De ce qui précède il résulte deux constats :
. d'une part, le salarié était rémunéré en fonction de son temps de travail, intrinsèquement lié à la durée des matchs qu'il était amené à commenter en direct, et non pas d'une tâche ou d'une pige ;
. d'autre part, l'employeur s'engageait à fournir au salarié un travail régulier et constant.
Ces deux constats conduisent la cour à considérer que même si le contrat litigieux a pour intitulé « contrat de travail de pigiste », le salarié ne peut être considéré comme un pigiste. C'est donc à juste titre que le salarié indique que son contrat de travail a, par erreur, été qualifié de « contrat de travail de pigiste ».
Il en résulte que le salarié peut prétendre à un rappel de salaire sur la base d'un taux horaire et non d'un calcul forfaitaire « à la pige ».
Sur la demande de rappel de salaire
Le salarié soutient qu'en vertu de son contrat de travail, il devait être rémunéré pour 23 heures de travail par semaine. Il expose avoir tenu compte des remarques justifiées des intimées relativement à la prescription et demande un rappel de salaire qui, désormais, couvre la période non affectée par la prescription allant du mois de mars 2018 au 26 août 2020 pour laquelle il sollicite 76 218,42 euros correspondant à la somme qui lui reste due ou, subsidiairement, 67 995,21 euros bruts si la période COVID durant laquelle il était en chômage partiel doit être déduite.
En réplique, le mandataire liquidateur expose que désormais, le salarié a tenu compte de la prescription qui lui avait été opposée en première instance mais qu'au fond, le salarié étant pigiste, il ne peut être rémunéré sur une base horaire mais sur la base de tâches (articles, reportages).
L'AGS CGEA [Localité 6] objecte pour sa part qu'en raison de la crise sanitaire, il n'y a pas eu de compétition sportive de telle sorte que le salarié a été placé en situation de chômage partiel. L'AGS ajoute que le salarié ne peut solliciter un rappel de salaire antérieur au 4 mars 2018 en raison de la prescription et ne peut demander le règlement des heures durant l'année 2020, l'allocation de chômage partiel n'étant pas susceptible d'être garantie par l'AGS.
***
Ainsi qu'il a été retenu, le salarié n'était pas rémunéré à la pige mais selon un volume horaire à raison de 40 euros par heure. Le salarié a été engagé pour travailler « prioritairement » le vendredi de 18h00 à 24h00, le samedi de 13h00 à 24h00 et le dimanche de 14h00 à 20h00 ce qui représente un volume hebdomadaire de 23 heures, lesquelles doivent être rétribuées au salarié sauf à ce que soit démontré, par le mandataire liquidateur, de modifications ponctuelles de ces horaires.
Il ressort des bulletins de paie du salarié qu'il n'a pas systématiquement été rémunéré pour 23 heures hebdomadaires. Selon le calcul qu'il présente à la cour, détaillé dans sa pièce 11, le salarié revendique pour la période comprise entre le mois de mars 2018 et le mois d'août 2020 un rappel de 76 278,42 euros correspondant à la différence entre ce qu'il aurait dû percevoir sur la base d'une rétribution hebdomadaire de 23 heures payées 40 euros bruts de l'heure(soit 3 983,60 euros bruts par mois) et la rémunération qu'il a effectivement perçue.
Cette méthode, qui est pertinente, sera adoptée par la cour.
S'agissant du quantum de la demande, le salarié a sollicité un rappel sur la période de chômage partiel consécutive à la crise sanitaire. Il résulte des écritures de l'employeur (p. 17, sur ce point non contestées) que le salarié a été placé en chômage partiel au cours des mois d'avril, mai et juin 2020. Le salarié ne peut prétendre à un rappel de salaire durant cette période, qu'il convient donc de déduire du décompte qu'il produit.
Par conséquent, la créance du salarié doit être évaluée à la somme de 67 913,22 euros bruts outre 6 791,32 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Il convient donc d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de fixer au passif de la société Rugby médias les sommes ainsi arrêtées.
Sur la prime d'ancienneté
Le salarié se fonde sur l'article 23 de la convention collective et expose qu'il a la qualité de journaliste professionnel depuis le 1er novembre 2013 et qu'il remplit les conditions d'éligibilité au bénéfice de la prime d'ancienneté, laquelle ne lui a jamais été payée.
Le mandataire liquidateur convient que le salarié peut prétendre à un rappel de prime d'ancienneté mais conteste le quantum du rappel sollicité.
Pour sa part, l'AGS s'en rapporte à justice.
***
Selon l'article 23 de la convention collective, « les barèmes minima des traitements se trouvent majorés d'une prime d'ancienneté calculée de la façon suivante :
Ancienneté dans la profession en qualité de journaliste professionnel :
- 3 % pour 5 années d'exercice ;
- 6 % pour 10 années d'exercice ;
- 9 % pour 15 années d'exercice ;
- 11 % pour 20 années d'exercice.
Ancienneté dans l'entreprise en qualité de journaliste professionnel :
- 2 % pour 5 années de présence ;
- 4 % pour 10 années de présence ;
- 6 % pour 15 années de présence ;
- 9 % pour 20 années de présence.
Sera considéré comme temps de présence dans l'entreprise, pour le calcul de l'ancienneté, le temps passé dans les différents établissements de l'entreprise. »
Le salarié a la qualité de journaliste professionnel depuis le 1er novembre 2013 (cf. attestation produite par le salarié en pièce 12). Il a été engagé par la société Rugby médias le 1er mars 2016.
Le salarié pouvait donc prétendre à une prime d'ancienneté correspondant à 3 % de sa rémunération brute du 1er novembre 2018 jusqu'au terme de la relation contractuelle ' mois d'avril, mai et juin 2020 exclus.
Certes, le mandataire liquidateur expose qu'il a versé au salarié, à compter du mois de février 2019, « une prime d'ancienneté intitulée « 13ème mois ». » (p. 15 des conclusions du mandataire).
Si effectivement, la cour relève que le salarié a perçu, à compter du mois de février 2019, une prime de 13ème mois, il ne peut s'agir, d'une prime d'ancienneté. D'abord parce qu'elle n'en porte pas le nom. Ensuite parce que le montant accordé au salarié ne correspond pas à une prime d'ancienneté représentant 3 % de la rémunération brute du salarié. Il n'y a donc pas lieu de déduire le montant de cette prime de la créance du salarié.
Il en résulte que le salarié peut prétendre à un rappel de prime d'ancienneté sur 19 mois à hauteur de 119,51 euros (3 983,60 x 3%) par mois.
Il convient en conséquence, par voie d'infirmation, de fixer au passif de la société Rugby médias la somme de 2 270,69 euros bruts outre 227,06 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Sur la majoration pour travail de nuit
Le salarié se fonde sur l'article 30 de la convention collective et expose que du fait de la nature même de son travail, il lui arrivait de travailler au-delà de 23h00 ; que son contrat lui-même prévoyait un minimum d'une heure de nuit deux fois par semaine. Il ajoute que fréquemment, son temps de travail excédait la durée des matches qu'il commentait et dépassait 23h00.
En réplique, le mandataire liquidateur conteste la demande exposant qu'elle est pour partie prescrite sur la période antérieure au 4 mars 2018. Au fond, il s'oppose à la demande, exposant que le salarié n'en justifie pas et ne peut d'ailleurs en justifier puisque l'antenne devait être rendue avant 23h00 pour laisser place à d'autres programmes.
L'AGS reprend sur ce chef de demande les mêmes arguments que ceux qu'elle présente à propos de la demande du salarié relative à son rappel de salaire relativement à la prescription et à la crise sanitaire.
***
L'article 30 de la convention collective applicable prévoit :
« Travail de nuit
Le travail de nuit donnera lieu à une rémunération supplémentaire de 15 % du salaire du barème, calculée au prorata du temps passé entre 21 heures et 6 heures du matin pour les journalistes professionnels finissant leur travail après 23 heures.
La prime est attachée à la fonction et fera l'objet d'une mention spéciale sur le bulletin de paie.
Pour la presse hebdomadaire et périodique et pour les stations de radio, le travail de nuit sera compensé soit en temps, soit en salaire.
Ne bénéficient pas de cette prime de nuit :
- les reporters qui ne répondent pas au caractère de régularité dans le travail de nuit ;
- les sténographes-rédacteurs lorsqu'ils possèdent un statut particulier ;
- les courriéristes, critiques, reporters théâtraux, dont la fonction est, par essence, du soir;
- la rubrique des tribunaux (chroniqueurs, rédacteurs, informateurs) ;
- les préfecturiers, séanciers, rédacteurs municipaux ;
- les rédacteurs détachés seuls en poste. »
A titre liminaire, la cour observe que l'article 30 de la convention collective prévoit une rémunération majorée pour le travail de nuit assise sur « le salaire du barème » et que le salarié ne précise pas le calcul qui le conduit à solliciter 7 000 euros de rappel de salaire ni la période sur laquelle il présente cette demande dont une partie serait affectée par la prescription triennale de l'article
L. 3245-1 du code du travail, si elle portait sur une période antérieure au 4 mars 2018, ce que la cour ignore puisque le salarié ne précise pas sa demande.
Indépendamment de la prescription, le litige oppose les parties sur la réalité de l'accomplissement d'heures de travail postérieurement à 23h00.
Ce litige porte donc sur l'existence ou le nombre d'heures de travail accomplies par le salarié.
A cet égard, l'article
L. 3171-4 du code du travail dispose qu'« en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
La charge de la preuve ne pèse donc pas uniquement sur le salarié. Il appartient également à l'employeur de justifier des horaires de travail effectués par l'intéressé.
Il revient ainsi au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre l'instauration d'un débat contradictoire et à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Après appréciation des éléments de preuve produits, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance des heures supplémentaires et fixe en conséquence les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, ainsi qu'il a été rappelé à titre liminaire, la demande du salarié manque en précision. Toutefois, les éléments qu'il verse aux débats sont quant à eux suffisamment précis pour montrer que, comme il le prétend à juste titre, il a accompli des heures au-delà de 23h00 et donc, des heures qui auraient dû donner lieu à une majoration correspondant à 15 % du salaire du barème.
En effet, le salarié produit notamment :
. des courriels de 2018 et 2019 montrant qu'il a adressé des fichiers en rapport avec des matchs couverts par l'employeur postérieurement à 23h00 à vingt-huit reprises entre avril 2018 et avril 2019 (cf. sa pièce 25), peu important à cet égard que le client de la société Rugby médias se trouvait être Eurosport, les courriels en question étant adressés à la société Rugby médias comme en témoigne l'adresse courriel du destinataire : « [Courriel 8] » ;
. le contrat de travail fixant « prioritairement » ses heures de travail du vendredi de 18h00 à 24h00 et du samedi de 13h00 à 24h00 soit 2 heures par semaine à réaliser après 23h00.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement.
Or, le mandataire liquidateur ne présente pas d'éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Il résulte de l'accord du 25 janvier 2017 relatif aux salaires minima que « l'accord du 17 décembre 2015 pris en application de la convention collective des journalistes, étendu par arrêté du 14 juin 2016, paru au JORF du 30 juin 2016, a fixé les valeurs de points applicables à compter des effets de son extension, et est applicable par conséquent pour les salaires depuis le 1er juillet 2016 :
. pour tous les salariés, jusqu'à l'indice 120, une valeur de point A de 12,24 euros ;
. pour chaque point supplémentaire, à partir de 121, une valeur de point B de 9,93 €. »
Le salarié a en l'espèce été engagé à l'indice 120.
Selon les articles 2 et 3 de l'accord du 25 janvier 2017 :
. Article 2 : « Les partenaires sociaux de la radiodiffusion privée ont mené la négociation annuelle obligatoire sur les salaires au titre de l'année 2016.
En vertu de quoi, les partenaires sociaux réunis en commission mixte paritaire le 25 janvier 2017 ont trouvé le présent accord qui a ensuite été mis à la signature.
Revalorisation des valeurs de points.
Les partenaires sociaux ont convenu :
' d'augmenter le point A de 1,1 % ;
' d'augmenter le point B de 0,2 %.
Afin d'éviter des décimales de centimes, les valeurs de points en résultant sont arrondies au centime le plus proche.
Ainsi :
a) Chaque point d'indice jusqu'au niveau 120 prendra la valeur de 12,38 € ; cette valeur étant désignée ci-après valeur de point A ;
b) Chaque point supplémentaire à partir de 121 prendra la valeur de 9,95 € cette valeur étant désignée ci-après valeur de point B.
Les nouvelles valeurs des points A et B définies ci-dessus s'appliqueront sur les salaires dus pour toute période de travail à compter du premier jour du mois suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'arrêté d'extension du présent accord par le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.
Pour favoriser une bonne application du présent accord, les partenaires sociaux rappellent au présent article la formule permettant le calcul des salaires minimums conventionnels.
Les salaires minimums conventionnels (SC) se calculent selon la formule suivante :
SC = (120 × valeur de point A) + (Z × valeur de point B).
La somme (120 + Z) est égale au nombre de points de l'indice appliqué au salaire considéré.
La variable Z se détermine comme suit :
' si indice du salarié est de 120, alors Z = 0 ;
' si indice du salarié > = 121, alors Z = indice du salarié ' 120.
Ce mode de calcul, comme l'ensemble des dispositions du présent accord, s'applique sous réserve de dispositions plus favorables résultant de l'application du Smic légal en vigueur. »
De ces dispositions conventionnelles il ressort les éléments suivants :
. le salarié étant engagé à l'indice 120, son « point A » a pour valeur 12,38 euros.
. pour le salarié, le salaire minimum conventionnel est de 1485,60 euros mensuels (120 x 12,38).
Ainsi, compte tenu de ce que :
. le travail de nuit doit donner « lieu à une rémunération supplémentaire de 15 % du salaire du barème, calculée au prorata du temps passé entre 21 heures et 6 heures du matin pour les journalistes professionnels finissant leur travail après 23 heures. »
. le salarié a réalisé, entre mars 2018 et août 2020 des heures de travail au-delà de 23h00,
. le salaire du barème est de 1 485,60 euros sur lequel il convient d'appliquer la rémunération supplémentaire au prorata du temps passé entre 21 heures et 6 heures du matin,
La cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer le rappel de salaire dû au salarié à la somme de 2 192,96 euros bruts étant précisé que le salarié ne demande pas les congés payés afférents.
Par conséquent, par voie d'infirmation, il conviendra de fixer cette créance au passif de la société Rugby médias.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'indemnité de déplacement
Le salarié se fonde sur l'article VII de son contrat de travail et expose que pour les besoins de son activité professionnelle, l'amenant à ce rendre à [Localité 9] et à [Localité 7], il était tenu de louer un véhicule et que les frais afférents ne lui ont pas été remboursés.
Le mandataire liquidateur s'oppose à cette demande, exposant que le salarié ne justifie ni du quantum de sa demande ni des avances de frais qu'il prétend avoir effectuées au titre de ses déplacements. Il ajoute que les factures produites par le salarié ont toutes été payées.
Pour sa part, l'AGS conclut au débouté de la demande du salarié, lequel ne démontre pas son préjudice.
***
L'article
1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
L'employeur est tenu de payer sa rémunération et de fournir un travail au salarié qui se tient à sa disposition et il revient à l'employeur de démontrer que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition.
En l'espèce, l'article VII du contrat de travail prévoit que « (') les déplacements dans le département de résidence du salarié (ou région Île de France s'il y réside) ne sont pas indemnisés. Lorsque le salarié est amené à se déplacer hors de son département, il peut se faire rembourser ses éventuels frais de déplacement sur justificatifs et après accord préalable de la Rugby Medias qui pourra fixer une limite maximale par jour de déplacement ».
En pièces 13 à 17, le salarié établit avoir loué des véhicules, les intimés ne contestant pas que les locations étaient en lien avec l'activité professionnelle du salarié pour des déplacements en dehors de son département de résidence.
Par la production de ces pièces, le salarié justifie avoir payé un total de 532,89 euros pour couvrir les frais de location d'un véhicule, à cinq reprises, entre septembre 2019 et janvier 2020 pour les besoins de son activité professionnelle.
En application de l'article VII de son contrat de travail, l'employeur en devait le remboursement étant précisé qu'aucun autre frais de location n'est justifié par le salarié.
Pour justifier du remboursement des frais de déplacement exposés par le salarié, le mandataire produit les relevés de compte de la société Rugby médias entre le 6 février et le 3 avril 2020.
La cour y décèle un virement libellé au nom de M. [V] réalisé le 10 mars 2020 pour un montant de 779,61 euros. Ce virement ne correspond à aucun bulletin de paye ce qui démontre que le virement a été effectué pour une autre cause que le paiement du salaire et accrédite la version du mandataire liquidateur selon laquelle le salarié a été rempli de ses droits.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.
Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'organisation du travail fixée dans le contrat de travail
Le salarié rappelle les stipulations de son contrat de travail en ce qui concerne son temps de travail prévu sur des plages horaires définis mes vendredi, samedi et dimanche, se prévaut de l'article 4.1 de l'accord du 6 novembre 2014 relatif à la durée de travail des salariés à temps partiel et expose que l'employeur a régulièrement modifié unilatéralement et à la dernière minute les heures de travail contractuellement prévues ce qui lui a causé un préjudice, en portant atteinte à sa vie privée.
Le mandataire liquidateur objecte que le salarié disposait de plannings et conteste que des modifications y aient été apportées, qui plus est à la dernière minute.
L'AGS conteste le préjudice allégué par le salarié.
***
L'article 4.1 de l'accord du 6 novembre 2014 relatif à la durée de travail des personnels à temps partiel prévoit : « Les salariés engagés pour un temps de travail hebdomadaire inférieur à 24 heures bénéficient des garanties suivantes :
4.1. Horaires écrits et réguliers
Les salariés concernés devront bénéficier d'horaires de travail fixés par écrit au contrat de travail ou dans tout document annexe revêtu de la signature du salarié et de l'employeur.
La modification des horaires fixés par le contrat de travail, lorsqu'elle intervient à la demande de l'employeur, devra faire l'objet d'un délai de prévenance de 15 jours calendaires minimums.
Sans que cela puisse constituer une faute ou un motif de licenciement, le salarié pourra, dans ce délai, s'opposer à la modification de ses horaires proposée par l'employeur :
' lorsque la modification proposée aurait pour conséquence prévisible de l'empêcher de cumuler plusieurs activités afin d'atteindre une durée globale d'activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée à l'article
L. 3123-14-1 du code du travail ;
' lorsque la modification proposée n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses dûment justifiées ;
' lorsque la modification proposée n'est pas compatible avec le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur ;
' lorsque la modification proposée n'est pas compatible avec une période d'activité professionnelle non salariée ou une période d'activité fixée chez un autre employeur. »
En l'espèce, ainsi qu'il a déjà été vu ci-dessus, le contrat de travail définissait les horaires de travail « prioritaires » du salarié de façon précise les vendredi de 18h00 à 24h00, samedi de 13h00 à 24h00 et dimanche de 14h00 à 20h00, lesquels pouvaient être modifiés de façon « ponctuelle ». Le total des heures contractuellement prévues, s'élevant à 23 heures, est donc inférieur à 24 heures de telle sorte que le salarié peut prétendre à la garantie prévue par l'article 4.1 susvisé.
Si les horaires pouvaient être modifiés de façon ponctuelle par l'employeur, la modification devait donc respecter les garanties prévues par les textes conventionnels et en particulier celle relative au délai de prévenance de 15 jours calendaires minimum.
Les parties produisent des plannings (pièce 4 de l'employeur et pièces 18 à 20 du salarié) dont il ressort que les horaires contractuellement prévus n'étaient pas systématiquement respectés.
En revanche, il n'en ressort pas que les plannings auraient été modifiés ni, a fortiori, que le délai de prévenance de 15 jours calendaires minimum n'aurait pas été respecté.
N'est donc établi que le fait que les horaires de travail du salarié ont été modifiés de façon habituelle. Ce seul fait, examiné au regard du fait que le délai de prévenance n'a pas été méconnu, ne cause au salarié aucun préjudice.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.
Sur la rupture du contrat de travail
Le salarié demande la requalification de sa démission en prise d'acte. Il fait état des manquements de l'employeur (non-versement du salaire contractuellement prévu, prime d'ancienneté non versée, non-respect de l'organisation du travail) et estime que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le mandataire liquidateur relève que la démission du salarié ne fait mention d'aucun grief et affirme que cette démission n'est pas équivoque. En tout état de cause, il conteste les griefs imputés à la société Rugby médias de sorte que si la démission était requalifiée en prise d'acte, elle produirait toutefois les effets d'une démission et non ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'AGS s'en rapporte sur le bien fondé de la prise d'acte mais demande d'analyser la rupture en une démission.
***
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Lorsque la démission du salarié ne mentionne aucun grief, elle est équivoque si le salarié parvient à démontrer qu'elle trouve sa cause dans les manquements antérieurs ou concomitants de l'employeur. Une telle démission est requalifiée en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements sont avérés et rendent impossible la poursuite du contrat de travail ou d'une démission dans le cas contraire.
En l'espèce, par lettre du 26 août 2020, le salarié a informé son employeur de sa décision de démissionner.
La cour relève toutefois que l'objet mentionné sur la lettre est le suivant : « Objet : démission / prise d'acte ».
Cet intitulé rend en lui-même équivoque la démission, la cour relevant par ailleurs que le salarié se prévaut de manquements antérieurs de l'employeur relativement à son emploi du temps et à sa rémunération.
La démission doit donc être requalifiée en prise d'acte de la rupture.
Il convient donc d'examiner si les manquements de l'employeur rendaient impossible la poursuite du contrat de travail.
En l'espèce la cour a retenu des manquements de l'employeur :
. en ce qui concerne le salaire versé à M. [V],
. en ce qui concerne la prime d'ancienneté ,
. en ce qui concerne les majorations pour travail de nuit.
Ces manquements, qui ont donné lieu à d'importants rappels de salaire, présentent un degré de gravité suffisant pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Ils justifient donc que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ce qui conduit, de ce chef, à infirmer le jugement.
Le salarié peut dès lors prétendre, sur la base d'une rémunération mensuelle de 3 983,60 euros bruts par mois et d'une ancienneté de 4 ans et 5 mois (1er mars 2016 ' 26 août 2020) aux indemnités de rupture suivantes :
. l'indemnité légale de licenciement à hauteur de 4 471,59 euros bruts ;
. l'indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 7 967,20 euros outre 796,72 euros au titre des congés payés afférents.
Infirmant le jugement, ces sommes seront fixées au passif de la société Rugby médias.
Le salarié peut aussi prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article
L. 1235-3 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dont le montant est compris entre 3 et 5 mois de salaire brut.
Compte tenu de l'ancienneté du salarié (4 ans et 5 mois), de son niveau de rémunération mensuel (3 983,60 euros bruts), de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa qualité de journaliste professionnel et de son âge lors de la rupture (28 ans), de ce qu'il a retrouvé un emploi auprès de Sud Radio, le préjudice qui résulte, pour le salarié, de la perte injustifiée de son emploi sera réparé par une indemnité de 12 000 euros, somme qui sera inscrite au passif de la société.
Sur les intérêts
S'agissant des intérêts, le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 27 juillet 2021 a arrêté le cours des intérêts légaux par application des dispositions de l'article
L. 622-28 du code de commerce.
Le salarié sera donc débouté de sa demande tendant à assortir les condamnations des intérêts au taux légal.
Sur la remise des documents
Il conviendra de donner injonction au mandataire liquidateur de remettre au salarié un certificat de travail, une attestation France travail portant la mention « licenciement » et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision.
Sur la garantie de l'AGS
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA [Localité 6] dans la limite de sa garantie et il sera dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens seront mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société Rugby médias et leur emploi en frais de justice privilégiés sera ordonné.
Il conviendra de dire n'y avoir lieu de condamner la société Rugby médias à payer à son adversaire une indemnité sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile.
Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il fixe au passif de la société Rugby médias la somme de 1 euro au titre de l'article
700 du code de procédure civile s'agissant des frais exposés en première instance et en ce qu'il ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
PAR CES MOTIFS
:
Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, dans les limites de sa saisine, la cour :
DECLARE irrecevable la demande de rappel de salaires et congés payés afférents au titre d'une requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps plein dont la cour n'est pas saisie,
CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il en ce qu'il déboute M. [V] de ses demandes de dommages-intérêts pour non versement de l'indemnité de déplacement et pour manquement aux dispositions contractuelles et atteinte à la vie privée, en ce qu'il fixe au passif de la société Rugby médias la somme de 1 euro au titre de l'article
700 du code de procédure civile s'agissant des frais exposés en première instance, et en ce qu'il ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire,
INFIRME le jugement sur le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la démisssion s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
FIXE la créance de M. [V] au passif de la société Rugby médias aux sommes suivantes :
. 67 913,22 euros de rappel de salaire entre mars 2018 et août 2020, outre 6 791,32 euros au titre des congés payés afférents,
. 2 270,69 euros de rappel de prime d'ancienneté entre mars 2018 et août 2020, outre 227,06 euros au titre des congés payés afférents,
. 2 192,96 euros de majoration pour travail de nuit,
. 4 471,59 euros bruts à titre d'indemnité légale de licenciement
. 7 967,20 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 796,72 euros au titre des congés payés afférents,
. 12 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DÉCLARE le présent arrêt opposable à AGS dans la limite de sa garantie et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,
DONNE injonction à la Selarl ML Conseils, prise en la personne de M. [L], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Rugbu médias, de remettre à M. [V] un certificat de travail, une attestation France travail comportant la mention « licenciement » et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile,
MET les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société Rugby médias et ordonne leur emploi en frais de justice privilégiés,
. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président