COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mars 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme MOUILLARD, président
Décision n° 10136 F
Pourvoi n° T 17-23.590
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 MARS 2021
M. F... U..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° T 17-23.590 contre l'arrêt rendu le 24 mai 2017 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), rectifié par un arrêt du 5 décembre 2017, dans le litige l'opposant à la société Château [...], société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations écrites de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de M. U..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Château [...], et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. U... aux dépens ;
En application de l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. U... et le condamne à payer à la société Château [...] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES
à la présente décision
Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour M. U....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande en nullité pour déceptivité et pour déchéance de la marque « CHATEAU [...] » n° 97 696 030 ;
AUX MOTIFS QUE « M. F... U... fait valoir [
] que la marque déposée est Château [...] C... R..., propriétaire à [...] , alors que le propriétaire actuel est M. I..., de sorte que la marque est devenue déceptive dès lors que le nom du propriétaire est un élément essentiel de la marque ;
[
] ;
que s'agissant de la déceptivité, si l'étiquette semi-figurative initialement déposée faisait apparaître en bas à droite en petits caractères « C... R... propriétaire à [...] », il apparaît, et la cour se réfère sur ce point à l'argumentation complète et précise en fait et en droit du tribunal, que l'élément dominant de la marque, semi-figurative, accompagnée d'un blason et de la mention en diagonale « mis en bouteille au château », est la mention Château [...] et [...], le nom du propriétaire étant indiqué en bas à droite en caractères plus petits, et que la protection de la marque s'applique au nom de domaine et à la provenance, suffisants à donner l'image de la marque, le nom du propriétaire étant un élément accessoire visuellement résiduel ;
que s'agissant enfin de la déchéance de la marque pour non-usage, demande fondée sur le fait que l'étiquette porte désormais le nom du nouveau propriétaire, M. I..., et non plus celui de C... R..., ce qui selon M. F... U... entraînerait la déchéance de la marque portant le nom C... R..., la cour fait également sienne la motivation du tribunal, la disparition du nom C... R..., qui ne constitue pas l'élément déterminant de la marque, étant sans incidence, alors en outre que figure le nom du nouveau propriétaire, M. I..., dont il n'est pas contesté qu'il ait bien cette qualité ;
que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. F... U... de sa demande de nullité de la marque Château [...] n° 97 696 030, et des demandes subséquentes d'interdiction et de publication » (cf. arrêt p. 9) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES « 1. sur la marque « CHATEAU [...] »
[
] ;
- la déceptivité
que la marque « CHATEAU [...] » serait devenue déceptive du fait de l'absence de correspondance entre le nom de C... R... figurant sur le dépôt de la marque, lequel apparaît sur l'étiquette faisant partie de la marque déposée comme le propriétaire de l'exploitation ;
qu'il convient sur ce point d'apprécier le caractère distinctif des éléments composant la marque n° 97 696 030, en tenant compte de l'impression d'ensemble produite et en recherchant quels sont les éléments distinctifs et dominants de celle-ci ;
que la SCEA « CHATEAU [...] » a déposé le 17 septembre 1997, sous le numéro 97 696 030, la marque semi-figurative « CHATEAU [...] JT », déposée en couleurs, renouvelée le 23 novembre 2007, pour la classe de produits et de services 33, correspondant aux « vins d'appellation d'origine contrôlée MOULIS EN MEDOC provenant de l'exploitation exactement dénommée CHATEAU [...] » ;
que la notice complète de la marque comporte la reproduction d'une étiquette de bouteille du vin « CHATEAU [...] » ;
que la SCEA « CHATEAU [...] » soutient que l'élément essentiel, distinctif et dominant de la marque « CHATEAU [...] », est la dénomination verbale « CHATEAU [...] » ; qu'elle fait valoir qu'il n'existe pas d'élément verbal « CHATEAU [...] JT » ni « CHATEAU [...] C... R... », ni « CHATEAU [...] C... R... propriétaire à [...] France » ;
que M. U... soutient au contraire que le nom de « CHATEAU [...] » ne constitue pas l'unique élément distinctif de la marque mais que l'indication « C... R... propriétaire à [...] France » est essentielle car elle distingue le vin de [...] de tous les autres vins comportant, en appellation MOULIS, le vocable [...] ;
qu'il est constant que la marque revendiquée par la SCEA « CHATEAU [...] » est une marque semi-figurative ; que l'élément dominant est défini comme le composant d'une marque susceptible de dominer à lui seul l'image de cette marque, que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que le ou les autres composants de cette marque est ou sont négligeables dans l'impression d'ensemble produite par celle-ci ;
que la marque dont est titulaire la SCEA « CHATEAU [...] » comporte la reproduction de l'étiquette du vin produit par l'exploitation, millésime 1995 ;
qu'elle comporte, en caractères de 0,5 cm de hauteur, en écriture liée et en italique, l'indication « CHATEAU [...] » suivie de la reproduction d'un blason comportant en son centre les lettres CF, puis en dessous la mention, écrite dans les mêmes caractères que « CHATEAU [...] » de « MOULIS EN MEDOC », suivie de l'année, puis, en bas de l'étiquette, à droite, également en écriture liée et en italique, la mention de « C... R... ». En diagonale, figure la mention « mis en bouteille au château » ;
que l'impression visuelle est ainsi principalement produite par les termes « CHATEAU [...] » et « MOULIS-EN-MEDOC » qui cadrent l'étiquette en haut et en bas et dont les caractères ont une hauteur totale de 1,7 cm pour les lettres en majuscules ; que s'agissant d'un vin de l'appellation MOULIS-EN-MEDOC, l'attention du consommateur est essentiellement attirée par la mention du château ainsi que par celle de l'appellation ;
qu'il est ainsi incontestable que la SCEA « CHATEAU [...] » a entendu protéger la marque « CHATEAU [...] » en ce qu'elle produit du vin de Moulis-en-Médoc ;
que l'élément verbal « CHATEAU [...] », qui indique la provenance du vin par le nom du château, permet au consommateur d'identifier le produit et de garantir sa provenance et constitue donc l'élément distinctif dominant par rapport aux autres éléments de l'étiquette ;
que le nom de « C... R... » apparaît ainsi accessoire par rapport aux éléments dominants que constituent le nom du château et celui du terroir ;
que la déceptivité ne saurait donc être retenue du fait de la présence sur l'étiquette du nom de C... R... ; que la demande à ce titre doit être rejetée ;
- la déchéance pour non-usage de la marque
que l'article
L. 714-5, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle dispose que : « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans » ; qu'il est ensuite précisé au b) de ce texte qu'est assimilé à un tel usage « l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif » ;
qu'en l'espèce, il convient de relever en premier lieu que le renouvellement de la marque a été effectué le 23 novembre 2007 ; qu'aucun élément du dossier n'établit que la marque « CHATEAU [...] » ne serait plus utilisée ; qu'il ressort au contraire de la pièce n° 28 de la demanderesse que l'étiquette des bouteilles du vin « CHATEAU [...] », pour les millésimes 2006 et 2008, sont toujours composées de la même façon, avec la présence des signes dominants « CHATEAU [...] » et « MOULIS-EN-MEDOC », en lettres liées et en italique ; que la mention « C... R... » a disparu et figure à la place au bas de l'étiquette celle de « S... I... – propriétaire » ; que des extraits de revues spécialisées versés aux débats (« Le guide des meilleurs vins de France – année 2013 » – pièce n° 11 du défendeur, faisant référence aux millésimes 2008 à 2011) confirment qu'est toujours produit du vin sous le nom de « CHATEAU [...] », appartenant à M. I... ;
que seul a disparu le nom de C... R..., qui ne constitue pas un élément dominant de la marque ;
que la marque « CHATEAU [...] » avec ses éléments distinctifs « CHATEAU [...] » et « MOULIS-EN-MEDOC » n'encourt donc pas déchéance ;
que la nullité de la marque « CHATEAU [...] » n'est donc pas encourue et la demande à ce titre doit être rejetée ;
que la marque « CHATEAU [...] » étant valable, il convient d'examiner les demandes de la SCEA « CHATEAU [...] » à l'encontre de M. U... » (cf. jugement p. 5 à 7) ;
ALORS QU'encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d'une marque devenue de son fait propre à induire en erreur notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ; qu'en retenant en l'espèce que la marque semi-figurative « CHATEAU [...] » n'est pas devenue déceptive du fait de l'inexactitude de la mention au sein de celle-ci du nom de C... R... en qualité de propriétaire de l'exploitation – celle-ci étant devenue la propriété de M. I... – dès lors que l'impression visuelle de la marque est « principalement produite par les termes « Château [...] » et « Moulis-en-Médoc » » qui en est « l'élément déterminant », que « l'attention du consommateur est essentiellement attirée par la mention du château ainsi que par celle de l'appellation », que « l'élément verbal « CHATEAU [...] » qui indique la provenance du vin par le nom du château permet au consommateur d'identifier et de garantir sa provenance » et que le nom de « C... R... est un élément accessoire visuellement résiduel », sans constater que le nom de C... R... figurant sur la marque en qualité de propriétaire de l'exploitation, à supposer même qu'il constitue un élément résiduel ou accessoire au sein de la marque, n'était en aucune façon susceptible de garantir, lui aussi, la qualité ou l'origine du produit, la cour d'appel n'a pas caractérisé que l'inexactitude affectant le nom du propriétaire de l'exploitation figurant sur la marque n'était pas de nature à induire en erreur sur la nature, la qualité ou la provenance du produit et a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la marque « CHATEAU [...] » n° 11 3 813 955 contrefait par imitation la marque « CHATEAU [...] » n° 97 696 030, d'avoir prononcé la nullité de la marque « CHATEAU [...] » n° 11 3 813 955, d'avoir condamné M. F... U... à payer à la SCEA Château [...] la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et d'avoir interdit, sous astreinte, à M. F... U... et à ses successeurs et ayants droit, par voie de cession de marque et de fonds de commerce, de fusion, de cession, d'absorption, de restructuration, d'apport partiel d'actif, de faire usage des dénominations de « CHATEAU [...] », « [...] », ou tout vocable similaire et ce, sous quelque forme que ce soit ;
AUX MOTIFS « sur la demande en nullité de la marque « CHATEAU [...] » n° 11 3 813 955, [
] ; sur le droit au toponyme [
] ; sur la contrefaçon ; que c'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a dit que la marque Château [...] n° 11 3 813 955 contrefait par imitation la marque Château [...] et a prononcé la nullité de la marque Château [...] n° 11 3 813 955, dès lors que l'élément verbal distinctif dominant du nom est reproduit à l'identique (Château [...]) et que la confusion phonique et visuelle est évidente, la seule lettre différente, le X, étant muette et en fin de mot ;
que le jugement sera en conséquence également confirmé du chef des interdictions prononcées sous astreinte des dénominations Château [...] et [...] ou de tout autre vocable similaire » (cf. arrêt p. 10 et 11) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES « sur la demande d'annulation de la marque « CHATEAU [...] » déposée sous le n° 11 3 813 955 [
] ; sur le droit au toponyme [
] ; sur la contrefaçon ; que la SCEA Château [...] affirme que la marque « CHATEAU [...] » contrefait la marque antérieure « CHATEAU [...] » déposée le 17 septembre 1997 sous le n° 97 696 030 ; qu'elle en sollicite l'annulation à ce titre ;
qu'elle invoque une contrefaçon par reproduction au motif que l'élément dominant de la marque « CHATEAU [...] » a été reproduit à l'identique par M. U... en déposant la marque verbale « CHATEAU [...] », tout en évoquant dans ses conclusions le possible risque de confusion provoqué par l'utilisation du nom de « CHATEAU [...] » ;
qu'ainsi qu'il a été expliqué ci-dessus, la marque « CHATEAU [...] »
est une marque semi-figurative, les éléments déposés comprenant l'étiquette du vin de « CHATEAU [...] », dont les éléments distinctifs sont « CHATEAU [...] » et « MOULIS-EN-MEDOC » ;
que l'utilisation du nom de « CHATEAU [...] » sans adjonction d'un préfixe ou d'un suffixe, pour des produits identiques – des vins provenant de terroirs situés, l'un dans l'appellation Haut-Médoc, l'autre en Bordeaux Supérieur – les deux exploitations étant distantes d'une soixantaine de kilomètres, entraîne un risque de confusion avec la marque « CHATEAU [...] » ;
qu'en reprenant l'élément verbal distinctif dominant « CHATEAU [...] », en en supprimant seulement la lettre « X » finale, la prononciation du nom de [...] étant strictement identique dans les deux cas, M. U... s'est rendu coupable d'une contrefaçon par imitation ;
que la demande d'annulation de la marque « CHATEAU [...] » est donc justifiée ; qu'il y sera fait droit ;
qu'enfin, la SCEA demande l'annulation de la marque « CHATEAU [...] » n° 11 3 813 955 sur la base de la protection du nom commercial et de la dénomination sociale ; qu'il est inutile d'examiner cette demande dans la mesure où il a été fait droit à la demande d'annulation de la marque « CHATEAU [...] » pour le motif ci-dessus exposé » (cf. jugement p. 7, 8 et 10) :
ALORS QUE l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en présence, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci ; que l'appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque ; qu'il convient d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble ; que la comparaison ne peut être menée sur la base d'un seul élément, fût-il dominant, qu'à la condition que tous les autres éléments de la marque soient négligeables dans la perception du consommateur moyen ; qu'en retenant en l'espèce que la marque verbale seconde « CHATEAU [...] » contrefait par imitation la marque semi-figurative antérieure « CHATEAU [...] » composée des éléments de l'étiquette du vin de « Château [...] », dès lors que les éléments distinctifs de cette marque semi-figurative sont « CHATEAU [...] » et « MOULIS-EN-MEDOC » et que son élément verbal distinctif dominant (Château [...]) est repris à l'identique, en en supprimant la lettre « X », sans ni constater ni caractériser que les autres éléments tant figuratifs que nominatifs de la marque semi-figurative antérieure « CHATEAU [...] » seraient tous négligeables dans la perception du consommateur moyen, la cour d'appel, qui ne s'est pas livrée à une comparaison des marques en présence fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, a violé l'article
L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir interdit à M. F... U... et à ses successeurs et ayants droit, par voie de cession de marque et de fonds de commerce, de fusion, de cession, d'absorption, de restructuration, d'apport partiel d'actif, de faire usage des dénominations de « CHATEAU [...] », « [...] » ou tout vocable similaire et ce, sous quelque forme que ce soit ;
AUX MOTIFS « sur le droit au toponyme ; que c'est à bon droit que le tribunal a retenu non la superficie totale de l'exploitation englobant majoritairement des bois et taillis et prés, alors que la partie viticole dispose d'une autonomie culturale, mais celle cultivée en vigne, d'une part, et d'autre part, n'a pas déduit de cette surface les surfaces de vigne arrachées, dès lors que celles-ci ouvrent un droit à replantation jusqu'en 2021, peu important que la récolte ne puisse intervenir que quatre ans après, dès lors que le droit d'exploitation demeure ouvert, et qu'il n'est pas prévu de surface minimale d'exploitation dans le cadre du droit au toponyme ; qu'il en ressort que la quasi-totalité des surfaces exploitées en vigne se trouve au lieu-dit [...], de sorte que M. F... U... peut bénéficier du privilège de tènement [...] ;
qu'en revanche, compte tenu de l'antériorité de la marque Château [...] déposée en 1997, le nom du toponyme devrait être utilisé avec adjonction d'un élément permettant d'éviter tout risque de confusion, étant rappelé que la transaction de 1991 avait envisagé la dénomination Château [...] Grand pas » (cf. arrêt p. 11 § 4) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES « que le privilège du tènement est donc acquis à M. U... concernant le nom de « CHATEAU [...] » ;
que, toutefois, en présence d'une antériorité dans l'utilisation de ce nom de parcelles, celui-ci ne peut être déposé qu'en y adjoignant un préfixe ou un suffixe afin d'éviter tout risque de confusion avec la marque « CHATEAU [...] » déposée antérieurement » (cf. jugement p. 10) ;
ALORS QU'en interdisant, sous astreinte, à M. U... et à ses successeurs et ayants droit, par voie de cession de marque et de fonds de commerce, de fusion, de cession, d'absorption, de restructuration, d'apport partiel d'actif, de faire usage des dénominations : « CHATEAU [...] », « [...] » ou tout vocable similaire, « sous quelque forme que ce soit », après avoir pourtant jugé que M. U... pouvait bénéficier du privilège de tènement « [...] » l'autorisant à utiliser le nom de ce toponyme à la condition d'y adjoindre un élément permettant d'éviter tout risque de confusion avec la marque antérieure « CHATEAU [...] », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation des articles
L. 713-3 et
L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. U... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la marque « LA SALLE DE CHATEAU [...] » n° 07 3 539 196 ;
AUX MOTIFS « sur la demande de nullité des marques LA SALLE DE CHATEAU [...] et HAUT DE [...]
sur la marque La Salle de Château [...]
que la SCEA Château [...] a déposé la marque La Salle de Château [...] n° 07 3 539 196 le 23 novembre 2007 dans la classe 33 pour les vins d'appellation d'origine Moulis contrôlée issus de l'exploitation Château [...] ;
que M. F... U... demande l'annulation de cette marque sur le fondement de l'article L. 746-6 du code de la propriété intellectuelle au motif qu'elle ferait double emploi avec la marque Château [...] n° 97 696 030 dans la mesure où elle désigne des produits issus de la même exploitation et, par voie de conséquence, la nullité de la marque Château [...] n° 97 696 030 pour coexistence prohibée de deux marques pour la même exploitation ; que le tribunal l'a débouté de cette demande ;
que M. F... U... fonde sa demande sur l'article 7 du décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 qui dispose en son alinéa 2 que « les mentions « Château », « clos », « cru » et « hospices » sont réservées aux vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée lorsque les vins sont issus de raisins récoltés sur les parcelles d'une exploitation ainsi dénommée et vinifiés dans cette exploitation. En outre, la mention « cru » désigne une exploitation ayant acquis sa notoriété sous ce nom depuis au moins dix ans » ;
que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. F... U... de cette demande, dès lors que l'élément principal de la marque La Salle de Château [...] n'est pas le terme de château, mais celui de salle, qu'il apparaît qu'il s'agit d'un second vin dépourvu du titre réglementé de château, procédé commercial désormais classique (exemple : pavillon rouge du château Margaux), que le terme de salle n'est pas davantage visé par le règlement CEE 607/09 qui assimile à château des termes comme domaine, mas, commanderie, abbaye, etc. et que le terme de salle a en l'espèce une origine historique, en ce qu'au XVIème siècle, le seigneur Y... P... était qualifié de seigneur de la terre de [...], et enfin, en ce que le terme de salle marque la dépendance et ne peut être assimilé et confondu avec château ; que si un même vin ne peut faire l'objet de deux marques, et une même exploitation l'objet de deux noms de château, sauf exceptions, une même exploitation peut produire deux vins différents et les conditions de l'exploitation de la deuxième marque intéressent le cas échéant la déchéance ultérieure des droits qui lui sont rattachés, étant précisé qu'en l'espèce, la marque La Salle de Château [...] est bien rattachée à l'exploitation dont le vin est issu » (cf. arrêt p. 12 et 13) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES « 3 - sur la demande d'annulation des marques « La Salle de Château [...] » n° 07 3 539 196 et « Haut de [...] » n° 08 3 614 871 que la marque « [...] » n° 07 3 539 196 a été déposée le 23 novembre 2007, dans la classe 33, pour des vins d'appellation d'origine MOULIS contrôlée issus de l'exploitation Château [...] ;
qu'elle ferait, selon M. U..., double emploi avec la marque « CHATEAU [...] » n° 97 696 030 dans la mesure où elle désigne des produits issus de la même exploitation ; qu'elle serait nulle pour contrevenir aux dispositions de l'article 13, alinéa 4, du décret du 19 août 1921, dont les dispositions ont été reprises sur ce point par l'article 7 du décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 qui dispose en son alinéa 1 que : « château », « clos », « cru » et « hospices » sont réservés aux vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée lorsque les vins sont issus de raisins récoltés sur les parcelles d'une exploitation ainsi dénommée et vinifiés dans cette exploitation. En outre, la mention « cru » désigne une exploitation ayant acquis sa notoriété sous ce nom depuis au moins dix ans » ;
que la SCEA CHATEAU [...] expose pour sa part qu'il s'agit d'un second vin qui n'utilise pas la mention de « Château » ni celles qui lui sont assimilées par l'article 7 alinéa 4 du décret susvisé ;
qu'il est exact que la marque de « La Salle du Château [...] » ne peut être assimilée à un nom de château qui aurait l'obligation de répondre aux exigences des articles 6 et 7 du décret susvisé ; que M. U... se contente de demander l'annulation de cette marque sans apporter aucun élément de preuve à l'appui de ses affirmations ;
que la demande à ce titre sera donc rejetée » (cf. jugement p. 10 in fine et p. 11) ;
1°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits dont il est saisi ; qu'il a ainsi l'obligation de ne pas dénaturer les conclusions des parties et, partant, les termes du litige ; qu'en retenant, en l'espèce, que M. U... demandait l'annulation de la marque « LA SALLE DE CHATEAU [...] » n° 07 3539 196 sur le fondement de l'article L. 746-6 (lire L. 714-6) du code de la propriété intellectuelle quand il en demandait l'annulation sur le fondement de l'article
L. 711-3 du code de la propriété intellectuelle, la cour d'appel a violé ensemble le principe précité et l'article
4 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que la marque « LA SALLE DE CHATEAU [...] » n° 07 3 539 196 couvrait un second vin dépourvu du titre réglementé de château, distinct de celui visé par la marque semi-figurative « CHATEAU [...] » n° 97 696 030 qui désigne en classe 33 les « vins AOC [...] provenant de l'exploitation exactement dénommée « Château [...] » », quand l'enregistrement de la marque « LA SALLE DE CHATEAU [...] » désigne en classe 33 « les vins d'appellation d'origine Moulis contrôlée issus de l'exploitation Château [...] », la cour d'appel a dénaturé l'acte d'enregistrement de cette dernière marque, en violation du principe précité ;
3°/ ALORS QU'une marque est nulle lorsqu'elle est en elle-même susceptible de tromper le public sur l'une des caractéristiques des produits désignés dans son enregistrement, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération les conditions de son exploitation, qui n'intéressent que la déchéance ultérieure des droits qui lui sont attachés ; qu'en retenant en l'espèce, pour dénier tout caractère trompeur à la marque « LA SALLE DE CHATEAU [...] » n° 07 3 539 196, que « si un même vin ne peut faire l'objet de deux marques et une même exploitation l'objet de deux noms de château, sauf exceptions, une même exploitation peut produire deux vins différents » et que la marque « LA SALLE DE CHATEAU [...] » « désigne un second vin dépourvu du titre réglementé de Château » quand l'enregistrement de cette marque désigne des « vins d'appellation d'origine Moulis contrôlée issus de l'exploitation Château [...] », sans mentionner qu'il s'agirait d'un second vin, la cour d'appel, qui a pris en compte les conditions d'exploitation de la marque sans s'en tenir aux caractéristiques des produits visés à son enregistrement, a violé l'article
L. 711-3 c) du code de la propriété intellectuelle.