Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D C a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 20 novembre 2020 par laquelle l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a refusé de la nommer au grade d'aide-soignante, la décision par laquelle l'AP-HP aurait refusé de reconnaître son diplôme d'Etat d'aide-soignante délivré le 10 avril 2018 ainsi que la décision par laquelle l'AP-HP a diligenté une nouvelle expertise médicale destinée à apprécier son aptitude à l'exercice des fonctions d'aide-soignante et, d'autre part, de condamner l'AP-HP à l'indemniser des préjudices subis à compter du 10 avril 2018, date de l'obtention de son diplôme d'aide-soignante ainsi que la somme de 5 000 euros en indemnisation de ses préjudices de carrière, financiers et moraux qu'elle a subis ;
Par un jugement n° 2100274 du 13 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 20 novembre 2020 par laquelle l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a refusé de nommer Mme C au grade d'aide-soignante, enjoint à l'AP-HP de réexaminer la situation de Mme C dans un délai de deux mois et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 mai 2023, le 1er décembre 2023, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), représentée par la SELARL Minier Maugendre et Associées, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement du 13 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 20 novembre 2020 refusant la nomination de Mme D C au grade d'aide-soignante et enjoint à l'AP-HP de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
2°) de rejeter la demande de Mme C ;
3°) de mettre à la charge de Mme C une somme de 1 800 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
L'AP-HP soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité, le tribunal ayant retenu une erreur de droit de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée alors que Mme C soulevait un vice de procédure tiré de ce que l'AP-HP ne pouvait se fonder sur l'avis de médecin agréé dès lors que ce dernier n'avait pas compétence pour statuer sur son aptitude ;
- en jugeant que l'AP-HP ne pouvait se fonder sur l'avis du Dr B pour fonder sa décision de refus de nomination au grade d'aide-soignante, le tribunal a commis une erreur de droit, l'appréciation de l'aptitude aux fonctions d'aide-soignante revient au médecin agréé, conformément au décret du 19 avril 1988, et non à la médecine du travail, puisqu'il s'agit de l'aptitude physique pour la nomination sur un grade et non de l'aptitude à un poste après nomination dans ce grade ; ce n'est qu'en cas d'aptitude physique déclarée par le médecin agréé que, après que l'APHP ait décidé de son recrutement et de son affectation à un poste d'aide-soignante, que Mme C aurait dû être examinée par la médecine du travail pour apprécier son aptitude sur l'affectation envisagée ;
- l'AP-HP n'ayant commis aucune faute, les conclusions indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées ; à titre subsidiaire, Mme C ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre ses prétendus préjudices ;
- en outre, la décision de refus de nomination au grade d'aide-soignante aurait pu être légalement prise au terme d'une procédure régulière de sorte que l'éventuelle illégalité de la décision ne saurait donner lieu à réparation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 novembre 2023, le 29 décembre 2023 et le 31 janvier 2024, Mme D C représentée par Me Jean-Bernard Seghier-Leroy demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de l'AP-HP ;
2°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 5 000 euros en indemnisation des préjudices de carrière, financiers et moraux qu'elle a subis ;
3°) de mettre à la charge de l'AP-HP une somme de 4 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'AP-HP ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté des conclusions incidentes présentées le 15 novembre 2023, après l'expiration du délai d'appel, par lesquelles Mme C demande la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis, qui sont dirigées contre l'article 3 du jugement ayant rejeté le surplus de ses conclusions de première instance et relèvent d'un litige distinct de celui de l'appel principal, présenté par l'AP-HP, relatif à l'annulation par le tribunal de la décision du 20 novembre 2020 ayant refusé de nommer Mme C au grade d'aide-soignante.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- la loi du 13 juillet 1983 ;
- le décret n°88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 2007-1188 du 3 août 2007 ;
- le décret n° 2014-1640 du 26 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Briançon, présidente honoraire, pour exercer les fonctions de rapporteur au sein de la 5ème chambre.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Briançon,
- les conclusions de M. Perroy, rapporteur public,
- les observations de Me Guardiola, représentant l'AP-HP, et les observations de Me Surtous, représentant Mme C.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme D C, agent des services hospitaliers qualifié au sein de l'hôpital Fernand Widal, qui relève de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) a obtenu son diplôme d'aide-soignante le 10 avril 2018 dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience. Par un avis médical du 25 avril 2019, Mme C a été déclarée inapte à l'exercice des fonctions d'aide-soignante. Par un courrier en date du 20 novembre 2020, l'AP-HP a refusé de la nommer dans les fonctions d'aide-soignante. L'AP-HP relève appel du jugement du 13 mars 2023 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a annulé sa décision du 20 novembre 2020 refusant la nomination de Mme D C au grade d'aide-soignante.
Sur l'étendue des conclusions recevables en appel :
2. En premier lieu, dans son mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2023, après l'expiration du délai d'appel, Mme C présente des conclusions incidentes tendant à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis. Ces conclusions, qui sont dirigées contre l'article 3 du jugement ayant rejeté le surplus de ses conclusions présentées en première instance, soulèvent un litige distinct de celui de l'appel principal, présenté par l'AP-HP, relatif à l'annulation de la décision du 20 novembre 2020 ayant refusé de nommer Mme C au grade d'aide-soignante. Par suite, ces conclusions sont irrecevables car tardives et ne peuvent qu'être rejetées.
3. En second lieu, les écritures de Mme C sollicitant l'exécution du jugement ont fait l'objet, dans le cadre d'une procédure distincte, d'une décision du premier vice-président de la Cour en date du 19 mars 2024 de classement administratif en application des dispositions de l'article
R. 921-5 du code de justice administrative.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. L'AP-HP soutient que le jugement est entaché d'irrégularité en ce que le tribunal aurait soulevé d'office une erreur de droit alors que Mme C invoquait un vice de procédure tiré de ce que la déclaration d'aptitude aurait dû être rendue par le docteur A, médecin du travail. Toutefois, en annulant la décision du 20 novembre 2020 de l'AP-HP au motif qu'elle ne pouvait se fonder sur l'avis en date du 25 avril 2019 du docteur B, médecin de contrôle, le tribunal a répondu au moyen soulevé par Mme C dans sa demande, mentionné dans les visas et analysé en ce sens au point 10 du jugement, du vice de procédure tiré de l'incompétence du médecin ayant rendu l'avis du 25 avril 2019. Dans ces conditions, l'erreur de plume tenant à la qualification de ce moyen, au point 5 du jugement, n'entache pas d'irrégularité le jugement attaqué.
Au fond :
5. D'une part, l'article
5 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, alors applicable, dispose que : " Sous réserve des dispositions de l'article 5 bis, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : () 5° S'il ne remplit les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction compte tenu des possibilités de compensation du handicap. ". Aux termes de l'article
10 du décret n° 88-386 du 19 avril 1988 susvisé, dans sa rédaction alors applicable : " Nul ne peut être nommé à un emploi de la fonction publique hospitalière s'il ne produit, dans le délai prescrit par l'autorité administrative, un certificat délivré par un médecin généraliste agréé attestant que l'intéressé n'est atteint d'aucune maladie ou infirmité, ou que les maladies ou infirmités constatées ne sont pas incompatibles avec l'exercice des fonctions auxquelles il postule. Au cas où le praticien de médecine générale a conclu à l'opportunité d'un examen complémentaire, l'intéressé est soumis à l'examen d'un médecin spécialiste agréé. ". Selon l'article 11 du même décret : " Lorsque les conclusions du ou des médecins sont contestées par l'administration ou par l'intéressé, le dossier est soumis au comité médical compétent ".
6. D'autre part, aux termes de l'article
D. 4626-1 du code du travail dans sa version applicable au litige : " Les dispositions des chapitres Ier à V s'appliquent aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions particulières relatives à la fonction publique hospitalière, sous réserve des dispositions du présent chapitre ". Aux termes de l'article
R. 4626-22 du même code : " L'agent fait l'objet, avant sa prise de fonction, d'un examen médical par le médecin du travail. Celui-ci est informé du poste auquel cet agent est affecté. ".
7. Enfin, aux termes de l'article
7 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière : " Les comités médicaux sont chargés de donner un avis à l'autorité compétente sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois de la fonction publique hospitalière () ".
8. Mme C, agent de service au sein de l'AP-HP, a obtenu son diplôme d'aide-soignante dans le cadre de la validation des acquis de l'expérience (V.A.E.) externe à l'AP-HP. L'AP-HP soutient que l'appréciation de l'aptitude aux fonctions d'aide-soignante revient au médecin agréé, puisqu'il s'agit de l'aptitude physique pour la nomination sur un grade et non de l'aptitude à un poste après nomination dans ce grade, et que ce n'est qu'en cas d'aptitude physique déclarée par le médecin agréé et après que l'AP-HP ait décidé de son recrutement et de son affectation sur un poste d'aide-soignante que Mme C aurait dû être examinée par la médecine du travail.
9. Il ressort des pièces du dossier que la direction des ressources humaines de l'hôpital Fernand Widal a sollicité une visite médicale d'aptitude de Mme C à la fonction d'aide-soignante auprès du médecin qui exerce ses fonctions au sein du service de "'surveillance médicale des agents du personnel'-'médecine de contrôle'", et que par un avis du 25 avril 2019 ce dernier l'a déclarée inapte à l'exercice des fonctions d'aide-soignante. Le 21 juin 2019 Mme C a contesté cet avis et sollicité l'avis du comité médical, qui a refusé de se prononcer au motif que cette demande relevait de la médecine du travail. Toutefois, le 6 juillet 2020, le médecin du travail attaché à l'AP-HP, saisi par l'intéressée, l'a déclarée apte sur le poste " d'AS en SLD ". Si, comme le soutient l'AP-HP, l'appréciation de cette aptitude revient au médecin agréé et non à la médecine du travail, puisqu'il s'agit de l'aptitude physique pour la nomination sur un grade et non de l'aptitude à un poste après nomination dans ce grade, cette circonstance n'exonérait pas l'AP-HP, en présence d'une contestation d'ordre médical, de l'obligation de saisir pour avis le comité médical, conformément aux dispositions de l'article
7 du décret du 19 avril 1988, avant de se prononcer sur la situation de Mme C.
10. Il résulte de ce qui précède que l'AP-HP n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 20 novembre 2020.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'AP-HP demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme C présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Mme C tendant à la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis, et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à Mme D C.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente honoraire,
- M. Dubois premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024.
La rapporteure,
C. BRIANÇON
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.