Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 28 mai 2013, 12-16.237

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2013-05-28
Cour d'appel de Montpellier
2012-01-24

Texte intégral

Sur le moyen

unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 janvier 2012), que M. X... ayant refusé de réitérer la promesse de cession de fonds de commerce qu'il avait consentie au bénéfice de M. Y..., lequel s'était substitué la société Z..., ces derniers ont demandé qu'il soit condamné à leur payer des dommages-intérêts ; que M. X... ayant été mis en liquidation judiciaire, M. A..., désigné liquidateur, a repris l'instance ;

Attendu que la société Z... et M. Y... font grief à

l'arrêt d'avoir rejeté leur demande, alors, selon le moyen : 1°/ que ne remplit pas son office le juge qui, après avoir reconnu le bien-fondé d'une demande en indemnité, rejette celle-ci au motif qu'il ne peut chiffrer l'étendue du préjudice subi par la victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément retenu que M. X... avait commis un manquement contractuel à l'égard de la société Z... et que celle-ci avait un « droit à indemnisation » ; que, dès lors, en ayant débouté la société Z... et M. Y... de leur demande en paiement de dommages-intérêts au seul motif qu'ils ne faisaient « état d'aucun autre préjudice » que la « valeur actuelle du fonds de commerce », quand il lui appartenait, pour remplir son office, d'inviter les parties à conclure sur l'étendue du préjudice qu'ils avaient subi et d'ordonner, le cas échéant, une mesure d'instruction, la cour d'appel n'a pas fait usage de son pouvoir et a violé, de ce fait, l'article 4 du code civil ; 2°/ qu'en toute hypothèse, le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écritures des parties ; qu'en l'espèce, la société Z... et M. Y... exposaient expressément que M. Z... avait été contraint de solliciter un emprunt de son beau-père pour un montant de 60 000, 00 euros, qu'il s'était investi sans compter dans son projet d'acquisition du fonds de commerce de M. X..., qu'il avait même travaillé gratuitement pour ce dernier, qu'il s'était retrouvé sans emploi, avec deux enfants à charge tandis que son épouse ne travaillait pas et que la société Z..., qui aurait dû bénéficier de la saison touristique 2010, avait subi un manque à gagner d'environ 50 000, 00 euros pour cette même année ; que, dès lors, en ayant affirmé que la société Z... et M. Y... ne faisaient « état d'aucun autre préjudice » que la « valeur actuelle du fonds de commerce », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de leurs conclusions et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu

qu'ayant retenu que le préjudice causé par les manquements contractuels de M. X... ne saurait correspondre à la valeur actuelle de la chose vendue et relevé, sans dénaturer les conclusions de M. Y... et de la société Z..., que cette dernière ne faisait état d'aucun autre préjudice, la cour d'appel, qui n'a pas refusé d'apprécier l'étendue d'un préjudice dont elle aurait constaté l'existence, n'a pas méconnu son office ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Z... et M. Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Z... et M. Y... Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la société Z... et M. Thierry Y... de leur demande visant à la condamnation de M. Georges X... au paiement de dommages-intérêts ; Aux motifs que « le compromis de vente du 11 janvier 2010 prévoit que la propriété du fonds de commerce sera acquise à M. Y... ou à toute personne substituée, à la date de signature de l'acte authentique de réitération de la cession, fixée au 11 mars 2010, sous réserve de la réalisation des conditions suspensives d'obtention d'un prêt de 170 000 euros par le cessionnaire, dans un délai de 45 jours, et de la transmission par le cédant d'un avis de la commission de sécurité et de l'autorisation de vendre donnée par la juridiction commerciale. Les parties n'ont pas entendu donner à la signature de l'acte authentique dans le délai fixé le caractère d'une condition de validité de leur engagement ou d'un élément constitutif de leur consentement, puisqu'il s'agissait d'un acte réitératif subordonné à la réalisation préalable des conditions suspensives, l'accord sur la chose et sur le prix étant acquis. Il s'agissait d'une simple modalité d'exécution de la cession. Il n'est pas non plus stipulé que le défaut de signature de l'acte authentique au plus tard le 11 mars 2010 entraînerait la caducité de l'accord. Si la société Z... a obtenu le financement du prix d'acquisition postérieurement au délai de 45 jours stipulé dans le compromis de vente, cette circonstance est sans effet puisqu'il est précisé que les conditions suspensives doivent être réalisées au jour de la signature de l'acte authentique de cession et que M. X... a renoncé à se prévaloir de la défaillance de la condition suspensive d'obtention du prêt dans le délai susvisé puisqu'il a accepté la prorogation de ce délai en mettant en demeure M. Y... de signer l'acte notarié de cession dans les 15 jours suivant la réception de la lettre recommandée du 18 juin 2010. La société Z... a justifié de l'octroi d'un prêt de 150 000 euros par la caisse d'épargne et de trois prêts brasseurs s'élevant à 40 000 euros, soit globalement 190 000 euros, dès le 23 juin 2010 ainsi que d'un apport personnel de 60 000 euros ; les fonds ont été déposés en l'étude du notaire instrumentaire le 5 juillet 2010. La condition suspensive d'obtention du financement du prix d'acquisition a donc été réalisée conformément aux stipulations contractuelles avant la date de fixation de la réitération par acte authentique prorogée au 30 juillet 2010. Cette prorogation a été décidée par le notaire dans la mesure où M. X... devait obtenir l'autorisation du tribunal de commerce de céder le fonds de commerce à la société Z.... Par courrier du 1er juillet 2010, adressé à M. X..., le notaire l'a invité à déposer rapidement une requête en ce sens au greffe du tribunal de commerce de Béziers et lui a rappelé que le cédant pouvait le contraindre à l'exécution forcée de la vente s'il refusait de signer l'acte authentique. Il n'est nullement justifié qu'une telle autorisation ait été transmise avant le 30 juillet 2010. Le jugement du tribunal de commerce de Béziers en date du 10 juin 2009 qui concerne une autorisation de céder le fonds de commerce sur la base d'un compromis de vente conclu le 27 mars 2009 ne saurait être invoqué utilement par M. A..., ès qualités, dans le cadre de la cession postérieure du 11 janvier 2010. M. X... qui n'a pas fourni également l'avis de la commission de sécurité a donc empêché l'accomplissement des conditions suspensives mises à sa charge, qui sont donc réputées accomplies, en application de l'article 1178 du code civil. Maître A..., ès qualités, n'est donc pas fondé à se prévaloir d'une caducité du compromis pour défaillance des conditions suspensives. L'acte stipule que « la date d'expiration du délai ou sa prorogation n'est pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties peut obliger l'autre à s'exécuter ; si l'une des parties ne se présente pas dans le délai fixé ou prorogé, pour signer l'acte authentique, l'autre partie pourra soit requérir le dépôt aux minutes de l'acte et poursuivre la réalisation de l'acte soit consentir à la résolution, (…) la réalisation des conditions suspensives n'ayant pas d'effet rétroactif ». Aucun dépôt de garantir n'a été convenu et s'il est fait mention d'une clause pénale à la charge de la partie défaillante, son montant n'a pas été fixé par les parties. La société Z... a vainement mis en demeure M. X... de signer l'acte authentique dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la lettre recommandée du 6 août 2010 et n'a pas, par la suite, sollicité judiciairement l'exécution forcée de la vente. Cette exécution est devenue impossible puisque M. X... a cédé le fonds de commerce à M. C..., le 30 septembre 2010, après avoir obtenu une autorisation en ce sens de la juridiction consulaire. Si le refus de signer l'acte authentique de réitération de la cession et la vente à un tiers du fonds de commerce constituent des manquements contractuels fautifs de M. X... qui fondent le droit à indemnisation de la société Z..., en sa qualité de cessionnaire, en vertu des articles 1142 et 1147 du code civil, le dommage en résultant ne saurait correspondre à la valeur actuelle de la chose vendue. En effet, la société Z... qui a récupéré les fonds remis au notaire au titre du prix de vente ne peut pas solliciter une exécution par équivalent de l'obligation de délivrance, qui constitue la contrepartie du paiement du prix, en l'état d'une cession qui s'est trouvée résolue, en application de l'article 1184 du code civil, auquel les intimés se réfèrent dans leurs écritures en cause d'appel. Dans la mesure où la société Z... ne fait état d'aucun autre préjudice, la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu le droit à indemnisation de la société Z..., mais doit rejeter la demande en paiement d'une indemnité de 250 000 euros, correspondant à la valeur actuelle du fonds de commerce. Le jugement sera réformé de ce chef » ; 1. Alors que, d'une part, ne remplit pas son office le juge qui, après avoir reconnu le bien-fondé d'une demande en indemnité, rejette celle-ci au motif qu'il ne peut chiffrer l'étendue du préjudice subi par la victime ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément retenu que M. X... avait commis un manquement contractuel à l'égard de la société Z... et que celle-ci avait un « droit à indemnisation » ; que, dès lors, en ayant débouté la société Z... et M. Y... de leur demande en paiement de dommages-intérêts au seul motif qu'ils ne faisaient « état d'aucun autre préjudice » que la « valeur actuelle du fonds de commerce », quand il lui appartenait, pour remplir son office, d'inviter les parties à conclure sur l'étendue du préjudice qu'ils avaient subi et d'ordonner, le cas échéant, une mesure d'instruction, la Cour d'appel n'a pas fait usage de son pouvoir et a violé, de ce fait, l'article 4 du Code civil ; 2. Alors que, d'autre part et en toute hypothèse, le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écritures des parties ; qu'en l'espèce, la société Z... et M. Y... exposaient expressément que M. Z... avait été contraint de solliciter un emprunt de son beau-père pour un montant de 60. 000, 00 €, qu'il s'était investi sans compter dans son projet d'acquisition du fonds de commerce de M. X..., qu'il avait même travaillé gratuitement pour ce dernier, qu'il s'était retrouvé sans emploi, avec deux enfants à charge tandis que son épouse ne travaillait pas (conclusions, p. 9) et que la société Z..., qui aurait dû bénéficier de la saison touristique 2010, avait subi un manque à gagner d'environ 50. 000, 00 € pour cette même année (ibid., p. 10) ; que, dès lors, en ayant affirmé que la société Z... et M. Y... ne faisaient « état d'aucun autre préjudice » que la « valeur actuelle du fonds de commerce », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de leurs conclusions et a violé l'article 4 du Code de Procédure civile.