9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT
N°
N° RG 21/04650 - N° Portalis DBVL-V-B7F-R3T5
[R] [AY] épouse [W]
C/
CPAM DU FINISTERE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère
GREFFIER :
Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 18 Juin 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
DÉCISION
DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 31 Mai 2021
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal Judiciaire de QUIMPER - Pôle Social
Références : 20/00411
****
APPELANTE :
Madame [R] [AY] épouse [W]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Arnaud DE LAVAUR de la SELARL PEACOCK AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Raphael JAMI, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Madame [B] [U] en vertu d'un pouvoir spécial
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [R] [AY] épouse [W] (Mme [W]), infirmière libérale, a fait l'objet d'un contrôle administratif portant sur ses facturations sur la période du 1er janvier 2017 au 11 décembre 2018, réalisé par la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère (la caisse), laquelle a relevé les anomalies suivantes :
'- Non-respect des cotations prévues à la NGAP
- Non-respect des modalités de facturations des majorations
- Non-respect de la durée des séances AIS3
- Actes non facturables
- Actes fictifs.'
Par courrier du 26 avril 2019, la caisse a notifié un indu pour un montant total de 29 895,89 euros, correspondant pour la somme de 29 875,25 euros à des anomalies qualifiées de faute et 20,64 euros pour les anomalies qualifiées de fraude.
La caisse a procédé à des retenues sur ses prestations en vue du remboursement de cet indu pour un montant de 3 309,03 euros le 3 juillet 2019.
Contestant le bien-fondé de l'indu, par courrier du 19 juillet 2019, Mme [W] a saisi la commission de recours amiable de l'organisme puis, en l'absence de décision rendue dans les délais impartis, elle a porté le litige devant le pôle social du tribunal de grande instance de Brest le 16 novembre 2019.
En parallèle, par courrier du 28 août 2019, s'agissant de la procédure des pénalités financières, la caisse a notifié un avertissement à Mme [W].
Lors de sa séance du 25 juin 2020, au regard des pièces justificatives apportées, la commission de recours amiable a constaté la régularité de la procédure préalable à la notification d'indu et de la notification d'indu, a annulé partiellement l'indu et confirmé son bien-fondé pour un montant de 26 740,15 euros.
Par ordonnance du 15 janvier 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Brest s'est déclaré incompétent au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Quimper.
Par jugement du 31 mai 2021, ce tribunal a :
- déclaré le recours de Mme [W] recevable mais non fondé ;
- dit que la procédure de vérification des facturations émises par Mme [W], en sa qualité d'infirmière libérale, sur la période du 1er janvier 2017 au 11 décembre 2018, mise en oeuvre par la caisse, est régulière ;
- déclaré recevable l'action en recouvrement de l'indu résultant d'anomalies de facturations concernant Mme [W], en sa qualité d'infirmière libérale sur la période du 1er janvier 2017 au 11 décembre 2018, introduite par la caisse ;
- débouté la caisse de l'indu relatif au dossier du patient [V] [N] à hauteur de 79,35 euros ;
- condamné Mme [W] à payer à la caisse la somme de 26 660,80 euros en principal et intérêts au taux légal à compter de la décision devenue définitive, en deniers ou quittances, au titre d'anomalies de facturations sur la période du 1er janvier 2017 au 11 décembre 2018 ;
- rejeté toute autre demande ;
- débouté Mme [W] de sa demande formée sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile ;
- laissé les éventuels dépens de l'instance à la charge de Mme [W].
Par déclaration adressée le 1er juillet 2021 par courrier recommandé avec avis de réception, Mme [W] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 12 juin 2021.
Par ses écritures n°2 parvenues au greffe par le RPVA le 20 septembre 2023, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, Mme [W] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
A titre principal,
- de prononcer la nullité de la procédure d'indu à son encontre ;
- de débouter la caisse de l'intégralité de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- de prononcer l'irrecevabilité des procès-verbaux d'audition des patients ;
- de rejeter la demande de restitution de l'indu formulée par la caisse à l'exception du dossier de M. [L] ;
En tout état de cause,
- de condamner la caisse à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
- de condamner la caisse aux entiers dépens.
Par ses écritures n°2 parvenues au greffe le 1er octobre 2023, auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- dire que la procédure de contrôle des facturations de Mme [W] s'inscrit dans le cadre des articles
L. 133-4 et
R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale et que la notification d'indu du 26 avril 2019 est parfaitement régulière sur la forme et répond aux exigences légales ;
- constater que l'étude administrative des facturations de Mme [W] sur la période du 1er janvier 2017 au 11 décembre 2018 a mis en évidence des anomalies relatives au non-respect des dispositions réglementaires et à une inobservation des règles de tarification et de facturation ;
- confirmer le bien-fondé de la demande de remboursement de l'indu pour un montant de 26 660,80 euros, dont la matérialité est établie par des considérations de droit et de fait, et condamner Mme [W] au remboursement de cette somme, ainsi que tous les frais afférents à sa récupération ;
- rejeter la demande de sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [W] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- déclarer Mme [W] mal fondée dans ses prétentions pour la débouter de son recours.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article
455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS
DE LA
DÉCISION :
1 - Sur la régularité de la procédure d'indu :
1.1 - Sur les auditions des patients :
Mme [W] met en avant les dispositions de l'article
R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale qui énoncent que lorsque le service du contrôle médical procède à l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé en application du IV de l'article L. 315-1, il peut, en tant que de besoin, entendre et examiner les patients, en informant au préalable le professionnel.
Elle fait valoir que l'audition des patients a nécessairement trait à la problématique du secret médical de sorte que ces auditions relèvent bien du contrôle médical et non du contrôle administratif et que la caisse doit respecter les dispositions de l'article sus-mentionné ; qu'elle n'a pas été informée par la caisse que ses patients pouvaient être entendus dans le cadre du contrôle de son activité, ni a fortiori de leur identité ; que les patients M. et Mme [X] et M. [D] étaient placés sous tutelle et ont été interrogés sans information préalable de leur tuteur ; que ces documents n'ont aucune valeur probatoire ; que les termes des procès-verbaux sont de nature à impressionner les personnes auditionnées ; que la charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé s'impose à la caisse ; que cette charte précise que les agents agréés et assermentés doivent préciser leur qualité et les motifs du contrôle ; que sur certains procès-verbaux d'audition, l'encart 'identité' de l'agent assermenté n'est pas rempli à l'instar du motif du contrôle ; que la caisse ne produit pas l'autorisation du médecin conseil donnée antérieurement aux auditions certifiant que les patients étaient aptes à être entendus, les documents informant les tuteurs de l'audition des patients, leur autorisation à ces auditions, la preuve de la tenue des auditions en présence des tuteurs ainsi que l'extrait du journal officiel publiant l'assermentation des enquêteurs ayant entendu les patients et celui de l'agent enquêteur ; que la caisse n'a ni respecté les dispositions de l'article
R.315-1-1 du code de la sécurité sociale, ni le principe du contradictoire.
La caisse rétorque qu'il existe deux types de contrôle, le contrôle des facturations d'un professionnel de santé par la caisse et le contrôle de l'activité médicale par le service du contrôle médical ; que le contrôle réalisé par les services administratifs de la caisse est un contrôle sur pièces, sans examen médical du patient, au terme duquel est vérifiée la conformité des facturations après rapprochement des pièces justificatives avec éventuellement le recueil de témoignages ; qu'en l'espèce, il s'agit d'un contrôle administratif des facturations sur le fondement des articles
L.133-4 et
R.133-9-1 du code de la sécurité sociale et non d'une analyse médicale de son activité ; que la caisse a fait procéder à l'audition de certains assurés ou leurs représentants par un agent agréé et assermenté, ce dont elle justifie ; que les personnes sous tutelle n'ont pas été auditionnées, seulement leurs représentants ; que les témoignages n'ont pas fondé à eux seuls l'indu mais n'ont fait que confirmer les irrégularités des facturations après rapprochement des indications portées sur les prescriptions médicales.
Sur ce :
Il est constant qu'en l'espèce la caisse a diligenté un contrôle administratif des facturations transmises par Mme [W].
Il s'ensuit que la procédure d'indu obéit aux seules dispositions des articles
L.133-4 et
R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale. C'est donc à tort que Mme [W] sollicite l'application des dispositions de l'article
R. 315-1-1 du code de la sécurité sociale qui concernent le contrôle de l'activité médicale.
Le cadre juridique a du reste clairement été porté à la connaissance de Mme [W] dans le courrier de notification d'indu du 26 avril 2019.
Si la charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé édicte des obligations à la charge de la caisse avant l'envoi de la notification d'indu, y compris dans le cadre d'un contrôle administratif des facturations, cette charte est dépourvue de toute portée normative (2e Civ., 16 mars 2023, pourvoi n° 21-11.471). Il est du reste indiqué dans son préambule que 'la charte n'a pas vocation à se substituer aux textes législatifs, réglementaires et conventionnels'.
L'article
L. 114-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au moment du contrôle dispose :
'Les directeurs des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens-conseils et auditeurs comptables peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.
[...]
Les modalités de cette coopération sont définies par décret'.
S'agissant de l'audition des personnes sous tutelle, il ressort des pièces produites par les parties que :
- M. [D] était placé sous mesure de curatelle renforcée de sorte qu'il pouvait être entendu seul dans le cadre de l'enquête ;
- M. [N] a été placé sous mesure d'habilitation familiale par jugement du 26 mai 2021, soit postérieurement au contrôle ;
- il n'est justifié d'aucune mesure de protection au profit de M. et Mme [X].
Enfin, si sur deux des procès-verbaux d'audition produits, l'encart de l'identité de l'agent et de la caisse pour laquelle il intervient n'a pas été renseigné (pièces n°7 et 40 de la caisse), il demeure que ces informations figurent sur le tampon apposé en bas du document à côté de la signature de l'agent concerné.
De plus, la caisse justifie de l'agrément et de l'assermentation des agents ayant procédé aux auditions, Mme [Y] et M. [I].
Il appartiendra en tout état de cause à la cour d'apprécier au fond la valeur probante de chacune des auditions, la forme de celles-ci ne pouvant être sanctionnée par l'annulation de la procédure d'indu.
Les premiers juges seront approuvés en ce qu'ils ont rejeté ces moyens.
1.2 - Sur la notification d'indu :
Mme [W] soutient que la procédure d'indu est irrégulière en ce que la caisse n'a pas respecté les dispositions de la charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé qu'elle a édictée ; que la caisse ne saurait se dispenser des obligations qu'elle s'est elle-même imposées contractuellement avec les professionnels de santé ; que celle-ci ne lui a pas notifié le constat d'anomalies et les résultats du contrôle avant l'édition de la notification d'indu ; que le non-respect des dispositions de cette charte lui a causé un grief en ce qu'elle a perdu le droit à un procès équitable.
La caisse indique quant à elle que la procédure d'indu a été menée conformément aux dispositions légales (article
L. 133-4 du code de la sécurité sociale) ; que la charte est un document non juridique, non créateur de droits ; que ce texte n'a aucune valeur normative et ne saurait se substituer aux règles légales et réglementaires.
Sur ce :
Il a été indiqué supra que le contrôle en litige est un contrôle administratif régi par les dispositions des articles
L.133-4 et
R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale et que la charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé n'a pas de valeur normative.
Au surplus, cette charte précise en son paragraphe 1 que 'La présente charte couvre le champ des contrôles exercés par l'Assurance Maladie se rapportant à l'activité d'un professionnel de santé en matière de respect des dispositions des textes juridiques en vigueur, hors suspicion de fraude. Les définitions de la fraude, des activités abusives et fautives impliquées par l'assurance-maladie dans le cadre de ces contrôles sont exposées en annexe n°1de cette charte'.
L'annexe n°1 considère comme étant de la fraude les faits illicites au regard des textes juridiques, commis intentionnellement par une ou plusieurs personnes physiques ou morales (assuré, employeur, professionnel de santé, fournisseur, transporteur, établissement, autre prestataire de services, employé de l'organisme) dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d'une prestation injustifiée ou indue au préjudice d'un organisme d'assurance maladie ; sont qualifié comme telles les facturations d'actes fictifs intentionnels.
En l'espèce, la caisse reproche à Mme [W] majoritairement des faits qualifiés de faute mais également initialement des faits qualifiés de fraude ('actes fictifs') de sorte qu'en tout état de cause, les dispositions de cette charte ne sont pas applicables.
L'article
L. 133-4 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur au moment du contrôle dispose :
'En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :
1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles
L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7, L. 162-22-7-3 et L.162-23-6 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1, L. 162-22-6 et L. 162-23-1 ;
2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 160-8,
l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.
[...]
L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations.
Si le professionnel ou l'établissement n'a ni payé le montant réclamé, ni produit d'observations et sous réserve qu'il n'en conteste pas le caractère indu, l'organisme de prise en charge peut récupérer ce montant par retenue sur les versements de toute nature à venir.
En cas de rejet total ou partiel des observations de l'intéressé, le directeur de l'organisme d'assurance maladie adresse, par lettre recommandée, une mise en demeure à l'intéressé de payer dans le délai d'un mois. La mise en demeure ne peut concerner que des sommes portées sur la notification.
Lorsque la mise en demeure reste sans effet, le directeur de l'organisme peut délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire. Une majoration de 10 % est applicable aux sommes réclamées qui n'ont pas été réglées aux dates d'exigibilité mentionnées dans la mise en demeure. Cette majoration peut faire l'objet d'une remise.
Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application des quatre alinéas qui précèdent'.
Il résulte de ce texte que la caisse n'avait pas à informer Mme [W] de la tenue d'un contrôle de sa facturation avant la notification de l'indu. De même, aucun entretien contradictoire n'est légalement prévu dans ce cadre.
Il ressort en outre du courrier de notification de l'indu qu'était précisé le détail des anomalies et griefs ; était également joint en annexe le tableau récapitulatif reprenant pour chaque patient, la date des soins facturés, la date de paiement, la cotation facturée, la cotation proposée, le montant remboursé, le montant du préjudice, le manquement et des commentaires.
Cette notification d'indu informait également Mme [W] qu'elle avait la possibilité de contester cette décision en saisissant la commission de recours amiable de l'organisme dans le délai de deux mois de sa réception, ce qu'elle a fait.
La procédure a été menée dans le respect des textes en vigueur et est par conséquent régulière.
Ce moyen sera rejeté et le jugement confirmé sur ce point.
2 - Sur le bien-fondé de l'indu :
En vertu des articles
R. 4311-7 et 9 du code de la santé publique dans sa version applicable, l'infirmier est habilité à pratiquer un certain nombre d'actes soit en application d'une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d'un protocole écrit, qualitatif et quantitatif, préalablement établi, daté et signé par un médecin.
Pour trancher le présent litige, il convient de se reporter, dans la nomenclature des actes professionnels (NGAP) dans sa version applicable :
- d'une part, dans la première partie, aux dispositions générales qui concernent toutes les professions de santé ;
- d'autre part, dans la deuxième partie, s'agissant des actes infirmiers, au titre XVI.
L'article 5 des dispositions générales de la NGAP dispose que 'seuls peuvent être pris en charge ou remboursés par les caisses d'Assurance Maladie, sous réserve que les personnes qui les exécutent soient en règle vis-à-vis des dispositions législatives, réglementaires et disciplinaires concernant l'exercice de leur profession :
(...)
c) les actes effectués personnellement par un auxiliaire médical, sous réserve qu'ils aient fait l'objet d'une prescription médicale écrite qualitative et quantitative et qu'ils soient de sa compétence'.
Les actes infirmiers les plus courants sont les suivants :
AIS3 : soins infirmiers d'hygiène et de nursing
AMI1 : surveillance de traitement
AMI4 : pansement lourd et complexe
IFA : indemnité forfaitaire de déplacement.
L'article 11 des dispositions générales de la NGAP énonce que lorsqu'au cours d'une même séance plusieurs actes inscrits à la nomenclature sont effectués sur un même malade par le même praticien, l'acte du coefficient le plus important est seul inscrit avec son coefficient propre. Le deuxième acte est ensuite noté à 50 % de son coefficient. Les actes suivant le second ne donnent pas lieu à honoraires.
Selon l'article 23.1 de la NGAP, lorsqu'au cours de son intervention, l'infirmier réalise un acte unique en AMI avec un coefficient inférieur ou égal à 1,5 au cabinet ou au domicile du patient, cet acte donne lieu à la majoration d'acte unique (MAU).
La séance de soins infirmiers est ainsi définie par la NGAP (article 11 des dispositions spéciales) :
'Séance de soins infirmiers (AIS), par séance d'une demi-heure, à raison de 4 au maximum par 24 heures.
La séance de soins infirmiers comprend l'ensemble des actions de soins liées aux fonctions d'entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d'autonomie de la personne.
La cotation forfaitaire par séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle.
Par dérogation à cette disposition et à l'article 11B des dispositions générales, la séance de soins infirmiers peut se cumuler avec la cotation d'une perfusion, telle que définie au chapitre 1er ou au chapitre II du présent titre, ou d'un pansement lourd et complexe nécessitant des conditions d'asepsie rigoureuse'.
Il s'agit ainsi d'une cotation forfaitaire dont la durée est estimée à 30 minutes.
Il a été jugé que si la séance se prolongeait, le professionnel ne pouvait facturer 2 AIS3 pour la même séance (Soc., 12 octobre 2000, pourvoi n°99-12.014 ; 2e Civ., 17 décembre 2015, pourvoi n° 14-29.007, Bull. 2015, II, n° 284).
La cotation de séances de soins infirmiers est subordonnée à l'élaboration préalable de la démarche de soins infirmiers (DSI). Ces séances ne peuvent être prescrites pour une durée supérieure à trois mois. Leur renouvellement nécessite la prescription et l'élaboration d'une nouvelle démarche de soins infirmiers.
S'il est exact que le silence gardé par le service du contrôle médical vaut accord tacite de la cotation proposée par le professionnel de santé dans la DSI, c'est à la condition que l'acte lui-même réponde, dans son principe, aux règles de prise en charge.
Il appartient à l'organisme social qui engage une action en répétition de l'indu fondée, en application de l'article
L. 133-4 du code de la sécurité sociale, sur la méconnaissance des règles de tarification et de facturation fixées par l'article
L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale, d'établir l'existence du paiement d'une part, son caractère indu d'autre part. Conformément à l'article
1358 du code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen (2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-20.930 ; 2e Civ., 30 novembre 2023, pourvoi n°21-24.899).
La preuve du caractère indu des paiements litigieux relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-20.930).
Par la production en annexe de la notification d'indu du 26 avril 2019 de tableaux précis et détaillés qui reprennent notamment les numéros des bénéficiaires, les noms, prénoms et numéros de sécurité sociale des assurés, les dates des prescriptions, les dates des soins, les actes côtés, la cotation proposée, l'indu calculé, la caisse établit en l'espèce suffisamment la nature et le montant de l'indu (2e Civ., 23 janvier 2020, pourvoi n° 19-11.698).
Il appartient dès lors à Mme [W] d'apporter des éléments sur chaque patient pour contester l'inobservation des règles de facturation et de tarification retenue par l'organisme de prise en charge au terme du contrôle.
Sous le bénéfice de ces rappels et observations, il convient de reprendre les contestations développées par Mme [W] patient par patient.
2.1 - Mme [XK] [X] (indu de 2 869,95 euros) :
L'indu concerne les actes facturés sur la période du 3 janvier 2017 au 27 décembre 2017.
Les ordonnances font état de 'soins d'hygiène à domicile deux fois par jour, y compris dimanche et jours fériés'.
A chaque passage, Mme [W] a facturé 2 AIS3. La caisse considère qu'elle aurait dû coter 1 AIS3 par passage lorsque la douche n'est pas effectuée.
Mme [W] justifie cette cotation par les pathologies dont était atteinte cette patiente, la nature et la diversité des soins prodigués (patiente fragile présentant des troubles cognitifs importants, altération de la mobilité physique, risque de déshydratation, déficit nutritionnel, incontinence urinaire et fécale). Elle indique que lorsque la durée de la séance est supérieure à 30 minutes, il y a lieu de coter 2 AIS3.
Elle décrit les actes réalisés comme suit :
- mise aux toilettes
- déshabillage/habillage
- toilette complète
- change de protection
- prévention des escarres
- surveillance de téguments à la recherche d'hématomes
- surveillance de la prise de médicaments.
Or, dès lors que la cotation est forfaitaire et qu'une séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de celle-ci, l'indu est justifié compte tenu des actes décrits par Mme [W], et ce indépendamment des déclarations du petit-fils de l'assurée. Le seul dépassement des 30 minutes mentionnées dans la NGAP n'autorise pas l'infirmière à procéder à une double cotation.
Le fait que l'assurée bénéficie aujourd'hui d'une prise en charge différente et que les modalités de prise en charge des patients dépendants à domicile ont évolué à compter du 1er janvier 2020 ne saurait justifier la cotation appliquée sur la période contrôlée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé l'indu.
2.2 - M. [C] [UE] (indu de 545,10 euros) :
L'indu concerne les actes facturés sur la période du 3 janvier 2017 au 12 novembre 2017. M. [UE] est décédé.
Les ordonnances des 30 décembre 2016 et 29 juin 2017 font état de soins d'hygiène à domicile deux fois par jour.
Mme [W] a facturé 2 AIS3 pour le passage du matin et 1 AIS3 le soir.
La caisse ne remet pas en cause la cotation du matin mais indique que pour le soir, il aurait fallu coter 1 AMI1 + MAU pour la surveillance thérapeutique et l'administration du traitement.
Mme [W] fait valoir d'une part que la cotation est conforme aux prescriptions qui prévoient des soins d'hygiène deux fois par jour et d'autre part qu'elle réalisait les actes suivants :
- hydratation, surveillance du poids
- toilette complète le matin et petite toilette le soir
- changer les vêtement matin et soir
- préparation et surveillance thérapeutique
- surveillance des oedèmes des membres inférieurs
- pose des bas à varice.
La caisse rappelle à juste titre que la pose de bas de contention ne figure pas au titre des actes qu'elle a vocation à prendre en charge, de même que l'hydratation, la surveillance du poids, la surveillance des oedèmes des membres inférieurs.
La caisse produit un procès-verbal sur lequel est renseigné 'Gourmant (fille de l'assuré DCD)' et pour le soir 'médicament et bas de contention', sans davantage de précision sur la personne interrogée, sans aucune indication du nom de l'agent assermenté et sans signature ni date. Elle fait valoir qu'il s'agit d'un compte-rendu d'une conversation téléphonique intervenue le 8 février 2019, sur laquelle le médecin conseil s'est basé pour rejeter la cotation opérée par Mme [W].
Cependant, comme le soutient à juste titre l'intéressée, ce document est dénué de toute valeur probante et ne saurait fonder l'indu.
Ainsi, dès lors que des soins infirmiers ont été prescrits le soir et que Mme [W] indique avoir procédé à des soins d'hygiène le soir (petite toilette) ainsi qu'à l'administration du traitement, étant relevé qu'aucun élément ne permet de remettre en cause ses propos, il y a lieu d'annuler l'indu pour cet assuré.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
2.3 - M. [NU] [O] (indu de 1 148,85 euros) :
L'indu porte sur les actes facturés du 3 janvier 2017 au 28 novembre 2018.
Les prescriptions médicales prévoient des 'soins d'hygiène une fois par jour y compris week-ends et jours fériés'.
Les demandes d'accord préalable adressées par Mme [W] mentionnent 'petite toilette AIS3 à domicile'.
Mme [W] a facturé 1 AIS3 par jour.
M. [O] a été interrogé par l'agent enquêteur de la caisse en présence de son fils et a indiqué que Mme [W] venait le soir, pendant 1/4 d'heure, pour la préparation et la prise des médicaments mais qu'il n'y avait aucun soin d'hygiène effectué, ceux-ci étant réalisés par son épouse.
Contrairement à ce que fait valoir Mme [W], il n'y a pas lieu d'écarter cette audition ; les informations qu'elle contient ont été livrées en présence de son fils et sont un élément d'appréciation parmi d'autres d'autant qu'il n'est pas justifié que M. [O] était placé sous un régime de protection.
La caisse souligne en outre que la collègue de Mme [W], Mme [F], a indiqué dans son courrier de saisine de la commission de recours amiable, qu'elle réalisait les actes suivants :
- préparation et surveillance de la prise médicamenteuse
- pansements très lourds nombreux
- surveillance de la pression artérielle
- surveillance des résultats de prise de sang
- bains de pieds.
La caisse relève à juste titre que les pansements font l'objet de prescriptions spéciales et d'une cotation spécifique, que la surveillance de la pression artérielle et la surveillance des résultats de la prise de sang ne sont pas des actes prévus par la NGAP et que les bains de pieds ne constituent pas des soins d'hygiène visés à l'article 11 de la NGAP.
La surveillance thérapeutique et la distribution de médicaments sont prévues sous la cotation AMI1 à laquelle s'ajoute la MAU, cotation que la caisse estime conforme aux actes réalisés.
L'indu est par conséquent justifié et le jugement sera confirmé sur ce point.
2.4 - M. [DK] [L] (indu de 313,76 euros) :
L'indu porte sur les actes facturés du 12 mai au 6 novembre 2018.
L'ordonnance du 9 mai 2018 du docteur [PY] mentionne :
'Passage IDE à domicile tous les jours y compris dimanche et jours fériés
Surveillance glycémie capillaire + injection insuline 2 fois par jour.
Préparation du semainier 1 fois par semaine'.
Mme [W] a facturé 4 AMI1 par jour outre les frais de déplacement en relevant que selon l'article 5 bis, chapitre 2, titre XVI de la NGAP, le contrôle de la glycémie et l'injection sous-cutanée d'insuline sont des actes qui se cumulent, ce qui est exact.
La caisse estime que la cotation idoine est 3 AMI1 par jour outre les frais de déplacements.
Des éléments recueillis par l'agent enquêteur auprès de M. [L] il résulte que le matin l'infirmière effectue l'injection d'insuline et la préparation du semainier ; que le passage du soir consiste uniquement en l'injection d'insuline et qu'il réalise les tests de glycémie lui-même.
Au regard des déclarations de l'assuré, l'indu retenu par la caisse est justifié, aucune surveillance thérapeutique le soir n'étant prescrite ni réalisée.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
2.5 - M. [EM] [E] (indu initial de 7 125,90 euros) :
L'indu porte sur les actes facturés du 17 janvier 2017 au 28 novembre 2018.
Les ordonnances prévoient des 'soins de nursing deux fois par jour'.
Mme [W] a facturé 1 AIS3 par passage.
Interrogé par l'agent enquêteur, M. [E] a indiqué ceci :
'Les infirmières interviennent tous les jours deux fois par jour.
Le matin la séance dure entre 5 et 10 minutes pour la pose des bas de contention. Je me lave à l'évier seul, je m'habille tout seul.
Le soir la séance dure entre 5 et 10 minutes pour la dépose des bas de contention, 1/4 d'heure si toilette (1 fois par semaine dans l'évier de la cuisine).'
Il n'y a pas lieu d'écarter le procès-verbal d'audition motif pris de l'absence des informations relatives à la pièce d'identité, l'agent enquêteur qui a recueilli la parole de l'assuré étant assermenté.
La caisse considère qu'aucune cotation n'est possible lorsque les soins d'hygiène ne sont pas effectués.
La commission de recours amiable, après avis du médecin conseil et compte tenu des explications données par Mme [W], a estimé qu'un AIS3 le matin pouvait être retenu et a annulé une partie de l'indu pour le voir fixé à 3 990,80 euros.
Mme [W] précise qu'elle réalisait tous les jours :
- des soins relationnels importants du fait de son isolement et du deuil de sa femme,
- la surveillance de la prise de médicament,
- le changement de vêtement,
- la pose et le retrait des bas de contention,
- l'évaluation des membres inférieurs,
- la toilette.
Il sera rappelé que la pose et la dépose de bas de contention ne figurent pas au titre des actes que la caisse a vocation à prendre en charge, de même que la surveillance des membres inférieurs.
La cotation retenue par la commission de recours amiable apparaît conforme aux actes réalisés par Mme [W] susceptibles de prise en charge.
L'indu à hauteur de 3 990,80 euros sera confirmé.
2.6 - M. [NU] [K] (indu de 293,25 euros) :
L'indu porte sur les actes facturés du 9 mai au 28 novembre 2018.
L'ordonnance du 7 mai 2018 établie par le docteur [TC] prévoit :
'Passage IDE à domicile 1 fois par jour y compris fériés pour préparation et distribution de médicaments, toilette et au besoin aide à l'habillage'.
Celle du 10 août 2018 établie par le docteur [OW] prévoit :
'Nursing 1 fois par jour avec suivi traitement, toilette à domicile par IDE pendant 6 mois'.
Mme [W] a facturé 1 AIS3 par jour sur toute la période.
Dans son audition par l'agent enquêteur, M. [K] indique que les soins ont lieu le matin et durent environ 2 minutes pour la surveillance thérapeutique ; qu'il bénéficie d'une douche le dimanche matin.
La caisse estime que la cotation idoine est 1 AMI1 par jour + 1 MAU pour la distribution du traitement.
Mme [W] décrit les soins réalisés comme suit :
- surveillance de la prise médicamenteuse et évaluation de l'efficacité du traitement,
- toilette complète,
- déshabillage et habillage,
- soins des pieds et des mains.
La caisse rappelle à juste titre que le professionnel de santé n'est pas autorisé à facturer des actes qui ne sont pas effectués même s'ils sont prescrits.
Si Mme [W] fait valoir qu'elle réalisait quotidiennement des soins d'hygiène, rien ne permet de l'établir.
L'indu est par conséquent justifié et le jugement sera confirmé sur ce point.
2.7 - M. [J] [G] (indu de 20,40 euros) :
Cet indu qualifié de fraude a été annulé par la commission de recours amiable.
2.8 - M. [V] [N] (indu initial de 489,90 euros) :
L'indu porte sur les soins facturés du 4 janvier 2017 au 24 octobre 2018.
Les prescriptions médicales des 3 juillet 2016 et 3 juillet 2017 font état de 'toilette + soins d'hygiène 4 fois par semaine' et celle du 2 juillet 2018 mentionne 'nursing, préparation + distribution des médicaments une fois par jour'.
Mme [W] a facturé 1 AIS3 à chaque passage, soit une séance de soins infirmiers.
Interrogé par l'agent enquêteur de la caisse en présence de sa soeur, M. [N] a indiqué que l'infirmière venait le dimanche, le lundi, le mercredi et le vendredi ; qu'elle préparait le pilulier de la semaine une fois par semaine ; qu'à chaque passage, elle contrôlait la prise de médicaments ; qu'il faisait sa toilette seul ; qu'elle vérifiait la toilette et l'habillage (vêtements adéquats) ; qu'elle appliquait une crème pour soigner un psoriasis, des crevasses, un lumbago.
La caisse a estimé que dès lors qu'aucun soin d'hygiène n'était réalisé, la cotation à retenir est 1 AMI1(surveillance thérapeutique) + MAU.
Si l'attestation transmise par Mme [W] émanant de la soeur de M. [N], Mme [FO] [Z], relève que le maintien à domicile de son frère, handicapé de naissance, n'est rendu possible que grâce à sa présence quasi-quotidienne, aux passages des aides à domicile et des infirmières, les termes de celle-ci ne permettent pas de corroborer l'affirmation de Mme [W] selon laquelle elle effectuait une toilette complète quatre fois par semaine sur le début de la période, puis une toilette une fois par jour, seul point qui détermine la cotation.
Les premiers juges ont annulé partiellement cet indu pour les facturations fondées sur la prescription du 2 juillet 2018 et l'ont ramené à la somme de 410,55 euros.
La caisse n'ayant pas sollicité l'infirmation du jugement sur ce point, l'indu est par conséquent justifié à cette hauteur et le jugement sera confirmé.
2.9 - M. [T] [D] (indu de 525,10 euros) :
L'indu porte sur les soins facturés du 9 février 2017 au 20 septembre 2018.
Les prescriptions médicales des 1er février et 1er août 2017 prévoient des 'soins infirmiers à domicile deux fois par jour y compris dimanches et jours fériés pour contrôle glycémie + TA, préparation des médicaments et surveillance de leur prise'.
Mme [W] a facturé 1 AMI4 par passage.
La caisse relève que cette cotation correspond aux pansements lourds et complexes et non à un acte de surveillance thérapeutique ; que la facturation n'est pas conforme aux actes prescrits.
Il a déjà été répondu aux arguments soulevés par Mme [W] s'agissant de la mesure de protection de M. [D], étant relevé au surplus que la réalité du passage de l'infirmière deux fois par jour pour la surveillance thérapeutique n'est pas remise en cause par la caisse.
Il s'agit d'une erreur de cotation que Mme [W] reconnaît ; elle admet qu'elle aurait dû facturer 1 AMI1 + MAU, outre la majoration dimanches et jours fériés.
Elle établit que sur la période, la cotation idoine lui aurait permis de percevoir la somme de 3 380,50 euros, ce que ne conteste pas la caisse, soit davantage que le montant de l'indu reproché.
La commission de recours amiable dans sa séance du 25 juin 2020 a invité Mme [W] à se rapprocher des services de prestation de la caisse pour obtenir la prise en charge des actes non facturés tout en lui indiquant que le délai pour le faire était de 2 ans à compter de la date des actes ; ce délai était donc expiré.
Dès lors que la caisse ne remet pas en cause le fait que les actes prescrits ont bien été réalisés par Mme [W] et que la cotation appliquée à tort est en défaveur de l'intéressée, l'indu n'est pas caractérisé.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a validé l'indu de ce chef à hauteur de 525,10 euros.
2.10 - Mme [A] [H] (indu de 7 411,30 euros) :
L'indu porte sur les actes facturés du 3 janvier 2017 au 28 novembre 2018.
Les prescriptions médicales des 2 janvier 2017, 1er juillet 2017, 1er janvier 2018 et 1er juillet 2018 prévoient des 'soins d'hygiène deux fois par jour, tous les jours y compris dimanches et jours fériés'.
Mme [W] a facturé 2 AIS3 par jour.
Interrogée par l'agent enquêteur de la caisse, Mme [H] a indiqué que l'infirmière effectuait le matin la pose de la bande et la mise en place du collant ainsi qu'une fois par semaine la préparation du pilulier et un ou deux shampoings par semaine car sinon elle se douche seule ; le soir, retrait des bandes et massage avec une crème.
La caisse a considéré au regard de cette audition que seuls deux soins d'hygiène pouvaient être facturés par semaine (shampoing et aide à la toilette). Cette position a été confirmée par le médecin conseil lors du recours devant la commission de recours amiable.
Mme [W] fait valoir qu'elle réalisait les actes suivants au profit de Mme [H] alors qu'elle s'était fracturé la hanche :
- soins relationnels afin de diminuer l'angoisse de la patiente,
- massage des membres inférieurs avec crème hydratante,
- toilette,
- aide partielle à l'habillage et déshabillage,
- surveillance des téguments à la recherche d'hématomes,
- surveillance des oedèmes,
- préparation des médicaments une fois par semaine,
- surveillance de la prise thérapeutique une fois par jour,
- prise de sang,
- prise de la pression artérielle,
- renouvellement des médicaments auprès de la pharmacie et gestion des stocks de la patiente.
Il sera rappelé que le massage des membres inférieurs et leur surveillance ne figurent pas au titre des actes que la caisse a vocation à prendre en charge, de même que les soins relationnels et la contention veineuse.
Le fait que l'assurée a bénéficié par la suite d'une prise en charge différente alors que les modalités de prise en charge des patients dépendants à domicile ont évolué à compter du 1er janvier 2020 ne saurait justifier la cotation appliquée sur la période contrôlée.
L'indu est par conséquent justifié et le jugement sera confirmé sur ce point.
2.11 - Mme [S] [O] (indu de 257,85 euros) :
L'indu porte sur les actes facturés du 10 juillet au 28 novembre 2018.
La prescription médicale du 9 juillet 2018 prévoit des 'soins infirmiers à domicile soins d'hygiène, préparation et distribution des médicaments une fois par jour y compris week-ends et jours fériés'.
Mme [W] a facturé 1 AIS3 à chaque passage.
Interrogée par l'agent enquêteur de la caisse en présence de son fils, Mme [O] a indiqué que l'infirmière effectuait uniquement la préparation des médicaments une fois par jour, le soir.
Aucun élément apporté par Mme [W] ne permet de remettre en question les déclarations de Mme [O].
La caisse estime à juste titre que la cotation idoine est 1 AMI1 + MAU.
L'indu est par conséquent justifié et le jugement sera confirmé sur ce point.
2.12 - Mme [SA] [D] (indu de 3 945,85 euros) :
L'indu porte sur les actes facturés du 3 janvier 2017 au 28 novembre 2018.
Les prescriptions médicales de 2016 et 2017 prévoient des 'soins infirmiers à domicile par IDE - Voir DSI', 'soins infirmiers à domicile, matin et soir - voir DSI'.
L'ordonnance du 28 septembre 2018 prévoit quant à elle des 'soins infirmiers à domicile, matin et soir - Voir DSI, contrôle glycémique, préparation des médicaments et surveillance de leur prise'.
Mme [W] a facturé 2 AIS3 le matin et 1 AIS3 le soir.
Interrogée par l'agent enquêteur de la caisse, Mme [D] a indiqué que les soins avaient lieu deux fois par jour, le matin et le soir, pendant 1/4 d'heure ; que le matin une petite toilette était réalisée avec la pose des bas de contention ; que le passage du soir intervenait pour la dépose des bas de contention et la surveillance thérapeutique.
La caisse estime qu'au regard des prescriptions et du témoignage de l'assurée, la cotation appropriée est 1 AIS3 le matin et 1 AMI1 + MAU le soir pour la distribution des médicaments. Le médecin conseil a confirmé le bien-fondé de cette cotation.
Aucun élément ne permet de remettre en question les propos de Mme [D] recueillis dans le cadre de l'enquête en janvier 2019. L'attestation du médecin traitant de l'assurée établie en mars 2021 décrivant les troubles cognitifs et physiques actuels de l'assurée est inopérante.
Mme [W] ne justifie ni de la cotation de 2 AIS3 pour le passage du matin alors que la séance de soins infirmiers est forfaitaire, ni de soins infirmiers pratiqués le soir, l'administration du traitement étant spécifiquement cotée AMI1, étant au surplus rappelé que la pose et la dépose de bas de contention ne figurent pas au titre des actes que la caisse a vocation à prendre en charge.
L'indu est par conséquent justifié et le jugement sera confirmé sur ce point.
2.13 - Mme [ZO] [UE] (indu de 3 219,09 euros) :
L'indu porte sur les actes facturés du 3 janvier 2017 au 28 novembre 2018.
L'ordonnance du 30 août 2016 prévoit : '2 fois par jour, soins d'hygiène, préparation et surveillance prise médicamenteuse'.
Celle du 1er mars 2017 indique : 'soins d'hygiène deux fois par semaine'.
Celles des 31 août 2017 et 1er mars 2018 prévoient 'soins d'hygiène 2 fois par jour'.
Mme [W] a facturé 2 AIS3 par jour.
La caisse estime que la cotation applicable était 1 AMI1 + MAU le matin et aucune cotation pour le soir, la contention veineuse n'étant pas inscrite à la NGAP et les bains de pieds ne constituant pas à eux seuls des soins d'hygiène tels que visés à l'article 11 de la NGAP.
Elle relève aussi que les soins facturés en application de l'ordonnance du 1er mars 2017 sont quotidiens alors que la prescription n'en prévoit que deux par semaine.
L'ordonnance du 29 juin 2018 prévoit quant à elle : 'passage IDE à domicile deux fois par jour - soins d'hygiène et distribution de médicaments, réfection des pansements escarre talon gauche et surveillance clinique'.
Mme [W] a facturé en application de cette prescription 3 AIS3 par jour.
La caisse indique que la réfection des pansements d'escarre est cotée AMI2 en application de l'article 2, 2ème partie du chapitre 1 de la NGAP et que la cotation applicable était 1 AMI2 + 1 AMI1/2 (compte tenu de la règle de non cumul visée à l'article 11 des dispositions générales de la NGAP).
Interrogée par l'agent enquêteur de la caisse, Mme [UE] indique que les soins ont lieu tous les jours, deux fois par jour ; que le matin, l'infirmière prépare le pilulier pour la journée, fait un bain de pieds toutes les trois semaines et coupe les ongles ; qu'elle pose les bas de contention et applique la crème ; que le soir, elle retire les bas de contention mais qu'il n'y a pas de toilette ; qu'elle fait sa toilette seule même les shampoings ; qu'en 2018, suite à un séjour à l'hôpital, elle a développé un escarre au talon droit ; qu'à ce moment-là, l'infirmière soignait l'escarre le matin et le soir et changeait le pansement.
Mme [W] décrit les actes qu'elle effectuait comme suit :
- soins relationnels,
- évaluation des oedèmes des membres inférieurs et pose des bandes à varices,
- aide à l'habillage pour le pantalon et les chaussons
- massage des membres inférieurs avec crème hydratante,
- toilette,
- surveillance de la prise des médicaments,
- prise de sang une fois par mois,
- prise régulière de la pression artérielle,
- application de crème contre l'eczéma,
- bains de pieds,
- pansements.
Si le procès-verbal d'audition produit aux débats n'est pas signé par Mme [UE], il demeure que l'agent assermenté de la caisse a recueilli les dires de l'assurée et que ses constatations font foi jusqu'à preuve contraire, en application de l'article
L. 114-10 du code de la sécurité sociale.
Comme le mentionne à juste titre la caisse, la pose et la dépose de bas de contention ne figurent pas au titre des actes que la caisse a vocation à prendre en charge, à l'instar des bains de pieds, de l'évaluation des oedèmes, de l'habillage/déshabillage et de l'application de crème.
Par ailleurs, les soins facturés en application de l'ordonnance du 1er mars 2017 ne sont manifestement pas conformes à la prescription médicale comme vu supra.
Enfin, la réfection des pansements d'escarre bénéficie d'une cotation spécifique (AMI2) et ne peut se voir attribuer la cotation AIS3.
Au regard de ces éléments, les cotations retenues par la caisse sont justifiées et le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé l'indu pour cette assurée.
2.14 - Mme [M] [K] (indu de 1 610,10 euros) :
L'indu porte sur des actes effectués sur la période du 4 juillet 2018 au 28 novembre 2018.
L'ordonnance du 4 juillet 2018 prévoit des 'soins de nursing deux fois par jour à domicile'.
Mme [W] a facturé 2 AIS3 par jour.
Interrogée par l'agent enquêteur de la caisse, Mme [K] a indiqué que les soins avaient lieu deux fois par jour, uniquement pour la pose et dépose de bas de contention, 5 minutes le matin et 5 minutes le soir.
Il a déjà été rappelé que la pose et la dépose de bas de contention ne figurent pas au titre des actes que la caisse a vocation à prendre en charge.
Si Mme [W] fait valoir qu'elle prodiguait d'autres actes de soins, aucun élément ne permet de remettre en cause les propos de l'assurée recueillis par l'agent de la caisse, M. [I], dont la copie de la carte professionnelle est produite aux débats laquelle mentionne qu'il est agréé et a prêté serment devant le tribunal d'instance de Brest le 4 février 2016.
Il en découle que nonobstant la prescription médicale, Mme [W] n'a réalisé aucun acte susceptible d'être pris en charge par l'assurance maladie.
L'indu est justifié, le jugement étant confirmé sur ce point.
2.15 - Mme [WI] [P] (indu de 119,25 euros) :
L'indu porte sur la période du 31 mars 2018 au 16 mai 2018.
L'ordonnance du 29 mars 2018 prévoit 'A domicile, pansements infirmiers de l'épaule gauche 2 à 3 fois par semaine jusqu'à ablation des agrafes - aide à l'habillage et à la toilette - mise en place du coude au corps'.
Mme [W] a facturé 2 AIS3 par passage.
Interrogée par l'agent enquêteur de la caisse, Mme [P] a indiqué que les soins étaient journaliers pour le nettoyage autour des agrafes, le changement de pansement, l'habillement et la pose de l'attelle, la durée des soins était d'1/4 d'heure.
La caisse retient une cotation appropriée d'un AIS3 par passage.
Mme [W] ne remet pas en cause le fait qu'il n'y avait qu'un seul passage journalier.
Dès lors que la cotation est forfaitaire et qu'une séance inclut l'ensemble des actes relevant de la compétence de l'infirmier réalisés au cours de celle-ci, l'indu est justifié par ce seul fait, étant rappelé que la DSI ne peut valider la facturation d'actes exécutés en violation des règles de prise en charge fixées par la nomenclature.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a validé cet indu.
**
En conséquence de l'ensemble de ces éléments, l'indu s'établit à la somme de 25 590,60 euros au titre des anomalies de facturations sur la période du 1er janvier 2017 au 11 décembre 2018, somme à laquelle y a lieu de condamner Mme [R] [W].
3 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de la caisse ses frais irrépétibles.
Mme [W] sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 1 000 euros.
Les dépens de la présente procédure d'appel seront laissés à la charge de Mme [W] qui succombe à l'instance.
PAR CES MOTIFS
:
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a :
- validé l'indu pour les assurés M. [C] [UE] (indu de 545,10 euros) et M. [T] [D] (indu de 525,10 euros) ;
- condamné Mme [W] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère la somme de 26 660,80 euros en principal au titre d'anomalies de facturations sur la période du 1er janvier 2017 au 11 décembre 2018 ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
ANNULE l'indu pour les assurés M. [C] [UE] (indu de 545,10 euros) et M. [T] [D] (indu de 525,10 euros) ;
CONDAMNE Mme [R] [W] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère la somme de 25 590,60 euros au titre d'anomalies de facturations sur la période du 1er janvier 2017 au 11 décembre 2018 ;
CONDAMNE Mme [R] [W] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [R] [W] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT