Cour d'appel de Versailles, Chambre 12, 27 octobre 2022, 21/02412

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    21/02412
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :tribunal de commerce de Saint-Denis, 26 avril 2017
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/635b7220b201587f74be0458
  • Président : Monsieur François THOMAS
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles
2022-10-27
Tribunal judiciaire de Nanterre
2021-03-05
tribunal de commerce de Saint-Denis
2017-04-26

Texte intégral

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 58A 12e chambre

ARRET

N° CONTRADICTOIRE DU 27 OCTOBRE 2022 N° RG 21/02412 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UOCX AFFAIRE : Société MMA IARD ... C/ [N] [F] épouse [X] Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de NANTERRE N° Chambre : 6 N° RG : 14/11840 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Isabelle DELORME- MUNIGLIA Me Stéphanie ARENA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : Société MMA IARD Assurances Mutuelles venant aux droits de la Compagnie COVEA RISKS RCS Mans n° 775 652 126 [Adresse 2] [Localité 3] S.A. MMA IARD venant aux droits de la Compagnie COVEA RISKS RCS Mans n° 440 048 882 [Adresse 2] [Localité 3] Représentées par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 021623 et par Me Guillaume REGNAULT et Me Delphine MABEAU de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, Plaidants, avocats au barreau de PARIS APPELANTES **************** Madame [N] [F] épouse [X] née le 18/08/1938 à Pierrefaites de nationalité Française [Adresse 4] [Localité 1] Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637 Représentant : Me Anne CARREL, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE INTIMEE **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Septembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur François THOMAS, Président, Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, Madame Bérangère MEURANT, Conseiller, Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT, EXPOSE DU LITIGE Le 12 septembre 2011, Mme [N] [F] épouse [X] a souscrit à un contrat de prestations administratives et fiscales avec la société Gesdom, afin de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts, issu de la loi dite Girardin Industriel du 22 juillet 2011. Dans le cadre de cette opération de défiscalisation portant sur des stations autonomes d'éclairage (SAE) utilisant des panneaux photovoltaïques, Mme [X] a acquis des parts de différentes sociétés en nom collectif à hauteur de la somme 14.157 €. Le 7 mai 2012, la société Gesdom a informé Mme [X] de ce que l'administration fiscale avait, à la fin de l'année 2011, remis en cause la réduction d'impôt en considérant que l'année de rattachement de cette réduction devait s'entendre de la date de mise en service effective des matériels et non celle de la livraison. La société Gesdom proposait alors un report de l'avantage fiscal à l'année suivante lors de la mise en service effective des installations photovoltaïques. La loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ayant modifié l'article 199 undecies B du code général des impôts précité, en excluant de la défiscalisation les investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil, jusqu'alors proposés aux investisseurs, Mme [X] n'a jamais pu bénéficier de la réduction d'impôt escomptée. Par acte du 1er août 2014, Mme [X] a fait assigner la société Gesdom ainsi que son assureur, la société Covea Risks, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, ci-après dénommées les MMA, devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de les voir condamner notamment au paiement de la somme de 17.242,50 € au titre de la perte de chance de bénéficier de la réduction d'impôt sur l'année 2011. Par jugement du 26 avril 2017, le tribunal de commerce de Saint-Denis de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Gesdom. Par actes des 30 janvier et 1er février 2019, Mme [X] a fait assigner en intervention forcée les sociétés Caviglioli-Baron-Fourque et Baronnie-Langlet, ès qualités d'administrateurs judiciaires de la société Gesdom. Par jugement du 5 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a : - Reçu l'intervention volontaire des sociétés MMA ; - Condamné solidairement les sociétés MMA à payer à Mme [X] la somme de 15.397 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, dans la limite du plafond annuel de garantie de 4.000.000 € applicable de façon globale pour l'ensemble des réclamants de la société Gesdom pour des investissements réalisés en 2011, au titre de la police n°114.247.742, sans séquestre ; - Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du jugement ; - Condamné in solidum les sociétés MMA à payer à Mme [X] la somme de 3.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - Débouté Mme [X] de sa demande à l'encontre de la société Hirou, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Gesdom, au titre des frais irrépétibles ; - Ordonné l'exécution provisoire ; - Condamné in solidum les sociétés MMA aux dépens, dont distraction au profit de Me Coulon ; - Rejeté toutes demandes plus amples ou contraires. Par déclaration du 13 avril 2021, les MMA ont interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 22 juin 2022, les sociétés MMA lard et MMA lard Assurances Mutuelles demandent à la cour de : - Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions défavorables aux sociétés MMA et, statuant à nouveau ; A titre principal, - Juger que le contrat d'assurance de responsabilité n'a pas vocation à couvrir les conséquences résultant de la nullité du contrat conclu entre la société Gesdom et Mme [X] ni l'inexécution de ses obligations par l'assuré ; - Juger que l'assureur de responsabilité civile ne garantit pas les sommes dues en vertu d'un contrat et que sont exclues les conséquences de l'absence d'exécution de la prestation ; - Juger que le litige résulte des conséquences de l'absence d'exécution de la prestation de la société Gesdom qui sont exclues de la garantie (du contrat souscrit par la société Gesdom) ; - Juger que la faute intentionnelle ou dolosive n'est pas assurable ; A titre subsidiaire, - Juger que le litige résulte des conséquences de l'absence d'exécution de la prestation de la société Gesdom qui sont exclues de la garantie ; - Juger que le litige résulte du non-respect d'une obligation de performance fiscale par laquelle la société Gesdom s'est engagée, qui est exclue de la garantie ; - Juger que la société Gesdom a commis une faute intentionnelle ou dolosive exclue de la garantie responsabilité civile professionnelle ; - Juger que le comportement de la société Gesdom a ôté au sinistre tout caractère aléatoire ; - Juger que les litiges afférents aux frais, honoraires et facturation de l'assuré sont encore exclus de cette garantie ; A titre plus subsidiaire, - Juger que les préjudices allégués par Mme [X] ne sont pas actuels ni certains ; - Confirmer le jugement uniquement en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande de condamnation au paiement d'intérêts au taux légal et d'un préjudice moral

; En conséquence

, - Débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre des compagnies MMA, venant aux droits de la société Covea Risks ; - Débouter Mme [X] de son appel incident ; - Condamner Mme [X] à payer aux compagnies MMA, venant aux droits de la société Covea Risks, la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner Mme [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel ; A titre infiniment subsidiaire, - Juger que ce litige s'inscrit dans le cadre d'un sinistre sériel ; - Tenir compte du plafond de garantie de 2.000.000 € ; - Désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Gesdom concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés ; - Juger que la franchise de 20.000 € doit être déduite du montant de la condamnation éventuellement prononcée à l'encontre des sociétés MMA ; - Juger que ce même montant serait déduit de chacune des condamnations prononcées au profit de chacun des investisseurs si la cour ne retenait pas une globalisation des sinistres dans le cas présent. Par dernières conclusions notifiées le 16 juin 2022, Mme [N] [X] demande à la cour de : A titre principal, - Débouter les requérantes de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ; - Débouter les requérantes de leurs demandes de dire et juger, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile ; - Confirmer le jugement du 5 mars 2021 en ce qu'il a fait application de l'article 1147 du code civil : - Reçu l'intervention volontaire des sociétés MMA venant aux droits de la société Covea Risks ; - Condamné solidairement les sociétés MMA à réparer le préjudice matériel, la responsabilité contractuelle de la société Gesdom étant engagée, ce, dans la limite du plafond annuel de garantie de 4.000.000 € applicable de façon globale pour l'ensemble des réclamants de la société Gesdom pour des investissements réalisés en 2011, au titre de la police n°114.247.742, sans séquestre, cette somme produisant intérêts au taux légal à compter du jugement ; - Dit que le montant des dommages et intérêts produira intérêts au taux légal à compter du jugement ; - Condamné in solidum les sociétés MMA au paiement de la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens au visa de l'article 699 du code de procédure civile ; - Prononcé l'exécution provisoire ; - Déclarer recevable l'appel incident en application de l'article 551 du code de procédure civile aux fins de voir fixer les dommages et intérêts au titre de la perte de chance d'obtenir l'avantage fiscal à la somme de 17.639,50 € ; A titre infiniment subsidiaire, - Déclarer recevable l'appel incident en application de l'article 551 du code de procédure civile aux fins de voir : - Annuler le contrat de prestations administratives et fiscales en date du 12 septembre 2011 pour absence de cause ; - Condamner solidairement les requérantes au paiement de la somme de 17.639,50 € en réparation du préjudice subi ; - Condamner in solidum les sociétés MMA au paiement de la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens au visa de l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2022. Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure MOTIFS L MMA font valoir que l'objet de la garantie de responsabilité n'a pas pour effet de pallier l'inexécution d'une obligation contractuelle par la société assurée. Elles rappellent que l'assureur de responsabilité ne garantit pas les sommes dues en vertu d'un contrat. Elles estiment que le contrat conclu entre la société Gesdom et Mme [X] est nul pour absence de cause et qu'en conséquence, cette dernière ne peut prétendre ni à l'octroi de dommages et intérêts, ni à la condamnation de l'assureur de responsabilité civile qui ne garantit pas les sommes dues par un cocontratant à un autre au titre de la restitution induite par la nullité du contrat. Les appelantes ajoutent que la société Gesdom n'a pas été investie par Mme [X] d'une mission de conseil en investissements financiers, de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée à ce titre. Subsidiairement, les MMA, ayant rappelé que la société Gestrom n'a jamais remis aux souscripteurs l'attestation fiscale devant leur permettre de bénéficier de la réduction d'impôt, invoquent l'exclusion de garantie figurant en page 6 du contrat d'assurance et visant «'les conséquences de l'absence d'exécution de la prestation'», ainsi que celle prévue en page 5 relative aux «'réclamations et dommages découlant d'une obligation de performance financière, fiscale ou commerciale, des produits ou services rendus, sur laquelle l'assuré se serait engagé expressément'». Les assureurs se prévalent par ailleurs des dispositions de l'article L.113-1 du code des assurances qui exclut la garantie de l'assureur, pour défaut d'aléa, en cas de faute dolosive de l'assuré, sans qu'il soit nécessaire de démontrer la volonté de l'assuré de provoquer le sinistre. Ils expliquent que ces dispositions sont applicables en l'espèce, dès lors que l'article 36-I de la loi de finances n°2010-1657 du 29 décembre 2010 pour l'année 2011 a exclu du champ d'application de la loi Girardin les investissements portant sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil. Ils ajoutent que la société Gesdom a commercialisé le produit avant même que le montage ait été validé par le cabinet d'avocats qu'elle avait consulté et qui a émis des réserves quant à l'éligibilité au dispositif Girardin. Ils considèrent donc que la société Gesdom avait connaissance de ce que l'investissement proposé n'était pas éligible à l'avantage fiscal. Ils ajoutent que la société Gesdom aurait dû rembourser les fonds aux souscripteurs, ce qu'elle n'a volontairement pas fait, de sorte que le dommage résultant de la perte des fonds est voulu. Les MMA dénient encore leur garantie au visa de l'article 1964 ancien du code civil en raison de l'absence d'aléa pour les mêmes motifs. Les MMA s'opposent à la demande de Mme [X] tendant au remboursement des frais perçus par la société Gesdom, expliquant que sont exclus de la garantie les litiges afférents aux frais, honoraires et facturations de l'assuré. Plus subsidiairement, les MMA rappellent que Mme [X] reconnaît que le produit vendu était inéligible à l'application du dispositif Girardin, de sorte qu'aucune perte de chance indemnisable n'est caractérisée. Les assureurs font valoir que le préjudice moral n'est explicité ni en son principe, ni en son quantum. Plus subsidiairement, les MMA sollicitent la limitation de la garantie au regard du caractère sériel du sinistre en application des dispositions de l'article L.124-1-1 du code des assurances et la désignation d'un séquestre. Enfin, elles opposent leur franchise. Mme [X] considère que la responsabilité contractuelle de la société Gesdom est engagée en raison du manquement du conseiller en investissement à son obligation de renseignement et de conseil, dès lors qu'elle ne pouvait pas lui faire souscrire un investissement pour une réduction d'impôt sur l'année suivante puisque la livraison effective ne pouvait pas avoir lieu dans la même année civile. Elle estime que la société Gesdom a commis une faute professionnelle en lui indiquant que l'éligibilité à la réduction d'impôt dépendait de la date de réalisation de l'investissement alors que l'administration fiscale avait déjà décidé depuis plusieurs années que la date à prendre en compte était celle de la mise en service effective des matériels. Elle soutient que son préjudice est constitué par la perte du gain fiscal, soit la somme de 17.242,50 € et par les frais de dossier engagés. Elle considère que la garantie des MMA est due en raison de l'ensemble des négligences, inexactitudes, erreurs de fait et de droit commises par la société Gesdom et garanties par les assureurs. Elle souligne qu'elle ne réclame pas le remboursement de la somme investie. Elle ajoute qu'il y a eu un commencement d'exécution par la société Gesdom de ses obligations contractuelles, puisqu'elle a bien acquis des parts de SNC, que le caractère intentionnel de la faute commise n'est pas démontré et qu'il n'était pas certain, à la date de la souscription, que l'investissement ne serait pas éligible à la défiscalisation. Elle conteste l'exclusion de garantie opposée s'agissant des frais de dossier en expliquant que le litige ne porte pas sur une contestation de facturation, ainsi que la limitation de garantie liée au caractère sériel du sinistre en précisant que le contrat d'assurance évoque le plafond par sinistre, de sorte que la garantie est acquise à hauteur du plafond de 4 millions d'euros pour chaque sinistre, nonobstant le fait générateur commun. Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que les franchises ne peuvent pas être opposées en totalité à chaque victime. Elle s'oppose à la désignation d'un séquestre, dès lors qu'il n'est pas démontré que les réclamations relatives à l'investissement litigieux excèdent le plafond annuel de 4 millions d'euros A titre subsidiaire, Mme [X], au visa des dispositions des articles 1131 et suivants du code civil, conclut à la nullité du contrat du 12 septembre 2011 pour absence de cause et en l'absence de retour au statut quo ante, elle sollicite une somme de 17.639,50 € de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier de la réduction d'impôt. ***** Sur la responsabilité contractuelle de la société Gesdom et la mobilisation des garanties des MMA Sur le fondement de l'article L.124-3 du code des assurances, Mme [X] est fondée à engager l'action directe contre les sociétés MMA, assureurs de la société Gesdom comme venant aux droits de la société Covea Risks, au titre de la police n° 114.247.742. Le chapitre 2 de la police souscrite par Gesdom, dans son chapitre 2 A relatif aux garanties, prévoit que "le présent contrat garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de faits, de droit, omission commis par lui, ses membres, ses agents, les préposés salariés ou non dans l'exercice de leurs activités normales et plus généralement par tout acte dommageable". En application de l'article L.112-6 du code des assurances, l'assureur peut opposer au tiers qui invoque le bénéfice de la police les exceptions opposables au souscripteur originaire. Il résulte de l'article L.113-1 du code des assurances qu'une exclusion de garantie ne peut qu'être formelle et limitée et ne saurait aboutir, sans retirer son objet au contrat d'assurance, à annuler dans sa totalité la garantie stipulée. Il ressort des dernières conclusions d'intimée signifiées que Mme [X] ne sollicite pas des assureurs l'exécution de la prestation attendue, mais des dommages et intérêts résultant des manquements de Gesdom à ses obligations contractuelles, le préjudice résidant dans la perte de chance de pouvoir bénéficier d'une réduction d'impôts. Les MMA sont donc mal fondées à invoquer l'exclusion de garantie relative aux «'conséquences de l'absence d'exécution de la prestation'» figurant en page 6 de la police. En revanche, la police exclut de la garantie « les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré'»'; cette faute, qui ne nécessite pas la démonstration de la volonté de provoquer le sinistre, est de nature à faire disparaître l'aléa qui est de l'essence même du contrat d'assurance. Cette clause est formelle, limitée et ne vide aucunement la garantie de sa substance. Il est constant que l'article 36-1 de la loi de finances pour l'année 2011, publiée le 29 décembre 2010, a exclu du champ d'application de la loi dite Girardin les investissements portant «'sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil'». Or, les SAE - objet du dossier de souscription litigieux - produisent de l'électricité au moyen de panneaux photovoltaïques, c'est-à-dire grâce à l'énergie radiative du soleil. Ce texte, particulièrement clair, conduisait logiquement à exclure les SAE du champ d'application de la loi dite Girardin. Les MMA soutiennent en conséquence que la société Gesdom savait nécessairement que son investissement n'était pas éligible au dispositif Girardin. Elles précisent que si la société Geldom a sollicité une consultation d'un cabinet d'avocats fiscalistes, le cabinet Landwell, datée du 2 septembre 2011 et indiquant que les SAE ne pouvaient être assimilées à de simples centrales photovoltaïques, cette pièce n'a aucune valeur dès lors qu'elle n'est pas signée et ne constitue à l'évidence qu'un projet. La cour observe d'une part, que cette consultation adressée à la société Gesdom n'est effectivement pas signée de sorte que sa date n'apparaît pas certaine et d'autre part, qu'elle n'offre aucune certitude sur l'éligibilité des SAE au dispositif Girardin, le rédacteur de ce projet de courrier indiquant que : «'la SAE paraît devoir être considérée comme un investissement éligible (...)'», puis : «'la rédaction de l'exclusion ne semble pas pouvoir s'appliquer à la SAE (...)'». Si la société Gesdom a ainsi consulté le cabinet Landwell sur l'éligibilité des produits SAE, c'est bien qu'elle avait connaissance, en tant que professionnel de la vente de produits d'optimisation fiscale commercialisant de manière habituelle le produit litigieux, de la nouvelle exclusion résultant, en termes très clairs, de la loi de finances et qu'elle avait un doute plus que sérieux sur cette éligibilité, doute qui n'est absolument pas levé par ce projet de consultation au demeurant non signé, le cabinet Landwell restant particulièrement prudent puisqu'il précise que l'exclusion «'ne semble pas'» s'appliquer aux SAE. Il est ainsi établi qu'au moment de la souscription du contrat le 12 septembre 2011, la société Gesdom avait pleinement conscience d'une part, de l'exclusion résultant explicitement de la loi de finances 2011 et d'autre part, du risque qu'elle faisait courir aux investisseurs, l'avocat consulté étant d'ailleurs resté particulièrement prudent sur l'éventuelle éligibilité des SAE qu'elle commercialisait. L'éligibilité du produit restait en tout état de cause particulièrement douteuse, imposant dès lors à la société Gesdom, l'arrêt, même provisoire, de la commercialisation du produit afin éventuellement d'interroger l'administration fiscale. Bien que consciente du risque évident qu'elle faisait courir aux investisseurs, la société Gesdom n'en a pas moins volontairement décidé de poursuivre la commercialisation des SAE, ce manquement délibéré à son obligation de prudence ayant abouti à la réalisation inéluctable du dommage, faisant ainsi disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque. Il y a lieu de juger en conséquence qu'en vendant, le 12 septembre 2011, ce produit de défiscalisation dont l'avantage fiscal n'était plus garanti depuis huit mois, la société Gesdom a commis une faute dolosive exclusive de tout aléa, de telle sorte que les assureurs sont fondés à opposer une exclusion de garantie, les demandes formées à leur encontre devant en conséquence être rejetées. Le jugement sera infirmé de ce chef. Sur la nullité du contrat Il n'est pas contestable que Mme [X] a signé le bulletin de souscription le 12 septembre 2011 afin de bénéficier d'un avantage fiscal. Or, la réduction d'impôts escomptée avait été supprimée par la loi de finances pour l'année 2011, publiée le 29 décembre 2010. Le contrat conclu entre la société Gesdom et Mme [X] était donc, dès sa formation, dépourvu de cause et donc nul. Toutefois, comme le rappellent les MMA, l'annulation du contrat ne peut conduire qu'à la restitution de la somme versée par Mme [X], ce qui n'entre pas dans le champ des garanties de l'assurance de dommage souscrite par la société Gesdom auprès des MMA qui exclut expressément en page 6 de la police «'Les conséquences de l'absence d'exécution de la prestation'». Sur ce point, il doit être précisé que contrairement à ce que soutient Mme [X], la seule acquisition par cette dernière de parts de la SNC Gir Réunion par cette dernière ne saurait s'analyser en un commencement d'exécution de la prestation de la société Gesdom. En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande indemnitaire sur le fondement de la nullité du contrat. Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens Compte tenu de la décision, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront infirmées. En application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [X], qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. En revanche, l'équité commande de débouter les MMA de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions'; Statuant à nouveau, Déboute Mme [N] [X] de l'ensemble de ses demandes'; Condamne Mme [N] [X] aux dépens de première instance et d'appel'; Déboute la société MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier,Le président,