Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 8 mars 2005, 03-19.339

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2005-03-08
Cour d'appel de Colmar (1ère chambre civile, section A)
2001-04-30

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen

unique : Attendu, selon les arrêts attaqués (Colmar, 30 avril 2001 et 15 juillet 2003), que la société Imprimerie de Wissembourg ayant été mise en redressement judiciaire, M. X..., aujourd'hui décédé et son épouse, ses cautions, ont formé, contre l'état des créances, une réclamation portant sur l'admission, à concurrence de 380 590,98 francs, de la créance revendiquée par le Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine (CIAL) au titre du solde débiteur du compte courant de cette société en faisant valoir qu'il y figurait des intérêts calculés au taux conventionnel malgré l'absence de convention écrite préalable ; qu'après avoir, par décision du 30 avril 2001, jugé que le CIAL n'était pas fondé, pour la période écoulée entre le 1er octobre 1985 et le 30 juin 1994, à demander paiement aux époux X... des intérêts au taux conventionnel faute pour ceux-ci d'avoir été préalablement mentionnés par écrit, au moins à titre indicatif, soit dans la convention de crédit soit dans les relevés d'opérations ou d'agios, et ordonné en conséquence à la banque de calculer ces intérêts au taux légal "en appliquant les différents taux successifs après avoir recalculé le solde provisoire incluant la capitalisation des intérêts mis en compte", la cour d'appel, constatant que la banque n'avait pas justifié, ainsi que le lui avait ordonné le conseiller de la mise en état, du taux appliqué, pendant la période considérée, aux opérations d'escompte inscrites en compte ni de l'existence d'une convention écrite relative à ce taux, a, le 15 juillet 2003, déclaré la créance du CIAL inopposable à Mme X... et dit que celle-ci n'était redevable à celui-ci d'aucune somme ;

Attendu que le CIAL fait grief à

l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen : 1 ) qu'en vertu du principe d'unicité du compte courant, les sommes entrant en compte disparaissent pour fusionner dans un solde soumis à un régime unitaire dont aucun élément spécifique ne peut plus être extrait ; qu'ainsi, lorsqu'elles entrent en compte courant, les sommes escomptées , montant de l'opération et commission d'escompte, se fondent dans le dit compte et, conformément aux règles spécifiques qui gouvernent le compte courant, la commission d'escompte qui rémunère le service rendu par le banquier, savoir l'avance des fonds au client en attendant l'échéance du titre, et a été préalablement librement convenue entre les parties, n'est plus individualisable et ne peut plus être extraite du compte pour être recalculée ; qu'en affirmant cependant, pour considérer comme impossible le calcul de sa créance garantie par le cautionnement de Mme X..., que "la substitution de l'intérêt au taux légal s'applique aussi bien aux agios sur escompte qui constituent un intérêt applicable au crédit d'escompte, qu'à l'intérêt appliqué au découvert en compte, mais qu'en revanche les divers frais et commissions perçus par la banque ne peuvent être assimilés à un intérêt appliqué au crédit consenti", la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions de l'article 1907, alinéa 2, du Code civil et celles de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966, ensemble les articles L. 313-1 et L. 313-2 du Code de la consommation ; 2 ) que les ordonnances du juge de la mise en état sont dépourvues de toute autorité de chose jugée ; qu'en retenant, pour le débouter de ses demandes, qu'il n'avait pas déféré aux injonctions du conseiller de la mise en état qui, par ordonnances des 3 mai et 18 octobre 2002 l'avait, sur requête de Mme X..., "invité à indiquer quels sont les taux retenus pour le calcul des agios d'escompte pour les périodes invoquées" et à "communiquer le contrat d'escompte", quand les dites ordonnances, dépourvues de toute autorité de la chose jugée, ne la dispensaient pas de remplir son office et de dire elle-même le droit, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 775 du nouveau Code de procédure civile , ensemble celles de l'article 1351 du Code civil ; 3 ) que le dispositif de l'arrêt du 30 avril 2001 a seulement ordonné "le recalcul par le CIAL des intérêts au taux légal, pour la période du 1er octobre 1985 au 1er juin 1994, en appliquant les différents taux successifs après avoir recalculé le solde provisoire incluant la capitalisation des intérêts mis en compte ", savoir les intérêts du compte courant et non pas les commissions d'escompte ; qu'en affirmant qu'ainsi, il n'avait pas "déféré à la demande de la cour", la cour d'appel a violé encore l'article 480 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du Code civil ; 4 ) que tout jugement doit être motivé ; que le juge ne peut faire droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés ; qu'en entérinant le décompte établi par Mme X... au seul prétexte que cette dernière, caution, "a produit un décompte de 5 pages indiquant précisément mois par mois, les agios et commissions pris sur les relevés bancaires de la période de référence, aboutissant à un montant total de 502 763,09 francs", sans en vérifier concrètement le bien fondé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 5 ) que le juge qui, tout en admettant le bien fondé d'une demande en son principe, ne peut refuser d'en vérifier le montant ou de la chiffrer en tirant prétexte de l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en déclarant finalement "inopposable à Mme X...", caution, sa créance au titre du solde débiteur du compte courant de la société Imprimerie de Wissembourg, société cautionnée, au seul prétexte de l'insuffisance du décompte qu'il avait fourni, après avoir admis le principe de la créance et retenu, dans son précédent arrêt du 30 avril 2001, l'application des intérêts au taux légal pour la période du 1er octobre 1985 au 1er juin 1994 et l'application des intérêts au taux conventionnel postérieurement au1er juin 1994, la cour d'appel a violé les articles 2011 et 2015 du Code civil et les articles 12 et 561 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

, en premier lieu, que ni l'indivisibilité du compte courant, ni ses effets novatoires ne font obstacle et ne s'opposent à ce que le débiteur obtienne, par voie de redressement du compte litigieux, la libération d'une obligation jugée dépourvue de cause ; Attendu, en deuxième lieu, qu'en tant qu'il comporte au profit du remettant une avance de fonds, l'escompte s'analyse comme une opération de crédit soumise en tant que telle à la réglementation du taux de l'intérêt, laquelle exige, notamment, que ce taux ait fait l'objet d'un accord constaté par écrit, préalablement aux prélèvements opérés ; que le CIAL ayant lui-même admis dans ses conclusions d'appel avoir appliqué aux opérations d'escompte inscrites au compte de la société Imprimerie de Wissembourg sur lequel ne figurait pour la période de référence aucune indication sur ce point, un taux supérieur au taux légal, la cour d'appel qui, sans encourir le grief articulé par la deuxième branche du moyen, a relevé, qu'en dépit des injonctions que lui avait adressées le conseiller de la mise en état, la banque n'avait pas produit le contrat d'escompte l'ayant prétendument lié à la société Imprimerie de Wissembourg ce dont il résultait que pour la part excédant le taux légal, les prélèvements d'intérêts pratiqués à l'occasion des opérations litigieuses, étaient sans cause, a, abstraction faite du motif critiqué par la troisième branche qui ne fonde pas la décision, exactement décidé que la substitution de l'intérêt au taux légal aux intérêts conventionnels s'appliquait, non seulement au découvert en compte, mais aussi aux agios prélevés sur les opérations d'escompte intervenues pendant la période considérée ; Et attendu, en troisième lieu, que l'arrêt du 30 avril 2001 s'étant borné à renvoyer le CIAL à calculer le montant de sa créance éventuelle en tenant compte de la substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel sans se prononcer par une décision ayant autorité de chose jugée sur l'existence de cette créance, la cour d'appel, qui, contrairement à ce que soutient le moyen, n'a pas refusé de chiffrer le montant de la créance alléguée, mais a jugé qu'en l'état du décompte, conforme aux indications des relevés bancaires et qu'elle a jugé exact, produit par Mme X... et des autres éléments dont elle disposait, aucune preuve de la créance alléguée n'était rapportée, a statué à bon droit ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Crédit industriel d'alsace et de Lorraine aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 000 euros à Mme X... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille cinq.