AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean Claude X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 20 octobre 1998 par la cour d'appel de Grenoble (1e chambre civile), au profit de M. le receveur principal des Impôts Grenoble-Drac, élisant domicile dans les bureaux de la Recette divisionnaire de Grenoble Belledonne, ... Grenoble,
défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 février 2002, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Gueguen, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Gueguen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. X..., de Me Foussard, avocat du receveur principal des Impôts Grenoble-Drac, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen
, pris en sa seconde branche ;
Vu l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été nommé président du conseil d'administration de la société Valitiss (la société) le 31 décembre 1992 ; que le 24 mars 1993, il a déposé sans paiement la déclaration de TVA du mois de février 1993, qui, ultérieurement, n'a été réglée que partiellement, de sorte que le receveur des impôts a authentifié le solde de sa créance par un avis de mise en recouvrement du 12 mai 1993 ; que les déclarations de TVA d'avril et mai 1993 ont également été déposées sans paiement, les créances correspondantes étant authentifiées par des avis de mise en recouvrement des 25 juin et 16 juillet 1993 ; que la société s'est par ailleurs abstenue de déclarer la taxe d'apprentissage due au titre de l'année 1992 ; que par jugement du 9 juillet 1993, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de la société ; qu'après la cession des actifs de celle-ci ordonnée par le tribunal de commerce, le receveur des impôts de Grenoble-Drac a assigné M. X... devant le président du tribunal de grande instance de Grenoble afin qu'il soit déclaré solidairement tenu au paiement des impositions dues par la société sur le fondement de l'article
L. 267 du Livre des procédures fiscales ; que le jugement du 7 avril 1997 ayant partiellement fait droit à cette demande, M. X... a fait appel de cette décision, contre laquelle le receveur des impôts a formé un appel incident ;
Attendu que pour confirmer la décision déférée en ce qui concerne les sommes dues au titre de la TVA, et faire droit à l'appel incident du receveur pour la taxe d'apprentissage, la cour d'appel a retenu que la gravité de l'inobservation des obligations fiscales était à l'évidence établie, dès lors qu'elle concernait essentiellement la TVA qui doit être spontanément reversée au trésor public et ne peut être détournée notamment comme moyen de trésorerie, et que la répétition de l'inobservation l'était également puisqu'elle portait sur trois paiements mensuels de la TVA et sur la taxe d'apprentissage due au titre de l'année 1992 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. X..., selon lesquelles, d'une part, au cours de la période incriminée la société avait été victime d'un événement totalement imprévisible qui avait empêché la poursuite de son redressement financier, et d'autre part, qu'au moment du dépôt des déclarations de TVA litigieuses, la taxe correspondante n'avait pas encore été collectée auprès des clients, et sans examiner, par conséquent, si la situation à laquelle s'était trouvée confrontée la société au moment des faits ne faisait pas perdre à l'inobservation des obligations fiscales constatée son caractère de gravité, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne le receveur principal des Impôts de Grenoble-Drac aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, condamne le receveur principal des Impôts de Grenoble-Drac à payer à M. X... la somme de 1 800 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille deux.