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CJUE, 22 février 1983, 88/82

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Texte intégral

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL, PRÉSENTÉES LE 22 FÉVRIER 1983 ( 1 ) Monsieur le Président, Messieurs les Juges, L'objet de l'affaire au principal qui est à la base de la demande de décision préjudicielle dont nous devons nous occuper aujourd'hui est de décider de la légalité de redevances perçues pour des contrôles sanitaires lors de l'importation de volaille vers l'Italie conformément à l'article 32 du Texte unique no 1265 du 27 juillet 1934 (Gazetta ufficiale no 168 du 9.8.1934). En 1976, MM. Armando et Ottavio Leonelli, qui ont dû payer ces redevances entre 1968 et 1975 à l'occasion de l'importation de volaille et de viandes fraîches de volaille en provenance de Hongrie, ont intenté une action en remboursement contre l'administration financière italienne devant le tribunal de Trieste au motif que ces redevances constituaient des taxes d'effet équivalent dont la perception est incompatible avec l'article 11, paragraphe 2, du règlement no 123/67/CEE du Conseil, du 13 juin 1967, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille (JO L du 19.6.1967, p. 2301). Selon cette disposition, qui est conforme pour l'essentiel à l'article 11, paragraphe 2, de la nouvelle organisation de marché de la viande de volaille désormais en vigueur (règlement no 2777/75 du Conseil du 29.10.1975 - JO L 282 du 1.11.1975, p. 77 [http://publications.europa.eu/resource/oj/JOL_1975_282_R_TOC]), «sauf dispositions contraires du présent règlement ou dérogation décidée par le Conseil, statuant sur proposition de la Commission selon la procédure de vote prévue à l'article 43, paragraphe 2, du traité ... sont interdites: - la perception de tout droit de douane ou taxe d'effet équivalent, - l'application de toute restriction quantitative ou mesure d'effet équivalent ...». Le tribunal de Trieste a admis le recours et a condamné l'administration des finances à rembourser 23938555 lires. Après que l'instance d'appel, elle aussi, a confirmé le jugement de première instance, l'administration des finances a introduit un pourvoi en cassation qui a abouti à la présente procédure préjudicielle. Dans l'ordonnance de renvoi du 15 mai 1981, la première chambre civile déclare, qu'eu égard à l'arrêt de la Cour dans l'affaire Wigei ( 2 ) le recours devrait être rejeté comme non fondé, dans la mesure où il concerne les redevances perçues après l'entrée en vigueur de la directive 71/118 du Conseil du 15 février 1971 relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges de viandes fraîches de volaille (JO L 55 du 8.3.1971, p. 23 [http://publications.europa.eu/resource/oj/JOL_1971_055_R_TOC]). Dans cet arrêt, la Cour de justice a jugé que l'article 15 de la directive précitée a introduit une exception licite à l'interdiction de l'article 11, paragraphe 2, du règlement no 123/67, de sorte que cette dernière ne peut plus être invoquée pour contester aux États membres le pouvoir de percevoir aux frontières extérieures de la Communauté des redevances pour les contrôles sanitaires qu'ils effectuent sur les importations de viandes fraîches de volaille en provenance de pays tiers, à moins que ces contrôles ne soient manifestement disproportionnés par rapport à l'objectif recherché ou que les redevances dépassent manifestement le coût des contrôles. En raison du rapport existant entre l'article 15 de cette directive, selon lequel: «jusqu'à l'entrée en vigueur des dispositions communautaires relatives aux importations de viandes fraîches de volaille en provenance des pays tiers ..., les États membres appliquent à ces importations des dispositions au moins équivalentes à celles qui résultent de la présente directive» et l'article 16, qui prévoit certains délais pour la transposition de la directive dans le droit national, la question se pose de savoir si le pouvoir de déroger à l'interdiction de percevoir des redevances pour des contrôles sanitaires ne dépend pas, en outre, du fait qu'un État membre a transposé la directive, ce qui n'aurait pas été le cas en Italie pour la période en question. De l'avis de la juridiction, cette question est d'autant plus justifiée que, dans l'affaire Simmenthal ( 3 ), la Cour de justice a jugé que le Conseil peut prévoir dans les échanges avec les pays tiers des exceptions à l'interdiction de prélever des redevances pour des contrôles sanitaires à la condition que les taxes aient une incidence uniforme dans tous les États membres sur les échanges avec les pays tiers, qu'elles ne dépassent pas les coûts réels des contrôles et que les exceptions ne seraient applicables qu'après que les États membres auraient adopté les mesures prévues par les directives par lesquelles ces exceptions seraient introduites. Pour ces raisons, la première chambre civile de la Cour de cassation a sursis à statuer et vous a demandé de statuer àtitre préjudiciel sur la question suivante en application de l'article 177 du traité CEE: «La dérogation, introduite par l'article 15 de la directive 71/118/CEE du Conseil relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges de viandes fraîches de volaille, à l'interdiction (prévue par le règlement (CEE) no 123/67 du 13.6.1967 portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille) d'exiger des droits de douane qui ne sont pas contenus dans le tarif douanier commun, ainsi que des taxes nationales d'effet équivalent et en conséquence le pouvoir des différents États membres de continuer à exiger ces droits sont-ils subordonnés à la condition supplémentaire que les États membres aient adopté les dispositions législatives réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive citée?» Cette affaire appelle de notre part les observations suivantes: 1. La juridiction qui a rendu l'ordonnance de renvoi doit statuer sur la légalité des redevances pour contrôles sanitaires perçues à l'occasion de l'importation de volaille vivante et - comme cela a été clarifié au cours de la procédure orale - de l'importation de viandes fraîches de volaille en provenance d'un pays tiers. A cet égard, comme les instances précédentes, et compte tenu de la jurisprudence constante de la Cour de justice (Politi ( 4 ), Marimex I ( 5 )Variola ( 6 ), Schroeder ( 7 ), Bauhuis ( 8 ), Simmenthal ( 9 )), Wigei ( 10 )) elle est partie, avec raison, de l'idée que les redevances pour contrôles sanitaires perçues unilatéralement par les États membres à l'occasion des importations en provenance de pays tiers ainsi que les redevances correspondantes perçues dans les relations commerciales intracommunautaires, devaient être considérées en principe comme des taxes d'effet équivalant à des droits de douane. A ce propos, la Cour de justice a maintes fois expressément souligné que les interdictions contenues dans les organisations communes de marchés, correspondant aux articles 11, paragraphe 2, et 13, paragraphe 1, du règlement no 123/67 reposaient sur la même notion que les articles 9 et suivants du traité CEE et, qu'ainsi, il n'y avait pas lieu de distinguer entre commerce intracommunautaire et commerce avec les pays tiers. Indépendamment des cas où il s'agit de redevences qui, en tant que partie d'un régime national, n'entrent pas dans la notion de taxe équivalant à un droit de douane, compte tenu de cette jurisprudence, les redevances pour contrôles sanitaires ne sont licites dans le commerce avec les pays tiers que si ces contrôles sont harmonisés selon le droit communautaire ou si les organisations de marchés agricoles intéressées prévoient elles-mêmes la possibilité d'une exception à l'interdiction, comme cela est le cas dans l'article 11, paragraphe 2, en question pour le commerce avec les pays tiers. Étant donné que l'abolition des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, dans la mesure où elle concerne le commerce avec des pays tiers, poursuit d'autres buts et a d'autres bases juridiques que celles sur lesquelles repose l'interdiction de ces taxes dans les relations commerciales intracommunautaires, la Cour de justice, dans l'affaire Simmenthal ( 9 ), a expressément considéré comme licite une possibilité de dérogation prévue dans les organisations de marchés agricoles. Dans l'affaire Wigei ( 10 ), la Cour a donc jugé que l'article 15 de la directive 71/118 qui est à la base de la présente procédure préjudicielle constituait une exception à l'interdiction adressée aux États membres de percevoir des taxes d'effet équivalant aux droits de douane au sens de l'article 11, paragraphe 2, des règlements no 123/67 et no 2777/75. En partant de cette jurisprudence et eu égard au champ d'application de l'article 15 de la directive du Conseil en question, il convient donc d'examiner tout d'abord si un État membre peut invoquer cette disposition d'exception avant l'expiration des délais établis dans ladite directive elle-même pour sa transposition et avant l'adoption des mesures d'exécution correspondantes. Dans l'affirmative, en considération du champ d'application objectif de l'article 15, il nous faut étudier la question de savoir si comme son texte même l'indique, cette disposition s'étend non seulement à l'importation de viandes fraîches de volaille, mais également à l'importation de volaille vivante en provenance de pays tiers. 2. En ce qui concerne la question de l'applicabilité de l'article 15 de la directive 71/118, M. Armando Leonelli, qui s'est exprimé à propos de la procédure préjudicielle, soutient, en se référant à la jurisprudence de la Cour relative à l'effet direct de directives, que cette exception ne serait valable qu'après que les États membres sont parvenus à une application uniforme des dispositions prescrites par cette directive. A cet égard, la directive d'harmonisation 71/118 qui a été profondément modifiée, notamment en ce qui concerne les délais d'exécution, par la directive du Conseil 75/431/CEE du 10 juillet 1975 (JO L 192 du 24. 7. 1975, p. 6 [http://publications.europa.eu/resource/oj/JOL_1975_192_R_TOC]) ne serait ni claire ni inconditionnelle mais laisserait aux Etats membres une certaine marge d'appréciation. Le Conseil leur aurait donné la possibilité de déroger aux délais fixés pour pouvoir effectuer les adaptations prescrites. En Italie, les deux directives seraient donc entrées en vigueur au plus tôt le 1er janvier 1977, après que l'ordre juridique interne a été adapté aux dispositions de ces directives. En revanche, le gouvernement italien et la Commission, considérant le texte même, le sens et la finalité de la disposition en question ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice relative à cette matière, parviennent, l'un et l'autre, pour l'essentiel, à la conclusion que, dès l'entrée en vigueur de la directive, les États membres ont été en droit de percevoir des redevances pour contrôles sanitaires dans les échanges commerciaux avec les pays tiers. a) A notre avis également, il résulte déjà du texte même de l'article 15 et de sa place dans le cadre de la directive 71/118, que l'application de cette disposition qui constitue une exception à l'interdiction de percevoir des taxes d'effet équivalant aux droits de douane ne dépend pas du fait que les États membres ont adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires à la transposition de la directive. A cet égard, il faut tout d'abord souligner que la disposition en question se trouve dans une directive qui a clairement et nettement pour but d'harmoniser dans l'intérêt des échanges commerciaux intracommunautaires les diverses dispositions sanitaires, existant dans les différents États membres, applicables aux viandes de volaille. Ce n'est qu'à cet égard que l'article 16 accorde aux États membres pour l'exécution de la directive, des délais de transition qui sont aménagés différemment selon qu'il s'agit de dispositions applicables aux échanges commerciaux intracommunautaires ou de dispositions relatives aux échanges commerciaux à l'intérieur d'un État membre. En revanche, comme son texte le montre, l'article 15 tient compte du fait qu'au moment de l'adoption de la directive, il n'existait pas de «réglementation communautaire correspondante applicable à l'importation de viandes fraîches de volaille en provenance de pays tiers». Ce domaine n'étant pas encore harmonisé, il est donc précisé qu'en vue d'uniformiser les dispositions relatives aux contrôles sanitaires concernant le commerce avec les pays tiers, les États membres ne peuvent appliquer à des marchandises importées que les dispositions «qui sont au moins équivalentes à celles de cette directive». Comme la Cour de justice l'a clairement exprimé dans les affaires Simmenthal ( 11 ) et Wigei ( 12 ) déjà citées, cette disposition s'applique non seulement aux contrôles sanitaires eux-mêmes, mais également aux redevances perçues à cette occasion. Comme l'indique déjà le texte de cette disposition, le législateur communautaire est en principe parti de l'idée que, par dérogation à l'interdiction contenue dans l'article 11, paragraphe 2, du règlement no 123/67, les États membres sont comme auparavant en droit d'effectuer des contrôles sanitaires dans le commerce avec les pays tiers et de percevoir des redevances à cette occasion. En conséquence, la Cour de justice, elle aussi, a expressément déclaré dans l'affaire Wigei ( 13 ) que : «l'interdiction de percevoir des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, édictée à l'article 11, paragraphe 2 des règlements no 123/67 et 2777/75, ne peut être invoquée pour empêcher les Etats membres de percevoir aux frontières extérieures de la Communauté des redevances liées aux contrôles sanitaires qu'ils effectuent sur les importations de viandes fraîches de volaille en provenance de pays tiers» (attendu no 10). Quant au montant des redevances, la Cour de justice a jugé, en outre, qu'il résultait du libellé même de l'article 15, «que cette disposition permet des contrôles plus rigoureux aux frontières extérieures que ceux prévus par la directive pour les échanges intracommunautaires» (attendu no 14). A cet égard, elle a expressément souligné que le droit communautaire ne fait pas obligation aux États membres de témoigner à l'égard des pays tiers du même degré de confiance que celui qui, sur la base de la directive en question, doit caractériser les relations entre les États membres. A ce propos, en vue de garantir une protection extérieure aussi uniforme que possible, la Cour de justice a simplement fixé une limite supérieure à la marge d'appréciation des États membres, en établissant que: «si les contrôles sanitaires aux frontières extérieures de la Communauté étaient manifestement disproportionnés par rapport à l'objectif recherché ou si les redevances dépassaient manifestement le coût de ces contrôles, on se trouverait hors du champ d'application de la dérogation autorisée par l'article 11, paragraphe 2, des règlements nos 123/67 et 2777/75» (attendu no 12). Une limite inférieure pour les contrôles sanitaires à effectuer par les États membres lors des importations en provenance de pays tiers et pour les redevances dues à cette occasion est finalement établie par l'article 15 en question. Comme la Cour de justice l'a constaté dans l'affaire Wigei ( 13 ) à propos de cet article et dans l'affaire Simmenthal ( 14 ) au sujet d'un article correspondant de la directive du Conseil 64/433 du 26 juin 1964 relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches (JO L du 29.6.1964, p. 2012), ces dispositions ont pour objet spécifique, «d'instituer à titre provisoire - en attendant la mise en application d'un système communautaire de contrôle sanitaire des importations de viandes fraîches en provenance des pays tiers, une règle applicable aux régimes de contrôle sanitaire nationaux demeurés en vigueur, en vue d'empêcher que ces régimes nationaux soient moins sévères et moins onéreux pour les produits en provenance de pays tiers que le régime de contrôles sanitaires imposés par la directive en question pour les échanges intracommunutaires». Comme la Cour de justice l'a clairement indiqué, ces réglementations servent donc à éviter des distorsions de concurrence, en garantissent que les opérateurs économiques mettent sur le marché des viandes fraîches d'origine communautaire ne sont pas défavorisés par rapport à leurs concurrents qui importent des viandes en provenance de pays tiers. La disposition en question sert donc à garantir le principe de la préférence communautaire, en empêchant que, lors de l'importation de produits en provenance de pays tiers pour lesquels les exigences sanitaires applicables aux échanges commerciaux intracommunautaires sont uniformisées, les États membres appliquent des dispositions qui se situent au-dessous du standard recherché par les directives d'harmonisation, étant donné, que dans le cas de ces marchandises, il n'est plus possible en principe d'effectuer d'autres contrôles à l'occasion du franchissement de la frontière intracommunautaire. A la différence du commerce intérieur communautaire, dans lequel il s'agit de ne pas porter préjudice aux marchandises provenant d'autres États membres, cette disposition doit exclure une préférence accordée aux marchandises provenant de pays tiers. Il découle de cet objectif poursuivi par l'article 15 que seul le respect de la limite inférieure citée dans cette disposition, qui ne joue aucun rôle dans le litige au principal, dépend de la transposition de la directive par les États membres. En revanche, le pouvoir de ces derniers en tant que tels de percevoir des redevances pour des contrôles sanitaires à l'occasion des importations de viandes fraîches de volaille en provenance d'États tiers ne suppose pas une telle transposition. Une telle compétence existe depuis l'entrée en vigueur de la disposition d'exception de l'article 15, c'est-à-dire, depuis la communication de la directive 71/118 à chaque État membre. b) Enfin, contrairement à la thèse de M. Leonelli, il n'est pas possible de tirer un autre résultat de l'arrêt Simmenthal ( 15 ). Cette affaire, dans laquelle il s'agissait de redevances perçues pour les contrôles sanitaires effectués lors de l'importation de viande bovine en provenance d'Uruguay, était caractérisée par le fait, qu'à côté de l'interdiction, contenue dans l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine, de percevoir des taxes d'effet équivalent, d'une part, il existait deux directives du Conseil qui prescrivaient les contrôles sanitaires dans les échanges commerciaux intracommunautaires de viande bovine, et, d'autre part, une autre directive du Conseil qui, à la différence de la présente espèce, prévoyait un contrôle sanitaire des importations de viande bovine, en provenance de pays tiers. A la question de la juridiction de renvoi de savoir si les dispositions de cette dernière directive doivent être interprétées en ce sens qu'elles autorisaient les États membres à introduire des droits sanitaires sur les marchandises importées de pays tiers et, le cas échéant, à partir de quelle date, la Cour de justice a répondu que la perception de redevances effectuée sur la base d'une réglementation communautaire pour les contrôles sanitaires lors de l'importation en provenance de pays tiers est licite et qu'il doit seulement être garanti que les charges pécuniaires en question ont une incidence uniforme dans tous les États membres sur les échanges concernés avec les pays tiers. Étant donné que ladite directive prévoyait l'organisation d'un contrôle sanitaire uniforme dont les modalités devaient être établies, suivant le cas, par le Conseil, la Commission ou les États membres, la Cour de justice a décidé en conséquence que cette réglementation d'exception n'est applicable qu'après que les États membres ont été mis en mesure d'organiser conformément aux prescriptions de la directive les contrôles que celle-ci prévoit. La présente affaire se distingue de cette situation juridique par le fait précisément que les contrôles sanitaires et les redevances qui s'y rattachent dans les échanges commerciaux avec les pays tiers ne sont pas harmonisés et qu'une telle réglementation communautaire n'existe qu'en ce qui concerne les échanges commerciaux intracommunautaires. Si l'on voulait faire dépendre le pouvoir des États membres, prévu à l'article 15 de la directive 71/118, de percevoir des redevances dans le commerce avec les pays tiers, de l'exécution de la directive concernant les échanges commerciaux intracommunautaires, cela aboutirait finalement, comme le gouvernement italien et la Commission l'ont relevé à bon droit, à ce que, contrairement au principe de la préférence communautaire, des produits en provenance de pays tiers qui parviennent dans le marché commun par l'intermédiaire d'un État membre qui n'a pas encore exécuté la directive, feraient l'objet d'une préférence par rapport aux marchandises qui proviennent d'États membres dans lesquels la directive a déjà été mise à exécution. 3. Après avoir ainsi établi, qu'en ce qui concerne les importations de viandes fraîches de volaille en provenance de pays tiers, les États membres ont le pouvoir sur la base de l'article 15 de la directive 71/118 de percevoir des redevances pour les contrôles sanitaires, il reste encore à examiner si cette réglementation d'exception à l'interdiction, contenue dans l'article 11, paragraphe 2, de l'organisation des marchés dans le secteur de la viande de volaille, de percevoir des taxes d'effet équivalent est également applicable, comme le pense le gouvernement italien, à l'importation de volaille vivante en provenance de pays tiers. A ce sujet, le gouvernement italien, soutient que l'article 15 en question, si on le lit en liaison avec l'organisation commune des marchés dans le secteur de la viande de volaille et l'article 11 de la directive 71/118 ainsi que son dernier considérant, devrait être interprété de manière extensive contrairement à son texte même. En effet, dans ces dispositions, notamment en ce qui concerne les contrôles sanitaires, aucune différence ne serait faite entre la volaille vivante et la viande fraîche de volaille. Lorsque l'on considère cet argument, il faut tout d'abord observer que, selon l'article 1er du règlement no 123/67, tant les volailles vivantes de basse-cour que les viandes fraîches de volaille sont soumises à l'organisation commune des marchés, institutée par ce règlement, dans le secteur de la viande de volaille. Par conséquent, l'importation des deux produits en provenance de pays tiers entre dans le champ d'application de l'article 11, paragraphe 2, du règlement no 123/67, selon lequel, sauf dispositions contraires du présent règlement ou dérogation décidée par le Conseil statuant sur proposition de la Commission selon la procédure de vote prévue à l'article 43, paragraphe 2, du traité, la perception de tout droit de douane ou taxe d'effet équivalent est interdite. Comme nous l'avons montré, l'article 15 renferme une telle exception «pour les importations de viandes fraîches de volaille en provenance de pays tiers». Cette règle fait en outre partie d'une directive qui a expressément pour but d'éliminer les différences entre les dispositions sanitaires des États membres concernant les viandes fraîches de volaille. Mais, comme le montrent tant les règlements nos 123/67 et 2777/75 que les directives d'harmonisation 71/118 et 75/431, le Conseil a toujours fait une nette distinction entre volaille vivante et viandes de volaille. Ne serait-ce que pour cette raison, le fait que l'article 15 ne mentionne pas les volailles vivantes peut difficilement s'expliquer par une méprise du Conseil. En outre, la règle générale répétée par la Cour dans une jurisprudence constante, selon laquelle des exceptions à un principe général doivent être interprétées strictement, milite contre la thèse soutenue par le gouvernement italien. Enfin et surtout, le sens et la finalité de l'article 15, qui doit empêcher qu'une préférence ne soit accordée aux marchandises des pays tiers, après que les dispositions sanitaires des Etats membres applicables à la viande de volaille ont été harmonisées dans les échanges commerciaux intracommunautaires, s'opposent à une interprétation extensive ou même à une application par analogie de cette disposition à l'importation de volaille vivante en provenance des pays tiers. A cet égard, il faut considérer que les contrôles applicables à la volaille vivante n'ont encore fait l'objet d'une directive d'harmonisation ni dans les échanges commerciaux intracommunautaires ni dans les échanges commerciaux avec les pays tiers. Mais, comme le montrent notamment les affaires Neumann ( 16 ) et Ludwig ( 17 ), l'interdiction, contenue dans l'organisation des marchés en question, de percevoir des taxes d'effet équivalent s'applique aux produits pour lesquels une harmonisation n'existe ni dans le commerce intérieur ni dans le commerce avec les pays tiers, d'où la conséquence qu'aucune redevance sanitaire ne peut être perçue pour ces marchandises à moins que, comme la Cour de justice l'a déclaré dans l'affaire Schroeder ( 18 ), la perception ne soit effectuée sur la base d'un système interne de redevances qui s'applique de la même manière aux produits nationaux. 4. En raison de ces considérations, nous vous proposons donc de répondre de la manière suivante à la question posée: a) L'exception, introduite par l'article 15 de la directive du Conseil 71/118 du 15 février 1971 (JO L 55 du 8.3.1971, p. 23 [http://publications.europa.eu/resource/oj/JOL_1971_055_R_TOC]), à l'interdiction de percevoir d'autres droits de douane et taxes d'effet équivalent que ceux contenus dans le tarif douanier commun s'applique aux importations de viandes fraîches de volaille en provenance de pays tiers à partir de la communication de la directive aux différents États membres et ne dépend pas de la condition supplémentaire que les États membres aient adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour donner exécution à la directive. b) Cette exception n'est pas applicable par analogie aux importations de volaille vivante en provenance d'États tiers. ---------------------------------------- ( 1 ) Traduit de l'allemand. ( 2 ) Arrêt du 22.1.1980 dans l'affaire 30/79, Land de Berlin/Firma Wigei, Wild-Geflugel-Eier-Import GmbH & Co. KG, Recueil 1980, p. 151 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61979??0030&locale=FR]. ( 3 ) Arrêt du 28.6.1978 dans l'affaire 70/77, Simmenthal SpA/administration des finances, Recueil 1978, p. 1453 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61977??0070&locale=FR]. ( 4 ) Arrêt du 14.12.1971 dans l'affaire 43/71, Politi sas/ ministère des finances de la Republique italienne, Recueil 1971, p. 1039 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61971??0043&locale=FR]. ( 5 ) Arrêt du 7.3.1972 dans l'affaire 84/71, SpA Marimex/ ministère des finances de la République italienne, Recueil 1972, p. 89 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61971??0084&locale=FR]. ( 6 ) Arrêt du 10.10.1973 dans l'affaire 34/73, F.lli Variola SpA/administration italienne des finances, Recueil 1973, p. 981 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61973??0034&locale=FR]. ( 7 ) Arrêt du 9.7.1975 dans l'affaire 21/75, Entreprise I. Schroeder KG/Oberstadtdirektor der Stadt Köln, Recueil 1975, p. 905 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61975??0021&locale=FR]. ( 8 ) Arrêt du 25.1.1977 dans l'affaire 46/76, W.J.G. Bauhuis/État néerlandais, Recueil 1977, p. 5 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61976??0046&locale=FR]. ( 9 ) Arrêt du 28.6.1978 dans l'affaire 70/77, Simmenthal SpA/administration des finances, Recueil 1978, p. 1453 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61977??0070&locale=FR]. ( 10 ) Arrêt du 22.1.1980 dans l'affaire 30/79, Land de Berlin/Firma Wigei, Wild-Geflügel-Eier-Import GmbH & Co. KG, Recueil 1980, p. 151 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61979??0030&locale=FR]. ( 11 ) Arrêt du 28.6.1978 dans l'affaire 70/77, Simmenthal SpA/administration des finances, Recueil 1978, p. 1453 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61977??0070&locale=FR]. ( 12 ) Arrêt du 22.1.1980 dans l'affaire 30/79, Land de Berlin/Firma Wigei, Wild-Geflügel-Eier-Import GmbH & Co. KG, Recueil 1980, p. 151 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61979??0030&locale=FR]. ( 13 ) Arrêt du 22.1.1980 dans l'affaire 30/79, Land de Berlin/Firma Wigei, Wild-Geflügel-Eier-Import GmbH & Co. KG, Recueil 1980, p. 151 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61979??0030&locale=FR]. ( 14 ) Arrêt du 28.6.1978 dans l'affaire 70/77, Simmenthal SpA/administration des finances, Recueil 1978, p. 1453 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61977??0070&locale=FR]. ( 15 ) Arrêt du 28.6.1978 dans l'affaire 70/77, Simmenthal SpA/administration des finances, Recueil 1978, p. 1453 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61977??0070&locale=FR]. ( 16 ) Arrêt du 5.7.1978 dans l'affaire 137/77, Ville de Francfort-sur-le-Main/entreprise Max Neumann, Recueil 1978, p. 1623 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61977??0137&locale=FR]. ( 17 ) Arrêt du 5.7.1978 dans l'affaire 138/77, entreprise Hermann Ludwig/ville hanséatique libre de Hambourg, Recueil 1978, p. 1645 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61977??0138&locale=FR]. ( 18 ) Arrêt du 9.7.1975 dans l'affaire 21/75, Entreprise I. Schroeder KG/Oberstadtdirektor der Stadt Köln, Recueil 1975, p 905 [http://eur-lex.europa.eu/query.html?DN=61975??0021&locale=FR].