Cour d'appel de Paris, 5 octobre 2011, 2009/11193

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2009/11193
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : VOUS ETES CE QUE VOUS MANGEZ
  • Classification pour les marques : CL03 ; CL07 ; CL09 ; CL11 ; CL16 ; CL21 ; CL25 ; CL28 ; CL29 ; CL32 ; CL35 ; CL41
  • Numéros d'enregistrement : 3371149
  • Parties : ÉDITIONS FIRST - GRUND SA / 2 WAYTRAFFIC UK RIGHTS Ltd (Royaume-Uni)
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 30 avril 2009
  • Président : Monsieur Didier PIMOULLE
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2011-10-05
Tribunal de grande instance de Paris
2009-04-30

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARISARRÊT DU 05 OCTOBRE 2011 Pôle 5 - Chambre 1Numéro d'inscription au répertoire général : 09/11193 Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Avril 2009 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/02649 APPELANTELa société EDITIONS FIRST - GRUND, SAAgissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social[...]75006 PARISreprésentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Cour assistée de Me Marie-Anne G, avocat au barreau de Paris plaidant pour le cabinet NGO er associés INTIMÉELa société 2 WAYTRAFFIC UK RIGHTS LIMITEDsociété de droit anglaisprise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social [...] (GRANDE BRETAGNE)dont le domicile est élu en la SCP GERIGNY FRENEAUX, avoués à la Cour assistée de Me Catherine C, avocat au barreau de Paris COMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Didier PIMOULLE, Président, et Madame Brigitte CHOKRON, conseillère, chargés d'instruire l'affaire. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Monsieur Didier PIMOULLE, PrésidentMadame Brigitte CHOKRON, ConseillèreMadame Anne-Marie GABER, Conseillère Greffier, lors des débats : Melle Aurélie G

ARRÊT

: - contradictoire- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur Didier PIMOULLE, président et par TL NGUYEN, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire. LA COUR, Vu l'appel relevé par la S.A. Éditions First du jugement du tribunal de grande instance de Paris (3ème chambre, 4ème section, n° d e RG :), rendu le 30 avril 2009 ; Vu les dernières conclusions de l'appelant (30 mai 2011) ; Vu les dernières conclusions (4 avril 2011) de la société de droit anglais 2 Waytraffic, intimée et incidemment appelante ; Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 14 juin 2011

; SUR QUOI,

Considérant que la société 2 Waytraffic, titulaire de la marque française verbale « Vous êtes ce que vous mangez » déposée le 20 juillet 2005 et enregistrée sous le n° 053371 149 pour désigner notamment les produits de l'imprimerie, publications, livres, service de divertissement et d'éducation, production, présentation et location de programmes de télévision et de radio et de films, publication de livres, de revues, ayant appris, en septembre 2006, que la société Éditions First publiait un ouvrage en langue française du Dr M intitulé « La méthode Mc Keith - l'anti-régime » suivi de la mention « Vous êtes ce que vous mangez n°2 », ap rès avoir fait procéder à plusieurs constats et délivré une mise en demeure infructueuse, a assigné cette société en contrefaçon de marque et concurrence déloyale ; Que le tribunal, par le jugement dont appel, a retenu que la société Éditions First ne justifiait pas d'une autorisation de faire figurer l'expression « Vous êtes ce que vous mangez » sur l'ouvrage incriminé, que celle-ci était bien utilisée en l'occurrence à titre de marque et jugé en conséquence que la contrefaçon alléguée était établie ; qu'il a également retenu que des faits distincts de concurrence parasitaire étaient caractérisés, condamné la défenderesse à payer des dommages-intérêts, lui a interdit de poursuivre ses agissements et rejeté sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Sur la contrefaçon de marque : Considérant l'article L 713-2 a) du code de la propriété intellectuelle dispose que « Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : formule, façon, système, imitation, genre, méthode, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement » ; Considérant que la société Éditions First persiste à soutenir qu'elle a utilisé la dénomination litigieuse à titre d'information et non à titre de marque et à se prévaloir d'une autorisation qu'elle tiendrait d'un contrat qu'elle avait conclu le 9 septembre 2004 avec la société Penguin ; Mais considérant, sur le premier point, qu'il résulte des explications de l'appelante elle-même qu'elle a estimé nécessaire de faire figurer sur la couverture du livre, en plus de son titre « La méthode Mc Keith. l'anti-régime », la mention incriminée pour permettre au public de comprendre que cet ouvrage était la suite d'un précédent du même auteur, intitulé « Vous êtes ce que vous mangez - Le programme qui va transformer votre vie » ; que la présence de cette mention supplémentaire avait donc pour objet d'inciter les lecteurs à acquérir le livre en leur suggérant, ce que son titre n'aurait pas suffi à leur faire voir, sa communauté d'origine avec le précédent ;que la société Éditions First a donc fait usage de l'expression constitutive de la marque protégée pour distinguer et identifier le produit, tirant ainsi profit de la renommée acquise par le premier ouvrage pour promouvoir les ventes du second, ce qui caractérise un usage à titre de marque ; Considérant, sur le second point, que le tribunal a exactement analysé la portée des contrats de licence concédés par la société Penguin à la société Éditions First successivement les 9 septembre 2004 et 21 mars 2006 ; que, si le premier autorisait en effet la société Éditions First à publier une édition française de l'ouvrage intitulé en anglais « You are what you eat - The plan that will change your life », soit en français « Vous êtes ce que vous mangez - Le programme qui va changer votre vie », le second, portant sur le livre intitulé en anglais « Dr Gillian M Keith's ultimate health plan - The diet program that will keep you slim for life » ne comportait pas l'autorisation d'utiliser une partie du titre du premier ouvrage pour renforcer l'identification et promouvoir l'image du second ; Considérant que c'est donc à juste titre et par des motifs pertinents que le tribunal a retenu que la contrefaçon de marque alléguée était caractérisée ; Sur la concurrence déloyale et le parasitisme : Considérant que la société 2 Waytraffic, ayant exactement rappelé que le parasitisme est caractérisé lorsqu'une personne, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie ou s'inspire d'une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir faire, d'un travail intellectuel et d'investissements importants, expose que, en l'espèce, la société Éditions First a repris à l'identique, pour l'édition du second ouvrage, les caractéristiques de la page de couverture du premier ouvrage de la collection « Vous êtes ce que vous mangez », soit les dimensions, le graphisme, le dessin d'un mètre de couturier et les coloris rose fuchsia sur fond vert et sous-titres en mauve ; Mais considérant, à supposer que les caractéristiques de dimension, de couleur et de graphisme telles que décrites par la société 2 Waytraffic soient constitutives d'une valeur économique, ce qu'elle s'abstient de démontrer, force est de constater que l'intimée n'apporte pas la preuve que cette valeur économique serait la sienne comme étant le produit de son propre savoir faire, de son travail intellectuel et de ses investissements ; qu'elle ne donne aucune indication permettant de relier ces choix éditoriaux à l'émission de télévision qu'elle produit et qui a servi de prétexte au premier ouvrage ; Que la société 2 Waytraffic ne verse au débat aucun élément de nature à contredire la société Éditions First qui soutient au contraire que les choix de dimension, de couleur, de graphisme et de reproduction d'un mètre ruban sur la couverture sont le fruit du travail de l'éditeur britannique la société Penguin ; Considérant qu'il en résulte que, à supposer que la reprise, à l'initiative de la société Éditions First, des caractéristiques de la couverture du premier ouvrage pour enrichir la couverture du second puisse être regardée comme un acte de concurrence déloyale par parasitisme, cet acte ne serait susceptible de préjudicier qu'à la société Penguin, créatrice de cette valeur économique usurpée, et non à la société 2 Waytraffic qui ne démontre pas avoir pris une part quelconque à la création de cette même valeur économique ; Considérant, par ailleurs, que la société 2 Waytraffic, tierce aux contrats de concession de licence conclus entre la société Penguin et la société Éditions First, n'est pas fondée à se prévaloir d'un prétendu manquement de la seconde à ses obligations contractuelles à l'égard de la première pour avoir omis de lui soumettre son projet de couverture du deuxième livre ; Considérant, en réalité, que la société 2 Waytraffic n'invoque au soutien de sa demande formée au titre d'actes de parasitisme aucun fait distinct de la contrefaçon de marque ; Considérant qu'il en résulte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a retenu que la société Éditions First a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société 2 Waytraffic ; en reprenant sur la page de couverture de l'ouvrage intitulé « La méthode Mc Keith - l'anti régime » la représentation du mètre de couture stylisé qui entoure l'ouvrage et les couleurs verte, rose fuchsia et violette utilisées sur la page de couverture de l' ouvrage intitulé « Vous êtes ce que vous mangez » ; Sur le préjudice résultant de la contrefaçon de marque : Considérant que, s'agissant de la réparation du préjudice causé par la contrefaçon de marque, l'article L.716-14 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Pour fixer les dommages-intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte » ; Considérant, qu'il ressort des échanges de courriels relatifs au projet de contrat négocié entre la société 2 Waytraffic et la société Flammarion pour l'édition d'un ouvrage portant la marque « Vous êtes ce que vous mangez », dont les dispositions financières avaient été définitivement arrêtées avant que l'éditeur ne renonce en raison de l'existence des ouvrages publiés sous la même marque par la société Éditions First, que ce contrat prévoyait une avance de 125.000 euros et une redevance de 10% pour les 50.000 premiers exemplaires ; Considérant que, par référence à ces données, la somme globale de 50.395 euros allouée par le tribunal au titre des gains manqués correspond à l'exacte mesure du préjudice subi de ce chef par la société 2 Waytraffic, quelle que soit la pertinence du mode de calcul retenu par le tribunal pour évaluer les composantes de cette somme globale, étant observé que l'intimée sollicite la confirmation du jugement sur ce point et qu'il existe indubitablement des éléments de préjudice résultant de la présence continue de références à l'ouvrage contrefaisant sur le réseau internet qui, même si la société Éditions First - dont il n'est pas contesté qu'elle a fait ce qui était en son pouvoir pour arrêter promptement la distribution de l'ouvrage litigieux - n'en a pas la maîtrise directe, sont néanmoins la conséquence de son action dès lors que ces références ne circuleraient pas dans le public si elle n'avait pas commis les actes de contrefaçon qui relèvent de sa responsabilité ; Considérant, par ailleurs, que le tribunal a justement retenu qu'il n'était pas démontré que le refus de la société Flammarion de conclure définitivement avec la société 2 Waytraffic, tel que formulé dans le courriel du 8 décembre 2006 émanant de cette société, aurait été lié au seul ouvrage contrefaisant alors qu'il se réfère à « un livre ayant le même titre que celui du livre des éditions First », le livre visé dans ce message pouvant plus sûrement être le premier ouvrage, plus ancien donc mieux connu et plus largement diffusé, que le second, dont la mise en vente n'a précédé que de quelques mois la négociation interrompue ; que les premiers juges ont donc à juste titre écarté la demande de dommages-intérêts présentée par la société 2 Waytraffic pour la perte du contrat envisagé avec la société Flammarion ; Considérant, en synthèse, que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu la contrefaçon de marque et fixé les dommages-intérêts de ce chef ; qu'il sera également confirmé sur les autres mesures réparatrices, soit la mesure d'interdiction qui s'impose compte tenu de la nature des actes commis et le rejet de la demande de publication qui n'apparaît pas nécessaire au vu des circonstances de l'espèce ; qu'il sera en revanche infirmé en ce qu'il a condamné la société Éditions First à payer 10.000 euros de dommages-intérêts au titre de la concurrence déloyale ; Sur les autres demandes : Considérant, compte tenu des motifs qui précèdent et du sens de l'arrêt, que la procédure engagée par la société, loin d'être abusive, était au contraire justifiée, de sorte que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la société Éditions First ne peut-être accueillie ;

PAR CES MOTIFS

: CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a « dit qu'en reprenant sur la page de couverture de l'ouvrage intitulé « La méthode McKeith - l' anti-régime » la représentation du mètre de couture stylisé qui entoure l'ouvrage et les couleurs verte, rose fuchsia et violette utilisées sur la page de couverture de l'ouvrage intitulé « Vous êtes ce que vous mangez », la société Éditions First a en outre commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société 2 Waytraffic et condamné la société Éditions First à payer à la société 2 Waytraffic la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale commis à son encontre », L'INFIRMANT et STATUANT à nouveau de ces seuls chefs, DÉBOUTE la société 2 waytraffic de ses demandes formées sur le fondement d'actes de concurrence déloyale, DÉBOUTE la société Éditions First de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, CONDAMNE la société Éditions First aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer, par application de l'article 700 du code de procédure civile, 5.000 euros à la société 2 Waytraffic.