LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 mars 2011) et les productions, que par contrat du 11 juillet 2005, la société Sorama, devenue la société Europe 2 Reims, a cédé à la société RMS 3 l'exclusivité de la commercialisation de l'espace publicitaire local d'Europe 2 Champagne ; que l'antenne Europe 2 est ultérieurement devenue Virgin radio ; qu'estimant que ce changement de nom d'antenne impliquait un changement de stratégie remettant en cause le contrat liant les parties, la société RMS 3 a fait assigner la société Europe 2 Reims en résolution judiciaire de ce contrat et en paiement d'indemnités ; que la société Virgin radio réseau Nord a acquis l'intégralité des parts de la société Europe 2 Reims le 21 octobre 2009 et a procédé à la dissolution anticipée de cette dernière le 27 novembre 2009 ; qu'un jugement du 15 décembre 2009 a constaté la résiliation judiciaire du contrat au 1er janvier 2008 et condamné la société Europe 2 Reims à payer diverses sommes à la société RMS 3 ; que ce jugement a été signifié le 14 janvier 2010 à la société Europe 2 Reims ; qu'il en a été interjeté appel le 1er février 2010 par cette dernière et le 6 septembre 2010 par la société Virgin radio réseau Nord ; que la société RMS 3 a demandé au conseiller de la mise en état de déclarer ces appels irrecevables ;
Attendu que la société Virgin radio réseau Nord, venant aux droits de la société Europe 2 Reims, et la société Europe 2 Reims font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société Virgin radio réseau Nord, alors, selon le moyen, que la disparition d'une personne morale dissoute sans liquidation par suite de la réunion des parts sociales en une seule main est opposable aux tiers à l'issue du délai d'opposition des créanciers de trente jours à compter de la publication de la dissolution dans un journal d'annonces légales, peu important à cet égard le défaut de radiation de son immatriculation ; qu'en l'espèce, pour déclarer l'appel régularisé par la société Virgin radio réseau Nord, venant aux droits de la société Europe 2 Reims, irrecevable comme tardif, l'arrêt attaqué énonce que seule la publication de la radiation au registre du commerce et des sociétés rend opposable aux tiers la dissolution de la société et qu'en conséquence, était régulière la signification du jugement effectuée auprès de la société Europe 2 Reims, le 14 janvier 2010, avant une telle publication ; qu'en statuant de la sorte, après avoir pourtant constaté que la dissolution de la société Europe 2 Reims avait été publiée dans deux journaux d'annonces légales le 30 novembre 2009, ce dont il résultait, aucune opposition n'ayant été émise, que la transmission du patrimoine était réalisée et que la personnalité morale de cette société avait disparu le 31 décembre 2009, la cour d'appel a violé les articles
1844-5, alinéa 3 du code civil et
L. 132-9, R. 173-70 et
R. 123-75 du code de commerce ;
Mais attendu que la disparition de la personnalité juridique d'une société n'est rendue opposable aux tiers que par la publication au registre du commerce et des sociétés des actes ou événements l'ayant entraînée, même si ceux-ci ont fait l'objet d'une autre publicité légale ; qu'ayant relevé que la publication de la dissolution au registre du commerce et des sociétés était intervenue postérieurement au 14 janvier 2010, date de la signification à la société Europe 2 Reims du jugement du 15 décembre 2009, la cour d'appel en a déduit à bon droit que cette signification était régulière et que l'appel interjeté le 6 septembre 2010 par la société Virgin radio réseau Nord était irrecevable ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Virgin radio réseau Nord et Europe 2 Reims aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société RMS 3 la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Virgin radio réseau nord et autre
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société Virgin Radio Réseau Nord ;
AUX MOTIFS QUE seule se pose désormais la question de la recevabilité de l'appel relevé le 6 septembre 2010 par la SARL VIRGIN RADIO RESEAU NORD, venant aux droits de la SARL EUROPE 2 REIMS ; qu'il est constant que la réponse à cette question dépend exclusivement de la régularité de la signification du jugement dont appel effectuée le 14 janvier 2010 auprès de la SARL EUROPE 2 REIMS ; qu'en effet, seule la nullité de cette signification est susceptible de faire échapper la SARL VIRGIN RADIO RESEAU NORD au délai d'appel de la décision, ledit délai n'ayant dans cette hypothèse pas commencé à courir et la tardiveté du recours ne pouvant alors être opposée à la société susnommée ; que les sociétés EUROPE 2 REIMS et VIRGIN RADIO RESEAU NORD se prévalent à cet égard des dispositions de l'article
1844-5, alinéa 3 du Code civil, faisant valoir que ce texte consacre un régime particulier et dérogatoire en ce sens qu'il permet de procéder à la dissolution sans liquidation de l'entité concernée, les créanciers disposant alors d'un délai de trente jours à compter de la publication de la dissolution, passé lequel, faute d'opposition, ou après qu'il aura été statué sur les éventuelles oppositions, la transmission du patrimoine est réalisée et il y a disparition de la personne morale ; que les sociétés demanderesses au déféré considèrent qu'il n'est nulle part exigé une publication au registre du commerce et des sociétés, l'article 1844-5 n'évoquant qu'une publication sans autre précision, et la jurisprudence consacrant la validité d'une simple publication dans un journal d'annonces légales pour rendre la disparition de la société opposable aux tiers comme aux créanciers, passé le délai rappelé cidessus ; qu'elles ajoutent que ne peuvent trouver application les dispositions de l'article
L. 237-2, alinéa 3 du Code de commerce, qui visent expressément la seule hypothèse de la liquidation ; qu'elles indiquent, ce qui n'est pas contesté, que la société VIRGIN a publié le 30 novembre 2009 la décision de dissolution d'EUROPE 2 REIMS dans deux journaux d'annonces légales et qu'aucune opposition n'a été formée dans le délai imparti aux créanciers ; qu'elles soutiennent qu'en conséquence, la dissolution était opposable aux tiers dès le 31 décembre 2009, de sorte que la signification du jugement dont appel aurait dû être effectuée auprès de la société VIRGIN RADIO RESEAU NORD et que sa signification faite à tort à la société dissoute constitue une irrégularité de fond ; qu'en réplique, la SARL RMS 3 soutient que les actes concernant la dissolution d'une société commerciale ne sont opposables aux tiers qu'à compter de leur mention au registre du commerce et des sociétés même si elles ont fait l'objet d'une autre publicité légale, ainsi qu'il résulte des articles
R. 123-70,
R. 123-75 et
L. 123-9 du Code de commerce ; que les articles
R. 123-70 et R. 123-75 sont relatifs au registre du commerce ; que l'article
R. 123-70 énonce que l'obligation prévue par l'article R. 123-60 (inscription modificative au RCS en cas d'événement nouveau) inclut également la dissolution ou la décision ayant prononcé la nullité de la personne morale pour quelque cause que ce soit avec indication des nom, nom d'usage, pseudonyme, prénoms et domicile des liquidateurs, de l'étendue des pouvoirs de ceux-ci s'il s'agit d'une des sociétés mentionnées aux articles R. 123-53 à R. 123-58 et de la référence du journal d'annonces légales dans lequel leur nomination a été publiée ainsi que de l'adresse de la liquidation ; que la référence aux liquidateurs est portée dans ce texte à toutes fins utiles, de même que celle de la mention d'un pseudonyme ou nom d'usage, sans qu'il puisse en être déduit que les dispositions susvisées ne trouvent à s'appliquer qu'en cas de liquidation judiciaire ; que l'article
R. 123-75, alinéa 4 ajoute qu'en cas d'application des dispositions de l'article 1844-5, troisième alinéa du Code civil, la radiation de l'immatriculation est requise par l'associé unique dans le délai d'un mois à compter de la réalisation du transfert de patrimoine ; qu'à l'issue de ce délai, le greffier délivre sur demande un certificat de non-opposition constatant que le tribunal n'a pas été saisi dans ce délai d'une opposition enrôlée ; qu'il s'évince de ce texte que dans la présente espèce, la radiation de l'immatriculation de la société EUROPE 2 REIMS constituait une formalité obligatoire ; que l'article
L. 123-9 du Code de commerce dispose enfin que « la personne assujettie à l'immatriculation ne peut, dans l'exercice de son activité, opposer aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s'en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre
. Les dispositions des alinéas précédents sont applicables aux faits ou actes sujets à mention ou à dépôt même s'ils ont fait l'objet d'une autre publication légale. Ne peuvent toutefois s'en prévaloir les tiers ou administrations qui auraient personnellement connaissance de ces faits ou actes » ; que c'est à la partie qui soutient que le tiers en question avait une connaissance personnelle des faits ou actes non publiés au registre du commerce et des sociétés d'en rapporter la preuve ; qu'il s'ensuit qu'à bon droit la société RMS 3 fait valoir que dès lors que la radiation devait faire l'objet d'une mention au registre du commerce, seule cette publication, intervenue postérieurement à la signification du jugement, a rendu opposable aux tiers la dissolution de la société EUROPE 2 REIMS, sauf pour VIRGIN RADIO RESEAU NORD à rapporter la preuve de ce que RMS 3 connaissait dès la publication effectuée par ailleurs dans les journaux d'annonces légales ladite dissolution ; que cette preuve n'est pas rapportée, étant observé que RMS 3 n'avait pas à l'époque la qualité de créancier de la société dissoute et partant n'était pas concernée par le délai d'opposition prévu par l'article
1844-5 du Code civil ; qu'au demeurant, cet article ne fait état que de la date à prendre en considération pour apprécier la disparition de la personne morale, laquelle doit être distinguée de la date d'opposabilité de cette disparition aux tiers, les textes visés par l'une et l'autre parties devant être considérés comme complémentaires et non comme contradictoires ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la signification effectuée auprès de la société EUROPE 2 REIMS le 14 janvier 2010 est parfaitement régulière et que l'appel régularisé le 6 septembre 2010 par la société VIRGIN RADIO RESEAU NORD est irrecevable comme tardif ; que l'ordonnance déférée doit être confirmée en toutes ses dispositions ;
ALORS QUE la disparition d'une personne morale dissoute sans liquidation par suite de la réunion des parts sociales en une seule main est opposable aux tiers à l'issue du délai d'opposition des créanciers de trente jours à compter de la publication de la dissolution dans un journal d'annonces légales, peu important à cet égard le défaut de radiation de son immatriculation ; qu'en l'espèce, pour déclarer l'appel régularisé par la société Virgin Radio Réseau Nord, venant aux droits de la société Europe 2 Reims, irrecevable comme tardif, l'arrêt attaqué énonce que seule la publication de la radiation au registre du commerce et des sociétés rend opposable aux tiers la dissolution de la société et qu'en conséquence, était régulière la signification du jugement effectuée auprès de la société Europe 2 Reims, le 14 janvier 2010, avant une telle publication ; qu'en statuant de la sorte, après avoir pourtant constaté que la dissolution de la société Europe 2 Reims avait été publiée dans deux journaux d'annonces légales le 30 novembre 2009, ce dont il résultait, aucune opposition n'ayant été émise, que la transmission du patrimoine était réalisée et que la personnalité morale de cette société avait disparu le 31 décembre 2009, la Cour d'appel a violé les articles
1844-5, alinéa 3 du Code civil et
L. 132-9, R. 173-70 et
R. 123-75 du Code de commerce.