AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme X... que sur le pourvoi incident relevé par M. Y..., ès qualités :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 décembre 2004) et les productions, que M. Z..., Mme X... et la SNC Z... (les associés) ont acquis les parts du capital de la SARL Quartier latin, devenue SNC Quartier latin (la société) ; qu'estimant avoir été trompés sur l'état des comptes, les associés et la société ont assigné en 1992 la société Juris conseil du Var (JCV), M. A... et M. B... en réparation de leur préjudice ; que le 2 octobre 1995, la société et les associés ont été mis en redressement judiciaire ; qu'après avoir adopté un plan de continuation le 31 juillet 1998, le tribunal a arrêté un plan de cession le 10 juin 1999, M. Y... étant désigné commissaire à son exécution ; que M. Y... est intervenu en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société devant le tribunal le 30 novembre 2000 pour demander la condamnation de MM. A... et B... et de la société JCV ; que le tribunal a condamné ces derniers à payer diverses sommes à M. Y... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; que MM. A... et B... ont interjeté appel ; qu'ayant été désigné mandataire ad hoc de la société par ordonnance du 1er octobre 2004, M. Y... est intervenu volontairement en cause d'appel en cette qualité le 20 octobre 2004 ;
Sur la déchéance partielle du pourvoi principal :
Attendu que, sur le pourvoi formé par Mme X..., son mémoire ampliatif n'a pas été signifié à M. Z..., la SNC Quartier latin et la SNC Z... ;
Qu'il s'ensuit que la déchéance est encourue à leur égard ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1 / que les demandes des parties peuvent être formulées tant dans les motifs que dans le dispositif des conclusions ; qu'après avoir caractérisé les manquements commis par MM. B... et A..., Mme X... a écrit que tant M. B... que M. A... ont chacun commis des fautes ayant engagé leur responsabilité vis-à-vis de Mme X..., que Mme X... est en droit d'en demander réparation en justifiant de dommages financiers certains, qu'elle a tout perdu de par la faute de MM. B... et A... ; qu'il s'agit bien d'un préjudice direct en étroite relation avec la faute commise et qu'ainsi, la cour d'appel dira que Mme X... est victime d'un préjudice certain, direct et personnel, et en relation avec les fautes commises par MM. B... et A..., qui doivent être condamnés à l'indemniser ; qu'après s'être expliquée sur le montant du préjudice subi, elle a chiffré celui-ci à 1 572 000 euros et écrit : il convient de réformer sur ce point le jugement et de condamner conjointement et solidairement MM. B... et A... au paiement de la somme de 1 572 000 euros correspondant au préjudice subi et justifié, ajoutant : il y a lieu également de lui allouer à titre de dommages-intérêts la somme de 76 224,51 euros du chef du préjudice moral, outre 15 244,90 euros sur le fondement de l'article
700 du nouveau code de procédure civile ; que, dans le dispositif de ses conclusions, Mme X... a invité la cour d'appel à confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de MM. B... et A... ; qu'elle a également invité la cour d'appel à réformer partiellement la décision entreprise sur le montant du préjudice alloué et, statuant à nouveau, condamner in solidum MM. B... et A... à payer la somme de 1 572 000 euros, et encore à les condamner in solidum au paiement de la somme de 76 224,51 euros au titre du préjudice moral, outre une indemnité au titre des frais irrépétibles ;
qu'ainsi, après avoir démontré l'existence de fautes commises à son détriment et invoqué l'existence d'un préjudice subi personnellement, Mme X... entendait bien obtenir une condamnation à son profit ; qu'en décidant néanmoins qu'elle ne demandait pas de condamnation à son profit, mais implicitement au seul profit de M. Y..., motif pris de ce qu'elle demandait que son intervention soit déclarée recevable, les juges du fond ont dénaturé les conclusions de Mme X... en date du 29 octobre 2004 et partant violé l'article
1134 du code civil ;
2 / que les demandes des parties peuvent être formulées tant dans les motifs que dans le dispositif des conclusions ; qu'après avoir caractérisé les manquements commis par MM. B... et A..., Mme X... a écrit que tant M. B... que M. A... ont chacun commis des fautes ayant engagé leur responsabilité vis-à-vis de Mme X..., que Mme X... est en droit d'en demander réparation en justifiant de dommages financiers certains qu'elle a tout perdu de par la faute de MM. B... et A... ; qu'il s'agit bien d'un préjudice direct en étroite relation avec la faute commise et qu'ainsi, la cour d'appel dira que Mme X... est victime d'un préjudice certain, direct et personnel, et en relation avec les fautes commises par MM. B... et A..., qui doivent être condamnés à l'indemniser ; qu'après s'être expliquée sur le montant du préjudice subi, elle a chiffré celui-ci à 1 572 000 euros et écrit : il convient de réformer sur ce point le jugement et de condamner conjointement et solidairement MM. B... et A... au paiement de la somme de 1 572 000 euros correspondant au préjudice subi et justifié, ajoutant : il y a lieu également de lui allouer à titre de dommages-intérêts la somme de 76 224,51 euros du chef du préjudice moral, outre 15 244,90 euros sur le fondement de l'article
700 du nouveau code de procédure civile ; que, dans le dispositif de ses conclusions, Mme X... a invité la cour d'appel à confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de MM. B... et A... ; qu'elle a également invité la cour d'appel à réformer partiellement la décision entreprise sur le montant du préjudice alloué et, statuant à nouveau, condamner in solidum MM. B... et A... à payer la somme de 1 572 000 euros, et encore les condamner in solidum au paiement de la somme de 76 224,51 euros au titre du préjudice moral, outre une indemnité au titre des frais irrépétibles ;
qu'ainsi, après avoir démontré l'existence de fautes commises à son détriment et invoqué l'existence d'un préjudice subi personnellement, Mme X... entendait bien obtenir une condamnation à son profit ; qu'en décidant néanmoins qu'elle ne demandait pas de condamnation à son profit, mais implicitement au seul profit de M. Y..., motif pris de ce qu'elle demandait que son intervention soit déclarée recevable, les juges du fond ont violé l'article
954 du nouveau code de procédure civile ;
3 / que les demandes des parties peuvent être formulées tant dans les motifs que dans le dispositif des conclusions ; qu'après avoir caractérisé les manquements commis par MM. B... et A..., Mme X... a écrit que tant M. B... que M. A... ont chacun commis des fautes ayant engagé leur responsabilité vis-à-vis de Mme X..., que Mme X... est en droit d'en demander réparation en justifiant de dommages financiers certains qu'elle a tout perdu de par la faute de MM. B... et A... ; qu'il s'agit bien d'un préjudice direct en étroite relation avec la faute commise et qu'ainsi, la cour d'appel dira que Mme X... est victime d'un préjudice certain, direct et personnel, et en relation avec les fautes commises par MM. B... et A..., qui doivent être condamnés à l'indemniser ; qu'après s'être expliquée sur le montant du préjudice subi, elle a chiffré celui-ci à 1 572 000 euros et écrit : il convient de réformer sur ce point le jugement et de condamner conjointement et solidairement MM. B... et A... au paiement de la somme de 1 572 000 euros correspondant au préjudice subi et justifié, ajoutant : il y a lieu également de lui allouer à titre de dommages-intérêts la somme de 76 224,51 euros du chef du préjudice moral, outre 15 244,90 euros sur le fondement de l'article
700 du nouveau code de procédure civile ; que, dans le dispositif de ses conclusions, Mme X... a invité la cour d'appel à confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de MM. B... et A... ; qu'elle a également invité la cour d'appel à réformer partiellement la décision entreprise sur le montant du préjudice alloué et, statuant à nouveau, condamner in solidum MM. B... et A... à payer la somme de 1 572 000 euros, et encore les condamner in solidum au paiement de la somme de 76 224,51 euros au titre du préjudice moral, outre une indemnité au titre des frais irrépétibles ;
qu'ainsi, après avoir démontré l'existence de fautes commises à son détriment et invoqué l'existence d'un préjudice subi personnellement, Mme X... entendait bien obtenir une condamnation à son profit ; qu'en décidant néanmoins qu'elle ne demandait pas de condamnation à son profit, mais implicitement au seul profit de M. Y..., motif pris de ce qu'elle demandait que son intervention soit déclarée recevable, les juges du fond ont en tout état de cause violé l'article
4 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que Mme X... n'ayant formulé dans ses dernières conclusions d'appel aucune prétention explicite à l'encontre de quiconque, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté de ces conclusions rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu, sans modifier l'objet du litige, que celle-ci n'avait demandé de condamnation qu'au profit implicitement de M. Y..., ès qualités ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. Y..., agissant en qualité de mandataire ad hoc et de commissaire à l'exécution du plan de la société, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :
1 / que le commissaire à l'exécution du plan a qualité pour reprendre les actions introduites par le débiteur avant l'ouverture de la procédure collective ; qu'en jugeant néanmoins que M. Y... n'avait aucune qualité dans la procédure au motif que l'action initiée dès 1992 n'avait pas été introduite par le représentant des créanciers, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article
L. 621-68, alinéa 2, du code de commerce ;
2 / que le commissaire à l'exécution du plan est nommé pour la durée du plan, sa mission étant prolongée jusqu'au paiement intégral du prix de cession si celui-ci a lieu après l'expiration du plan ;
qu'en jugeant que M. Y... n'avait a fortiori plus de qualité en la procédure après que sa mission de commissaire à l'exécution du plan avait cessé, sans préciser la date et les raisons pour lesquelles une telle mission aurait pris fin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
L. 621-68, alinéa 1er, et
L. 621-90 du code de commerce ;
3 / que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au jour où le juge statue ; que M. Y... faisait valoir qu'il avait été désigné en qualité de mandataire ad hoc de la société par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Toulon du 14 octobre 2004, avec pour mission de représenter la société dans le cadre des procédures en cours ; qu'en rejetant néanmoins les demandes de M. Y..., motif pris qu'il n'avait pas de qualité dans la procédure sans répondre à un tel moyen, pourtant de nature à justifier de sa qualité à agir, la cour d'appel a violé l'article
455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions de l'article
L. 621-68, alinéa 2, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, applicable en la cause, suivant lesquelles les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan, soit par l'administrateur, soit par le représentant des créanciers , sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan, ne concernent pas les instances qui étaient en cours à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire ; que l'arrêt, qui a relevé que l'action avait été introduite avant l'ouverture du redressement judiciaire par les associés et la société, ultérieurement mis en redressement judiciaire, et non par le représentant des créanciers après l'ouverture de la procédure, en a exactement déduit qu'elle ne pouvait être poursuivie par le commissaire à l'exécution du plan ;
Attendu, en second lieu, qu'en sa qualité de mandataire ad hoc de la société, M. Y... s'est borné à demander la confirmation du jugement qui avait prononcé une condamnation à son profit en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
D'où il suit que le moyen, qui n'est pas fondé en sa première branche, est inopérant pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
:
CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi principal à l'égard de M. Z..., de la SNC Quartier latin et de la SNC Z... ;
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne les demandeurs aux pourvois principal et incident aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille sept.