Cour de cassation, Troisième chambre civile, 4 avril 2019, 18-13.873

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2019-04-04
Cour d'appel d'Amiens
2018-01-18

Texte intégral

CIV.3 LG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 avril 2019 Cassation M. CHAUVIN, président Arrêt n° 286 F-D Pourvoi n° B 18-13.873 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

le GIE Spie Batignolles prisons lot B, groupement d'intérêt économique, dont le siège est [...] , contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2018 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant à la société Nord dallages, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 5 mars 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat du GIE Spie Batignolles prisons lot B, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Nord dallages, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique :

Vu

l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Amiens, 18 janvier 2018), que le groupement d'intérêt économique Spie Batignolles prisons lot B (le GIE) a confié à la société Quintana la réalisation de travaux pour la construction d'un centre pénitentiaire ; que la société Quintana a sous-traité la réalisation de travaux de dallage à la société Nord dallages ; que la société Quintana a été mise en redressement judiciaire ; que la société Nord dallages a assigné le GIE en paiement du solde de ses travaux ; Attendu que, pour condamner le GIE à payer à la société Nord dallages une certaine somme, l'arrêt retient qu'il ressort du préambule du contrat conclu entre le GIE et la société Quintana que la société Hélios a confié au GIE des missions de conception, construction et maintenance de l'établissement pénitentiaire qui, à l'exclusion du financement, constituent directement l'objet d'un contrat de partenariat au sens de l'article premier de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, que le GIE, exerçant le pouvoir adjudicateur dans le cadre du contrat de partenariat, a accepté la société Nord dallages comme sous-traitant pour d'autres travaux, qu'il n'est fourni aucun élément d'identification concernant la société Hélios, maître de l'ouvrage, dans le contrat conclu entre le GIE et la société Quintana, que son article 6.2 signifie que la société Quintana remplit les obligations d'information qui lui incombent à l'égard du maître d'ouvrage en application des articles 3 et 5 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 en fournissant les renseignements et éléments prévus par ces textes au GIE, qui a ainsi la qualité de maître d'ouvrage délégué ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que l'article 6.2 du contrat imposait à la société Quintana, sous-traitante ayant recours à une sous-traitance de second rang, d'adresser au GIE les éléments lui permettant d'informer le maître de l'ouvrage sur le recours aux petites et moyennes entreprises à qui elle avait confié des prestations et le montant de celles-ci, la cour d'appel, qui a dénaturé cette clause, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ; Condamne la société Nord dallages aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Jean-Philippe Caston, avocat aux Conseils, pour la société Spie Batignolles prisons lot B Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné le GIE Spie Batignolles Prisons lot B à payer à la société Nord Dallages la somme de 50.030,33 €, avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2014 ; AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel l'Etat ou un établissement public confie à un tiers pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet le financement, la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ; que cet article prévoit que « le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser » ; que le contrat de partenariat conclu entre l'Agence publique pour l'immobilier de la justice, établissement public dépendant du ministère de la Justice, et la société Helios B relatif au centre pénitentiaire de Beauvais, n'est pas produit ; que des indications sur ce contrat sont toutefois fournies par le contrat conclu entre le GIE Spie Batignolles et la société Quintana qui, dans son préambule, rappelle que la société Helios B a été créée spécialement pour cette opération notamment par la société Spie Batignolles et que le GIE Spie Batignolles est lui-même composé de sociétés dépendant du groupe Spie Batignolles ; que ces circonstances, qui facilitaient la circulation de l'information au sein de ces différentes personnes morales appartenant au même groupe, permettaient donc au GIE Spie Batignolles d'être en possession de ce contrat de partenariat ; que le contrat dit d'interface selon la propre terminologie employée par le GIE Spie Batignolles qu'il a conclu avec la société Helios B ainsi que le marché dont l'existence est rappelée au contrat passé entre la société Helios B et la société Quintana ne sont d'avantage produits alors même que le GIE Spie Batignolles étant partie à ces contrats, le détient nécessairement ; que la lecture du préambule du contrat passé entre le GIE Spie Batignolles et la société Quintana permet d'apprendre que « la société Helios B a décidé de confier au GIE Spie Batignolles la conception, la construction et la maintenance de l'établissement pénitentiaire », soit à l'exclusion des missions de financement, celles qui constituent directement l'objet du contrat de partenariat selon la définition légale ci-dessus rappelée ; que si ce contrat fait état de ce que la société Helios B est le maître de l'ouvrage, pour autant ne figure aucun élément d'identification de cette société, qu'il s'agisse de sa forme sociale, de sa nationalité, de son numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, de l'adresse de son siège social et du nom de ses représentants ; que par ailleurs, son article 6.2 prévoit que « le sous-traitant assumera les obligations d'information du maître d'ouvrage mises à la charge du GIE Spie Batignolles. Ainsi le sous-traitant adressera au GIE Spie Batignolles les éléments permettant à ce dernier de transmettre au maître d'ouvrage chaque année, s'agissant des prestations effectuées avant la date de prise de possession de l'établissement, un document indiquant pour l'année considérée et ce depuis le 21 décembre 2012 » ; que cette clause signifie que la société Quintana remplit les obligations d'information qui lui incombent à l'égard du maître d'ouvrage en application des articles 3 et 5 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 en fournissant les renseignements et éléments prévus par ces textes, non pas à la société Helios B dont elle ignorait les coordonnées, mais au GIE Spie Batignolles ; que cette clause suffit à établir la qualité de maître d'ouvrage délégué du GIE Spie Batignolles dans les relations qu'il entretient avec la société Quintana ; que la qualité de maître d'ouvrage délégué du GIE Spie Batignolles est, en outre, corroborée par l'acceptation par le GIE Spie Batignolles exerçant le pouvoir adjudicateur dans le cadre du contrat de partenariat portant sur l'établissement pénitentiaire de Beauvais, à l'initiative de la société Poirier, de la société Nord Dallages comme sous-traitant pour la réalisation d'une chape béton en protection sur étanchéité distinct des prestations de travaux faisant l'objet du présent litige ; que l'acceptation par le GIE Spie Batignolles en qualité de pouvoir adjudicateur, de la société Nord Dallages comme sous-traitant pour d'autres travaux que ceux du présent litige mais afférent au même contrat de partenariat du centre pénitentiaire de Beauvais constitue une présomption de sa qualité de maître d'ouvrage délégué de l'ensemble de l'opération conduite dans le cadre de ce partenariat ; qu'il est déduit de l'existence d'un contrat dit d'interface, dont le sens figuré selon la définition donnée par le dictionnaire Petit Robert signifie liaison, conclu entre la société Helios B et le INT que ce groupement devait faire écran entre la société Helios B et les autres intervenants sur le chantier ce qui est accrédité par l'opacité entretenue par le GIE Spie Batignolles sur le contrat de partenariat et les contrats conclus avec la société Helios B ; que les mentions sibyllines figurant sur la page internet du ministère de la Justice s'agissant des travaux du centre pénitentiaire de Beauvais n'excluant nullement que le GIE Spie Batignolles ait la qualité de maître d'ouvrage délégué ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est donc à tort que les premiers juges n'ont pas retenu la qualité de maître d'ouvrage délégué du GIE Spie Batignolles ; qu'en sa qualité de maître d'ouvrage délégué, le GIE Spie Batignolles est tenu à l'égard de la société Nord Dallages de toutes les obligations du maître d'ouvrage dont l'obligation prévue par l'article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, dès lors qu'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant, de mettre en demeure l'entrepreneur principal de s'acquitter de ses obligations définies à l'article 3, 5 et la 6 de cette loi ; qu'en l'occurrence, le mail adressé le 23 décembre 2013 par M. J... dont la signature électronique comprend la mention suivante « Spie Batignolles Odyssées 4 - responsable QSSE lot B - prison de Beauvais » à la société Quintana pour lui réclamer les déclarations uniques à l'embauche des membres de la société Nord Dallages présents sur le chantier et leur carte d'identité ou de séjour établit que le GIE Spie Batignolles avait connaissance de la présence de la société Nord Dallages sur le chantier ; que la lettre recommandée avec avis de réception adressée le 13 février 2014 par le GIE Spie Batignolles à la société Quintana lui demandant de lui faire parvenir les conditions de paiements et la désignation du marché soustraité avec la société Nord Dallages, ainsi qu'une garantie de paiement pour ce marché, outre divers autres documents de nature à établir sa couverture d'assurance et celle de la société Nord Dallages ainsi que la régularité de sa situation par rapport à la législation sur le travail, sur le plan fiscal et social, qui se termine par la formule suivante « en vous remerciant de nous faire parvenir ces documents par retour, la communication de ces derniers étant nécessaire à la poursuite de votre sous-traitance sur le chantier » et en l'absence de terme comminatoire, ne saurait constituer la mise en demeure qu'en application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 susvisée, le maître d'ouvrage doit adresser à l'entrepreneur principal ; qu'en conséquence, la société Nord Dallages ne s'est pas vue acceptée par le GIE Spie Batignolles comme sous-traitant, ses conditions de paiement n'ont été agréées par celui-ci alors qu'il l'a laissé poursuivre et terminer les travaux de dallage sur lesquels n'est émis aucune discussion quant à leur bonne réalisation ; qu'elle a été privée de la délégation de paiement prévue par la loi du 31 décembre 1975, de sorte que le GIE Spie Batignolles a engagé sa responsabilité délictuelle à l'égard de l'appelante ; qu'alors que la qualité de ses prestations n'est pas discutée et qu'elle aurait dû bénéficier de la délégation de paiement du maître d'ouvrage, elle n'a pas été payée de ses deux dernières situations de travaux faisant l'objet des deux factures FA108 du 25 avril 2014 pour un montant de 18.226,80 € et FA140 du 22 mai 2014 pour un montant de 31.803,53 € : que le GIE Spie Batignolles, tenu de réparer le préjudice subi par la société Nord Dallages résultant du défaut de paiement de ces factures, sera condamné à lui payer la somme de 50.030,33 € avec intérêt au taux légal à compter du 17 octobre 2014, date de la mise en demeure qui lui a été adressée (v. arrêt, p. 5 à 7) ; 1°) ALORS QUE tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire, le juge ne peut relever un moyen d'office sans avoir invité préalablement les parties à formuler leurs observations ; qu'en relevant d'office qu'il devait être déduit de l'article 6.2 du contrat de soustraitance conclu entre le GIE Spie Batignolles Prisons lot B et la société Quintana que cette dernière remplissait les obligations d'information lui incombant à l'égard du maître d'ouvrage en application des articles 3 et 5 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 en fournissant les renseignements et éléments prévus par ces textes, non pas à la société Helios B dont elle ignorait les coordonnées, mais au GIE Spie Batignolles Prisons lot B, pour en déduire la qualité de maître d'ouvrage délégué du GIE Spie Batignolles Prisons lot B, sans inviter les parties à formuler leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 2°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'au demeurant, en retenant de la sorte qu'il devait être déduit de l'article 6.2 du contrat de sous-traitance conclu entre le GIE Spie Batignolles Prisons lot B et la société Quintana que cette dernière remplissait les obligations d'information lui incombant à l'égard du maître d'ouvrage en application des articles 3 et 5 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 en fournissant les renseignements et éléments prévus par ces textes, non pas à la société Helios B dont elle ignorait les coordonnées, mais au GIE Spie Batignolles Prisons lot B, pour en déduire la qualité de maître d'ouvrage délégué du GIE Spie Batignolles Prisons lot B, quand cet article imposait seulement à la société Quintana de faire connaître les petites et moyennes entreprises à qui elle avait confié des prestations et le montant de celles-ci, la cour d'appel a, en toute hypothèse, dénaturé cet article 6-2 du contrat de sous-traitance, en violation du principe susvisé ; 3°) ALORS QUE le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; qu'en considérant que la qualité de maître d'ouvrage délégué du GIE Spie Batignolles Prisons lot B était corroborée par l'acceptation par ce GIE, à l'initiative de la société Poirier, de la société Nord Dallages comme sous-traitant pour la réalisation d'une chape béton en protection sur étanchéité, sans répondre aux conclusions dudit GIE faisant valoir que la circonstance que la déclaration de sous-traitance, signée par la société Poirier, mentionnait le GIE Spie Batignolles Prisons lot B de manière erronée comme « pouvoir adjudicateur » ne lui était pas opposable, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°) ALORS QUE tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire, le juge ne peut relever un moyen d'office sans avoir invité préalablement les parties à formuler leurs observations ; qu'en relevant également d'office, pour dire que le GIE Spie Batignolles Prisons lot B avait la qualité de maître d'ouvrage délégué, l'existence d'un contrat entre le GIE et la société Helios B dit d'interface, dont le sens figuré selon la définition donnée par le dictionnaire Petit Robert signifiait liaison, en tant que le GIE devait faire écran entre la société Helios B et les autres intervenants sur le chantier, sans inviter les parties à formuler leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 5°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des pièces qui n'ont pas fait l'objet d'un débat contradictoire ; qu'au demeurant, en déduisant de la sorte la qualité de maître d'ouvrage délégué du GIE Spie Batignolles Prisons lot B d'un contrat dit d'interface dont elle a constaté qu'il n'était pas produit, de sorte qu'il n'avait pu faire l'objet d'un débat contradictoire, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 6°) ALORS QUE la mise en demeure est caractérisée par une lettre missive dont il ressort une interpellation suffisante en ce sens qu'elle doit permettre au destinataire de comprendre la volonté du créancier d'obtenir l'exécution de l'obligation ; qu'en jugeant enfin que la lettre recommandée avec avis de réception adressée le 13 février 2014 par le GIE Spie Batignolles Prisons lot B à la société Quintana lui demandant de lui faire parvenir les conditions de paiements et la désignation du marché sous-traité avec la société Nord Dallages, ainsi qu'une garantie de paiement pour ce marché, ne valait pas mise en demeure, pour en déduire la responsabilité du GIE Spie Batignolles Prisons lot B envers la société Nord Dallages, tout en relevant que cette lettre précisait que la communication de ces éléments était « nécessaire à la poursuite de votre sous-traitance sur le chantier », ce dont il résultait que le GIE avait informé la société Quintana qu'elle subordonnait la poursuite du chantier à la fourniture de ces documents, de sorte qu'elle revêtait un caractère comminatoire et constituait une mise en demeure, la cour d'appel a violé l'article 1139 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.