COUR D'APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 07 JUILLET 2022
N° RG 19/04060 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LES5
[D] [O]
c/
[K] [Z]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : 07 juillet 2022
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 17/07368) suivant déclaration d'appel du 18 juillet 2019
APPELANT :
[D] [O]
né le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 6] (Yonne),
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Eric GROSSELLE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
[K] [Z]
née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 5] (Allier)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric GEORGES, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles
805 et
912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article
450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [D] [O] a remis à Mme [K] [Z], alors qu'ils étaient collègues de travail à la Direction générale de l'aviation civile, trois chèques :
- un chèque de 5 500 euros le 25 juillet 2014,
- un chèque de 5 000 euros le 15 septembre 2014,
- un chèque de 1 500 euros le 12 novembre 2014.
Un contentieux s'est élevé sur la nature juridique des deux premiers versements, respectivement de 5 500 euros et 5 000 euros, M. [D] [O] soutenant qu'il s'agissait de prêts justifiant un remboursement tandis que Mme [K] [Z] soutient qu'il s'agissait de dons. En revanche, la nature de prêt du troisième chèque, de 1 500 euros, a été reconnu par les deux parties.
Par acte d'huissier du 25 août 2017, M. [D] [O] a fait assigner Mme [K] [Z] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins notamment de la voir condamner à lui payer la somme de 12 000 euros correspondant au montant total des trois chèques remis à Mme [Z].
Par jugement contradictoire du 20 juin 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
- condamné Mme [K] [Z] à payer à M. [D] [O] la somme de 1 500 euros,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
-dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.
Pour statuer ainsi qu'il l'a fait, le premier juge, après avoir constaté que Mme [K] [Z] ne contestait pas que Mme [K] [Z] lui avait prêté la somme de 1 500 euros, a essentiellement dit que ce dernier ne justifiait pas que la remise des sommes de 5 500 et 5 000 euros correspondait aussi à un prêt.
M. [D] [O] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 18 juillet 2019.
Par conclusions déposées le 16 octobre 2019, il demande à la cour de :
- dire et juger M. [D] [O] recevable et bien fondé en son appel,
- infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a déclaré Mme [K] [Z] débitrice du prêt de l 500 euros et a ordonné son remboursement,
Partant,
- constater que M. [D] [O] a prêté la somme de 12 000 euros à Mme [K] [Z],
- constater que Mme [K] [Z] n'a jamais remboursé la somme de l.500 euros en vertu du prêt dont elle reconnait avoir bénéficié,
En conséquence,
- condamner Mme [K] [Z] à payer à M. [D] [O] la somme de 12000 euros en remboursement des trois prêts dont elle a bénéficié,
- condamner Mme [K] [Z] à payer à M. [D] [O] la somme de 2000 euros au titre de dommages et intérêts pour son préjudice,
- ordonner, compte tenu de la nature et de l'ancienneté de l'affaire, l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner Mme [K] [Z] à verser à M. [D] [O] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 15 janvier 2020, Mme [K] [Z] demande à la cour de :
- débouter M. [D] [O] de son appel et de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf à préciser que la condamnation de Mme [K] [Z] à payer la somme de 1 500 euros a été exécutée,
- condamner M. [D] [O] à payer à Mme [K] [Z] la somme de 2 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Georges.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 5 mai 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 19 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les conclusions de M. [D] [O] du 21 décembre 2021 n'ayant pas été transmises par le RPVA sont irrecevables.
Sur la demande de remboursement de la somme de 12 000 euros
Il résulte des dispositions des articles
1341,
1343,
1347 et
1348 du code civil dans leur version applicable au litige ainsi que du décret N° 80-533 du 15 juillet 1980, que la preuve des obligations de plus de 1 500 euros doit se faire par écrit, que cette règle ne reçoit exception qu'en présence d'un commencement de preuve par écrit et en cas d'impossibilité morale de se procurer un écrit.
La charge de la preuve d'un prêt incombe donc à celui qui affirme avoir prêté.
L'appréciation de l'impossibilité morale relève du pouvoir souverain du juge du fond.
Il sera tout d'abord observé que Mme [K] [Z] ne conteste pas que la somme de 1 500 euros remise par M. [D] [O] le 12 novembre 2014 lui a été prêtée.
M. [D] [O] fait valoir pour l'essentiel que la production des deux chèques de 5 500 euros et de 5 000 euros est un commencement de preuve par écrit d'un prêt, qu'il était dans l'impossibilité morale de se procurer un écrit en raison de son lien d'amitié avec Mme [K] [Z], que Mme [K] [Z] ne démontre pas l'intention libérale et qu'elle a reconnu l'existence de ces prêts dans le cadre d'une procédure pénale.
Mme [K] [Z] réplique pour l'essentiel que M. [D] [O] ne satisfait pas à l'exigence d'un commencement de preuve par écrit et qu'elle n'a jamais reconnu devoir rembourser ces sommes.
La remise par M. [D] [O] à Mme [K] [Z] de deux chèques le 25 juillet 2014 de 5 500 euros et le 15 septembre 2014 de 5 000 euros n'est pas discutée.
S'agissant de la demande de remboursement d'une somme supérieure à 1 500 euros, force est de constater que M. [D] [O] ne produit pas de preuve par écrit selon laquelle Mme [Z] reconnaîtrait devoir la somme de 10 500 euros ni même de commencement de preuve par écrit.
En effet, la remise des chèques n'est pas constitutive en soi d'un commencement de preuve par écrit.
C'est à tort que M. [D] [O] invoque l'impossibilité morale de se procurer un écrit en raison des liens l'unissant à Mme [K] [Z] alors que dans la procédure pénale menée contre lui pour des faits de harcèlement sexuel, il décrit celle-ci plus comme une collègue que comme une amie, que tant selon ses déclarations que celles de Mme [K] [Z], il ne la voyait pas en dehors de la cantine de l'entreprise et qu'il ne s'est rendu chez elle qu'une fois en compagnie d'autres salariés.
M. [D] [O] ne démontre donc pas ni par la production d'un écrit ni par un commencement de preuve par écrit, corroborée par une autre preuve, l'obligation de remboursement qu'aurait Mme [K] [Z], alors que la charge de la preuve lui incombe.
Si Mme [Z] a répondu à la question des enquêteurs dans le cadre de la procédure pénale « il déclare vous avoir prêté 11 500 euros » « oui c'est exact , le moyen selon lequel cette audition contiendrait un aveu judiciaire de sa dette est inopérante, puisque s'agissant d'une obligation de plus de 1.500 euros, ce moyen de preuve n'est pas recevable.
Enfin, Mme [K] [Z] indique par un mail non daté « je te donnerai le chèque rapidement » et par un mail du 13 février 2015 « je fais au mieux pour te les rendre rapidement » sans qu'il soit possible de déterminer sur quel montant porte cet engagement de remboursement et alors que Mme [K] [Z] conteste devoir rembourser 10 500 euros sur la somme totale de 12.000 euros qui lui a été remise.
Mme [Z] ne justifiant pas qu'elle a versé la somme de 1 500 euros à M. [O], le jugement déféré qui a condamné Mme [K] [Z] à rembourser la seule somme de 1 500 euros sera confirmé.
Sur la demande en dommages et intérêts
M. [O] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui déjà indemnisé par la condamnation de Mme [Z] à lui rembourser la somme de 1 500 euros et par les intérêts de retard ni avoir souffert un préjudice moral.
Le jugement déféré qui l'a débouté de sa demande en dommages et intérêts sera confirmé.
Sur les autres demandes
En application de l'article
696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
M. [D] [O] qui succombe en son appel en supportera donc la charge.
Ces dépens seront recouvrés par Me Georges, pour les frais avancés par lui, conformément à l'article
699 du code de procédure civile.
En application de l'article
700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
L'équité ne commande pas d'allouer d'indemnité sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
,
La Cour,
Déclare les conclusions de M. [D] [O] en date du 21 décembre 2021 irrecevables,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne M. [D] [O] aux entiers dépens d'appel et autorise Me Georges à recouvrer les dépens, pour les frais qu'il a avancés.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,