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Cour d'appel de Paris, 2 novembre 2022, 22/04793

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de déclaration d'appel :
    22/04793
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Nature : Ordonnance
  • Identifiant Judilibre :6363686037e31b7f74444a1a
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Résumé

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Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 15 ORDONNANCE DU 02 NOVEMBRE 2022 (n°43, 11pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 22/04793 (appel) - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFM6D auquel est joint le Rg 22/4805 (appel) Décision déférée : Ordonnance (RG : n°22/1297) rendue le 02 mars 2022 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Creteil Nature de la décision : Contradictoire Nous, Elisabeth IENNE-BERTHELOT, Conseillère à la Cour d'appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l'article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l'article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ; assistée de Véronique COUVET, greffier lors des débats et de la mise à disposition ; Après avoir appelé à l'audience publique du 14 septembre 2022 : Monsieur [T] [C] né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 9] (99) [Adresse 3] [Localité 7] Représenté par Me Mabrouk SASSI, de la SELEURL MABROUK SASSI SELARL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0735 Monsieur [G] [W] né le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 9] (99) [Adresse 2] [Localité 7] Comparant Assisté de Me Mabrouk SASSI, de la SELEURL MABROUK SASSI SELARL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0735 APPELANTS et LA DIRECTION NATIONALE D'ENQUETES FISCALES [Adresse 5] [Localité 6] Représentée par Me Jean DI FRANCESCO, de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137 INTIMÉE Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 14 septembre 2022, l'avocat des appelants, et l'avocat de l'intimée ; Les débats ayant été clôturés avec l'indication que l'affaire était mise en délibéré au 2 novembre 2022 pour mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. Avons rendu l'ordonnance ci-après : Le 2 mars 2022, le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du Tribunal Judiciaire (ci-après TJ) de CRETEIL a rendu, en application de l'article L.16B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l'encontre de : - la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD, représentée par M. [T] [C] dont le siège est sis [Adresse 8] et qui a pour objet social le conseil en systèmes et logiciels informatiques ; - Monsieur [C] [T] domicilié au [Adresse 3] [Localité 7] ; L'ordonnance autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants : ' locaux et dépendances sis [Adresse 3] [Localité 7], susceptibles d'être occupés par la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD et/ ou [C] [T] [...] , ' locaux et dépendances sis [Adresse 2] [Localité 7], susceptibles d'être occupés par la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD et/ ou [W] [G] [...], L'autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD serait présumée exercer à partir du territoire national une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes, et aux motifs que Monsieur [C] [T] exercerait à à partir du territoire national une activité de consultant à titre individuel, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables y afférentes Et ainsi sont présumés s'être soustraits et/ou se soustraire à l'établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l'IS, articles 97, 172 et 175 pour les BNC et 286 pour la TVA). L'ordonnance était accompagnée de 56 pièces annexées à la requête. Il ressortait des éléments du dossier que la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD régulièrement immatriculée au Royaume-Uni depuis 2017 et enregistrée en France comme société étrangère non immatriculée au RCS, exerce une activité de prestations de services dans le domaine de l'informatique, qu'elle est détenue à parts égales par son dirigeant [T] [C] et par [G] [W] qui résident tous les deux en France et déclarent uniquement des revenus de source française, qu'elle a son centre décisionnel en France en la personne d'[T] [C] et d'[G] [W], résidents français. Il aparaissait que depuis sa création la société 2A PROSPER CONSULTING LTD a son siège social situé à la même adresse que la société AMEDIA LTD à Londres qui propose des services de domiciliation et de création de sociétés et où sont répertoriées de nombreuses sociétés, laissant présumer qu'il s'agit d'une adresse de domiciliation. Ainsi, la société 2A PROSPER CONSULTING LTD ne semble pas disposer des moyens de communication ni d'exploitation nécessaires et suffisants pour l'exercice de son activité économique à Londres. Il ressortait des éléments du dossier que la majorité des salariés de la société 2A PROSPER CONSULTING LTD réalisent leur activité économique sur le territoire français et que cette société réalise de manière régulière et importante depuis au moins le 31/10/2018 des prestations de services sur le territoire national pour le compte de sociétés françaises réalisant elles-mêmes l'intégralité de leurs chiffres d'affaires en France, qu' elle utilise pour ce faire du personnel employé par les sociétés françaises NET TECHNOLOGIE et LAITHNING. [T] [C] et [G] [W] apparaissent comme des dirigeants et/où associés des sociétés 2A PROSPES CONSULTING LTD, NET TECHNOLOGIE et LAITHNING, qui exercent toutes dans le même secteur d'activité. En outre la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD et les sociétés françaises SAS TECHNOLOGIE et la SASU LAITHNING semblent avoir des employés communs, laissant présumer que l'activité de la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD est assurée depuis le territoire national par des employés des SAS NET TECHNOLOGIE et SAS LAITHNING. De même, il peut être présumé de l'ensemble de ces éléments que le centre décisionnel de la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD est situé en France en la personne de son dirigeant [T] [C], résident de France. Dès lors, il peut être présumé que la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD, qui ne semble pas disposer au Royaume-Uni des moyens matériels et humains suffisants lui permettant d'exercer une activité commerciale de conseil en systèmes et logiciels informatiques, exerce sur le territoire national une activité de conseil en systèmes et logiciels informatiques, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables correspondantes. Il ressortait des éléments du dossier que [T] [C], qui réside en France, perçoit directement des sommes en provenance de la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD dont il est dirigeant et associé, mais également d'au moins une société française exerçant ses activités dans le domaine du conseil en informatique, il peut donc être présumé qu'il perçoit ces sommes à titre professionnel en contrepartie de prestations de services dans le domaine informatique. Ainsi il peut être présumé qu'[T] [C] exerce une activité de consultant à titre individuel sur le territoire français sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes. En raison de ses fonctions de dirigeant et de sa participation au capital de la société de droit anglais 2A PROSPER CONSULTING LTD, M. [T] [C] est susceptible de détenir dans les locaux qu'il occupe [Adresse 3] [Localité 7], des documents et/ou supports d'informations relatifs la fraude présumée. En raison de sa participation au capital de la société de droit anglais 2A PROSPERCONSULTING LTD et des liens capitalistiques et professionnels l'unissant aux sociétés françaises NET TECHNOLOGIE et LAITHINING, M. [G] [W] est susceptible de détenir dans les locaux qu'il occupe [Adresse 2] [Localité 7], des documents et/ou supports d'informations relatifs à la fraude présumée. Ainsi le JLD autorisait les opérations de visite et saisie dans les locaux susvisés. Le 16 mars 2022, Monsieur [C] [T] a interjeté appel contre l'ordonnance du JLD (RG 22/04793), de même Monsieur [W] [G] a interjeté appel contre l'ordonnance du JLD (RG 22/04805). L'affaire a été audiencée pour être plaidée le 14 septembre 2022, à cette audience la jonction des dossiers a été évoquée. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue le 2 novembre 2022. Par conclusions n°1 déposées au greffe de la Cour d'appel de Paris le 1er juin 2022, les appelants font valoir:

Rappel des faits

Sur la société 2A PROSPER CONSULTING LTD (Angleterre) La société 2A PROSPER CONSULTING LTD est une société de droit anglais, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Londres, dont l'objet social est le conseil en systèmes et logiciels informatiques. Son capital social est réparti entre [T] [C] (1 action) et [G] [W] (1 action), sur la période visée (2018-2019), la société était gérée par M [T] [C]. La création de cette société en Angleterre s'inscrivait dans la volonté de s'implanter sur le marché anglais et plus généralement sur les marchés anglophones. La société 2A PROSPER CONSULTING LTD a pris des locaux à Londres où son dirigeant se rendait régulièrement pour rencontrer des prospects et clients. Durant cette période, son chiffre d'affaires s'est développé de façon significative et des synergies ont été mises en place avec la société de droit français NET TECHNOLOGIE. Sur les relations entre les sociétés NET TECHNOLOGIE et 2A PROSPER CONSULTING LTD Les sociétés NET TECHNOLOGIE et 2A PROSPER CONSULTING sont détenues par les mêmes personnes qui interviennent dans son fonctionnement. Dans une optique de mise en place de synergies, le mode de fonctionnement qui a été mis en place a été le suivant : La société 2 A PROSPER CONSULTING LTD noue des relations avec des clients anglais et étrangers (hors France), elle fait appel à des sous-traitants situés en Angleterre et à l'étranger (hors France) et fait également appel à la société de droit français NET TECHNOLOGIE pour réaliser certaines prestations, étant précisé que la société NET TECHNOLOGIE sous-traite également une grande partie de ses prestations à des prestataires situés à l'étranger. Les prestations fournies par la société NET TECHNOLOGIE à la société 2 A PROSPER CONSULTING LTD ont été fournies à des prix normaux au regard des principes régissant les prix de transfert, ce qui d'ailleurs n'est pas remis en cause par l'Administration fiscale. Sur la visite domiciliaire Les termes de l'article L.16B du LPF sont rappelés, cette procédure n'est souvent utilisée que pour des faits susceptibles d'être qualifiés de fraude fiscale, c'est-à-dire d'une particulière gravité (ce qui implique ipso facto des montants importants). L'article L.16B du LPF précise quels sont les comportements concernés permettant de présumer une éventuelle fraude fiscale tels que - se livrer à des achats ou à des ventes sans factures, utiliser ou délivrer des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles, omettre sciemment de passer ou de faire passer des écritures dans des documents comptables dont la tenue est prescrite par le C.G.I, ou de passer ou faire passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans ces mêmes documents. Il convient de rappeler que l'Administration n'engage la procédure de l'article L.16B du LPF que pour les affaires présumées porter sur des fraudes importantes en volume et d'une gravité significative. Ainsi, pour engager une telle procédure, elle doit démontrer que des impôts, pour des montants à tout le moins significatifs, aient été éludés. L'administration doit obéir à une obligation de loyauté et faire preuve d'objectivité en présentant également les éléments tant à charge qu'à décharge, afin de respecter le principe du contradictoire. Les obligations du juge sont rappelées au regard de l'article L.16B II du LPF. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le juge doit motiver sa décision par l'analyse précise des faits invoqués par l'Administration fiscale et notamment leur portée au regard de l'importance des impôts prétendument éludés et par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient pour présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée. Outre le fait que l'administration s'est épargnée à tort une démonstration juridique visant à démontrer en quoi des faits de fraude seraient soupçonnés, le juge saisi n'en fait pas davantage la démonstration dans sa décision. Sur la notion d'établissement stable. Ce concept est fondamental dans cette affaire alors qu'il n'est pas mentionné dans la requête de la DNEF. L'article 209 du CGI dispose que 'les entreprises exploitées en France' sont redevables de l'impôt sur les sociétés en France'. Selon la doctrine administrative, cette notion d'établissement stable est nécessaire pour apprécier si une activité exercée dans un Etat autre que celui où est établie la personne morale est imposable au lieu de résidence de cette personne morale ou au leiu d'exercice de l'activité. L'administration fiscale doit démontrer l'existence d'un établissement stable dans sa requête. Cette notion permet d'identifier les revenus imposables en France au titre des bénéfices de l'entreprise. En droit, pour caractériser un établissement stable en France, la société étrangère doit, soit disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l'engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres, en l'espèce, aucun de ces éléments n'est démontré par l'administration fiscale, puisqu'il n'est pas tenu compte des nombreux séjours effectués au Royaume-Uni par les appelants, ce qui est de nature à démontrer que la prise de décision et la gestion de la société 2 PROSPER LIMITED Uk se fait à partir du Royaume-Uni. Primauté des conventions internationales sur le droit interne. Les conventions et les traités priment sur la loi nationale de sorte que chaque fois qu'une convention fiscale est signée entre la France et l'Etat concerné, les dispositions de cette convention prévalent, il en résulte une primauté de la notion d'établissement stable définie par les conventions sur le droit interne. En l'espèce il convient de constater l'absence de motivation sur ce point. Sur la notion d'établissement stable dans les conventions fiscales internationales. En droit, selon les modèles de conventions élaborées par l'OCDE et telles que reprises par la France, la notion d'établissement stable regroupe, d'une part, les installations fixes d'affaires et, d'autre part, les agents indépendants. S'agissant de l'installation fixe d'affaires, trois conditions cumulatives doivent être réunies : une assise physique, une assise temporelle et l'exercice d'une activité taxable. L'assise physique signifie, par principe, que l'entreprise doit disposer d'un local et l'assise temporelle, que l'installation doit être permanente, ce qui signifie qu'elle doit être maintenue pendant un certain temps au même endroit. En l'espèce, au regard de la notion d'établissement stable telle que définie par l'OCDE, la société 2 A PROSPER CONSULTING LTD ne dispose d'aucun établissement stable en France. En effet, ni l'assise physique (existence d'un local) ni l'assise temporelle (les consultants ne sont pas affectés de façon pérenne chez un client précis) ne sont caractérisées. Au regard de la notion d'établissement stable (OCDE), la société 2 A PROSPER CONSULTING LTD ne dispose d'aucun établissement stable en France, il convient de constater l'absence de motivation sur ce point ce qui est de nature à entacher la validité de l'ordonnance. Sur la convention entre la France et le Royaume-Uni. En droit, selon les articles 4 et 6 de la convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni du 22 mai 1968, est considérée avoir un établissement stable en France une société résidente du Royaume-Uni qui, soit dispose d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l'engager dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant ses activités propres. En l'espèce, compte tenu de l'existence d'une convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni, tant l'administration fiscale dans sa requête que le juge des libertés et de la détention dans son ordonnance auraient dû se référer au concept et à la définition d'établissement stable telle que définie par la convention fiscale entre la France et le Royaume-Uni, et ce, notamment au regard de l'existence d'une part de l'installation fixe d'affaires et d'autre part, de l'existence d'agents dépendants. En effet, aucun de ces deux éléments ne sont développés par l'administration fiscale dans sa requête et aucun élément de preuve n'est apporté quant à l'existence en France d'un établissement détenu par la société 2 A PROSPER CONSULTING LTD, l'absence de motivation sur ce point est de nature à entacher la validité de l'ordonnance du JLD. A titre subsidiaire, sur les principes d'imposition de l'établissement stable. Il convient de se poser la question de savoir si des impôts ont été éludés en France, il est rappelé que le bénéfice imputable à un établissement stable doit s'entendre des bénéfices que cet établissement aurait pu réaliser s'il avait constitué une entreprise distincte exerçant des activités identiques ou analogues et traitant en toute indépendance avec l'entreprise dont il relève, le bénéfice d'un établissement stable doit en principe être déterminé compte tenu notamment de toutes les dépenses imputables à celui-ci, y compris les dépenses de direction et des frais généraux d'administration qui correspondent à la gestion de cet établissement. Sur l'absence d'indication du montant des sommes prétendument éludées. L'administration fiscale aurait dû faire état d'une part, du montant des impôts prétendument éludés en France, et, par souci de transparence, du montant des impôts payés au Royaume-Uni au titre des exercices 2018, 2019 et 2020.En l'espèce, aucun montant n'est avancé par l'Administration fiscale. Il est fait valoir un total d'impôt de 84 424 € payé en France pour les exercices 2018, 2019 et 2020 et un total d'impôt de 84 765 € payé au Royaume-Uni pour les exercices 2018, 2019 et 2020. Par conséquent, le montant d'impôt sur les sociétés, payé au Royaume-Uni est donc supérieur à celui prétendument payable en France. Sur l'élimination des doubles impositions. En vertu de la convention fiscale conclue entre la France et le Royaume-Uni visant à éliminer les doubles impositions, l'article 24 de ladite-convention dispose que la double imposition des revenus provenant du Royaume-Uni perçus par des personnes physiques résidentes en France est éliminée par l'imputation sur l'impôt français d'un crédit d'impôt égal, selon le type de revenus considérés, soit au montant de l'impôt britannique effectivement payé à titre définitif, soit au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. En l'espèce, dans l'hypothèse de l'existence d'un établissement stable en France, le montant de l'impôt payé au Royaume-Uni doit venir en déduction de l'impôt français, entrainant l'absence d'imposition en France au titre de l'impôt sur les sociétés et donc l'absence de fraude, ce que l'administration aurait dû prendre en compte puisqu'elle était en possession de l'intégralité des documents comptables relatifs à la société. Par ces motifs, il est demandé : - d'infirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par Monsieur le JLD de Créteil en date du 2 mars 2022. - d'ordonner la restitution de l'intégralité des documents (et pièces) sur tous supports saisis. - d'ordonner à l'administration de ne pas exploiter les documents et pièces saisies. Par conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel le 23 juin 2022, l'administration Fiscale fait valoir: 1 Un rappel préalable de la procédure est exposé. 2 Discusssion Rappel préalable des faits : L'administration fiscale rappelle et développe les éléments soumis à l'appréciation du juge justifiant la mise en oeuvre de la procédure de visite domiciliaire dans la requête, ainsi que les pièces produites. L'argumentation développée par les appelantes ne remet pas en cause le bien-fondé des présomptions retenues par le premier juge. A)Sur l'absence de présomptions visées à l'article L. 16B du LPF. Contrairement à ce qui est argué par les appelants, le juge des libertés et de la détention, pour autoriser une visite domiciliaire, n'est pas limité à relever des présomptions de soustraction à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d'affaires, celui-ci pouvant également relever des présomptions relevant des articles 1741 ou 1743 du C.G.I. B) Sur la proportionnalité de la mesure. Les appelants semblent mettre en cause la proportionnalité de la mise en oeuvre de l'article L 16B du LPF au motif que celle-ci devrait être réservée aux cas les plus graves de fraude fiscale, elles considèrent que les impositions qui pourraient être dues par la société de droit anglais citée sont d'un montant peu élevé. Il est fait observer que les parties appelantes omettent d'évoquer les présomptions de fraude retenues par la JLD à l'encontre d'[T] [C] et les impositions qui pourraient être également dues. Or, pour la mise en oeuvre d'une procédure de visite domiciliaire, l'article L 16B exige seulement l'existence de présomptions de fraude à l'impôt sur le revenu, sur les bénéfices ou à la TVA, par l'un des agissements qu'il prévoit, dont fait partie la présomption de défaut de souscription de déclarations fiscales. La jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle ce texte n'exige pas des infractions d'une particulière gravité, est rappelée. Dès lors qu'existent des présomptions d'agissement de fraude, la procédure de visite domiciliaire est justifiée en ce qu'elle permet de rechercher la preuve de ces agissements. C) Sur le contrôle du juge. Les appelants considèrent que le JLD a manqué à son obligation de contrôle faute d'avoir fait mention de la notion d'établissement stable et de la convention fiscale franco-britannique visant à éviter les doubles impositions. Ce grief n'est pas fondé, en effet, tant la discussion sur l'application d'une convention fiscale que celle de l'existence d'un établissement stable en France, relève du contentieux de l'impôt. Or, ni le magistrat saisi d'une demande d'autorisation de visite domiciliaire, ni le Premier Président statuant en appel n'est compétent en la matière, dont l'unique compétence revient au juge de l'impôt. En l'espèce, il a seulement été exposé, - et retenu par l'ordonnance - que la société 2 A PROSPER CONSULTING LTD et M. [T] [C] pouvaient être présumés exercer tout ou partie de leur activité en France, à partir des moyens dont ils disposaient, et auraient dû être soumis à l'ensemble des impôts commerciaux. Ces présomptions résultant d'un ensemble de faits relevés par le JLD, rappelés supra. Concernant les frais irrépétibles, le Directeur général des finances publiques est recevable et fondé à demander la condamnation des appelants déboutés à l'indemniser de ses frais irrépétibles par le paiement de la somme de 2 000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Par ces motifs, il est demandé de : ' confirmer l'ordonnance rendue le 2 mars 2022 par le JLD du TJ de Créteil ' rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions ' condamner les appelants au paiement de la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens.

SUR CE

LA COUR SUR LA JONCTION Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il convient en application de l'article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires , de joindre les instances enregistrées sous le numéro de RG 22/04793 et 22/04805, qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien. SUR L'APPEL Sur le moyen selon lequel la visite domiciliaire ne doit être accordée que sur les faits susceptibles d'être qualifiés de fraude fiscale d'une particulière gravité. Les appelants semblent mettre en cause la proportionnalité de la mise en oeuvre de l'article L 16B du LPF au motif que celle-ci devrait être réservée aux cas les plus graves de fraude fiscale. Il convient de rappeler que l'article L. 16B du LPF exige seulement l'existence de présomptions de fraude à l'impôt sur le revenu, sur les bénéfices ou à la TVA, par l'un des agissements qu'il prévoit, dont fait partie la présomption de passation inexacte des écritures comptables. La Cour de cassation a rappelé que le juge de l'autorisation n'était pas le juge de l'impôt et n'avait pas à rechercher si les infractions étaient caractérisées, mais seulement s'il existait des présomptions de fraude justifiant l'opération sollicitée, de même le Premier Président statuant en appel, apprécie l'existence de présomptions de fraude, sans être tenu de s'expliquer autrement sur la proportionnalité de la mesure qu'il confirme. La Haute juridiction a également rappelé que l'article L16B du LPF n'exige pas des infractions d'une particulière gravité. Dès lors qu'existent des présomptions d'agissements frauduleux, la procédure de visite domiciliaire est justifiée en ce qu'elle permet de rechercher la preuve de ces agissements et ainsi d'accéder à des documents de gestion quotidienne de l'entreprise ou relatifs à l'organisation interne, que le contribuable n'a pas l'obligation de remettre dans le cadre d'une procédure de contrôle classique. Ainsi que la Cour de cassation l'a rappelé à maintes reprises, l'article L. 16B du LPF exige des simples présomptions, que le JLD a relevé dans sa décision du 2 mars 2022. Ce moyen sera rejeté. Sur le moyen selon lequel le juge n'a pas motivé son ordonnance conformément à l'article L 16 B du LPF. Il convient de rappeler que l'administration fiscale a transmis à l'appui de sa requête des pièces en grand nombre (56), dont l'origine est apparemment licite, que d'ailleurs les pièces à l'appui de la requête ne sont pas contestées par les appelants (à part les pièces 9 à 10 qui doivent conforter l'argumentation des appelants, sans précision). Le JLD a rendu son ordonnance à l'appui de ces pièces, il résulte de la motivation de cette ordonnnance que l'activité de la société 2A PROPER CONSULTING LTD et celle de [T] [C] sont parfaitement décrites (pièces 1 à 5), que la société de droit anglais 2A PROPER CONSULTING LTD a fixé son siège social à Londres à une adresse de domiciliation où un grand nombre de sociétés sont répertoriées ( pièces 1, 6, 7), que le JLD dans sa décision a pu relever que la société 2A PROPER CONSULTING LTD ne semble pas disposer de moyens de communication ni d'exploitation nécessaires et suffisants pour l'exercice de son activité économique à Londres ( pièces 8, 9, 17, 31, 32), que l'examen des comptes annuels pour les exercices de 2018 à 2020 établit que la société déclare un certain nombre de salariés employés sur le territoire français ( pièces 9 à 12) et que ceux-ci semblent réaliser leur activité économique sur le territoire français, que le JLD a également relevé dans son ordonnance que la société 2A PROPER CONSULTING LTD réalise de manière régulière et importante depuis 2018 des prestations de services sur le territoire national pour le compte de sociétés françaises, que les deux associés [T] [C] et [G] [W] qui détiennent le capital de la société résident en France, que la société est dirigée par [T] [C], que le JLD a ainsi relevé à juste titre que le centre décisionnel de la société est situé en France (pièces 1 à 5, 18 à 22), qu'il a également retenu qu'[T] [C] pouvait être présumé exercer un activité de consultant à titre individuel sur le territoire français sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes (pièces 4, 29 à 36), qu'il en résulte que le JLD a relevé des indices suffisants établissant une présomption de fraude et a donc parfaitement motivé son ordonnance du 2 mars 2022 conformément aux exigences de l'article L 16 B du LPF. Ce moyen sera rejeté. Sur la notion d'établissement stable et les principes d'imposition de l'établissement stable. Les appelants arguent que la notion d'établissement stable est essentielle pour apprécier si des activités industrielles ou commerciales exercées dans un État ou un territoire autre que celui de résidence de la personne morale concernée, sont imposables au lieu de résidence ou au contraire, au lieu d'exercice de ces activités, et que l'administration fiscale doit démontrer l'existence d'un établissement stable dans sa requête, ce qu'elle ne fait pas. Or il convient de rappeler que selon une jurisprudence constante, la discussion de l'existence d'un établissement stable en FRANCE relève du contentieux de l'impôt, que ce contentieux n'est pas de la compétence du magistrat saisi d'une demande d'autorisation de visite domiciliaire, ni du Premier président statuant en appel. Ce moyen sera rejeté. Sur l'existence d'une convention fiscale entre la France et le Royaume Uni, la primauté des conventions internationales et l'élimination de la double imposition. Les parties appelantes rappellent les conditions de la reconnaissance d'un établissement stable en France concernant les sociétés résidentes au Royaume-Uni, conformément aux articles 4 et 6 de la convention fiscale entre la France et le Royaume Uni du 22 mai 1968 et le principe d'élimination de la double imposition. Or il convient de rappeler que le juge de l'autorisation n'est pas le juge de l'impôt et qu'il doit seulement relever s'il existait des présomptions de fraude justifiant l'opération sollicitée sans avoir à discuter de l'application d'une convention fiscale, ni même de la notion d'établissement stable qui est de la compétence du juge de l'impôt. Ce moyen sera rejeté. Sur l'absence d'indication du montant des sommes prétendument éludées. Il convient de rappeler que la mise en oeuvre de l'article L 16B du LPF constitue un moyen d'investigation destiné à contrôler le respect de la réglementation fiscale française en matière d'assiette et de paiement, que la circonstance qu'un impôt supérieur ou comparable à celui qui aurait été acquitté en France ait été réglé dans le pays du lieu du siège social n'entre pas en ligne de compte à ce stade de l'enquête et des investigations de l'administration fiscale, que l'article L 16B du LPF ne prévoit aucunement que l'administration fiscale ait l'obligation de préciser le montant des sommes prétendument éludées. Ce moyen sera rejeté. Ainsi, l'ordonnance rendue le 2 mars 2022 par le JLD du Tribunal judiciaire de Créteil sera déclarée régulière et confirmée. Enfin les circonstances de l'instance commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l'administration fiscale.

PAR CES MOTIFS

- Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 22/04793 et 22/04805, qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien (RG 22/04793) ; - Déclarons régulière et confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de Créteil en date du 2 mars 2022 ; - Rejetons toute autre demande ; - Disons qu'il convient d'accorder la somme de 500 euros (cinq cents euros) à charge pour les parties appelantes à verser à la DNEF au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Disons que la charge des dépens sera supportée par les parties appelantes. LE GREFFIER Véronique COUVET LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT Elisabeth IENNE-BERTHELOT

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