Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Paris 27 mai 2010
Cour d'appel de Paris 16 décembre 2011

Tribunal de Grande Instance de Paris, 27 mai 2010, 2009/10441

Mots clés contrefaçon de marque · imitation · similarité des produits ou services · différence visuelle · différence phonétique · syllabe d'attaque identique · substitution · lettre · adjonction · syllabe · syllabe finale · langue étrangère · traduction évidente · différence intellectuelle · risque de confusion · procédure · demande reconventionnelle · demande en déchéance · recevabilité · intérêt à agir · produits ou services opposés · déchéance de la marque · usage sérieux · exploitation à titre de marque · exploitation sur Internet · déchéance partielle

Synthèse

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de Paris
Numéro affaire : 2009/10441
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : MUZE ; MUSEWORLD
Classification pour les marques : CL09 ; CL14 ; CL16 ; CL25 ; CL28; CL35 ; CL38 ; CL39 ; CL41
Numéros d'enregistrement : 3305686 ; 3552091
Parties : BAYARD PRESSE / MUSEWORLD ; F (Nathalie)

Texte

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 3ème chambre 4ème section N° RG : 09/10441 Assignation du : 09 Mars 2009 JUGEMENT rendu le 27 Mai 2010

DEMANDERESSE Société BAYARD PRESSE [...] 92128 MONTROUGE représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E329

DÉFENDERESSES Société MUSEWORLD [...] 75002 PARIS

Madame Nathalie F représentée par Me Philippe CLEMENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G157 et plaidant par Me Christian B SCP JAKUBOWICZ MALLET GUY & Associés avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Claude H, Vice-Présidente Agnès MARCADE, Juge Rémy MONCORGE, Juge assistés de Katia CARDINALE, Greffier

DÉBATS A l'audience du 02 Avril 2010 tenue publiquement

JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE La société Bayard presse est titulaire de la marque dénominative MUZE déposée le 28 juillet 2004 et enregistrée sous le n° 04 3 305 686 pour des produi ts et services des classes 9, 16, 35, 38, 39 et 41.

Sous cette marque, elle édite depuis le mois de septembre 2004, un magazine culturel féminin mensuel auquel correspond un site Internet comportant une bibliothèque et une cinémathèque numérique.

Au mois d'octobre 2007, la société Bayard presse a fait opposition à l'enregistrement de la marque MUSES déposée le 9 juillet 2007 par Nathalie F en ce qu'elle visait les produits et services des classes 9, 16 et 41.Celle-ci a retiré sa demande d'enregistrement pour les produits et services concernés.

Les 20 décembre 2007 et 29 janvier 2008, Nathalie F a enregistré les noms de domaine museworld.net et museworld.eu. Elle a également déposé, le 29 janvier 2008, la marque MUSEWORLD enregistrée sous le n° 3 552 091 pour les produits et services des clas ses 9, 14, 25, 28 et 41.

Nathalie F a également créé la société Museworld immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 17 mars 2008. Cette société a pour objet la création, l'exploitation de sites Internet permettant la commercialisation électronique de produits destinés à l'enfance, l'accès à des activités électroniques à finalité ludo-éducative ainsi que les échanges entre internautes, la conception, la création et la commercialisation par tous moyens de jouets et produits dérivés pour enfants, la création, la publication, la vente, la diffusion par tous moyens d'ouvrages pour enfants et pour les familles. Nathalie F a cédé à la société nouvellement créée la marque française MUSEWORLD et celle-ci a déposé la marque communautaire MUSEWORLD à l'enregistrement de laquelle la société Bayard presse a fait opposition.

Le 9 mars 2009, la société Bayard presse a fait assigner Nathalie F et la société Museworld devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de la contrefaçon de la marque MUZE et elle a sollicité : - l'interdiction d'utilisation de la dénomination MUSEWORLD pour désigner certains produits et services, - l'annulation de la marque MUSEWORLD en ce qu'elle désigne les produits des classes 9 et 41, - l'injonction de modifier la dénomination sociale de la société défenderesse, - l'injonction de faire radier les noms de domaine museworld.net et museworld.eu, - la condamnation des défenderesses à payer la somme de 50 000 € à titre de dommages intérêts, - la publication de la décision judiciaire.

Elle sollicite, en outre, une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et l'exécution provisoire du jugement.

Dans ses dernières écritures du 1er mars 2010, la société Bayard presse, invoquant l'article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle, fait valoir que le terme "muse" constitue l'élément distinctif dominant de la dénomination Museworld, le mot world étant lui-même descriptif ou à tout le moins évocateur de l'univers ludo-éducatif créé par Nathalie F. Elle relève que le terme "muse" est quasiment identique à la marque MUZE. la société Bayard presse déclare, en outre, que la marque MUSEWORLD désigne les produits et services des classes 9 et 41 comme la marque MUZE, que l'objet de la société Museworld ainsi que le site Internet et les livres qu'elle édite, sont identiques ou similaires aux produits et services visés par la marque MUZE. Elle conclut donc à un risque de confusion entre sa marque et la dénomination Museworld.

La société Bayard presse s'oppose, par ailleurs, à la demande en déchéance formée par les défenderesses pour tous les produits et 'services visés par la marque MUZE autres que les sites informatiques et les journaux périodiques. Elle relève tout d'abord que la déchéance ne pourrait intervenir avant le 31 décembre 2009, ce qui laisse subsister les actes de contrefaçon commis antérieurement.

Elle fait ensuite valoir que cette demande est irrecevable au regard de l'article 70 du Code de procédure civile car la marque n'est pas opposée aux défenderesses pour des produits et services visés par la demande de déchéance. Enfin, la société Bayard presse soutient faire un usage sérieux pour d'autres produits et services que les sites informatiques et les journaux périodiques et elle s'oppose au prononcé de la déchéance pour les imprimés, journaux, publications, revues, périodiques, produits de l'imprimerie, services d'éducation et de divertissement, activités culturelles, édition et publication de textes, d'illustrations, de revues, de journaux, de périodiques, de magazines, de publications en tous genres et sous toutes les formes, les services de communication électronique et par ordinateur, publications électroniques et numériques, les livres et la publication des livres.

Dans leurs dernières écritures du 12 mars 2010, les défenderesses exposent tout d'abord que Nathalie F a créé des poupées - muses à travers lesquelles les filles de 6 à 12 ans peuvent se projeter, chaque poupée étant accompagnée de vêtements et d'un livre d'aventures. Elles ajoutent qu'un site Internet a été créé afin de permettre aux petites filles d'être référencées et de communiquer.

Les défenderesses contestent la contrefaçon en l'absence de ressemblance visuelle, phonétique et conceptuelle entre les signes. Elles ajoutent qu'il n'existe pas de clientèle commune pour un magazine culturel féminin et des livres destinés aux petites filles. Elles font également valoir qu'il n'existe pas de risque de confusion alors que le mot "muse" se trouve couramment utilisé à titre de marque seul ou associé à d'autres mots. Subsidiairement, les défenderesses font valoir que seuls les produits et services des classes 9 et 41 et encore uniquement les journaux, périodiques et sites informatiques peuvent être concernés par les demandes. Elles contestent, par ailleurs, l'existence d'un risque de confusion entre les noms de domaine museworld et la marque MUZE. Enfin, elles concluent au rejet des demandes financières qui ne sont accompagnées d'aucun justificatif.

Reconventionnellement, Nathalie F et la société Museworld font valoir que le délai de 5 ans visé par l'article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle a expiré le 31 décembre 2009 et que la société Bayard presse ne justifie d'aucune exploitation de la marque MUZE pour les produits et services autres que les journaux et les sites Internet. Elles soutiennent qu'elles sont recevables à agir en déchéance alors que l'assignation en justice sollicitait une mesure d'interdiction pour les produits et services identiques et similaires des classes 9, 16, 38 et 41. Enfin, Nathalie F et la société Museworld constatent que la société Bayard presse reconnaît ne pas avoir fait un usage sérieux de sa marque pour certains des produits de la classe 9 mais elles contestent la liste des produits et services pour lesquels la demanderesse se prévaut d'une exploitation et fait notamment valoir que la société Bayard presse n'édite aucun livre sous la marque MUZE.

Elles sollicitent donc le prononcé de la déchéance de la marque MUZE pour les produits et services autres que les imprimés, journaux, publications, magazines, revues, périodiques, produits de l'imprimerie, services d'éducation et de divertissement, activités culturelles, édition et publication de textes, d'illustration, de revues, de journaux , de périodiques, de magazines, de publications en tous genres et sous toutes les formes, de services de communication électronique et par ordinateur, la publication électronique et numérique ainsi que le prononcé de la déchéance de la marque média Muze pour les produits de la classe 41. Enfin, elles réclament une indemnité de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.


MOTIFS DE LA DÉCISION


1/ Sur les demandes de la société Bayard presse :

Selon l'article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle, il y a lieu de rechercher si au regard de l'appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et services désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne.

L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.

En l'espèce, les deux marques MUZE et MUSEWORLD :

- présentent la même syllabe d'attaque, cependant la marque MUSEWORLD est plus longue en raison de la présence d'une syllabe complémentaire composée de cinq lettres de telle sorte qu'elle se distingue facilement de la première, tant visuellement que phonétiquement,

- comportent les termes " muze" et "muse" assez proches l'un de l'autre, néanmoins le mot "muse" appartenant au langage courant, est accolé au mot world facilement compris et acquiert un sens propre "le monde des muses". En revanche, le mot "muze" perd la banalité qui s'attache au mot "muse" du langage courant à raison de la présence du Z qui surprend et confère au vocable son caractère distinctif, lequel ne se retrouve pas dans l'association de mots "museworld".

Aussi, la similitude des signes n'apparaît pas suffisamment et le risque de confusion doit donc être écarté même si les deux marques en cause désignent des produits identiques ou similaires.

Les demandes de la société Bayard presse telles que formulées dans ses dernières conclusions et tendant à voir : - annuler la marque MUSEWORLD pour les services de la classe 41, - -interdire l'utilisation de la dénomination Museworld pour les imprimés, journaux, livres, publications, magazines, revues, périodiques, produits de l'imprimerie, services de communication électronique et par ordinateur, services d'éducation et de divertissement, activités culturelles, édition et publication de textes, d'illustrations, de livres, de revues, de journaux, de périodiques, de magazines, de publications en tous genres et sous toutes les formes, les services de communication électronique et par ordinateur, publications électroniques et numériques, - modifier la dénomination sociale de la société Museworld, - radier les noms de domaine museworld.net et museworld.ue, seront rejetées.

Les demandes en dommages intérêts qui ne reposent sur aucune justification et de publication de la décision seront également écartées.

2/ Sur la demande en déchéance des droits de la société Bavard presse sur la marque MUZE :

- Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle :

La société Bayard presse a déposé la marque MUZE pour des produits et services des classes 9, 16, 35, 38, 39 et 41. Dans l'assignation en justice du 9 mars 2010, la société Bayard presse a sollicité l'annulation de la marque MUSEWORLD pour les produits et services des classes 9 et 41 et l'interdiction d'utiliser la dénomination Museworld pour désigner des produits et services identiques et similaires à ceux des classes 9, 16, 38 et 41 visés par la marque MUZE.

La société Bayard presse a maintenu ses demandes sous cette forme jusqu'à ses dernières conclusions du 1 er mars 2010. Nathalie F et la société Museworld qui ont formulé leur demande reconventionnelle en déchéance dans leurs conclusions du 28 janvier 2010, avaient un intérêt à agir en déchéance pour l'ensemble des produits et services qui leur étaient opposés dans le cadre de la demande en contrefaçon.

Elles doivent donc être déclarées recevables à agir pour les produits et services des classes 9, 16, 38 et 41 qui leur ont été opposés et irrecevables à agir pour les produits et services des classes 35 et 39 dont il n'a pas été fait mention dans la présente procédure.

- sur le bien fondé de la demande :

S'agissant des classes 9,16, 38 et 41, Nathalie F et la société Museworld sollicitent que la société Bayard presse soit déchue de ses droits sur la marque MUZE pour tous les produits et services autres que les imprimés, journaux, publications, magazines, revues, périodiques, produits de l'imprimerie, services d'éducation et de divertissement, activités culturelles, édition et publication de textes, d'illustration, de revues, de journaux , de périodiques, de magazines, de publications en tous genres et sous toutes les formes, de services de communication électronique et par ordinateur, la publication électronique et numérique.

La société Bayard presse ne verse aux débats aucune preuve d'exploitation de sa marque autre que le magazine culturel Muze et une copie d'écran de son site Internet www.muze.fr

Elle s'oppose néanmoins à la demande en déchéance sauf pour les produits et services suivants : supports d'enregistrement magnétiques, optiques, numériques, électroniques, logiciels, logiciels de jeux, publication de supports sonores et /ou visuels, de supports multimédias, de programmes multimédias, de jeux et notamment de jeux télévisuels, audiovisuels, jeux sur disque compact et disque compact audionumérique, sur support magnétique.

Elle s'oppose notamment à la demande de déchéance en ce qu'elle porte sur les livres et l'édition de livres, faisant valoir que le site Internet www.muze.fr comporte une bibliothèque numérique de plus de 150 livres.

Le site Internet comporte en effet une bibliothèque numérique accessible aux abonnés du magazine, avec "plus de 150 livres en consultation illimitée avec recherche par matière pour réussir exposé, TPE, QSTP".

Cependant il ne ressort pas de cette seule mention que les livres en cause portent la marque MUZE et que la société Bayard presse se livre à une activité d'édition sous cette marque. Le service de consultation de livres qu'elle propose sur le site Internet www.muze.fr pourrait être considéré comme un service similaire à celui de l'édition de livres mais la fourniture d'un service similaire à un service visé dans l'enregistrement ne suffit pas à faire échec à une demande en déchéance, laquelle ne peut être écartée, qu'à raison de l'exploitation sérieuse de la marque pour les produits et services tels que visés à l'enregistrement.

Ainsi, la société Bayard presse sera déchue de ses droits sur la marque MUZE pour tous les produits et services des classes 9, 16, 38 et 41 à l'exception des imprimés, journaux, publications, magazines, revues, périodiques, produits de l'imprimerie, services d'éducation et de divertissement, activités culturelles, édition et publication de textes, d'illustrations, de revues, de journaux , de périodiques, de magazines, de publications en tous genres et sous toutes les formes, de services de communication électronique et par ordinateur, de la publication électronique et numérique. Cette mesure prendra effet à l'expiration du délai de cinq ans suivant la publication de l'enregistrement de la marque soit à compter du 31 décembre 2009.

Nathalie F et la société Museworld sollicitent également la déchéance des droits de la société Bayard presse sur la marque mediaMuse n° 93 463 552 pour l es produits de la classe 41. La société Bayard presse ne s'est pas opposée à cette demande et n'a fourni aucune preuve d'exploitation. Il sera donc fait droit à cette demande à compter du 16 juillet 2003.

Il sera alloué à Nathalie F et à la société Museworld ensemble la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La nature de la décision ne rend pas nécessaire son exécution provisoire ;

PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Dit que le dépôt de la marque française n° 3 552 09 1 MUSEWORLD et l'enregistrement des noms de domaine museworld.net et eu par Nathalie F ne constituent pas des actes de contrefaçon de la marque MUZE de la société Bayard presse,

Dit que l'adoption de la dénomination sociale Museworld, l'exploitation de la marque française MUSEWORLD, le dépôt de la marque communautaire n° 7 170 616 MUSEWORLD et l'exploitation d'un site Internet sous la dénomination MUSEWORLD par la société Museworld ne constituent pas des actes de contrefaçon de la marque MUZE de la société Bayard presse,

Rejettent l'ensemble des demandes formées par la société Bayard presse contre la société Museworld et Nathalie F,

Déclare irrecevable la demande en déchéance des droits sur la marque MUZE pour les produits et services des classes 35 et 39,

Prononce la déchéance de la société Bayard presse de ses droits sur la marque française n° 04 3 305 686 MUZE pour l'ensemble des produits e t services des classes 9, 16, 38 et 41 à l'exception des imprimés, journaux, publications, magazines, revues, périodiques, produits de l'imprimerie, services d 'éducation et de divertissement, activités culturelles, édition et publication de textes, d'illustrations, de revues, de journaux, de périodiques, de magazines, de publications en tous genres et sous toutes les formes, de services de communication électronique et par ordinateur, de la publication électronique et numérique, ce à compter du 31 décembre 2009,

Dit que cette décision sera inscrite sur le registre national des marques à l'initiative de la partie !a plus diligente une fois qu'elle sera devenue définitive.

Prononce la déchéance de la société Bayard presse de ses droits sur la marque française n° 93 463 552 mediaMuse pour l'ensemble des produits et services de la classes 41, ce à compter du 16 juillet 2003,

Dit que cette décision sera inscrite sur le registre national des marques à l'initiative de la partie la plus diligente une fois qu'elle sera devenue définitive,

Condamne la société Bayard presse à payer à Nathalie F et la société Museworld ensemble, la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Condamne la société Bayard presse aux dépens.