Sur le pourvoi formé par la Société commerciale de représentation de combustibles, dite SCRC, département Ecotherm, dont le siège social est ... à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine),
en cassation d'un arrêt rendu le 3 juillet 1989 par la cour d'appel de Paris (19e chambre, section A), au profit de :
1°/ La Société départementale d'habitations à loyer modéré de Seine-et-Marne, dont le siège social est ... (Seine-et-Marne),
2°/ La Compagnie générale de chauffe, dite CGC, dont le siège social est ... à Saint-André (Nord),
3°/ La compagnie d'assurances Groupe des assurances nationales (GAN) Incendie-accidents, dont le siège social est ... (9e),
4°/ Mme Christiane B..., veuve A...,
5°/ Mlle Véronique A...,
demeurant toutes deux ...,
6°/ La Mutuelle des architectes français, dont le siège social est ... (9e),
7°/ M. Z..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Berti (Bureau d'études et réalisations techniques industrielles), demeurant ... (12e),
8°/ La société Tissot frères, dont le siège social est ... (Seine-et-Marne),
9°/ La société Gambier, dont le siège social est ... à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne),
10°/ La Société des mines de bitumes et d'asphaltes du Centre, dite SMAC Aciéroid, dont le siège social est ... (5e),
11°/ M. Y..., pris en sa qualité de syndic de la liquidation judiciaire de la société Spade, demeurant ... (Seine-et-Marne),
12°/ M. X..., pris en sa qualité de syndic de la liquidation judiciaire de la société Spade, demeurant ... (Seine-et-Marne),
défendeurs à la cassation ; La Société départementale d'habitations à loyer modéré de Seine-et-Marne a formé, par un mémoire déposé au greffe le 7 mai 1990, des pourvois incident et provoqué contre le même arrêt ; La Compagnie générale de chauffe a formé, par un mémoire déposé au greffe le 9 mai 1990, un pourvoi incident contre le même arrêt ; La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La Société départementale d'habitations à loyer modéré de Seine-et-Marne, demanderesse aux pourvois incident et provoqué, invoque, à l'appui de ses recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La Compagnie générale de chauffe, demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 22 octobre 1991, où étaient présents :
M. Senselme, président, Mlle Fossereau, conseiller rapporteur, MM. Vaissette, Valdès, Beauvois, Darbon, Chemin, Boscheron, conseillers, MM. Chollet, Chapron, Pronier, conseillers référendaires, M. Marcelli, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mlle le conseiller Fossereau, les observations de la SCP Desaché et Gatineau, avocat de la Société commerciale de représentation de combustibles (SCRC), de Me Foussard, avocat de la Société départementale d'habitations à loyer modéré de Seine-et-Marne, de Me Baraduc-Benabent, avocat de la Compagnie générale de chauffe (CGC), de la SCP Defrenois et Lévis, avocat de la compagnie d'assurances Groupe des assurances nationales (GAN) Incendie-accidents, de Me Jousselin, avocat de MM. Y... et X..., ès qualités, les conclusions de M. Marcelli, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! - Donne acte à la Société commerciale de représentation de combustibles de son désistement de pourvoi en tant que dirigé contre Mme B..., Mlle A..., la Mutuelle des architectes français, M. Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société à responsabilité limitée Berti, la société Tissot frères, la société Gambier, la société SMAC Aciéroid
Sur le premier moyen
du pourvoi principal de la Société commerciale de représentation de conbustibles (SCRC) et le premier moyen du pourvoi incident de la Compagnie générale de chauffe (CGC), réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 1989), que la Société départementale d'habitations à loyer modéré de Seine-et-Marne, qui avait fait construire un immeuble, en a, dès achèvement, confié l'exploitation de l'installation de chauffage, par contrat du 27 juillet 1970, à la société Ecotherm, puis, par contrat du 18 avril 1974, à la Société commerciale de représentation de combustibles (SCRC), qui avait absorbé cette entreprise dès le 13 novembre 1970, enfin, par contrat du 29 août 1980, à la Compagnie générale de chauffe (CGC) après l'acquisition par celle-ci de partie du fonds de la SCRC ; que, par contrat du 10 mai 1974, la société Spade, assurée par la compagnie GAN, a été chargée, par la société d'HLM, du traitement de l'eau chaude sanitaire ; qu'en raison de corrosions de l'installation de chauffageeau chaude, la société d'HLM a fait assigner, en 1981, les constructeurs et les
sociétés SCRC, CGC et Spade ; que le GAN est intervenu volontairement à l'instance ; Attendu que les sociétés SCRC et CGC reprochent à l'arrêt de les condamner in solidum à réparation du quart des dommages au profit de la société d'HLM, alors, selon le moyen, "1°/ que l'entrepreneur chargé de la maintenance d'une installation n'est tenu d'informer le maître de l'ouvrage des vices ou désordres affectant l'ouvrage qu'à compter du jour où il en a connaissance ou est en mesure de les déceler ; qu'en déclarant que la SCRC n'alléguait ni ne justifiait avoir formulé aucune observation pendant les deux premières années d'exploitation, sans constater par de quelconques motifs que les désordres affectant l'installation étaient parvenus à sa connaissance ou qu'elle ait été en mesure de les déceler dès cette époque, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles
1147 et
1792 du Code civil ; 2°/ que si l'entrepreneur chargé de la maintenance d'une installation est tenu d'alerter son cocontractant des défectuosités affectant cet ouvrage afin de l'inviter à y remédier "instamment", il n'est, en revanche, nullement tenu de cesser ou de suspendre ses prestations pour l'y contraindre ;
qu'en décidant
le contraire, la cour d'appel a violé les articles
1147 et
1792 du Code civil ; 3°/ que le contrat fait la loi des parties ; que la CGC a, dans ses conclusions, rappelé que le traitement des eaux avait été, en vertu du contrat signé avec la société d'HLM le 29 août 1980, formellement exclu des prestations fournies, et que, dès 1974, la société Spade a été exclusivement chargée, par contrat spécial, du traitement des eaux ; qu'en condamnant la CGC in solidum avec la SCRC, la cour d'appel a violé l'article
1134 du Code civil ; 4°/ que l'entrepreneur chargé de la maintenance d'une installation n'est tenu d'informer le maître de l'ouvrage des vices ou des désordres affectant l'ouvrage qu'à compter du jour où il en a connaissance ou est en mesure de les déceler ; qu'en déclarant que la SCRC n'alléguait ni ne justifiait avoir formulé aucune observation pendant les deux premières années d'exploitation et en condamnant la CGC, in solidum avec la SCRC, au motif que celle-ci avait, en 1978, repris, selon les mêmes errements, le contrat de maintenance, sans constater par de quelconques motifs que les désordres étaient parvenus à la connaissance des sociétés exploitantes, ni qu'elles aient été en mesure de les déceler dès cette époque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1147 et
1792 du Code civil ; 5°/ que si l'entrepreneur chargé de la maintenance d'une installation est tenu d'alerter le maître d'ouvrage des désordres affectant l'ouvrage afin de l'inviter à y remédier "instamment", il n'est, en revanche, nullement tenu de cesser ou de suspendre ses prestations pour l'y contraindre ; qu'en décidant le contraire et en condamnant la CGC, in solidum avec la SCRC, au motif que la CGC avait, dès 1978, repris, selon les mêmes
errements, le contrat de maintenance de l'installation de chauffage, la cour d'appel a violé les articles
1147 et
1792 du Code civil" ; Mais attendu que la cour d'appel a caractérisé les fautes des sociétés SCRC et CGC et légalement justifié sa décision de ce chef, en retenant que ces deux entreprises, hautement spécialisées, auraient dû, ce qu'elles n'ont pas fait, émettre des réserves quant à l'absence des équipements de dégazage et désembuage nécessaires à l'exécution de leurs prestations d'entretien, lesquelles devaient s'effectuer en chaufferie pour l'ensemble du réseau d'eau chaudechauffage, et qu'elles auraient dû refuser, au besoin, de poursuivre dans ces conditions leur mission au lieu de laisser se perpétuer cette situation et s'aggraver ainsi la corrosion
Sur le deuxième moyen
du pourvoi principal de la SCRC, ci-après annexé :
Attendu que ni l'arrêt ni le jugement partiellement confirmé ne prononçant contre la société SCRC aucune condamnation à garantie au profit de la CGC, le moyen manque en fait
Sur les premiers moyens
, réunis, des pourvois incident et provoqué de la Société départementale d'habitations à loyer modéré de Seine-et-Marne (société HLM) :
Attendu que la société d'HLM fait grief à
l'arrêt de ne pas condamner les sociétés SCRC et CGC à réparer "la totalité" du dommage, alors, selon le moyen, "que le manquement par l'entrepreneur à son obligation de conseil, qui postule que le maître de l'ouvrage n'est pas informé ou suffisamment informé, exclut qu'un partage de responsabilité puisse être retenu, aux motifs que le maître de l'ouvrage n'a pas fait valoir ses droits à temps ; qu'en effet, si le maître d'ouvrage n'a pas été en mesure d'agir, c'est à raison du comportement de l'entrepreneur ; qu'ainsi, en laissant une part du préjudice à la charge du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles
1137 et
1147 du Code civil" ;
Mais attendu
que la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement, par motifs propres et adoptés, que les manquements des sociétés SCRC et CGC dans leur mission d'exploitation et d'entretien n'avaient contribué qu'à l'aggravation des désordres et qu'elles n'avaient ainsi participé à la réalisation du dommage que dans la proportion du quart de celui-ci
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la société SCRC, le second moyen du pourvoi incident de la société CGC et le second moyen
des pourvois incident et provoqué de la Société départementale d'HLM de Seine-et-Marne, réunis :
Attendu que les société
s SCRC, CGC et départementale d'HLM de Seine-et-Marne reprochent à l'arrêt de dire la compagnie GAN non
tenue à garantie envers son assurée, la société Spade, alors, selon le moyen, "1°/ que si l'assureur est fondé à refuser sa garantie au titre d'une clause de reprise du passé dont l'application est subordonnée au fait qu'aucun sinistre ne soit parvenu à la connaissance de l'assuré au jour de la souscription, c'est à la condition qu'il rapporte la preuve qu'ait été mise en évidence, dès cette époque, une faute probable de celui-ci, susceptible de mettre en jeu sa responsabilité ; qu'en l'espèce, il était constant que la police litigieuse avait été souscrite auprès du GAN le 11 août 1981, à effet du 1er janvier 1981 ; que l'expert C..., qui avait reçu pour mission de rechercher les causes des désordres et les responsabilités éventuelles, n'avait été désigné qu'aux termes d'ordonnances des 4 juin et 17 septembre 1981 ; qu'en écartant l'application de la clause de reprise du passé, aux seuls motifs que la société Spade avait, dès avant la souscription de la police, participé à des réunions avec la société d'HLM, procédé à des constatations et investigations, et même proposé des solutions techniques, ce dont il ne résultait nullement que, dès cette époque, il fût d'ores et déjà établi qu'elle était en partie responsable des désordres ou de leur aggravation, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles
1134 du Code civil et
L. 121-15 du Code des assurances ; 2°/ que si l'assureur est fondé à refuser sa garantie au titre d'une clause de reprise du passé dont l'application est subordonnée au fait qu'aucun sinistre ne soit parvenu à la connaissance de l'assuré au jour de la souscription, c'est à la condition qu'il rapporte la preuve qu'ait été mise en évidence, dès cette époque, une faute probable de celui-ci, susceptible d'engager sa responsabilité ; qu'en ne recherchant pas si une telle condition était réalisée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles
1134 du Code civil et
L. 121-15 du Code des assurances" ;
Mais attendu
que la cour d'appel, qui a relevé que la clause de reprise du passé de la police d'assurance de responsabilité de la société Spade subordonnait la garantie au fait qu'aucun sinistre ne soit parvenu à la connaissance de l'assurée à la date de souscription du contrat, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement que, lors de cette souscription, la société Spade avait déjà eu connaissance du sinistre ayant affecté l'installation qu'elle était chargée d'exploiter, puisque, lors de réunions avec la société d'HLM, elle avait procédé à des investigations et constatations à cet égard ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE les pourvois ; Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;