Vu la procédure suivante
:
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 21 février 2014 par laquelle le directeur académique des services de l'éducation nationale des Ardennes a refusé de reconnaître l'imputabilité à un accident de service de la maladie ayant causé l'arrêt de travail du 3 au 12 octobre 2013, d'autre part, la décision du 26 mai 2014 par laquelle le même directeur académique a rejeté le recours gracieux qu'elle avait formé contre la décision du 21 février 2014, enfin, la décision du 10 juin 2014 par laquelle le recteur de l'académie de Reims a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par un jugement n°s 1401499, 1401693 du 8 avril 2015, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15NC01263 du 13 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement.
Par une décision n° 405978 du 28 mars 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.
Par un arrêt n°18NC01037 du 7 février 2019, la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a annulé pour excès de pouvoir les décisions des 21 février et 26 mai 2014, enjoint au ministre de l'éducation nationale de réexaminer, dans un délai de deux mois, sa demande d'imputabilité de sa maladie à un accident de service et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 avril 2019 et le 13 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt en tant qu'il prononce l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du 21 février 2014 et du 26 mai 2014 et lui enjoint de réexaminer, dans un délai de deux mois, la demande d'imputabilité au service présentée par Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Françoise Tomé, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de Mme B... ;
Considérant ce qui suit
:
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., à la suite de sa réussite à l'examen professionnel réservé aux agents non titulaires pour l'accès au corps des professeurs de lycée professionnel en sciences et technique médico-sociales, a été affectée pour son année de stage probatoire au lycée professionnel Paul Verlaine de Rethel (Ardennes) du 1er septembre 2013 au 31 août 2014. Dans le cadre de ce stage, elle a fait l'objet le 2 octobre 2013 d'une visite d'une inspectrice de l'éducation nationale qui a assisté à l'un de ses enseignements. Estimant que cette visite était à l'origine du syndrome anxio-dépressif ayant conduit à son placement en congé de maladie du 3 au 12 octobre 2013, elle a demandé à l'administration que sa maladie soit regardée comme imputable à un accident de service. Par un arrêt du 7 février 2019, contre lequel le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse se pourvoit en cassation en tant qu'il lui fait grief, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé pour excès de pouvoir la décision du 21 février 2014 par laquelle le directeur académique des services de l'éducation nationale des Ardennes a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et la décision du 26 mai 2014 par laquelle il a rejeté le recours gracieux formé Mme B... contre sa décision du 21 février 2014, a enjoint à l'administration de se prononcer à nouveau sur sa demande d'imputabilité de Mme B... et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de Mme B....
2. Le syndicat général de l'éducation nationale SGEN-CFDT Champagne-Ardenne justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêt attaqué. Ainsi, son intervention en cassation est recevable.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que durant l'année scolaire 2012-2013, Mme B..., qui était alors professeure contractuelle à mi-temps, a été placée en congé de maladie à plusieurs reprises pour un syndrome dépressif. Par suite, en relevant que Mme B... n'avait jamais connu de pathologie identique à celle ayant débuté le 3 octobre 2013 à la suite de la visite d'une inspectrice de l'éducation nationale, pour juger que Mme B... était fondée à retenir que son arrêt de travail du 3 au 12 octobre 2013 pour un " syndrome anxio-dépressif consécutif à des soucis professionnels " était en lien direct avec l'accident de service qu'aurait constitué cette visite, la cour administrative d'appel de Nancy, a fait reposer son appréciation sur une dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumises.
4. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il lui fait grief.
5. Aux termes du second alinéa de l'article
L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.
6. Le syndicat général de l'éducation nationale SGEN-CFDT Champagne-Ardenne justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi, son intervention en appel est recevable.
7. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l'Etat et de ses établissements publics, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sauf dans le cas où il se trouve placé dans l'une des positions de congé que prévoient les articles 18, 19, 19 bis, 20, 21, 21 bis et 23 du présent décret, le fonctionnaire stagiaire a droit au congé de maladie, au congé de longue maladie et au congé de longue durée mentionnés à l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, dans les conditions qui sont fixées par la législation et la réglementation applicables aux fonctionnaires titulaires en activité (...) ". Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
8. Constitue un accident de service, pour l'application de ces dispositions à la date des faits de l'espèce, tout évènement, quelle qu'en soit la nature, survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il en est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci, sauf si des circonstances particulières ou une faute personnelle du fonctionnaire titulaire ou stagiaire détachent cet événement du service.
9. Il ressort des pièces du dossier que si plusieurs psychiatres ou psychologues consultés par Mme B... en 2014 ont indiqué dans des attestations produites au dossier que faute d'avoir pu identifier d'état antérieur pathologique, ils attribuaient la dégradation de son état de santé en octobre 2013 à la visite de l'inspectrice de l'éducation nationale dont elle avait fait l'objet le 2 octobre 2013, il résulte des extraits du dossier médical de Mme B... tenu par son médecin traitant et produit par l'intéressée, que selon des indications portées les 22 novembre 2012, 28 décembre 2013 et 12 mars 2013, elle souffrait en 2012 et 2013 d'un syndrome dépressif, qui l'a conduite à devoir être placée en congé de maladie durant l'année scolaire 2012-2013, notamment le lendemain de la visite d'une inspectrice de l'éducation nationale. De même, l'expertise réalisée par le psychiatre requis par l'administration le 3 février 2014 a relevé l'existence de troubles antérieurs à l'arrêt de travail d'octobre 2013 et a conclu que l'arrêt de travail en litige n'est pas la conséquence de la nouvelle visite d'une inspectrice comme, d'ailleurs, la commission de réforme qui a émis les 21 février et 23 mai 2014 des avis défavorables à ce que l'imputabilité sollicitée par Mme B... soit reconnue. Dès lors, en refusant de reconnaître l'imputabilité de l'état de santé de Mme B... à un accident de service survenu le 2 octobre 2013, au motif que cet état, dès lors qu'il s'inscrivait dans la continuité d'épisodes dépressifs récents ayant donné lieu à congés de maladie, ne pouvait être regardé comme résultant de l'événement mis en exergue par Mme B..., l'administration n'a pas fait une application inexacte des règles exposées au point précédent.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 février 2014 par laquelle le directeur académique des services de l'éducation nationale des Ardennes a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie à un accident de service et la décision du 26 mai 2014 par laquelle il a rejeté le recours gracieux et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de se prononcer à nouveau sur sa demande.
11. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention du syndicat général de l'éducation nationale SGEN-CFDT Champagne-Ardenne est admise.
Article 2 : Les articles 1 à 4 de l'arrêt n° 18NC01037 du 7 février 2019 de la cour administrative d'appel de Nancy sont annulés.
Article 3 : Les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation du jugement du 8 avril 2015 du Châlons-en-Champagne rejetant ses conclusions à fins d'annulation pour excès de pouvoir des décisions du 21 février 2014 et du 26 mai 2014 du directeur académique des services de l'éducation nationale des Ardennes et ses conclusions à fins d'injonction ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à Mme A... B....