Cour d'appel de Colmar, Chambre 1, 7 septembre 2022, 21/02593

Synthèse

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Texte intégral

MINUTE N° 416/22 Copie exécutoire à - Me Christine BOUDET -Me Dominique HARNIST Le 07.09.2022 Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMAR PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET

DU 07 Septembre 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02593 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HS7R Décision déférée à la Cour : 06 Mai 2021 par le Juge des référés civils du Tribunal judiciaire de STRASBOURG APPELANTE - INTIMEE INCIDEMMENT : S.A.S. PEOPLE AND BABY prise en la personne de son représentant légal [Adresse 3] [Localité 5] Représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la Cour INTIMEE - APPELANTE INCIDEMMENT : S.C.I. LA ROUSSETTE prise en la personne de son représentant légal [Adresse 2] [Localité 4] Représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour Avocat plaidant : Me ELKAIM-BAUNER, avocat au barreau de STRASBOURG COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 28 Février 2022, en audience publique, un rapport ayant été présenté, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre M. ROUBLOT, Conseiller Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE ARRET : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE : Vu l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg du 6 mai 2021, régulièrement frappé d'appel, le 29 mai 2021, par voie électronique, par la société People & Baby, Vu la constitution d'intimée de la SCI la Roussette du 25 juin 2021, Vu l'ordonnance du 12 octobre 2021 fixant l'affaire à l'audience de plaidoirie du 28 février 2022, Vu l'avis de fixation de l'affaire à bref délai adressé par le greffe le 12 octobre 2021, Vu les conclusions de la société People and Baby du 4 novembre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a pas fait l'objet de contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, Vu les conclusions de la société la Roussette du 27 janvier 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n'a pas fait l'objet de contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le 28 janvier 2022 et le bordereau récapitulatif et complémentaire de communication de pièces du 17 février 2022, qui n'a pas fait l'objet de contestation, transmis par voie électronique le 18 février 2022, Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

: Il résulte des pièces et des conclusions des parties que selon contrat du 4 juin 2007, la SCI La Roussette a donné à bail à la société Crèche Privée Innovante un local commercial, situé à [Localité 4]. Selon l'avenant signé entre ces parties, il était précisé que le gérant de la société Crèche Privée Innovante avait cédé ses parts sociales le 20 février 2014 à la société People and Baby, représentée par M. [D]. L'avenant indiquait notamment qu'il modifiait les parties au bail commercial comme suit : la SCI La Roussette, représentée par M. et Mme [H], et la SARL Crèche Privée Innovante représentée par son gérant M. [R] [D]. Dans leurs conclusions respectives, la SCI La Roussette indique que la société People and Baby est par suite venue aux droits de la société Crèche Privée Innovante, tandis que la société People and Baby indique que l'avenant a formalisé la succession de la société People and Baby en lieu et place de la société Crèche Privée Innovante. Les deux parties soutiennent ainsi que la société People and Baby est venue aux droits du preneur initial au titre du bail commercial précité. Le 23 décembre 2020, la SCI La Roussette a délivré à la société People and Baby un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 4 987,02 euros. 1. Sur la demande en paiement d'une provision : Le juge des référés a condamné la société People and Baby à payer à la SCI La Roussette la somme de 2 238,20 euros à titre de provision au titre de l'arriéré locatif. La société People and Baby invoque l'existence d'une contestation sérieuse au titre des loyers et charges relatifs à la période de fermeture administrative pendant les périodes de confinement, en invoquant les arrêtés des 14 et 15 mars 2020 et : - l'inexécution du contrat : Elle invoque ainsi l'impossibilité absolue d'exploiter les locaux donnés à bail pendant cette période, et soutient que la contrepartie du paiement des loyers commerciaux est la mise à disposition du bien et la jouissance paisible de ce dernier, que le bailleur doit garantir, et qu'à défaut, les échéances locatives n'ont aucune contrepartie et ne peuvent être exigibles. Elle ajoute que la force majeure a atteint l'obligation de délivrance du bailleur. Elle soutient pouvoir opposer une exception d'inexécution, si le bailleur est dans l'impossibilité d'exécuter son obligation de mise à disposition du local, même si cette obligation est impossible du fait de la force majeure. - la force majeure qui permet au co-contractant de s'exonérer de ses obligations contractuelles et de rendre sérieusement contestable l'exigibilité des loyers courant pendant cette période ; - l'application de l'article 1722 du code civil, soutenant que l'interdiction d'ouverture s'apparente à la perte partielle de la chose louée. Elle ajoute que, dans deux affaires, le juge des référés a rappelé que les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce dont il résulte que les parties sont tenues, en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si celles-ci ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d'exécution de leurs obligations respectives. Cependant, il résulte du décompte produit en pièce 12 par le bailleur qu'il demandait, en première instance, paiement d'une provision à valoir sur les loyers et provision sur charges dus entre août 2020 et janvier 2021, à savoir une somme de 3 493,31 euros. Le premier juge a déduit de cette somme le paiement effectué par le preneur d'un montant de 1 255,11 euros au titre du loyer du mois de janvier, de sorte qu'il l'a condamné à payer une provision de 2 238,20 euros, condamnation dont le bailleur demande la confirmation. Ainsi, comme le soutient le bailleur, la somme dont le paiement est demandé n'était pas née pendant la période du premier confinement faisant suite aux arrêtés du mois de mars 2020. En outre, il résulte également de ce décompte que le preneur a payé ses loyers entre février et juillet 2020, et même une somme supérieure à celle alors due. Le preneur ne justifie pas avoir subi des difficultés financières pendant ou à la suite de cette période de confinement qui l'aurait empêché de payer les loyers dont le paiement est demandé à titre de provision. Ainsi, le preneur n'invoque aucune contestation sérieuse quant à son obligation de payer le loyer au regard du principe de l'exécution de bonne foi des contrats pendant la période de fermeture administrative. Dès lors que les loyers dont le paiement est demandé ne sont pas nés pendant la période de fermeture administrative faisant suite aux arrêtés de mars 2020 et que le preneur ne justifie pas avoir subi des difficultés financières liées à la période de confinement, il sera répondu de manière surabondante aux autres griefs pris d'une contestation sérieuse. La mesure d'interdiction de recevoir du public édictée pendant la période de confinement par les arrêtés des 14 et 15 mars 2020 invoqués par le preneur, à la supposer applicable à l'activité de la société People and Baby dans les locaux loués, ne peut avoir pour effet de considérer que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance ou que le local a fait l'objet d'une perte au sens de l'article 1722 du code civil, le preneur pouvant toujours accéder auxdits locaux. En outre, s'agissant de la force majeure invoquée par le preneur, il résulte de l'article 1218 du code civil que le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure. Le preneur, débiteur des loyers, n'est ainsi pas fondé à invoquer à son profit la force majeure. Ainsi, l'obligation de la société People and Baby de payer les loyers et provisions sur charges, dus fin janvier 2021, à hauteur de 2 238,20 euros, après versement de la somme de 1 255,11 euros, n'est pas sérieusement contestable. L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle l'a condamnée à payer une provision à ce titre, outre intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2021. 2. Sur la demande de délais de paiement : La société People and Baby soutient avoir été confrontée à d'importants problèmes de trésorerie du fait de l'impossibilité d'exploiter la crèche prise à bail et ce à deux reprises, qu'elle est de bonne foi, ayant notamment payé l'intégralité des loyers non contestés en juillet 2020, mais avoir connu des difficultés en début d'année 2021 en raison une nouvelle fois de la fermeture administrative de ses établissements pendant près de trois semaines, et avoir régularisé la situation dans les meilleurs délais. Cependant, outre que la société People and Baby a déjà, de fait, bénéficié de délais de paiement, elle ne démontre pas s'être trouvée confrontée à des difficultés financières. Elle ne produit pas d'éléments sur sa situation financière. Sa demande de délais de paiement sera rejetée. 3. Sur les effets de la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 23 décembre 2020 : A titre liminaire, il sera observé que si la SCI La Roussette invoque un commandement de payer délivré le 20 janvier 2020 et l'absence de paiement de l'intégralité de la somme due dans le délai d'un mois, en indiquant que la clause résolutoire était définitivement acquise le 21 février 2020, elle ne demande pas, dans le cadre de la présente instance, de constater l'acquisition d'une telle clause résolutoire à cette date. Au contraire, dans le dispositif de ses conclusions, elle demande de constater l'acquisition de la clause résolutoire par suite de la non-régularisation des causes du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 23 décembre 2020 et de constater la résiliation de plein droit du bail à effet au 25 janvier 2021. Saisi d'une demande en constat de l'acquisition de la clause résolutoire et de la résiliation de plein droit du bail commercial au 25 janvier 2021 ainsi qu'en expulsion et fixation d'une indemnité d'occupation, le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé, après avoir principalement retenu qu'il résulte de l'article 690 alinéa 1er du code de procédure civile, la notification à une personne morale en qualité de preneur d'un tel commandement doit, à peine de nullité de l'acte, être faite au lieu de son établissement, qui s'entend de l'adresse de son siège social, qu'en l'espèce, le commandement a été délivré à l'établissement secondaire et non pas au siège social du preneur dont le bailleur avait connaissance et que cette erreur est de nature à causer un grief au preneur compte tenu du délai d'un mois qui lui est laissé par les dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce pour régulariser l'intégralité des causes du commandement, ce qui caractérise une contestation sérieuse au titre du constat d'acquisition de la clause résolutoire et des demandes subséquentes. La SCI La Roussette critique cette décision en soutenant, d'une part, que l'exception de nullité n'est manifestement pas fondée et ne peut constituer une contestation sérieuse, faisant valoir qu'aucun texte ne prévoit la nullité d'un acte d'huissier délivré au lieu d'établissement de la personne morale, que l'article 690 du code de procédure civile prévoit que la notification d'un acte est faite au lieu d'établissement de la personne morale, sans prévoir qu'elle ait lieu au siège social et que le commandement a été signifié à l'établissement de preneur sis à [Localité 4] où est né le litige, et d'autre part, qu'il n'existe aucun grief, dès lors que le preneur a eu connaissance du commandement et a compris qu'elle devait en régulariser les causes. La société People and Baby conclut à la confirmation, invoquant les articles 648 et 690 du code de procédure civile, soutenant que le lieu d'établissement d'une société est en principe celui de son siège social tel que mentionné au registre du commerce et des sociétés, et que le lieu d'établissement est défini par la Cour de cassation comme le lieu dans lequel existent et fonctionnent effectivement et de manière stable ses organes de direction et d'administration et que le non-respect de ce formalisme est sanctionné par la nullité de l'acte. Elle soutient que, dans le contrat de bail commercial, elle avait fait élection de domicile dans les lieux loués à [Localité 4], mais que le bailleur était tenu de lui délivrer le commandement à son siège social. Elle ajoute que le bailleur n'ignorait pas qu'elle avait son siège social, à compter du 20 février 2014 à [Localité 5], que le commandement ne fait pas mention de ce siège social conformément à l'article 648 du code de procédure civile, que la crèche ne constitue qu'un site d'exploitation de la société People and Baby qui ne dispose d'aucun pouvoir de représentation, ni d'administration, et que la délivrance du commandement dans ces conditions lui cause grief peu important qu'elle en ait eu connaissance de manière fortuite. Sur ce, la cour rappelle qu'en application de l'article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement. A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir. Les prescriptions de l'article 690, 1er alinéa, du code de procédure civile sont sanctionnées par une nullité de forme, supposant la preuve d'un grief tenant au lieu de la signification (2e Civ., 2 février 2012, pourvoi n° 11-10.077) Ainsi, la signification d'un acte à une société doit se faire en principe ' selon les termes de l'article 690 du CPC ' 'au lieu de son établissement', notion plus large que celle de siège social (Cass. soc., 25 avr. 1990, n°87-40.635, Bull. civ. V, n° 193 ; Cass. 2e civ., 22 janv. 1997, n° 95-11.877, Bull. civ. II, n° 18). En cas de pluralité d'établissements, la notification doit être faite au lieu de l'établissement où le litige a pris naissance, ou au siège social : elle est nulle si elle est adressée à un établissement qui ne correspond à aucun de ces lieux (Cass. soc., 5 févr. 1997, n° 94-40.653; Bull. civ. V, n° 54). En l'espèce, la cour constate que le commandement du 23 décembre 2020 a été délivré à la SAS People and Baby, indiquant que celui-ci est 'pris en son établissement secondaire, sis [Adresse 1] à [Localité 4]' Ce lieu est le lieu d'un établissement de cette société inscrit au registre du commerce et des sociétés, ainsi que le lieu du local loué au titre du bail commercial concerné par ledit commandement. Cependant, selon ce même registre, l'établissement secondaire de cette société, qui a son siège social à Paris, se situe à Strasbourg, et non pas à l'adresse précitée à [Localité 4]. Audit registre, le site sis '[Adresse 1] à [Localité 4]' figure parmi la liste des 'autres établissements dans le ressort', avec la précision qu'il s'agit d'une 'micro-crèche' en exploitation directe, étant relevé que la société People and Baby soutient que la crèche ne constitue qu'un site d'exploitation qui ne dispose d'aucun pouvoir de représentation ni même d'un pouvoir d'administration. Ainsi, il s'agit d'apprécier si ce site constitue, ou non, 'son établissement' au sens de l'article 690 du code de procédure civile. Dans la négative, il s'agit d'apprécier si la société People and Baby a, ou non, subi un grief tenant à la délivrance de l'acte à un tel site, notamment eu égard aux effets dudit commandement et au délai imparti, et ce alors qu'elle admet n'avoir eu qu'une connaissance fortuite dudit commandement, et que le bailleur soutient qu'elle s'était déjà vue signifier précédemment d'autres commandements. Au surplus, comme le soutient la société People and Baby, le commandement du 23 décembre 2020 n'indique pas l'adresse de son siège social, mention prescrite à peine de nullité par l'article 648 du code de procédure civile. La contestation émise par la société People and Baby sur la validité du commandement de payer du fait de la signification à l'établissement sis à [Localité 4] est dès lors sérieuse et excède la compétence du juge des référés. Il convient dès lors de confirmer l'ordonnance ayant dit n'y avoir lieu à référé. 4. Sur les frais et dépens : La société People and Baby succombant, il convient de confirmer l'ordonnance ayant statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. Y ajoutant, elle sera condamnée à supporter les dépens d'appel et à payer à la SCI La Roussette la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande de ce chef étant rejetée. P A R C E S M O T I F S La Cour, Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Strasbourg du 6 mai 2021, Y ajoutant : Condamne la société People and Baby à supporter les dépens d'appel ; Condamne la société People and Baby à payer à la SCI La Roussette la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette

la demande de la société People and Baby au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La Greffière :la Présidente :