Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 14 MARS 2023
(n° / 2023 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15946 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMIX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2022 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2022002026
APPELANT
Monsieur [E] [J]
Né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6] (RDC)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Romain BOIZET, avocat au barreau de PARIS, toque : B264,
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/022858 du 05/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉES
Madame [H] [T] [P] épouse [R], en qualité d'ancien liquidateur amiable de la SARL CHRIST SERVICES,
Demeurant [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
S.A.R.L. CHRIST SERVICE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 832 418 776,
Dont le siège social est situé [Adresse 4]
[Localité 3]
Représentées et assistées de Me François DUMOULIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque PB : 196 substituant Me Jean-Claude BENHAMOU de l'ASSOCIATION JC. BENHAMOU, I. SAMAMA-SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB 196,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article
905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2023, en audience publique, devant la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article
804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La société à responsabilité limitée Christ Services avait pour activité la distribution de catalogues, prospectus imprimés et nettoyage industriel. Elle avait pour gérante de droit Mme [H] [T] [P] épouse [R].
Par deux résolutions du 31 décembre 2018, l'assemblée des associés a voté la dissolution amiable de la société et clôturé les opérations de liquidation à effet du 31 décembre 2018.
Sa radiation a été publiée au BODACC le 31 juillet 2019.
M. [E] [J] était employé en CDI au sein de la société Christ Services en qualité de chauffeur-distributeur de prospectus lorsqu'il s'est vu délivrer le 21 août 2019 une attestation de Pôle Emploi faisant état de son licenciement par suite de la fermeture définitive de l'établissement l'employant. Par jugement du 29 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a fixé à cette dernière date la rupture de son contrat de travail ainsi que le point de départ de son préavis de deux mois, puis il a condamné la société Christ Services à lui payer diverses indemnités totalisant selon M. [J] une somme de 40 616,21 euros.
Par acte du 30 décembre 2021, M. [J] a saisi le tribunal de commerce de Paris aux fins d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Christ Services, alors représentée par Mme [H] [T] [P] épouse [R] en qualité de " mandataire de justice " suivant une ordonnance du Président du tribunal de commerce du 23 septembre 2020.
Par un jugement du 18 mai 2022, le tribunal de commerce de Paris a jugé irrecevable la demande d'ouverture de liquidation judiciaire.
Par déclaration du 8 septembre 2022, M. [J] relevé appel de ce jugement.
L'affaire a été fixée en circuit court.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022 (n° 2), M. [J] demande à la cour :
- d'infirmer dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris;
- de déclarer M. [J] recevable et bien-fondé en sa demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire à l'encontre de la société Christ Services ;
En conséquence, y faisant droit :
- d'ordonner l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Christ Services ;
- de désigner les organes de la procédure collective ;
- de fixer la date de cessation des paiements ;
- d'ordonner l'accomplissement de toutes les formalités ;
- d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;
- de dire que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens ;
- de rappeler que M. [J] bénéficie de l'aide juridictionnelle totale dans le cadre de la présente instance.
M. [J] expose que l'ordonnance rendue par le Président du tribunal de commerce de Paris le 23 septembre 2020 renvoyait expressément à sa requête dans laquelle il avait souligné que la personnalité morale de cette société devait subsister, même après la clôture de la liquidation amiable, tant que les droits et obligations à caractère social n'étaient pas définitivement liquidés, ce qui justifiait sa demande de désignation d'un mandataire ad hoc dans le cadre du contentieux prud'homal à engager aux fins, précisément, de fixer le montant de ses créances salariales. Il souligne que le mandat ad hoc n'était pas cantonné au contentieux prud'homal mais devait prendre fin au règlement des créances salariales.
M. [J] fait valoir que les opérations de liquidation amiable invoquées par la société Christ Services ne lui sont pas opposables, nonobstant leur publication dans un journal d'annonces légales le 6 juin 2019, car les opérations de liquidation ont été réalisées en fraude de ses droits et n'étaient nullement achevées à la date du 31 décembre 2018, puisque son contrat de travail était alors toujours en cours d'exécution à cette date et qu'il s'est même encore poursuivi jusqu'en août 2019. Il ajoute que, en dépit de sa radiation, la personnalité morale de la société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés. Il en déduit que son action tendant à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Christ Services, engagée aux fins d'assurer le règlement de ses créances est recevable.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 20 novembre 2022, la société Christ Services et Madame [H] [T] [P] épouse [R] concluent à l'irrecevabilité de l'appel de M. [J] faute de désignation préalable d'un représentant de la société Christ Services.
A titre subsidiaire, les intimés demandent à la cour de :
- de confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé irrecevable la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Christ Services ;
- de condamner M. [J] au paiement de 5000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Les intimées soutiennent que l'appel est irrecevable car il a été formé contre une société non valablement représentée n'ayant plus d'existence et contre Mme [T] [P] en qualité de mandataire ad hoc de la société radiée, et non pas à titre personnel, alors que le mandat ad
hoc de Mme [T] [P] se limitait à représenter la société Christ Services devant le conseil de prud'hommes.
Elles soutiennent également que la demande d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire est irrecevable, ayant été formée plus d'un an à compter de la radiation de la société qui a fait l'objet d'une publication dans un journal d'annonces légales le 6 juin 2019 et au BODACC le 31 juillet 2019.
Dans son avis remis au greffe et notifié par voie électronique le 22 novembre 2022, le parquet général demande la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 mai 2022 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Christ Services, estimant notamment que la publication de la procédure, en ce qu'elle a vocation à informer tous les potentiels créanciers de l'existence de cette procédure, est opposable à tous.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 10 janvier 2023.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel
Sur l'étendue du mandat ad hoc de Mme [R], M. [J] justifie, par la production de l'ordonnance du 23 septembre 2020, que Mme [R] s'est vu confier mandat ad hoc de représenter la société Christ Services radiée le 22 juillet 2019 jusqu'au règlement de la créance mentionnée dans la requête, à savoir la créance résultant de la rupture du contrat de travail.
Faute de précision contraire, ce mandat ne se limite pas au contentieux prud'homal qui n'a pour objet que de conférer à M. [J] un titre exécutoire mais s'étend aux actions en recouvrement susceptibles d'être nécessaires pour obtenir paiement de sa créance.
La demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire participe de cette démarche de recouvrement, de sorte que Mme [R] demeure valablement désignée pour assurer la représentation de la société radiée.
Les intimées étant régulièrement attraites en la cause contrairement à ce qu'elles soutiennent, l'appel sera déclaré recevable.
Sur la recevabilité de la demande d'ouverture de liquidation judiciaire
L'article
L. 640-5 du code de commerce dispose que : " Lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.
Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d'un an à compter de :
1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S'il s'agit d'une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation "
En l'espèce, la clôture des opérations de liquidation de la société Christ Services a été publiée dans le journal Le Parisien le 5 juin 2019, à la suite de quoi la radiation de la société est intervenue le 22 juillet 2019 pour clôture des opérations de liquidation et publiée au BODACC le 31 juillet 2019.
La demande d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Christ Services en date du 30 décembre 2021 est donc intervenue après l'expiration du délai annal imparti.
Dans la mesure où a été réalisée la formalité de publication de la clôture des opérations de liquidation, dont l'objet est précisément de rendre opposable aux tiers l'information publiée et de leur permettre d'agir aux fins de recouvrement de leur créance contre la société dissoute, l'écoulement de ce délai est opposable à M. [J], nonobstant les circonstances ayant conduit à la perte de son emploi, étant observé que son contrat de travail était en cours au jour de la dissolution de la société, au jour de la clôture des opérations de liquidation et au jour de la radiation de la société, l'attestation communiquée par Pôle Emploi étant postérieure.
La demande de M. [J] tendant à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de la société Christ Services, en ce qu'elle a été formée hors délai, n'est donc pas recevable.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé.
Sur les dépens et l'article
700 du code de procédure civile
M. [J], partie perdante bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, sera condamné aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi relative à l'aide juridictionnelle.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
,
La Cour statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel de M. [E] [J] recevable ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne M. [E] [J] aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi
n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article
700 du code de procédure civile.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT