Cour d'appel de Colmar, Chambre 2, 4 juillet 2024, 22/01381

Mots clés
Biens - Propriété littéraire et artistique • Propriété et possession immobilières • Demande formée par le propriétaire de démolition d'une construction ou d'enlèvement d'une plantation faite par un tiers sur son terrain

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Colmar
4 juillet 2024
Tribunal judiciaire de Saverne
11 février 2022

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Colmar
  • Numéro de pourvoi :
    22/01381
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Tribunal judiciaire de Saverne, 11 février 2022
  • Identifiant Judilibre :66878cc405d6f7f678d49070
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Résumé

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Texte intégral

MINUTE N° 277/2024 Copie exécutoire aux avocats Le 4 juillet 2024 La greffière RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT

DU 04 JUILLET 2024 Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/01381 - N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ4I Décision déférée à la cour : 11 Février 2022 par le tribunal judiciaire de Saverne APPELANTS : Madame [X] [T] épouse [G] et Monsieur [F] [G] demeurant tous deux [Adresse 8] représentés par Me Christine BOUDET, avocat à la cour. INTIMÉS : Madame [P] [E] épouse [A] et Monsieur [L] [A] demeurant tous deux [Adresse 18] Monsieur [F] [A] demeurant [Adresse 7] (SUISSE) Monsieur [U] [A] demeurant [Adresse 17] Monsieur [H] [A] demeurant [Adresse 5] (SUISSE) Madame [V] [A] épouse [W] demeurant [Adresse 6] (SUISSE) représentés par Me Eulalie LEPINAY, avocat à la cour. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mesdames Myriam DENORT et Murielle ROBERT-NICOUD, conseillères, chargées du rapport. Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre Madame Myriam DENORT, conseillère Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseillère qui en ont délibéré. Greffière lors des débats : Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE En présence de Madame [Y] [B], greffière stagiaire ARRÊT contradictoire - prononcé publiquement, après prorogation du 27 juin 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. * * * * * FAITS ET PROCÉDURE Par jugement du 11 février 2022, le tribunal judiciaire de Saverne a : - condamné solidairement M. [F] [G] et Mme [X] [T], épouse [G] (les époux [G]), à supprimer l'empiètement sur la parcelle appartenant à M. [F] [A], M. [U] [A], Mme [V] [A], épouse [W], M. [H] [A], Mme [P] [E] épouse [A] et M. [L] [A] (les consorts [A]), cadastrée section D n°[Cadastre 1] - [Localité 21], située sur la commune de [Localité 24] et résultant de la construction d'un pont entre la parcelle cadastrée section D n°[Cadastre 14], située sur la commune de [Localité 24], et la parcelle cadastrée section [Cadastre 19], située sur la commune de [Localité 23], - dit que cet empiètement devra être supprimé dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement, - dit que faute pour les époux [G] de procéder à cette suppression dans le délai prescrit, ils seront redevables, passé ce délai, d'une astreinte, dont le montant sera provisoirement fixé à 50 euros par jour de retard, - dit que l'astreinte court pendant un délai maximum de six mois, à charge pour les consorts [A], à défaut d'exécution à l'issue de ce délai, de solliciter du juge de l'exécution la liquidation de l'astreinte provisoire et le prononcé de l'astreinte définitive, - condamné solidairement les époux [G] à payer aux consorts [A] la somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance, - débouté les époux [G] de leurs demandes : - de dommages-intérêts, - tendant à la constatation de l'extinction de la servitude de passage, - de réduction de l'emprise de la servitude, - de remboursement des frais d'entretien de la servitude, - rejeté toute demande plus ample ou contraire, - constaté que le présent jugement est exécutoire de droit, - condamné les époux [G] à payer aux consorts [A] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens. Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu qu'il n'était pas contesté que le pont édifié entre les parcelles dont les époux [G] étaient propriétaires (cadastrées n°[Cadastre 15] sur la commune de [Localité 24] et n°[Cadastre 3] sur la commune de Mollkirch) empiétait sur la parcelle n°[Cadastre 12] appartenant aux consorts [A]. Il a considéré que n'était pas établie l'existence d'un accord des anciens propriétaires, ni qu'il serait le cas échéant opposable aux consorts [A]. Pour prononcer la condamnation au paiement de dommages-intérêts, le tribunal a retenu le comportement fautif des époux [G] dans la mesure où ils étaient à l'initiative des travaux ayant créé l'empiètement litigieux, lequel entraînait nécessairement un préjudice de jouissance pour les demandeurs et où la faible importance de l'empiètement, de son ancienneté et de la nature de la parcelle concernée permettaient de ne retenir qu'un préjudice de jouissance réduit pour les demandeurs qui ne produisaient aucun élément au soutien de leur demande. Pour rejeter la demande reconventionnelle en dommages-intérêts fondée sur le fait que les consorts [A] avaient attendu quinze années avant de demander la suppression de l'empiètement, le tribunal a retenu que les travaux de construction du pont avaient commencé avant l'acquisition des parcelles par les consorts [A], qu'il ne pouvait leur être reproché d'avoir tardé à agir alors que la construction était déjà achevée et qu'aucune faute n'était démontrée. Pour rejeter la demande des époux [G] relative à la prise en charge de la moitié des frais de clôture, le tribunal a retenu que le grillage n'était pas mitoyen et que la nécessité de modifier la clôture existante était uniquement imputable à la faute des époux [G] à l'origine de l'empiètement. Pour rejeter la demande des époux [G] relative à la suppression de la servitude de passage, le tribunal a, d'abord, constaté qu'il était constant que la parcelle n°[Cadastre 9] (appartenant aux époux [A]) disposait d'une servitude de passage sur la parcelle n°[Cadastre 13] (appartenant aux époux [G]), inscrite au Livre Foncier et constituée par un acte notarié du 29 septembre 1993. Il a ajouté que la parcelle n°[Cadastre 11] se trouvait de fait en situation d'enclave. Il a, enfin, relevé qu'il n'était pas démontré que les consorts [A] ne respectaient pas l'emprise de la servitude déterminée par le plan annexé à l'acte de vente du 29 septembre 1993 et qu'aucun élément ne justifiait de réduire l'emprise. Pour rejeter la demande de prise en charge des frais d'entretien du passage, il a constaté que l'acte du 29 septembre 1993 ne les mettait pas à la charge du fonds dominant, outre que ce passage constituait l'accès principal à la maison d'habitation des époux [G], alors que les consorts [A] n'en avaient l'usage que ponctuellement pour accéder à une écurie, et, enfin, que les factures produites ne permettaient pas de démontrer que les travaux réalisés étaient nécessaires au maintien de la servitude de passage. Le 5 avril 2022, Mme [X] [T], épouse [G], et M. [F] [G] ont interjeté appel de cette décision par voie électronique (en toutes ses dispositions). L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2023.

MOYENS

ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Par leurs dernières conclusions transmise par voie électronique le 19 avril 2023, les époux [G] demandent à la cour de : - déclarer leur appel recevable et bien fondé, - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il : - les a condamnés solidairement à payer à l'indivision [A] la somme de 500 euros au titre du préjudice de jouissance, - les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts, - les a déboutés de leur demande tendant à la constatation de l'extinction de la servitude de passage, - les a déboutés de leur demande de réduction de l'emprise de la servitude, - les a déboutés de leur demande de remboursement des frais d'entretien de la servitude, - les a condamnés à payer à l'indivision [A] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens. Statuant à nouveau : - débouter les consorts [A] de leur demande de dommages-intérêts au titre de leur préjudice de jouissance, - condamner les consorts [A] au paiement d'une somme de 12 096 euros à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait de la diminution de la largeur du pont, assortie des intérêts au taux de l'intérêt légal à compter de la décision à intervenir, - prononcer l'extinction de la servitude de passage instituée au profit de la parcelle [Cadastre 11], fonds dominant, sur la parcelle [Cadastre 14], fonds servant. - ordonner les mesures de publicité légale afférant à l'extinction de cette servitude. A titre subsidiaire, - fixer l'emprise de la servitude à une largeur de maximum 3 mètres, - ordonner les mesures de publicité légale afférant à la largeur de cette servitude, - condamner les consorts [A] au paiement d'une somme de 9 125 euros en indemnisation des frais d'entretien de la servitude, - condamner les consorts [A] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Ils précisent avoir exécuté la condamnation principale et avoir supprimé l'empiètement sur la parcelle n° [Cadastre 11] appartenant à l'indivision [A], en réduisant la largeur de leur pont entre la parcelle n° [Cadastre 14] et la parcelle n° [Cadastre 3]. Ils contestent que ces travaux aient entraîné un quelconque dommage aux consorts [A]. Sur la condamnation à des dommages-intérêts pour préjudice de jouissance, ils reprochent au tribunal de constater que les consorts [A] ne produisent aucun élément justifiant de l'existence d'un préjudice, tout en les condamnant au titre de ce préjudice inexistant. Ils contestent tout préjudice, faisant valoir que la surface concernée par l'empiètement sur la parcelle [A] était de l'ordre de 15 m², que leur jouissance a duré pendant 15 ans sans que cela pose problème, que la parcelle de M. [A] a toujours été close et qu'il jouit d'une servitude de passage depuis 15 ans sans participer à sa création ou à son entretien. Ils ajoutent avoir construit le pont avec l'accord du précédent propriétaire de l'indivision [A]. Au soutien de leur demande de dommages-intérêts, ils soutiennent avoir engagé d'importants frais pour la construction du pont, qu'ils n'auraient pas positionné de la même manière s'ils n'avaient pas obtenu l'accord préalable de leurs voisins, et précisent que M. [A] était informé de cette situation et n'a jamais donné suite à leur proposition de 2005 de lui racheter les 15 m². Ils considèrent que cette attitude est fautive et leur a causé le préjudice constitué du coût de démolition partielle du pont et de sa reconstruction. Ils ajoutent avoir dû poser un nouveau grillage pour séparer les deux fonds, M. [A] ayant détérioré le grillage existant. Ils demandent réparation du coût des travaux et une indemnisation au titre du préjudice moral. S'agissant de la servitude grevant leur parcelle, ils soutiennent que les deux parcelles n° [Cadastre 20] et n° [Cadastre 11] appartenant à l'indivision [A] étaient, au moment de la constitution de la servitude, en situation d'enclave, de sorte qu'il convient d'appliquer l'article 685-1 du code civil, c'est-à-dire de rechercher si, à ce jour, la parcelle n° [Cadastre 11] bénéficiant de la servitude est toujours enclavée. Ils soutiennent que cette parcelle n'est plus enclavée, pouvant bénéficier d'une sortie à partir de la parcelle n° [Cadastre 20], ce que reconnaissent les consorts [A], étant précisé que la sortie de la maison des consorts [A], qui est implantée sur cette dernière parcelle, s'effectue par la route départementale D704. Ils ajoutent que le fait que la [Localité 22] sépare les deux fonds ne créé par d'enclave, dès lors qu'ils appartiennent aux consorts [A], et que ces fonds constituent un même ensemble immobilier et qu'en application de L.215-2 du code de l'environnement, le lit de la rivière qui traverse ces parcelles appartient aux consorts [A] outre qu'elles sont reliées par un pont. Ils ajoutent, en invoquant l'article 682 du code civil, qu'à tout le moins, l'emprise de la servitude doit être réduite à une largeur habituellement admise de trois mètres, et même à deux mètres puisque les consorts [A] indiquent ne l'utiliser que très occasionnellement en voiture. S'agissant des frais d'entretien de la servitude, ils soutiennent avoir toujours seuls pris en charge cet entretien, que le contrat ne prévoit rien à ce titre, de sorte qu'il convient d'appliquer les articles 697 et 698 du code civil, peu important qu'ils l'empruntent plus fréquemment que les consorts [A]. Par leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 mars 2023, les consorts [A] demandent à la cour de : - déclarer les appelants mal fondés en leur appel, - les en débouter, En conséquence, - confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - condamner les époux [G] au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens. Ils sollicitent la suppression de l'empiètement en soutenant qu'il subsiste à ce jour et contestent l'existence de l'accord de 2002 invoqué par les époux [G]. Ils ajoutent que les travaux réalisés par les consorts [G] ont généré, à leur préjudice, un affaissement de leur terrain et se réservent la possibilité de solliciter une indemnisation. S'agissant de leur préjudice de jouissance, ils soutiennent que, du fait de l'empiètement et du refus abusif des époux [G] de le faire cesser, ils ne sont toujours pas à même de jouir de l'intégralité de leur parcelle. S'agissant de la servitude grevant la parcelle n° [Cadastre 14], ils soutiennent qu'elle a été établie par destination du père de famille, les parcelles n° [Cadastre 9] et n° [Cadastre 13] formant initialement la parcelle n° [Cadastre 4], qui a été divisée par le précédent propriétaire ; qu'elle est inscrite au Livre Foncier ; et qu'aucun acte de cession ou de division parcellaire n'existe. Ils ajoutent que la parcelle n° [Cadastre 11] est toujours enclavée. S'agissant de la demande des époux [G] au titre des frais d'entretien de la servitude, ils soutiennent que 'non seulement les factures excipées concernent les frais d'aménagement pour l'accès des consorts [G] à leur parcelle, mais encore il est difficile de savoir à quoi correspondent les 5 000 euros sollicités'. Ils ajoutent que l'acte du 29 septembre 1993 ne met pas les frais d'entretien du passage à la charge du fonds dominant et que ce passage constitue l'unique accès à la propriété des époux [G]. Ils contestent avoir commis une faute, ainsi que toute détérioration du grillage, lequel se trouve d'ailleurs sur leur propriété. Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates sus

MOTIFS

1 l'empiètement et les demandes réciproques de dommages-intérêts : Devant le tribunal, les parties admettaient que le pont, édifié en 2002, sur la Magel, par les époux [G], entre les parcelles dont ils sont propriétaires pour les avoir acquises de M. [R] selon acte du 6 mars 2002 (cadastrées n° [Cadastre 15] sur la commune de [Localité 24] et n° [Cadastre 3] sur la commune de Mollkirch) empiète sur la parcelle n° [Cadastre 12], qui appartenait alors à M. [D], celui-ci l'ayant vendue selon acte du 7 juillet 2004 aux consorts [A]. Selon les attestations et le courrier de M. [R], ce dernier avait proposé à M. et Mme [D] l'élargissement du droit de passage dont bénéficiait leur parcelle sur la parcelle n° [Cadastre 13], en échange d'une surface équivalente en bordure de la [Localité 22]. La preuve de l'existence d'un accord non équivoque de M. et Mme [D] quant à l'empiètement litigieux n'est cependant pas suffisamment rapportée, ce d'autant que M. [D] conteste, dans sa propre attestation, tout accord de sa part. En outre, les éléments produits par les époux [G] sont insuffisants à démontrer la suppression de l'empiètement. En particulier, la largeur actuelle du pont ne peut être déduite de manière certaine de la photographie produite en pièce 28. Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a condamné solidairement les époux [G] à supprimer l'empiètement et ce, selon les modalités qu'il fixe. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a statué sur le montant du préjudice de jouissance causé aux consorts [A] par la faute des époux [G], celui-ci ayant été justement évalué par le premier juge compte tenu de l'existence de l'empiètement, lequel est cependant faible, de son ancienneté et de la nature de la parcelle concernée. Enfin, en l'absence tant de preuve d'un accord de M. [D] sur l'implantation litigieuse du pont, que de preuve de l'imputabilité de la dégradation du grillage, la demande reconventionnelle en dommages-intérêts sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef. 2. Sur la demande de suppression de la servitude de passage : Selon l'article 685-1 du code civil, en cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682. A défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice. Selon l'article 682 dudit code, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner. Ces dispositions sont applicables lorsqu'une servitude de passage a été établie par un acte de vente en raison de l'état d'enclave du fonds vendu. En l'espèce, est inscrite au Livre Foncier de [Localité 26] une servitude de passage à la charge de la parcelle cadastrée [Cadastre 25] N°[Cadastre 2] à [Localité 24] au profit de la parcelle cadastrée S D n° [Cadastre 10], et ce en vertu d'un acte du 29 septembre 1993. Cet acte est produit à hauteur d'appel (pièce 16 de Me Boudet). Il résulte des conclusions des parties que la parcelle n° [Cadastre 11] se situait, lors de la constitution de la servitude, en situation d'enclave, les époux [G] le soutenant et les consorts [A] prétendant que cela est toujours le cas. Les époux [G] ne démontrent cependant pas que la parcelle n° [Cadastre 12] dispose d'une issue via la parcelle n° [Cadastre 20] et dès lors n'est plus enclavée, les photographies produites étant insuffisantes à cet égard, de même que la seule existence, sans éléments précis quant à leurs caractéristiques, d'un pont sur la [Localité 22] qui sépare ces deux parcelles et d'un chemin reliant ce pont à l'écurie située sur la parcelle n° [Cadastre 16]. Le fait que le lit de cette rivière appartienne à cet endroit précis aux mêmes propriétaires que lesdites parcelles est également inopérant pour en déduire une absence d'enclave. Enfin, l'existence d'un incident survenu entre les parties à l'occasion de l'utilisation du chemin faisant l'objet de la servitude ne constitue pas un motif permettant de supprimer ladite servitude. La demande sera donc rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef. 3. Sur la demande de réduction de l'emprise de la servitude : Aux termes de l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner. L'acte de constitution de la servitude du 29 septembre 1993 prévoit qu'il s'agit d'une 'servitude de passage à pied, en voiture et tout véhicule de jour comme de nuit, à l'exclusion de tous droits de stationnement', et que ' cette servitude sera exercée sur la bande de terrain entourée de couleur bleue sur le plan ci-joint'. Cependant, ledit plan n'est pas produit aux débats. Comme l'a retenu le premier juge, la demande tendant à réduire la servitude à une largeur de trois mètres n'est dès lors pas fondée. Enfin, le fait que les consorts [A] n'utilisent qu'occasionnellement cette servitude de passage en voiture est insuffisant pour justifier une réduction de l'assiette de la servitude. La demande tendant à la réduction de l'emprise de la servitude sera donc rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef. 4. Sur la demande relative aux frais d'entretien de la servitude de passage : Aux termes de l'article 697 du code civil, celui auquel est due une servitude a droit de faire tous les ouvrages nécessaires pour en user et pour la conserver. Selon l'article 698 dudit code, ces ouvrages sont à ses frais, et non à ceux du propriétaire du fonds assujetti, à moins que le titre d'établissement de la servitude ne dise le contraire. En l'espèce, le titre d'établissement de la servitude ne prévoit aucune disposition quant aux frais d'entretien. Il convient, dès lors, et contrairement à ce que soutiennent les consorts [A], d'appliquer les dispositions précitées, dont il résulte que les coûts afférents aux ouvrages et aménagements nécessités par l'exercice de la servitude, ainsi que leur entretien, incombent par principe au seul propriétaire du fonds dominant, à savoir en l'espèce aux consorts [A]. En revanche, lorsque le propriétaire du fonds servant utilise lui-même le passage, c'est à dire en cas de communauté d'usage de l'assiette de la servitude, il lui revient de participer aux frais d'aménagement et d'entretien qu'implique cette communauté. En l'espèce, les époux [G] demandent, d'une part, paiement de frais d'entretien du chemin d'accès à leur parcelle, lequel n'est pas lui-même l'objet de la servitude, et que les consorts [A] indiquent, de surcroît, être un chemin communal sans être contredits. Les dispositions précitées, invoquées par les époux [G] au soutien de leur demande, ne sont pas applicables à des frais d'entretien d'une parcelle non grevée d'une servitude. Cette demande n'est donc pas fondée. Les époux [G] demandent, d'autre part, paiement de frais d'entretien du chemin faisant l'objet de la servitude, en produisant à ce titre un décompte décrivant les travaux réalisés pour cet entretien et chiffrant le coût de manière détaillée - et non pas comme le soutiennent les consorts [A], à une 'somme globale' de 5 000 euros-, et ce en appliquant ce qu'ils indiquent être la moyenne du coût horaire d'un jardinier, outre le coût de la remise en état du chemin, ainsi que deux factures des 9 janvier 2017 et 18 juillet 2011 de la société Schleiss. Les consorts [A] ne contestent pas le principe même de l'existence de travaux d'entretien du chemin faisant l'objet de la servitude, effectués par les époux [G]. Ils en contestent en revanche le montant, comme le soulignent d'ailleurs les époux [G] dans leurs conclusions. Les frais d'entretien pouvant être qualifiés d'habituels (frais de tonte, déneigement, sel, taille des arbres, évacuation des déchets, traitement pour désherbage, évalués à 6 heures par an dans le décompte), comprenant le coût des produits nécessaires et du sac de sel annuel, seront évalués à la somme de 90 euros par an, soit 1 440 euros sur 16 ans, étant constaté qu'il n'est pas justifié d'appliquer le coût horaire d'un jardinier en l'absence de facture. S'agissant des frais de remise en état du chemin, les deux factures précitées sont émises au nom de M. [G] et portent sur la fourniture et la mise en oeuvre de gravier concassé (sur 9 m3 pour l'une et 10 m3 pour l'autre), sur le reprofilage du chemin (pour une surface non déterminée, outre le compactage, pour l'une et pour 255 m² pour l'autre à 1 euro du m²), et enfin, s'agissant de cette seconde facture, sur la fourniture et mise en oeuvre de gravier pour 2 m3 au titre d'une 'partie privée'. Il convient de constater que les décomptes, non contestés sur ce point, produits par les époux [G] indiquent les mesures approximatives, d'une part, du chemin d'accès à celui faisant l'objet de la servitude, et qui ne correspond donc pas à l'assiette de la servitude (45 ml sur 4,5 ml environ) et, d'autre part, du chemin qui fait l'objet de la servitude (20 ml sur 4,5 ml). Il peut ainsi en être déduit que ce dernier chemin a une superficie de 90 m². Seuls les frais afférents à l'entretien de l'assiette de la servitude peuvent être pris en compte, à savoir la fourniture et la mise en oeuvre d'un gravier ainsi que le reprofilage/compactage de cette partie du chemin, ces sommes étant majorées de la TVA alors applicables en 2017 (10 %) et en 2021 (5,5 %) selon ces factures, soit un total de : (459 + TVA 10 %) + (90 + TVA 10 %) + (555 + TVA 5,5 %) + (90 + TVA 5,5%) = 1 284,37 euros, et ce, à l'exclusion des frais relatifs à la 'partie privée' et de ceux relatifs au reprofilage/compactage du chemin qui ne fait pas l'objet de l'assiette de la servitude. En outre, il n'est pas contesté que, comme le soutiennent les consorts [A], le chemin, assiette de la servitude de passage, est le seul chemin d'accès à la propriété des époux [G]. Une telle situation ne dispense par les propriétaires du fonds dominant de participer aux frais d'entretien de ce chemin, mais justifie un partage de ces frais à hauteur d'un tiers à la charge des consorts [A]. Les consorts [A] seront dès lors tenus de supporter au titre des frais d'entretien de ce chemin, qui sont justifiés à hauteur des sommes suivantes sur une période de 16 ans : - frais d'entretien classique : 1 440 euros / 3 = 480 euros - frais de remise en état : 1 284,37 euros / 3 = 428,12 euros soit un total : 908,12 euros. Les consorts [A] seront ainsi condamnés à payer cette somme aux époux [G], le jugement étant infirmé de ce chef. 5. Sur les frais et dépens : Les époux [G] succombant pour l'essentiel, il convient de confirmer le jugement ayant statué sur les frais et dépens. Les époux [G] seront condamnés à supporter les dépens d'appel. Leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée et l'équité commande de ne pas prononcer de condamnation à leur encontre à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile, Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Saverne du 11 février 2022, sauf en ce qu'il déboute Mme [X] [T], épouse [G], et M. [F] [G] de leur demande de remboursement des frais d'entretien de la servitude ; L'infirme de ce seul chef ; Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant : Condamne M . [F] [A], M. [U] [A], Mme [V] [A], épouse [W], M. [H] [A], Mme [P] [E], épouse [A], et M. [L] [A] à payer à Mme [X] [T], épouse [G], et M. [F] [G] la somme de 908,12 euros (neuf cent huit euros et douze centimes) au titre des frais d'entretien de la servitude ; Condamne Mme [X] [T] épouse [G] et M. [F] [G] à supporter les dépens d'appel ; Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile. La greffière, La présidente,
Note...

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