Cour d'appel de Poitiers, 27 février 2018, 16/00463

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
  • Numéro de pourvoi :
    16/00463
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de Commerce de POITIERS, 4 décembre 2012
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/6253cda2bd3db21cbdd93f2c
  • Président : Madame Béatrice SALLABERRY
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Poitiers
2018-02-27
Tribunal de Grande Instance de POITIERS
2016-01-11
Tribunal de Commerce de POITIERS
2012-12-04

Texte intégral

ARRET

No160 R.G : 16/00463 CP/KP X... C/ COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE LA VIENNE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE POITIERS 2ème Chambre Civile ARRÊT DU 27 FEVRIER 2018 Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00463 Décision déférée à la Cour : décision du 11 janvier 2016 rendu(e) par le Tribunal de Grande Instance de Poitiers. APPELANT : Monsieur Z... X... 1 plan de la Celle [...] Ayant pour avocat postulant Me Carl GENDREAU, avocat au barreau de POITIERS. Ayant pour avocat plaidant Me Henri DE BEAUREGARD , avocat au barreau de PARIS. INTIME : Monsieur le COMPTABLE DU POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DE LA VIENNE. [...] Ayant pour avocat plaidant Me Patrick ARZEL de l'ASSOCIATION ARZEL GRANDON, avocat au barreau de POITIERS. COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre Monsieur Claude PASCOT, Conseiller Monsieur Laurent WAGUETTE, Conseiller qui en ont délibéré GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU, ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par Madame Béatrice SALLABERRY, Présidente de chambre et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSÉ DU LITIGE L'EURL PURE FEMME HOMME avait pour objet la vente d'articles de prêt à porter homme, femme et enfant. Son siège social était situé [...] . Sa gérance était assurée par M. X.... Par jugement du 4 décembre 2012, le Tribunal de Commerce de POITIERS a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée. Des créances fiscales ont été déclarées à titre définitif et privilégié le 17 janvier 2013 entre les mains du liquidateur à hauteur de 47.426,19 €. La procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 22 juillet 2014. Par assignation à jour fixe en date du 27 avril 2015, le comptable des impôts du pôle recouvrement de la Vienne a fait citer M. X... devant le Tribunal de Grande Instance de POITIERS aux fins notamment qu'il soit, en application de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, déclaré avec l'EURL PURE FEMME HOMME, solidairement responsable du paiement de la somme de 47.426,19 €. Par décision en date du 11 janvier 2016, le Tribunal de Grande Instance de POITIERS a statué ainsi : - Reçoit le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Vienne en son action ; - Déclare M. Z... X... solidairement responsable avec PURE FEMME HOMME du paiement de la somme de 47.426,19 € ; - Condamne M. X... à payer au comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Vienne la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ; - Le condamne aux dépens. Par acte enregistré le 5 février 2016, M. X... a interjeté appel de cette décision contre l'organisme comptable des Impôts POLE Recouvrement et demande à la Cour, par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 décembre 2017 de : Vu l'article L 267 du livre des procédures fiscales, - RECEVOIR Monsieur X... en ses conclusions, fins et demandes, A titre principal, - INFIRMER la décision rendue par le tribunal de grande instance de POITIERS, en date du 11 janvier 2016, - CONSTATER la prescription de l'action de l'administration fiscale, A titre subsidiaire, - DEBOUTER l'administration de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, A titre infiniment subsidiaire, - LIMITER le recouvrement à hauteur des capacités contributives de Monsieur X..., - CONDAMNER l'administration à verser la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - CONDAMNER l'administration en tous dépens. L'organisme comptable des Impôts POLE Recouvrement demande à la Cour, par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 février 2017 de : - Confirmer le jugement rendu par le Président du Tribunal de Grande Instance de Poitiers le 11 janvier 2016 ; - Mettre les entiers dépens à la charge de l'appelant ; - Condamner l'appelant à payer au comptable du POLE de recouvrement spécialisé de la Vienne la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile. Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs faits, moyens et prétentions. La clôture est intervenue le 20 décembre 2017.

MOTIFS

DE LA DÉCISION La recevabilité de l'appel n'est pas contestée. 1) Sur la recevabilité de l'action : a) Sur la prescription : L'article 274 du livre des procédures fiscales dispose : "Les comptables publics des administrations fiscales qui n'ont fait aucune poursuite contre un redevable pendant quatre années consécutives à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi de l'avis de mise en recouvrement sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable". Pour prétendre à la prescription de l'action engagée par l'administration fiscale, M. X... fait valoir que cette dernière a eu connaissance de la situation obérée de la société au plus tard le 9 septembre 2010, lorsque la caducité du plan consenti par l'administration a été prononcée, et qu'elle n'a délivré l'assignation sur le fondement de l'article L 267 du Livre des Procédures Fiscales que le 27 avril 2015. Il résulte des dispositions de l'article susvisé que le point de départ de la prescription quadriennale est soit la mise en recouvrement, soit l'envoi de l'avis de mise en recouvrement. Il est établi par la procédure : - que cinq avis de mise en recouvrement ont été émis les 24 juin 2009, 8 juin 2010, 8 septembre 2010, 25 août 2011 et 22 juin 2012, - que les créances fiscales s'élevant à un total de 47.426,19 € ont fait l'objet d'une déclaration à titre privilégié et définitif entre les mains du liquidateur le 17 janvier 2013. Une déclaration de créance équivaut à une demande en justice. Dès lors, des actes interruptifs sont intervenus, ayant empêché l'acquisition de la prescription quadriennale préalablement à l'assignation du 27 avril 2015. b) Sur l'obligation pour le comptable d'agir dans un délai satisfaisant : L'appelant fait valoir que l'action en responsabilité solidaire doit être engagée dans des délais satisfaisants et qu'il a ainsi pu être jugé que l'état d'impécuniosité étant constaté au sein d'une société, une assignation du dirigeant délivrée cinq ans plus tard ne pouvait être que tardive. En l'espèce, un plan de règlement a été consenti par le comptable public le 22 septembre 2009 pour devenir caduc le 9 septembre 2010. Certes, l'état d'impécuniosité était connu à cette date. Pour autant, l'administration fiscale n'était pas à même de rechercher la responsabilité personnelle du dirigeant social tant que les créances fiscales n'avaient pas été déclarées à titre définitif au passif de la procédure de liquidation judiciaire. Des avis à tiers détenteurs adressés au cours des années 2010, 2011 et 2012 constituent autant de tentatives de recouvrement effectuées par le comptable public. Les créances fiscales ayant fait l'objet d'une déclaration à titre privilégié et définitif entre les mains du liquidateur le 17 janvier 2013, il n'y a pas lieu de considérer que le délai écoulé entre cette date et l'assignation du 27 avril 2015 ne soit pas satisfaisant. 2) Au fond : L'article L 267 alinéa 1er du Livre des procédures fiscales dispose : "Lorsqu'un dirigeant d'une société, d'une personne morale ou de tout autre groupement est responsable de manœoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s'il n'est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d'une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance. A cette fin, le comptable assigne le dirigeant devant le président du tribunal de grande instance du siège social. Cette disposition est applicable à toute personne exerçant en droit ou en fait, directement ou indirectement, la direction effective de la société, de la personne morale ou du groupement". Au soutien de ses prétentions l'administration fiscale fait valoir : -qu'elle a délivré cinq mises en demeure valant commandement de payer en date des 24 juin 2009, 8 juin 2010, 8 septembre 2010, 25 août 2011 et 29 juin 2012, -qu'elle a consenti le 22 septembre 2009 un plan d'apurement permettant d'échelonner la dette, que pour autant, les échéances de mai, juin et août 2010 n'ont pas été réglées, l'acompte de TVA de juillet 2010 n'a pas été acquitté et la déclaration de TVA de l'année 2009 a été déposée sans paiement, -que la caducité du plan a été prononcée le 9 septembre 2010, -que les manquements ont été répétés et qu'ils sont graves, le défaut de paiement de la TVA permettant à l'entreprise de conserver dans sa trésorerie des fonds destinés à être reversés au Trésor. L'appelant reproche à l'administration fiscale : - d'une part un soutien abusif en ce que la société était endettée sur sa TVA depuis 2005 et que divers plans de remboursement lui ont été consentis, - d'autre part, un manque de diligences en ce que notamment, si l'administration avait saisi, dès la caducité du plan, le stock tournant de la société, celui-ci aurait permis d'apurer le montant de la dette fiscale alors exigible. Il n'est pas contesté par l'appelant que les manquements ont été commis pendant la période au cours de laquelle il a exercé la gestion de l'entreprise litigieuse. Les déclarations annuelles de TVA des années 2009, 2010, 2011 et l'acompte de TVA de juillet 2010 ont été déposés sans paiement. Même si un plan a été momentanément consenti par l'administration fiscale, il n'a été que partiellement respecté, les manquements en matière de paiement de la TVA se sont inscrits sur une longue période, ils ont donc été nécessairement répétés. Il est manifeste qu'une telle attitude procurait à l'entreprise une trésorerie qui lui permettait de survivre artificiellement. M. X... n'est pas fondé à se prévaloir de l'attitude de l'administration fiscale pour tenter d'échapper à sa responsabilité personnelle. En effet, les plans octroyés par le passé ont été clôturés et sont étrangers aux manquements reprochés dans la présente procédure. Quant au fait que l'administration fiscale n'aurait pas saisi le stock aux fins d'apurer la dette fiscale, rien n'établit qu'une telle diligence aurait atteint un tel objectif compte tenu de la perte considérable de valeur affectant le prêt-à-porter. De son côté, l'administration fiscale a tenté de recouvrer sa créance en délivrant de nombreux avis à tiers détenteurs à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de Charente Maritime et des deux Sèvres. Ces diligences n'ont malheureusement permis de recouvrer que la somme de 2.704,51 €. S'agissant du lien de causalité exigé par l'article L 267 du Livre des Procédures Fiscales, en ne respectant pas ses obligations fiscales sur une telle durée, M. X... ne faisait qu'accroître chaque jour un passif fiscal qui allait nécessairement devenir impossible à recouvrer. Le défaut de recouvrement des impositions est donc exclusivement imputable à l'attitude de l'appelant. Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions. S'agissant de la demande subsidiaire de M. X... tendant à ce que le recouvrement soit limité à hauteur de ses capacités, c'est dans le cadre d'une éventuelle exécution forcée qu'il lui appartiendra le cas échéant, de faire valoir une telle demande. En l'état, elle sera rejetée. M. X... qui succombe sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel et dès lors au paiement de la somme complémentaire de 1.000 € en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, - Déclare l'appel recevable, - Confirme le jugement entrepris, Y ajoutant, - Rejette en l'état la demande de M. X... tendant à ce que le recouvrement soit limité à hauteur de ses capacités, - Condamne M. X... à payer à l'organisme comptable des Impôts POLE Recouvrement la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamne M. X... aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,