Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT
DU 09 NOVEMBRE 2022
(n° 171/2022, 24 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 19/07578 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7WDO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème chambre - 1ère section - RG n°17/08632
APPELANTE
S.A.S. DERMEO,
Société en liquidation judiciaire à la suite d'un jugement du tribunal de commerce de PARIS en date du 15 octobre 2020
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 432 109 445
Agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Anne-Marie OUDINOT, avocate au barreau de PARIS, toque B 653
Assistée de Me Damien REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque D 451
INTERVENANTES VOLONTAIRES EN REPRISE D'INSTANCE et comme telles APPELANTES
S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES, représentée par Me [P] [K], agissant en sa qualité d'administrateur judiciaire de la société DERMEO
[Adresse 3]
[Localité 4]
Société BTSG, représentée par Me [E] [V], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la société DERMEO
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentées par Me Anne-Marie OUDINOT, avocate au barreau de PARIS, toque B 653
Assistées de Me Damien REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque D 451
INTIMEE
S.A.S. EUROFEEDBACK,
Société au capital de 750 000 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d'Evry sous le numéro 399 930 593
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, toque P 438
Assistée de Me Lionel MARTIN plaidant pour la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, toque P 438
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article
805 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, et Mme Françoise BARUTEL, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, Conseillère,
Mme Déborah BOHEE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La société EUROFEEDBACK, immatriculée en 1991, conçoit et commercialise des appareils médicaux et professionnels de photothérapie pour l'épilation et le traitement de la peau.
Elle est titulaire de plusieurs brevets protégeant de tels dispositifs de traitement, et notamment de trois brevets français et européens désignant la France, protégeant des éléments d'appareils à lumière pulsée :
- le brevet européen EP 1 547 538 (ci-après, le brevet EP 538) intitulé 'Pièce à main comportant au moins un tube flash',
- le brevet français FR 2 876 022 (ci-après, le brevet FR 022) intitulé 'Pièce à main comportant au moins une lampe flash',
- le brevet européen EP 1 906 856 (ci-après, le brevet EP 856) intitulé 'Cartouche de lampe éclair pouvant être branché amoviblement à une douille'.
Ce dernier brevet est issu d'une demande de brevet européen déposée le 10 juillet 2006, sous priorité d'une demande provisoire américaine du 13 juillet 2005 et d'une demande de brevet allemand du 9 novembre 2005, par une société PERKINELMER TECHNOLOGIES, demande rachetée par la société EUROFEEDBACK, la cession ayant été inscrite au registre européen des brevets en octobre 2010.
La société DERMEO se présente comme le premier fabricant français de dispositifs à lumière pulsée pour le traitement de la peau et l'épilation. Elle commercialisait, au moment des faits litigieux, une gamme d'appareils, notamment sous les marques MEDIFLASH 3 pour les professionnels médicaux, et ESTHEFLASH3 pour les professionnels de l'esthétique, devenus par la suite MDFLASH4 et STFLASH4. Ces appareils disposaient d'une cartouche lampe dénommée EASYLAMP, refroidie à l'eau et interchangeable directement par l'opérateur pour éviter l'intervention d'un technicien.
Elle expose qu'en février 2010, son fournisseur, la société PERKINELMER, qui lui avait fait une dernière livraison de cartouches lampes, lui a adressé les plans et la nomenclature complète des cartouches avec les noms des sous-traitants, ce qui lui a permis de lancer un projet de conception de ses propres cartouches en mars 2010.
Début 2011, la société DERMEO a appris le transfert du brevet EP 856 de la société PERKINELMER à la société EUROFEEDBACK et a changé de fournisseur.
En mars 2011, la société BEAUTY TECH, distributeur exclusif de la société EUROFEEDBACK, a repris, dans le cadre de la maintenance, à l'un de ses clients esthétiques, l'institut SUN LIFE, une machine DERMEO et deux cartouches lampes.
La société EUROFEEDBACK, estimant que ces cartouche- lampes DERMEO reproduisaient les revendications de ses brevets, a adressé à la société DERMEO, le 30 janvier 2012, une mise en demeure de cesser l'utilisation des produits.
Le 26 mars 2012, elle a fait réaliser une saisie-contrefaçon au siège de la société DERMEO au cours de laquelle ont été saisies, notamment, deux cartouches lampes sous le nom 'Prototype EasyLamp cartouchelampe en mode projet'. Le 27 avril 2012, une nouvelle saisie-contrefaçon était réalisée dans quatre instituts clients de la société DERMEO, permettant la saisie du même type de cartouches.
Le 26 avril 2012, la société EUROFEEDBACK a assigné la société DERMEO en contrefaçon de ses brevets EP 538, FR 022 et EP 856.
La société DERMEO formait alors opposition au brevet EP 856 qui venait d'être délivré.
Par décision du 21 janvier 2014, la division d'opposition de l'OEB maintenait sous une forme modifiée le brevet EP 856, décision contre laquelle les sociétés EUROFEEDBACK et DERMEO formaient chacune un recours.
Le 5 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris :
- déclarait la société DERMEO irrecevable en sa demande d'annulation du contrat de cession du 7 septembre 2010,
- rejetait la demande d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 26 mars 2012,
- déclarait nulles pour défaut d'activité inventive les revendications 1, 2 et 5 du brevet FR 022,
- rejetait la demande d'annulation des revendications 1, 3, 5, 6, 7, 10 et 11 du brevet EP 538,
- disait que la société DERMEO avait commis des actes de contrefaçon de la revendication 6 du brevet FR 022 et des revendications 1, 3, 5, 6, 7, 10 et 11 de la partie française du brevet EP 538,
- interdisait à la société DERMEO de poursuivre la vente des pièces à main et cartouches contrefaisantes,
- et prononçait un sursis à statuer sur les demandes relatives au brevet européen EP 856 dans l'attente de la décision à intervenir de la chambre de recours de l'OEB.
Ce jugement était frappé d'appel.
Le 12 mai 2016, la chambre de recours de 1'OEB maintenait le brevet EP 856 sous forme modifiée.
Le 27 octobre 2017, la cour d'appe1 de Paris, statuant sur l'appel interjeté contre le jugement du 5 décembre 2014 :
- l'a infirmé sauf en ce qu'il a :
- dit que la société DERMEO n'est pas recevable en sa demande d'annulation du contrat de cession du 7 septembre 2010,
- sursis à statuer sur les demandes principales et reconventionnelles portant sur le brevet EP 856,
- rejeté la demande d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 26 mars 2012,
- rejeté la demande d'annulation des revendications 1, 3, 5, 6, 7, 10 et 11 du brevet EP 538 et 6 du brevet FR 022,
- dit que la société DERMEO, en offrant en vente des pièces à main reproduisant les revendications 1, 5, 6, 7, 10 et 11 du brevet EP 538 et en commercialisant des cartouches destinées à ces pièces à main, a commis des actes de contrefacon des revendications 1, 5, 6, 7, 10 et 11 de la partie française dudit brevet,
- condamné la société DERMEO aux dépens de première instance avec distraction, aux frais des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et à payer à la société EUROFEEDBACK la somme de 15 000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance,
- et statuant à nouveau,
- a rejeté la demande d'annulation des revendications 1, 2 et 5 du brevet FR 022,
- a débouté la société EUROFEEDBACK de ses demandes de contrefaçon des revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet FR 022,
- a condamné la société DERMEO à payer à la société EUROFEEDBACK la somme de 70. 000 euros en réparation des actes de contrefaçon commis,
- a interdit à la société DERMEO de poursuivre la vente de pièces à main et de cartouches reproduisant les revendications 1, 5, 6, 7, 10 et 11 de la partie française du brevet EP 538 sous peine, passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt, d'une astreinte de 100 euros par infraction constatée,
- a débouté la société EUROFEEDBACK de ses demandes de rappel des produits contrefaisants, de publication judiciaire, de remise de pièces et de destruction des moules d'injection et des cartouches sous contrôle d'huissier,
- a débouté la société DERMEO de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale,
- a condamné la société DERMEO à payer à la société EUROFEEDBACK la somme de 30. 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles engagés en appel.
L'absence de contrefaçon des revendications du brevet FR 022, comme la contrefaçon des revendications du brevet EP 538 ont été ainsi définitivement jugées.
L'instance s'est poursuivie concernant le brevet EP 856 et dans un jugement rendu le 28 mars 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté la demande fondée sur1'inopposabilité du brevet EP 856 ;
- rejeté la demande d'annulation des revendications 1 à 18 et 20 à 35 de la partie française du brevet EP 856 ;
- dit qu'en fabriquant, livrant, offrant de livrer et détenant à ces fins, sur le territoire français, des cartouches-lampes EASYLAMP, ainsi que les pièces à main destinées à l'utilisation de ces cartouches-lampes, reproduisant les revendications 1 à 18 et 20 à 35 de la partie française du brevet EP 856 , la société DERMEO a commis des actes de contrefaçon ;
- en conséquence,
- fait défense à la société DERMEO de poursuivre ces agissements et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction (c'est à dire par produit) constatée, cette astreinte prenant effet à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 6 mois ;
- condamné la société DERMEO à payer à la société EUROFEEDBACK la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon ;
- rejeté les demandes de publication du jugement, de production de pièces complémentaires, d'expertise et de rappels de produits ;
- condamné la société DERMEO à payer à la société EUROFEEDBACK la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile ;
- condamné la société DERMEO aux entiers dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Le 9 avril 2019, la société DERMEO a interjeté appel de ce jugement.
La société DERMEO a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 avril 2019, puis en liquidation judiciaire par jugement du même tribunal du 15 octobre 2020. Les organes de la procédure collective sont intervenus volontairement à l'instance.
Dans leurs dernières conclusions numérotées 3 transmises le 17 novembre 2020, la SELARL AJASSOCIES, en la personne de Me [K], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société DERMEO, et la SCP BTSG, en la personne de Me [V], ès qualités de mandataire judiciaire puis de liquidateur judiciaire de la société DERMEO, demandent à la cour :
- de donner acte à Me [N] [H] de ce qu'elle se constitue pour Me [E] [V], es-qualités de liquidateur judiciaire de la société DERMEO,
- de dire Me [E] [V] recevable et fondé en son intervention volontaire,
- de mettre hors de cause la SARL AJ ASSOCIES es-qualités d'administrateur judiciaire et la SCP BTSG es-qualités de mandataire judiciaire, dont les missions ont pris fin,
- de dire l'appel recevable et fondé,
- d'infirmer le jugement du 28 mars 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'i1 a rejeté les demandes de publication du jugement, de production de pièces complémentaires, d'expertise et de rappels de produits,
- et statuant à nouveau :
- de déclarer nulles les revendications 1 à 18 et 20 à 35 de la partie française du brevet européen EP 856 pour défaut de nouveauté, ou pour défaut d'activité inventive,
- de juger que l'arrêt, une fois devenu définitif, sera transmis à l'INPI par le greffier aux fins d'inscription au Registre National des Brevets, sur simple réquisition de la société DERMEO,
- de juger que la preuve des actes de contrefaçon allégués n'est pas rapportée,
- subsidiairement, de juger que les dispositifs litigieux ne reproduisent pas les revendications opposées du brevet EP 856,
- en toute hypothèse, de juger inopposable à la société DERMEO le brevet EP 856,
- de débouter la société EUROFEEDBACK de toutes ses demandes,
- de condamner la société EUROFEEDBACK à payer à Me [V] es-qualités de liquidateur judiciaire de la société DERMEO, la somme de 60.000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile,
- de la condamner aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de1'article
699 du code de procédure civile.
Dans ses uniques conclusions transmises le 8 octobre 2020, la société EUROFEEDBACK demande à la cour :
- de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a :
- condamné la société DERMEO à payer à la société EUROFEEDBACK la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon,
- rejeté les demandes de publication du jugement, de production de pièces complémentaires, d'expertise et de rappels de produits,
- condamné la société DERMEO à payer à la société EUROFEEDBACK la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
- d'infirmer le jugement sur ces trois points et statuant à nouveau :
- d'ordonner la production de tous documents ou informations détenus par la société DERMEO permettant de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des dispositifs contrefaisants, notamment des cartouches-lampes EASYLAMP, des cartouches-lampes telles que celles correspondant au numéro de série 03200150 et des machines, Estheflash 3, MDFlash4, STFlash4, LTFLASH et LDFLASH et en particulier :
- les nom et adresse des éventuels producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des cartouches-lampes contrefaisantes, notamment des cartouches EAYSLAMP, des machines Estheflash 3, des machines Mediflash 3 et de toute autre machine adaptée à utiliser les cartouches-lampes actuellement vendues sous la référence EASYLAMP telles que les machines MDFlash4, STFlash4, LTFLASH et LDFLASH,
- les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les cartouches-lampes contrefaisantes, notamment des cartouches EASYLAMP, les machines Estheflash 3, les machines Mediflash 3 et pour toute autre machine adaptée à utiliser les cartouches-lampes actuellement vendues sous la référence EASYLAMP telles que les machines MDFlash4, STFlash4, LTFLASH et LDFLASH,
- les documents placés sous séquestre par l'huissier lors de la saisie contrefaçon du 26 mars 2011,
- et plus généralement tous documents commerciaux et comptables afin de déterminer le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés par la commercialisation des cartouches-lampes contrefaisantes, notamment des cartouches-lampes EASYLAMP, des cartouches-lampes telles
que celles correspondant au numéro de série 03200150, des machines Estheflash 3, des machines Mediflash 3 et de toute autre machine adaptée à utiliser les cartouches-lampes contrefaisantes telles que les machines MDFlash4, STFlash4, LTFLASH et LDFLASH,
- d'assortir cette injonction d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard après la signification de la décision à intervenir,
- de nommer un expert avec pour mission notamment de se faire remettre par la société DERMEO ou par toute autre entreprise dont les opérations d'expertise révéleraient qu'elle a participé aux faits litigieux, tous documents commerciaux et comptables afin de déterminer le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés par la commercialisation des dispositifs contrefaisants, en prendre copie et fournir tous éléments à la cour permettant d'évaluer l'entier préjudice subi par EUROFEEDBACK du fait de la contrefaçon des revendications de la partie française du brevet EP-B-1 906 856,
- de dire que l'expert devra remettre son rapport dans un délai de trois mois à compter de sa nomination et fixer à telle somme qu'il plaira à la cour le montant de la consignation à valoir sur le montant de ses honoraires,
- subsidiairement, à défaut de nomination d'un expert, de renvoyer l'affaire à telle audience qu'il plaira à la cour de fixer pour permettre à la société EUROFEEDBACK de conclure sur le montant du préjudice qu'elle a subi, au vu des éléments communiqués par la société DERMEO,
- en tout état de cause, d'ordonner à DERMEO de rappeler des circuits commerciaux, entre quelques mains qu'ils soient et à ses frais, tous les produits contrefaisants, en ce compris toutes les cartouches-lampes EASYLAMP, les pièces à mains afférentes, les machines Estheflash 3 et Mediflash 3, ainsi que toute autre machine adaptée à utiliser les cartouches-lampes actuellement vendues sous la référence EASYLAMP, telles que les machines MDFlash4, STFlash4, LTFLASH et LDFLASH, dans un délai d'un mois à l'issue de la signification de l'arrêt,
- de dire que les produits rappelés seront remis à la société EUROFEEDBACK,
- d'assortir cette injonction de rappeler les produits d'une astreinte de 10 000 € par jour de retard passé ce délai d'un mois,
- d'ordonner la publication par extraits de la décision à intervenir, aux frais avancés de la société DERMEO, dans cinq journaux sectoriels et/ou publications nationales au choix d'EUROFEEDBACK dans la limite de 5 000 € HT, augmentés de la TVA au taux en vigueur, par insertion,
- d'ordonner à la société DERMEO de consigner la somme de 25 000 €, augmentée de la TVA, entre les mains du bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris en qualité de séquestre sous astreinte de 1 000 € par jour de retard, 15 jours après la signification de la décision à intervenir,
- de dire que le bâtonnier de l'Ordre des avocats attribuera cette somme à EUROFEEDBACK au fur et à mesure de la production par celle-ci des commandes pour ces publications, à hauteur des montants visés dans ces commandes,
- d'ordonner que la décision à intervenir soit publiée en intégralité aux frais de la société DERMEO sous la forme d'un document au format PDF reproduisant l'intégralité de la décision et accessible à partir d'un lien hypertexte apparent situé sur la page d'accueil du site web de la société DERMEO quelle que soit l'adresse permettant d'accéder à ce site, l'intitulé de ce lien étant : 'la société DERMEO a été condamnée en France pour contrefaçon du brevet EP-B-1 906 856" dans une police d'une taille de 20 points au moins, pendant 6 mois, sous astreinte de 1 000 €par jour de retard dans un délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt,
- d'autoriser la société EUROFEEDBACK à publier la décision à intervenir sur son propre site internet,
- d'ordonner la destruction des moules d'injection utilisés pour la fabrication des coques des cartouches contrefaisantes,
- de condamner à la somme de 600 000 € la somme que la société DERMEO devra verser à la société EUROFEEDBACK à titre de provision sur les dommages et intérêts,
- de débouter la société DERMEO de l'ensemble de ses demandes,
- de juger que la cour sera juge de l'exécution du jugement à intervenir, en application de l'article 35 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991, pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes,
- de condamner la société DERMEO à verser la somme de 66 185,82 € à la société EUROFEEDBACK au titre de l'article
700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance,
- de condamner la société DERMEO à verser la somme de 30 000 € à parfaire à la société EUROFEEDBACK au titre de l'article
700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,
- de condamner la société DERMEO aux entiers dépens, et autoriser Me DESROUSSEAUX à les recouvrer directement dans les conditions prévues à l'article
699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est du 30 mars 2021.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l'article
455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur l'intervention volontaire de Me [E] [V], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société DERMEO, et la demande de mise hors de cause des organes de la procédure de redressement judiciaire
Il y a lieu de dire recevable l'intervention volontaire à l'instance de la société BTSG, en la personne de Me [E] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société DERMEO, désigné par jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 octobre 2020, et de mettre hors de cause la SARL AJ ASSOCIES, en la personne de Me [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la société DERMEO, ainsi que la SCP BTSG, en la personne de Me [E] [V], en qualité de mandataire judiciaire de la société DERMEO, dont les missions ont ainsi pris fin.
Sur les demandes en contrefaçon du brevet EP 856 de la société EUROFEEDBACK
Sur la présentation du brevet
L'invention concerne une 'cartouche de lampe-éclair pouvant être branchée amoviblement à une douille' et comprenant une cartouche, un ensemble de lampe-éclair (ou flash), une embase et un dispositif électrique.
Il est rappelé dans la partie descriptive du brevet que '[0002] (...) dans les dispositifs précédents, une structure a été agencée laquelle garantit l'alimentation électrique, d'une part, et l'alimentation thermique, d'autre part, pour la lampe-flash. Habituellement, les lampes-flash sont refroidies par liquide. Si une telle lampe-flash doit être remplacée, ceci conduit à un processus pénible de retrait des connexion thermiques, au cours duquel si nécessaire, on doit s'assurer qu'aucun liquide de refroidissement ne s'échappe d'une manière non voulue, et de retrait des connexions électriques. Ensuite, les lampes-flash peuvent être échangées. Par la suite, le circuit de refroidissement doit être rempli d'eau et reconnecté et les connexions électriques doivent être réalisées. Enfin, ce processus est si pénible qu'il doit être exécuté par du personnel qualifié et ne peut donc pas être exécuté par l'utilisateur du dispositif (...) [0013] Un but de la présente invention consiste à fournir une cartouche de lampe-flash, un ensemble de lampe-flash, une embase et un dispositif électrique qui permettent de changer une lampe-flash de manière simple'.
A cette fin, le brevet se compose de 35 revendications, toutes opposées à l'exception de la revendication 19 :
- une revendication 1 protégeant une cartouche de lampe-flash et des revendications 2 à 16 et 30 à 32, dépendantes de cette première revendication indépendante,
- une revendication indépendante 17 protégeant un ensemble de lampe-flash et des revendications dépendantes 18 et 20, 28 et 29,
- une revendication indépendante 21 visant une embase pour un ensemble de lampe-flash et des revendications dépendantes 22 à 24,
- une revendication indépendante 25 visant un dispositif électrique et les revendications dépendantes 26 et 27,
- une revendication indépendante 33 visant également un ensemble de lampe-flash et des revendications dépendantes 34 et 35.
Ces revendications se lisent comme suit :
1 - Une cartouche de lampe-flash pour insertion dans une embase (20) d'un dispositif IPL (41), l'embase (20) étant reliée à un dispositif IPL par un câble (45) qui d'une part permet l'apport et le retour d'eau en tant que fluide de refroidissement et d'autre part permet l'alimentation électrique, la cartouche comportant :
- une partie de cartouche pour une lampe-flash (1),
- des composant d'un dispositif de refroidissement pour un dispositif de refroidissement (11, 12) destiné à la lampe-flash,
- plusieurs bornes de cartouches thermiques (13) pour le dispositif de refroidissement afin de connecter thermiquement la cartouche de lampe-flash à l'embase (20) et pour l'apport et/ou le retour d'eau, et
- une ou plusieurs bornes de cartouche électriques (14) pour la lampe-flash afin de connecter électriquement la cartouche de lampe-flash (1) à l'embase (20) la ou les bornes de cartouche électriques (14) étant de type fiche,
caractérisé par le fait que les bornes de cartouche thermiques (13) sont des connecteurs de type fiche ayant la même direction d'emmanchement que la ou les bornes de cartouche électriques (14).
2. Cartouche de lampe-flash selon la revendication 1, dans laquelle les composants du dispositif de refroidissement incluent des parties d'une conduite pour l'eau, la conduite étant conçue pour faire circuler l'eau autour d'au moins une partie de la lampe-flash.
3. Cartouche de lamnpe-flash selon la revendication 2, dans laquelle une partie de la paroi de la conduite est formée d'un matériau transparent (15), de manière préférée une plaque transparente, plane.
4. Cartouche de lampe-flash selon la revendication 2 on 3, comportant un réflecteur (5) agencé de manière préférée dans la conduite.
5. Cartouche de lampe-flash selon la revendication 2 ou 3, comportant un réflecteur (5) formant une partie de la paroi de la conduite.
6. Cartouche de lampe-flash selon 1a revendication 5, dans laquelle le réflecteur forme la paroi de partage entre l'écoulement en entrée (11) et 1'écoulement en retour (12).
7. Cartouche de lampe-flash selon la revendication 3, comportant un guide d'onde sur le matériau transparent.
8. Cartouche de lampe-flash selon une ou plusieurs des revendications précédentes, comportant au moins des moyens formant clapet (54) pour l'eau.
9. Cartouche de lampe-flash selon une ou plusieurs des revendications précédentes, comportant des moyens de connexion mécanique (16) pour la connexion à une embase.
10. Cartouche de lampe-flash selon une ou plusieurs des revendications précédentes, comportant des premiers moyens d'identification (18) pour identifier la cartouche de lampe-flash.
11 . Cartouche de lampe-flash selon une on plusieurs des revendications précédentes, dans laquelle les bornes de cartouche électriques (14) incluent des bornes pour l'énergie et/ou pour des signaux de commande de la lampe-flash.
12. Cartouche de lampe-flash selon une ou plusieurs des revendications précédentes, comportant un boîtier (17), dans lequel la partie de cartouche pour la lampe-flash (1) et les composants de dispositif de refroidissement pour le dispositif de refroidissement (11, 12) sont installés, et auquel les bornes de cartouche thermiques (1 3) et les bornes de cartouche électriques (14) sont fixées.
13. Cartouche de lampe-flash selon la revendication 12, dans laquelle le boîtier (17) inclut une première partie de boîtier (17a), une seconde partie de boîtier (17b)) et une fenêtre formée du matériau transparent (15).
14. Cartouche de1ampe-flash selon une on plusieurs des revendications précédentes, dans laquelle les bornes de cartouche thermiques (13) et les bornes de cartouche électriques (14) sont positionnées au niveau d'un coté de la cartouche de lampe-flash, de manière préférée an niveau d'un côté du boîtier (17) selon la revendication 12.
15. Cartouche de lampe-flash selon une ou plusieurs des revendications précédentes, comportant un ou plusieurs éléments de fonctionnement électrique (53).
16. Cartouche de lampe-flash selon une ou plusieurs des revendications précédentes, comportant une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :
longueur totale h > 5 cm, particulièrement > 10 cm, 5 mm,
largeur totale b > 1 cm,
en tant que matériau de construction elle inclut un matériau en matière plastique et/ou en céramique et/ou en métal et/ou en verre de quartz,
elle inclut un filtre optique,
elle inclut un diffuseur de lumière,
elle inclut des moyens de focalisation, en particulier une lentille de Fresnel, et
elle inclut un polariseur.
17 - Ensemble de lampe-flash comportant
- une cartouche de lampe-flash (10) conformément à une ou plusieurs des revendications1 à 16, et
- une lampe-flash (1) logée dans la cartouche de lampe flash.
18. Ensemble de lampe-flash selon les revendications 17 et 2, dans lequel les bornes électriques (2, 3) de la lampe-flash (1) sont positionnées à l'extérieur de la conduite (11, 12).
20. Ensemble de lampe-flash selon une ou plusieurs des revendications 17 à 20, comportant une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :
performance de rayonnement moyenne > 20 W,
de manière préférée > 50 W,
la lampe-flash est droite ou courbée selon une forme de U.
21 - Embase pour un ensemble de lampe-flash, l'ensemble incluant des bornes de cartouche thermiques et électriques pour la lampe-flash et étant réalisée conformément à une ou plusieurs des revendications 17 à 19, comportant :
- des bornes de douille électriques (24) pour la cartouche de lampe-flash, et
- des bornes de douille thermiques (23) pour la cartouche de lampe-flash, et
- au moins des moyens formant clapet pour l'eau.
22. Embase selon la revendication 21, comportant des moyens de connexion mécanique (25) en vue d'une connexion mécanique à l'ensemble de lampe-flash.
23. Embase selon une ou plusieurs des revendications 21 à 22, comportant des moyens d'orientation mécanique pour orienter mécaniquement l'ensemble de lampe-flash.
24. Ensemble selon une ou plusieurs des revendications 21 à 23, comportant des seconds moyens d'identification (10) pour identifier la cartouche de lampe-flash.
25 - Dispositif électrique comporte un dispositif de base (41) et une embase (20) conformément aux revendications 21 à 24.
26. Dispositif selon la revendication 25, lequel est un dispositif thérapeutique.
27. Dispositif selon une ou plusieurs des revendications 25 à 26, comportant des moyens de surveillance pour surveiller la lampe-flash, lesquels mesurent le temps de fonctionnement de la lampe-flash ou comptabilisent ses impulsions lumineuses.
28. Ensemble de lampe-flash selon une ou plusieurs des revendications 17 à 20, lequel peut être enfiché dans une embase conformément à une ou plusieurs des revendications 21 à 24 et retiré de celle-ci.
29. Ensemble de lampe-flash selon une ou plusieurs des revendications 17 à 20, lequel est réalisé en tant que cartouche échangeable encloisonnant complètement la lampe-flash.
30. Cartouche selon l'une quelconque des revendications précédentes, incluant en outre des moyens d'identification afin de délivrer des informations à l'embase.
31. Cartouche selon la revendication 30, dans laquelle les moyens d'identification délivrent des informations concernant la cartouche à l'embase.
32. Cartouche selon la revendication 30 ou 31, dans laquelle les moyens d'identification délivrent des informations concernant la lampe-flash à l'embase.
33 - Ensemble (10) de lampe-flash adapté à être connecté à une platine de base (20) comportant une cartouche pour maintenir une lampe-flash (1), selon l'une quelconque des revendications 1 à 16,
- des moyens pour fournir une connexion électrique à la lampe, lesdits moyens de connexion électrique incluant un raccord à libération rapide de connexion à la platine de base (20),
- des moyens pour permettre un écoulement de fluide dirigé autour de la lampe-flash, lesdits moyens d'écoulement incluant un raccord à libération rapide de connexion à la platine de base, lesdits moyens d'écoulement étant physiquement séparés des moyens de connexion électrique, lesdits moyens d'écoulement incluant des conduites de refroidissement, et
- un réflecteur formant une partie des conduites de refroidissement.
34. Ensemble de lampe-flash selon la revendication 33, incluant en outre un hardware de validation pour véhiculer des informations concernant la lampe-flash et qui est opérationnel pour générer un signal qui peut commander le fonctionnement de la lampe.
35. Ensemble de lampe-flash selon la revendication 34, dans lequel ledit hardware de validation fonctionne à une tension inférieure à la tension de la lampe-flash.
Sur l'homme du métier
L'homme du métier est celui qui possède les connaissances normales du domaine technique en cause et est capable, à l'aide de ses seules connaissances et aptitudes professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention.
Le tribunal a considéré qu'il est, en l'espèce, un spécialiste de la conception d'appareils à lumière pulsée. Cette définition, non contestée, sera retenue.
Sur l'opposabilité du brevet EP 856 à la société DERMEO
La société DERMEO soutient que le brevet de la société EUROFEEDBACK lui est inopposable dès lors que cette dernière a acquis la demande de brevet européen EP 856 auprès de la société PERKINELMER dans des conditions obscures, qui plus est pour le prix dérisoire de 1€, alors qu'elle n'avait pourtant aucun intérêt à acquérir ce brevet, puisqu'elle ne fabrique pas ni n'utilise de cartouche lampe pour équiper sa production, sinon celui de l'opposer à la société DERMEO avec laquelle elle était déjà en litige ; qu'une telle acquisition revêt donc un caractère frauduleux, dans la mesure où elle a été faite dans le seul but de nuire à un concurrent.
Le liquidateur de la société EUROFEEDBACK expose les circonstances du rachat du brevet à la société PERKINELMER et conteste le caractère abusif de ce rachat, demandant la confirmation du jugement de ce chef.
C'est à juste raison, pour des motifs adoptés, que les premiers juges ont rejeté la prétention de la société DERMEO, retenant notamment que la sanction de la fraude alléguée ne pourrait être que la nullité de l'acte de cession, ce qui supposerait la mise en cause de la société cédante PERKINELMER (comme déjà jugé définitivement par l'arrêt de la cour d'appel du 27 octobre 2017), et que l'inopposabilité ne pourrait résulter que d'un défaut de publicité, circonstance inexistante en l'espèce.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la validité du brevet EP 856
La cour constate que le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la revendication 1 du brevet tirée de l'extension de l'objet du brevet au-delà du contenu de la demande, la société DERMEO poursuivant en appel la nullité de la partie française du brevet seulement au titre du défaut de nouveauté et de l'absence d'activité inventive.
Sur le défaut de nouveauté
La société DERMEO sollicite la nullité de la partie française du brevet européen EP 1 906 856 pour absence de nouveauté :
- pour les revendications 1 à 7,11 à 14 et 17 et 18 au regard du document EL.EN,
- pour les revendications 1 à 7, 9, 11 à 18, 20 et 29 au regard de l'appareil PHOTOSILK-PLUS,
- pour les revendications 1, 2 à 7, 11 à 14 , 17 et 18 au vu du document LYNTON.
Il résulte de l'article
L.614-12 du code de la propriété intellectuelle que la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138 paragraphe 1 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance des brevets européens.
En application du paragraphe 1 de l'article 138 de la convention de Munich (CBE), 'Sous réserve des dispositions de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat contractant, que si :
a) l'objet du brevet n'est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57 (...)'.
L'article 52.1 de la convention prévoit que les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition notamment qu'elle soit nouvelle, l'article 54 disposant :
' 1. Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.
2. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.(...)'.
Pour être comprise dans l'état de la technique, l'invention doit s'y trouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat.
Le document EL.EN est un brevet (WO 02/082866) publié le 17 octobre 2002, concernant une 'Pièce à main d'application avec lampe de nouvelle forme' conçue notamment pour une utilisation dans un matériel de traitement médical et cosmétique.
La société DERMEO fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la pièce à main décrite dans ce brevet n'est pas monobloc puisque le document indique que 'la pièce à main 1
comporte une première portion 3 formant la poignée et une seconde portion 5 solidaire de la portion 3", ce qui signifie, selon l'appelante, que la première partie 3 et la seconde partie 5 de la pièce à main sont seulement jointes l'une à l'autre en fonctionnement mais sont parfaitement séparables, ce qui est illustré par la figure 1 du document qui montre deux parties présentant des hachures d'orientation différente et ce qui est décrit dans la revendication 12.
Mais la figure 1 du document EL.EN ne suggère pas que les éléments 3 et 5 puissent être dissociés, alors que la description mentionne, de plus, expressément, une solidarité des portions 3 (formant la poignée) et 5 ('La pièce à main 1 comporte une première portion 3 formant la poignée et une seconde portion 5 solidaire de la portion 3 et la prolongeant avec une forme effilée se terminant en une fenêtre 7...'). La revendication 12 qui décrit, selon la société DERMEO, une pièce à main ayant 'une portion de poignée et une portion connectée à celle-ci, qui a une forme effilée, se termine par une fenêtre de sortie et loge la lampe' ne donne pas plus d'indication quant à une possibilité de dissocier les éléments 3 et 5, qu'une simple différence d'orientation des hachures sur la figure 1 du document ne peut suffire à démontrer. C'est donc à juste raison que le tribunal a estimé que la pièce à main décrite par le document EL.EN est monobloc, ce qui constitue une différence majeure par rapport à la revendication 1 du brevet EP 856 qui couvre une cartouche destinée à être insérée dans une embase (poignée), ces deux éléments étant donc par essence dissociés.
La revendication 1 étant nouvelle par rapport au document EL.EN, les revendications dépendantes 2 à 7 et 11 à 14 le sont également.
La revendication 17 qui concerne un ensemble de lampe-flash comportant la cartouche de lampe-flash de la revendication 1 est également nouvelle, de même que la revendication 18, dépendante de la revendication 17.
Le document EL.EN n'est donc pas destructeur de la nouveauté de l'invention décrite dans le brevet EP 856.
L'appareil PHOTOSILK-PLUS fait l'objet d'un débat quant à sa date. La société EUROFEEDBAK soutient qu'il n'est nullement établi que cette pièce invoquée par la société DERMEO est antérieure à la date de priorité de son brevet (juillet 2005), la société DERMEO prétendant apporter la preuve de l'usage antérieur de l'appareil PHOTOSILK-PLUS.
Si les pièces produites par l'appelante montrent qu'un appareil PHOTOSILK-PLUS, fabriqué par la société DEKA, a bien été commercialisé et utilisé dès 2003 (pièces 76 à 79, 83, 85 et 86 appelante), un agrément FDA ayant été obtenu par une société CYNOSURE en mai 2004 sur des appareils PHOTOSILK et PHOTOSILK-PLUS, rien n'établit, comme l'a jugé le tribunal, que les pièces produites concernant l'achat d'un appareil PHOTOSILK-PLUS par l'appelante (ses pièces 73 à 75), qui comportent la date du 21 novembre 2005, donc postérieure à la priorité revendiquée, portent sur un appareil présentant les mêmes caractéristiques que l'appareil de 2003. L'appareil PHOTOSILK-PLUS ne peut donc être utilement invoqué pour contester la nouveauté, et plus largement la validité, des revendications du brevet.
Au surplus, les photographies de la pièce à main démontée de l'appareil PHOTOSILK-PLUS fournies par la société DERMEO dans ses écritures ne montrent pas une cartouche de lampe-flash destinée à être insérée dans une embase qui permettrait de changer une lampe-flash 'de manière simple' comme indiqué dans la partie descriptive du brevet - et les documents commerciaux versés aux débats ne font d'ailleurs pas état d'un tel avantage -, le démontage de la pièce à main auquel s'est livrée la société DERMEO pour les besoins de son argumentation n'étant pas destiné à être réalisé par l'utilisateur.
Le document LYNTON (GB 2 369 057), publié le 22 mai 2002, concerne un appareil de traitement dermatologique comportant une pluralité de têtes de traitement incluant un tube flash alimenté électriquement et en eau de refroidissement et une unité de contrôle (dispositif IPL 'Intense Pulsed Light') ; la tête de traitement (12) est reliée à l'unité de contrôle (10) par un câble (14) qui contient des conducteurs électriques alimentant en électricité la tête de traitement et des conducteurs de fluide transportant le liquide de refroidissement entre l'unité de contrôle et la tête de traitement ; la tête de traitement se branche au moyen d'une fiche (26) qui coopère avec une embase à l'unité de contrôle. Il est cité dans l'arrière plan technologique de l'invention dans le brevet EP 856.
La société DERMEO soutient que la tête de traitement (12) et le câble (14) constituent une cartouche de lampe-flash au sens de l'objet de la revendication 1 du brevet EP 856, pourvue de connecteurs de type fiche (26) coopérant avec une embase reliée au dispositif IPL pour les connexions fluidiques et électriques pour la lampe-flash. Cependant, l'invention selon le brevet LYNTON, qui vise à multiplier les têtes de traitement afin de pouvoir effectuer rapidement plusieurs types de traitement dermatologique ('Un but de la présente invention est de proposer un appareil de traitement dermatologique qui est polyvalent et permet à un utilisateur d'entreprendre une large gamme de traitement à un coût minimal'), ce qui ne correspond pas au résultat recherché par le brevet EP 856, ne divulgue pas comme la revendication 1 du brevet EP 856, un dispositif de connexion d'une cartouche de lampe-flash à une embase (elle-même reliée à un dispositif IPL par un câble) au moyen de bornes thermiques et électriques, mais un dispositif de connexion d'une tête de traitement à une unité de contrôle réalisé au moyen d'une fiche (26) située à l'extrémité d'un câble et destinée à être branchée sur l'unité de contrôle elle-même (dispositif IPL) ; le changement d'une tête de traitement nécessite de changer l'ensemble constitué de la fiche (26), du câble (14) et de la tête de traitement (12). L'invention ne se retrouve pas toute entière dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique, de sorte que le brevet LYNTON ne peut être regardé comme destructeur de la nouveauté de l'invention couverte par le brevet EP 856.
La revendication 1 étant nouvelle par rapport au document LYNTON, les revendications dépendantes 2 à 7 et 11 à 14 le sont également.
La revendication 17 qui concerne un ensemble de lampe-flash comportant la cartouche de lampe-flash de la revendication 1 est également nouvelle, de même que la revendication 18, dépendante de la revendication 17.
Sur l'absence d'activité inventive
La société DERMEO sollicite la nullité de la partie française du brevet européen EP 856 pour défaut d'activité :
- de ses revendications 1, 10, 24, 30 à 32 au regard du document LYNTON,
- de ses revendications 2 à 7, 11 à 14, 17 et 18 au vu du document LYNTON pris en combinaison avec le document EL.EN,
- des revendications 1, 9, 11 à 15, 17, 22, 23 et 29 au vu du document GENERAL PROJECT seul ou combiné avec le document EL.EN ou à l'appareil PHOTOSILK-PLUS ou au document LYNTON,
- des revendications 1, 9, 11, 12, 14, 15, 17, 22, 23, 27, 29, 34 et 35 au regard de l'appareil SPA TOUCH seul ou en combinaison avec les documents EL.EN ou LYNTON,
- des revendications 8, 16, 20, 21, 25, 26, 28 et 33 au regard du document EL.EN et des connaissances générales de l'homme du métier illustrées par la brochure COLDER dans le domaine des connexions et clapets,
- des revendications 8, 10, 21 à 28 et 30 à 35 au regard de l'appareil PHOTOSILK-PLUS et de la brochure COLDER.
Il résulte de l'article
L.614-12 du code de la propriété intellectuelle que la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138 paragraphe 1 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance des brevets européens.
En application du paragraphe 1 de l'article 138 de la convention de Munich, 'Sous réserve des dispositions de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat
contractant, que si :
a) l'objet du brevet n'est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57 (...)'.
Selon l'article 56 de la convention, 'Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique (...)'.
La société DERMEO soutient que le document LYNTON divulgue le montage interchangeable de têtes de traitement notamment pour en modifier les caractéristiques ou en cas d'usure de la lampe flash à la fin de sa vie utile, ainsi qu'une structure de connexion de type fiche, et de même direction d'emmanchement, au même sens que la revendication 1 du brevet ; que l'homme du métier, cherchant à faciliter le changement d'une lampe flash, aurait de manière évidente utilisé l'enseignement du document LYNTON en dupliquant des moyens de connexion du type fiche prévus à l'une des extrémités du câble, au niveau de 1'embase de l'unité de contrôle, à l'autre extrémité du câble pour monter de manière interchangeable un ensemble de lampe flash présentant des connexions électriques et des connexions thermiques ; qu'un simple transfert de moyens de connexion, déjà connus tant dans leur structure que leur fonction pour connecter le câble à l'appareil, pour réaliser une connexion à l'autre extrémité du câble avec une cartouche lampe, et ceci pour permettre de manière similaire la réalisation d'un montage/démontage fiable et rapide des éléments, est une disposition évidente pour 1'homme du métier dans le domaine des appareils à lumière pulsée.
Toutefois la facilité du changement des têtes de traitement n'est pas le problème technique que cherche à résoudre le document LYNTON qui vise à proposer un appareil de traitement dermatologique polyvalent permettant à un utilisateur d'entreprendre une large gamme de traitement à un coût minimal et, pour se faire, à proposer un appareil comprenant une unité de contrôle et une pluralité de têtes de traitement, l'une quelconque de ces têtes de traitement étant sélectivement connectable à l'unité de contrôle par un utilisateur, celui-ci pouvant sélectionner quelles têtes de traitement acheter afin de fournir la gamme de possibilités de traitement dont il a besoin et l'unité de contrôle pouvant déterminer quelle tête de commande a été connectée et si la bonne tête de traitement a été connectée. La problématique est donc complètement différente, de sorte que l'homme du métier cherchant à résoudre le problème technique décrit dans le brevet EP 856 n'aurait pas été incité à recourir au document LYNTON.
Ensuite, comme il a été dit, le document LYNTON ne décrit pas de cartouche de lampe-flash devant être insérée dans une embase comportant des bornes thermiques et électriques et reliée à un dispositif IPL (unité de contrôle) par un câble mais une tête de traitement incluant un tube flash reliée à une unité de contrôle (IPL) par un câble au bout duquel se trouve une fiche coopérant avec une embase et destinée à être branchée sur l'unité de contrôle. Et comme le souligne la société EUROFEEDBACK, le document LYNTON ne divulgue pas le fait que les bornes de cartouche thermiques ont la même direction d'emmanchement que les bornes de cartouche électriques, ce qui ne ressort nullement de la figure 4 du document (coupe schématique simplifiée de la fiche 26).
Enfin, la duplication invoquée par la société DERMEO, consistant à reproduire les moyens de connexion de type fiche au niveau de l'embase de l'unité de connexion à l'autre extrémité du câble pour monter de manière interchangeable un ensemble de lampe flash présentant des connexions électriques et thermiques, conduirait à un câble muni de moyens de connexion à ses deux extrémités, ce qui ne présente aucun avantage technique et ne correspond pas à l'invention du brevet EP 856. L'homme du métier en aurait donc été dissuadé.
Le document LYNTON pris isolément n'est donc pas destructeur de l'activité inventive de la revendication 1 du brevet. Il ne l'est donc pas davantage de l'activité inventive des revendications 10, 30 à 32, dépendantes de la revendication 1. La société DERMEO qui ne conteste pas l'activité inventive de la revendication indépendante 21 au regard du document LYNTON, ne peut soutenir, sur la base de ce même document, le défaut d'activité inventive de la revendication 24 dépendante de la revendication 21.
Le document LYNTON pris en combinaison avec le document EL.EN n'est pas davantage destructeur de l'activité inventive des revendications 2 à 7, 11 à 14, 17 et 18 du brevet EP 856. Il est d'abord relevé que la société DERMEO n'explique pas en quoi la combinaison invoquée serait destructrice de l'activité inventive de la revendication 1 du brevet. Quoi qu'il en soit, le document EL.EN (WO 02/082866) ne décrit ni une cartouche de lampe-flash pour insertion dans une embase d'un dispositif IPL, ni la connexion thermique de la cartouche de lampe-flash à l'embase par des bornes de cartouches thermiques, ni le fait que les bornes de cartouche thermiques sont de type fiche, ni enfin le fait que ces bornes de cartouche thermiques ont la même direction d'emmanchement que les bornes de cartouches électriques. Compte tenu de ce qui précède concernant le document LYNTON, l'apport du document EL.EN n'aurait été d'aucun secours à l'homme du métier pour parvenir, sans faire preuve d'activité inventive, à la solution apportée par la revendication 1 du brevet EP 856. La revendication 1 n'étant pas dépourvue d'activité inventive au regard des documents LYNTON et EL.EN combinés, ne le sont pas non plus les revendication dépendantes 2 à 7 et 11 à 14. La société DERMEO n'expliquant pas en quoi la revendication indépendante 17 est dépourvue d'activité inventive au regard de la combinaison invoquée, cette revendication est inventive, de même que la revendication 18 qui est dépendante.
Le document GENERAL PROJECT (WO 03/043514), publié le 30 mai 2003, mentionné dans l'arrière plan technologique du brevet EP 856, concerne un instrument médical électrique à lumière pulsée pour traitement de la peau et décrit un corps de boîtier (11) ('box body') [cartouche de lampe-flash] contenant une lampe (13) et pouvant être inséré (et retiré) dans une portion de tête (8) d'une poignée à main (5) d'un dispositif IPL, la poignée à main étant reliée au dispositif IPL par un câble permettant le transport du fluide de refroidissement ; la poignée à main est reliée au dispositif IPL par un câble qui permet l'alimentation électrique et le refroidissement via un tube (45) qui permet le refroidissement par connexion pneumatique à une pompe logée dans le corps de machine (2) ; le corps de boîtier comprend des bornes électriques de type fiche (33) permettant de le connecter électriquement à la portion de tête de la poignée à main. Le corps de boîtier contenant la lampe peut être retiré de la poignée à main ou remis à l'intérieur par une pression. Le dispositif divulgue un système de refroidissement de la lampe par air.
La société DERMEO soutient que le document GENERAL PROJECT divulgue à l'identique l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1, hormis l'utilisation d'eau pour le dispositif de refroidissement ; qu'il divulgue cependant une borne de cartouche thermique, afin de connecter la cartouche de lampe-flash à l'embase pour l'apport du fluide de refroidissement (air), sous la forme d'un joint (46) disposé au niveau d'un trou (22) et se profilant comme une pièce cylindrique destinée à être enfoncée à l'intérieur de l'extrémité du tube (44) pour permettre un assemblage du type fiche ; que la substitution d'un dispositif de refroidissement à air par un dispositif de refroidissement à eau est une disposition usuelle à la portée de l'homme du métier dans le domaine des lampes à lumière pulsée ainsi qu'en témoignent les nombreux documents cités dans le préambule du brevet EP 856, mettant en oeuvre soit un refroidissement à air, soit un refroidissement à eau ; que l'homme du métier aurait sans faire preuve d'activité inventive utilisé l'une ou l'autre des solutions de refroidissement au vu de ses connaissances générales dans le domaine du refroidissement des lampes ; que si la circulation d'eau comme fluide de refroidissement peut présenter des difficultés de réalisation supplémentaires (étanchéité de la cartouche de lampe-flash, problèmes d'oxydation...), les deux solutions alternatives de refroidissement sont à la disposition de l'homme du métier qui privilégie l'une ou l'autre sans faire preuve d'activité inventive.
Cependant, le document GENERAL PROJECT ne divulgue qu'un système de refroidissement par air et aucunement par eau, contrairement à ce que décrit la revendication 1 du brevet. La société DERMEO argue que la description du brevet (page 7, lignes 15 à 24) mentionne l'utilisation de l'eau comme de l'air mais cette description est antérieure à la modification de la revendication 1 du brevet, la revendication 1 initiale étant muette sur le fluide de refroidissement alors que la revendication 1 du brevet telle que modifiée décrit expressément l'eau en tant que fluide de refroidissement. La facilité alléguée de la substitution de l'air par l'eau pour l'homme du métier ne peut résulter du seul fait que le brevet EP 856 cite dans son préambule plusieurs documents mettant en oeuvre soit un refroidissement par air, soit un refroidissement par eau. Comme l'a retenu le tribunal, l'utilisation de l'eau comme fluide de refroidissement implique des difficultés de réalisation (étanchéité de la cartouche de lampe-flash, en particulier au niveau de la borne de cartouche thermique (au niveau de la jonction entre la cartouche et l'embase/poignée) afin d'assurer la sécurité des utilisateurs, prévention de l'oxydation, nécessité d'un double circuit...) supposant d'importantes modifications apportées à la pièce à main selon le document GENERAL PROJECT, que l'homme du métier, spécialiste de la conception d'appareils à lumière pulsée, ne pouvait résoudre par de simples actes d'exécution.
La revendication 1 du brevet est donc inventive au regard du document GENERAL PROJECT pris isolément.
La société DERMEO considère que la revendication 1 du brevet est néanmoins dépourvue d'activité inventive au vu de l'enseignement du document GENERAL PROJECT combiné à l'enseignement de EL.EN ou de LYNTON ou à l'appareil PHOTOSILK-PLUS, ces deux documents et cet appareil enseignant ou montrant l'utilisation de l'eau comme fluide de refroidissement. Mais comme il a été vu, le document EL.EN décrivant un dispositif monobloc, l'homme du métier, en changeant l'air par de l'eau pour le refroidissement de la lampe-flash et en créant un double circuit pour l'apport et le retour de l'eau, ne serait pour autant pas parvenu à la connexion thermique de la cartouche à l'embase par des bornes de cartouches thermiques de type fiche ayant la même direction d'emmanchement que les bornes électriques, permettant à l'utilisateur de changer aisément la lampe-flash. Il en est de même du document LYNTON qui ne divulgue pas une cartouche de lampe-flash devant être insérée dans une embase comportant des bornes thermiques et électriques, ni par conséquent le fait que les bornes thermiques sont de même direction que les bornes électriques, mais une tête de traitement avec une lampe (tube flash) reliée par un câble à une fiche située au niveau de l'unité de contrôle et pas de la pièce à main. L'appareil PHOTOSILK-PLUS, à supposer qu'il puise être considéré comme une antériorité, ne propose pas une cartouche de lampe-flash destinée à être insérée dans une embase permettant de changer la lampe aisément.
La revendication 1 du brevet reste donc inventive au regard du document GENERAL PROJECT, même combiné avec les documents EL.EN ou LYNTON ou avec l'appareil PHOTOSILK-PLUS.
Les revendications 9 et 11 à 15, dépendantes de la revendication 1, sont donc également inventives au regard des documents et appareil invoqués.
La société DERMEO ne conteste pas l'activité inventive de la revendication indépendante 17, se bornant à arguer de son absence de nouveauté pour en déduire que la revendication dépendante 29 est dépourvue d'activité inventive au regard du document GENERAL PROJECT ou au regard de ce document combiné au document EL.EN (page 54 de ses écritures). L'activité inventive de la revendication 17 (reconnue nouvelle supra) n'étant ainsi pas valablement contestée, la revendication 29 doit être reconnue également inventive.
La société DERMEO ne contestant pas l'activité inventive de la revendication indépendante 21 au regard du document GENERAL PROJECT seul ou combiné avec EL.EN ou LYNTON ou avec l'appareil PHOTOSILK-PLUS, ne peut soutenir, sur la base de ces mêmes documents et appareil, le défaut d'activité inventive des revendications 22 et 23 dépendantes de la revendication 21.
L'appareil d'épilation SPA TOUCH, commercialisé par la société RADIANCY avant les dates de priorité revendiquées par le brevet de la société EUROFEEDBACK, ainsi qu'il ressort, contrairement à ce que soutient la société intimée, des pièces concordantes produites par la société DERMEO (ses pièces 16 à 20, 66 à 69), est, selon la notice d'utilisation fournie (pièce 19), un appareil à lumière pulsée avec une unité principale (console du système) et une pièce à main dans laquelle peut être insérée une unité lumineuse (LUA) [cartouche de lampe-flash] ; la pièce à main est connectée à l'unité principale par un câble permettant l'alimentation électrique et le passage d'un fluide de refroidissement ; le remplacement de l'unité lumineuse se fait aisément en ouvrant la pièce à main au moyen d'un bouton placé sur cette pièce, en procédant au remplacement de la lampe et en refermant la pièce à main en s'assurant que les parties en plastique et en métal de la lampe sont alignées avec les ouvertures correspondantes de la pièce à main. La figure 10 de la notice comme les photos de l'appareil fournies en pièce 20 montrent des bornes cylindriques sur l'unité lumineuse, qui sont, selon la société DERMEO, des bornes de cartouche thermiques pour la circulation de l'air de refroidissement, ainsi que des bornes métalliques, dirigées selon la même direction d'emmanchement que les bornes cylindriques et qui sont, selon l'appelante, des bornes de cartouche électriques permettant de connecter électriquement la lampe. Cependant, et en tout état de cause, la lampe de l'appareil est refroidie par de l'air et non par de l'eau et les motifs qui ont conduit à écarter l'absence d'activité inventive sur la base du document GENERAL PROJECT sont ici transposables, l'attention de l'utilisateur de l'appareil SPA TOUCH étant au surplus expressément appelée sur la nécessité d'éviter toute pénétration d'humidité dans le LUA (page 37 de la notice), mise en garde qui, s'il en était besoin, confirme les difficultés susceptibles de naître de l'introduction d'eau dans un tel dispositif contenant des éléments électriques et dissuadera l'homme du métier de remplacer l'air par l'eau pour le refroidissement de la lampe-flash.
L'appareil SPA TOUCH n'est donc pas destructeur de l'activité inventive de la revendication 1 du brevet.
La combinaison de l'appareil SPA TOUCH et des documents EL.EN ou LYNTON n'est pas plus susceptible de détruire l'activité inventive de la revendication 1 pour les motifs qui ont déjà été exposés.
Les revendications 9 et 11, 12, 14 et 15, dépendantes de la revendication 1, sont donc également inventives au regard des appareil et documents invoqués.
La société DERMEO ne conteste pas l'activité inventive de la revendication indépendante 17, se bornant à arguer de son absence de nouveauté pour en déduire que la revendication dépendante 29 est dépourvue d'activité inventive au regard de l'appareil SPA TOUCH ou de cet appareil combiné au document EL.EN (page 60 de ses écritures). L'activité inventive de la revendication 17 (reconnue nouvelle supra) n'étant ainsi pas valablement contestée, la revendication 29 doit être reconnue également inventive.
La société DERMEO ne conteste pas l'activité inventive des revendications 21, 25 et 33 au regard de l'appareil et des documents précités, de sorte que leurs revendications dépendantes 22, 23, 27, 34 et 35 doivent être considérées comme inventives.
La société soutient l'absence d'activité inventive des revendications 8, 16, 20, 21, 25, 26, 28 et 33 au regard du document EL.EN et des connaissances générales de l'homme du métier illustrées par la brochure COLDER de 1999, faisant valoir que cette dernière montre 1'existence, en très grande variété, de coupleurs rapides intégrant des clapets pour garantir un raccordement fiable et étanche, et ce dans différents domaines, notamment dans celui du transfert de liquide dans le secteur médical, et que, de ce fait, l'utilisation de coupleurs rapides pour réaliser des connexions étanches dans un circuit de circulation d'eau est une mesure évidente pour l'homme du métier cherchant à établir une connexion rapide et étanche.
La société DERMEO ne contestant pas l'activité inventive des revendications 1 et 17 au regard du document EL.EN et de la brochure COLDER, les revendications dépendantes de ces deux revendications, soit les revendications 8, 16, 20 et 28, doivent être considérées comme inventives au regard de ces mêmes éléments.
Comme il a été dit, le document EL.EN, qui décrit une pièce monobloc, ne divulgue pas une cartouche de lampe-flash pour insertion dans une embase d'un dispositif IPL, ni la connexion thermique de la cartouche de lampe-flash à l'embase par des bornes de cartouches thermiques, ni le fait que les bornes de cartouche thermiques sont de type fiche, ni enfin le fait que ces bornes de cartouche thermiques ont la même direction d'emmanchement que les bornes de cartouches électriques. Même avec le recours à la brochure COLDER qui concerne des 'coupleurs rapides pour connexions étanches', l'homme du métier ne serait pas parvenu, sans déployer une activité inventive, à l'invention consistant dans l'insertion de connexions de type fiche à l'intérieur de la pièce à main de manière à permettre la désolidariation de l'embase et de la cartouche, et ainsi de permettre à l'utilisateur de changer lui-même aisément une lampe-flash refroidie par de l'eau.
La revendication indépendante 21, qui porte sur une embase réalisée conformément à une ou plusieurs des revendications 17 à 19 comportant des bornes électriques et thermiques pour la cartouche de la lampe-flash et un clapet pour l'eau, est donc inventive au regard des documents EL.EN et COLDER.
Il en est de même de la revendication indépendante 25 qui concerne un dispositif comportant l'embase de la revendication 21 et, par voie de conséquence, de la revendication dépendante 26.
La revendication 33 qui porte sur un ensemble de lampe-flash destiné à être connecté à une embase est tout aussi inventive.
La société DERMEO soutient enfin que les revendications 8, 10, 21 à 28 et 30 à 35 sont dépourvues d'activité inventive au regard de l'appareil PHOTOSILK-PLUS seul ou combiné avec la brochure COLDER.
Elle ne conteste cependant pas l'activité inventive, au regard de ces éléments, des revendications indépendantes 1, 17 et 33, de sorte que les revendications 8, 10, 28, 34 et 35 dépendantes de ces revendications sont inventives.
Il a été vu que l'appareil PHOTOSILK-PLUS, dont l'antériorité n'est au demeurant pas certaine, ne propose pas de cartouche de lampe-flash destinée à être insérée dans une embase permettant de changer la lampe aisément.
La revendication indépendante 21, qui porte sur une embase réalisée conformément à une ou plusieurs des revendications 17 à 19 comportant des bornes électriques et thermiques pour la cartouche de la lampe-flash et un clapet pour l'eau, est donc inventive au regard de l'appareil et de la brochure COLDER. Il en est de même des revendications dépendantes 22 à 24.
Il en est de même de la revendication indépendante 25 qui concerne un dispositif électrique comportant l'embase de la revendication 21 (avec des bornes thermiques et électriques pour la lampe-flash) et, par voie de conséquence, de la revendication dépendante 26.
Le moyen de nullité sera donc écarté.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des revendications 1 à 18 et 20 à 35 de la partie française du brevet EP 856 de la société EUROFEEDBACK.
Sur la contrefaçon
La société DERMEO conteste la contrefaçon reprochée, faisant valoir que la société EUROFEEDBACK ne démontre pas (i) l'existence de composants pour un dispositif de refroidissement destiné à la lampe-flash de la revendication 1 et (ii) la présence de bornes de cartouche thermiques pour l'apport et le retour d'eau et de bornes de cartouche électriques pour connecter électriquement la cartouche de lampe-flash à l'embase ; que par ailleurs, même si le procès-verbal de saisie-contrefaçon semble décrire une lampe sous forme d'un tube logé dans une cartouche, ni ce procès-verbal, ni les photographies annexées ne démontrent (i) le fait que l'embase est reliée à un dispositif IPL par un câble permettant l'apport et le retour d'eau en tant que fluide de refroidissement et l'alimentation électrique de la revendication l et (ii) des bornes de cartouche thermiques pour le dispositif de refroidissement connectant thermiquement la cartouche de lampe-flash à l'embase. Elle ajoute que la reproduction des revendications 2 à 16 et 30 à 32 dépendantes de la revendication 1 n'est pas davantage démontrée, la société intimée n'expliquant pas en quoi les cartouches-lampes incriminées reproduiraient les caractéristiques de ces revendications et que les autres revendications opposées qui se réfèrent directement ou indirectement à l'objet de la revendication 1 ne peuvent être reproduites en l'absence de preuve de la reproduction de l'objet de la revendication 1.
La société EUROFEEDBACK demande la confirmation du jugement pour les motifs qu'il contient et ceux ci-après exposés.
L'article L. 613-3 a) du code de la propriété intellectuelle dispose que 'Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet (') la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation ou bien l'importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet', et l'article
L. 615-1 du même code que 'Toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon' engageant la responsabilité civile de son auteur.
En l'espèce, il ressort des procès-verbaux de saisie-contrefaçon et des procès-verbaux de constat réalisés les 24 février 2012 puis le 25 avril 2017 sur le site internet de la société DERMEO que la cartouche qu'elle commercialise sous la dénomination EASYLAMP reproduit l'ensemble des revendications opposées du brevet EP 856, s'agissant d'une cartouche incluant une lampe de traitement dermatologique, refroidie à l'eau, interchangeable facilement par un système de connexion de type fiche lui permettant d'être relié à une embase située dans la pièce à main.
Les cartouches EASYLAMP reproduisent les caractéristiques de la revendication 1 en ce qu'elles incluent une partie de cartouche pour une lampe-flash, qu'il existe un dispositif de refroidissement par eau et des bornes de connexion thermiques et électriques de type fiche orientées dans le même sens, comme le montrent la vue éclatée de la cartouche incriminée en annexe au procès-verbal de saisie-contrefaçon du 26 mars 2012 et sa description par l'huissier instrumentaire ('A l'extérieur de la cartouche il y a deux broches métalliques, un connecteur blanc, un connecteur rouge et deux cylindres saillants ceints de joints toriques dont l'extrémité est constituée d'une pièce mobile qui s'enfonce par simple pression') ainsi que les photographies prises lors de la saisie-contrefaçon, et en ce que l'embase est reliée à un dispositif IPL par un câble permettant l'apport et le retour de l'eau de refroidissement comme le montrent les mêmes photographies, ainsi que les photographies des appareils sur le site internet DERMEO. Les bornes d'alimentation en eau de refroidissement permettent de connecter thermiquement la cartouche de lampe-flash à l'embase dès lors que la documentation publicitaire de la société DERMEO indique à plusieurs reprises que la lampe est refroidie à l'eau et que la cartouche est 'la seule cartouche-lampe refroidie à l'eau interchangeable par l'utilisateur en 10 seconde seulement', ce refroidissement à l'eau supposant nécessairement que la cartouche est connectée thermiquement à l'embase pour laisser passer l'eau de refroidissement. Sont également reproduites les revendications dépendantes 2 à 16 et 30 à 32 au vu du procès-verbal de saisie-contrefaçon et des photographies prises lors de ces opérations.
La revendication 17 qui concerne spécifiquement la lampe-flash est reproduite dans le produit EASYLAMP qui comporte une lampe (13) inclue dans la cartouche (procès-verbal de saisie-contrefaçon, vue éclatée de la cartouche). Les revendications 18 et 20 sont également reproduites, compte tenu des positions respectives des bornes électriques et thermiques et des caractéristiques de puissance de la lampe. Les revendications 28 et 29 sont aussi reproduites, la cartouche DERMEO pouvant être enfichée dans l'embase ou en être retirée (cf. site www.dermeo.com). La revendication 29 implique que la cartouche échangeable encloisonne complètement la lampe-flash, ce qui est le cas dès lors que la lampe-flash n'a été accessible qu'après que le conseil en propriété industrielle accompagnant l'huissier instrumentaire lors de la saisie-contrefaçon a procédé au démontage de la cartouche EASYLAMP, les photographies prises à cette occasion confirmant l'encloisonnement de la lampe dans la cartouche. La revendication 17 et ses revendications dépendantes sont donc également reproduites.
Les revendications 21 à 23 concernant l'embase sont reproduites comme le montrent les photographies prises lors de la saisie-contrefaçon du 26 mars 2012 et les informations affichées par la société DERMEO sur son site internet et sa documentation publicitaire.
La revendication 24 est reproduite dès lors que la cartouche DERMEO présente des moyens d'identification sous forme d'une carte électronique contenue dans la cartouche ainsi que le révèle la documentation disponible sur le site de la société DERMEO.
Les revendications 25 à 27 concernent une machine dotée d'une embase, à visée thérapeutique, comportant des moyens de surveillance de la lampe-flash (temps de fonctionnement, comptabilisation des impulsions lumineuses). Ces caractéristiques sont reproduites, la documentation publicitaire de la société DERMEO faisant état de l'utilisation à des fins thérapeutiques et de moyens de surveillance ('Un équilibrage des pulses pour plus de confort - L'équilibrage des pulses permet d'obtenir la même densité d'énergie de la première jusqu'à la dernière impulsion en élargissant la durée de chaque impulsion...' ; 'Une gestion des profils utilisateurs pour une délégation contrôlée Le système permet de gérer jusqu'à 5 utilisateurs différents. L'administrateur peut ainsi contrôler de façon détaillée les habilitations des utilisateurs, l'accès à certaines applications pouvant être interdit ou limité').
La contrefaçon est ainsi caractérisée.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu qu'en fabriquant, livrant, offrant de livrer et détenant à ces fins, sur le territoire français, des cartouches-lampes EASYLAMP, ainsi que les pièces à main destinées à l'utilisation de ces cartouches-lampes, reproduisant les revendications 1 à 18 et 20 à 35 de la partie française du brevet EP 856 , la société DERMEO a commis des actes de contrefaçon.
Sur les mesure réparatrices
La société EUROFEEDBACK, faisant valoir qu'elle exploite effectivement le brevet EP 856 sur les têtes optiques de ses appareils à lumière pulsée avec le nouvel appareil dénommé 'Fluence' qu'elle commercialise depuis début 2016, qu'elle a subi un préjudice moral lié à l'atteinte portée à son titre, ainsi qu'un préjudice financier résultant d'un manque à gagner, sollicite : au titre de son préjudice moral : 100 000 € ; au titre de son préjudice financier : une provision de 600 000 €, une mesure d'information, ainsi qu'une mesure d'expertise ; une mesure d'interdiction ; une mesure de rappel des produits aux fins de destruction ; des mesures de publication (presse et internet). Elle argue que la société DERMEO a poursuivi l'exploitation commerciale des produits contrefaisants après 2012 et probablement jusqu'à sa mise en redressement judiciaire en avril 2019 ; qu'en avril 2017, les machines équipées des cartouches et pièces à main contrefaisantes étaient encore promues sur le site de la société DERMEO ; que le chiffre d'affaires réalisé sur la masse contrefaisante représente plus de 6 M€ ; que ses demandes sont distinctes de celles examinées par la cour d'appel dans son arrêt du 27 octobre 2017 concernant le brevet distinct EP
538, qu'elles portent sur une invention spécifique avec ses avantages et ses impacts commerciaux propres et des préjudices également distincts ; qu'outre la cartouche avec la lampe-flash également visée par le brevet EP 538, les demandes en contrefaçon du brevet EP 856 concernent aussi spécifiquement la commercialisation de l'embase destinée à recevoir l'ensemble de lampe-flash sous forme de cartouche et la commercialisation de machines présentant une telle embase ; que le tribunal a fait une mauvaise application de l'article
L.615-7 du code de la propriété intellectuelle en écartant les conséquences économiques négatives résultant pour elle de la contrefaçon au motif de l'absence d'exploitation commerciale du brevet et en écartant également les bénéfices indus réalisés par le contrefacteur au motif d'une précédente réparation octroyée par la cour au titre de la contrefaçon du brevet EP 538 ; que subsidiairement, elle peut prétendre à réparation sur le fondement du second alinéa de l'article
L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle.
La société DERMEO oppose que dans son arrêt du 27 octobre 2017, cette cour (chambre 5-2) l'a déjà condamnée à payer à la société EUROFEEDBACK la somme de 70.000 € à titre de dommages et intérêts pour la contrefaçon du brevet EP 538, se fondant sur le chiffre de 173 cartouches lampes contrefaisantes de cet autre brevet européen de la société EUROFEEBACK, commercialisées entre le 1er janvier 2011 et le 26 mars 2012 ; que les produits ainsi jugés contrefaisants sont les mêmes que ceux argués de contrefaçon du présent brevet EP 856 ; que le tribunal a parfaitement pris en compte cette circonstance en excluant tout préjudice économique distinct subi par la société intimée ; qu'une condamnation au titre du préjudice moral ne se justifie pas non plus dès lors que les actes de contrefaçon allégués concernent les mêmes matériels et qu'EUROFEEDBACK n'est pas le déposant du brevet qu'elle s'est contentée d'acquérir dans les circonstances pour le moins troubles.
Selon l'article
L.615-7 du code de la propriété intellectuelle, 'Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire.
Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée'.
Les demandes indemnitaires de la société EUROFEEDBACK tendent, à titre principal, à la réparation de son préjudice sur le fondement de l'alinéa premier de l'article précité. Il est rappelé qu'il y a lieu, pour fixer les dommages et intérêts conformément aux dispositions de l'alinéa 1 de cet article, de prendre en considération distinctement les différent postes de préjudices sans pour autant cumuler les indemnités susceptibles d'être calculées pour chacun des postes énumérés.
La société EUROFEEDBACK ne démontre pas que l'appareil 'Fluence' qu'elle commercialise depuis début 2016 met en oeuvre le brevet EP 856, ce qui ne résulte pas de l'attestation de son président en date du 19 janvier 2015. Ainsi, les conséquences économiques négatives de la contrefaçon résultant de la contrefaçon du brevet EP 856 ne sont pas démontrées.
Par ailleurs, les bénéfices réalisés indûment par le contrefacteur issus de la commercialisation des cartouches et pièces à main litigieuses ont déjà été pris en compte par l'arrêt de cette cour du 27 octobre 2017 concernant le brevet EP 538.
Au titre du second alinéa de l'article
L. 615-7, aucun élément n'est produit quant aux redevances qu'aurait pu demander la société EUROFEEDBACK dans le cadre d'une licence sur son brevet EP 856.
Dans ces conditions, la somme de 15 000 € allouée par le tribunal en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte portée au brevet EP 856, qui est distincte de celle portée au brevet EP 538 dont a eu à connaître cette cour dans l'arrêt du 27 octobre 2017, constitue une juste appréciation de la réparation à laquelle peut prétendre la société à la société EUROFEEDBACK.
Cette somme est allouée à titre de réparation définitive du préjudice de la société EUROFEEDBACK et il n'y a pas lieu à provision, ni aux mesures d'information et d'expertise demandées.
Compte tenu de l'ancienneté de faits et de la procédure collective affectant la société DERMEO, il n'y a pas lieu non plus de prononcer des mesures de rappel aux fins de destruction des produits litigieux et de publication.
Le jugement sera confirmé sur tous ces points.
La mesure d'interdiction prononcée par le tribunal sera confirmée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société DERMEO, représentée par son liquidateur, sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me DESROUSSEAUX, avocat, conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de la société DERMEO, représentée par son liquidateur, au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens exposés par la société EUROFEEDBACK peut être équitablement fixée à 10 000 €.
PAR CES MOTIFS
,
LA COUR,
Reçoit l'intervention volontaire à l'instance de la société BTSG, en la personne de Me [E] [V], en qualité de liquidateur judiciaire de la société DERMEO, et met hors de cause la SARL AJ ASSOCIES, en la personne de Me [K], en qualité d'administrateur judiciaire de la société DERMEO, ainsi que la SCP BTSG, en la personne de Me [E] [V], en qualité de mandataire judiciaire de la société DERMEO,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la société DERMEO, représentée par son liquidateur, aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me DESROUSSEAUX, avocat, conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement à la société EUROFEEDBACK de la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE