Cour d'appel de Bordeaux, 26 mars 2019, 2018/05038

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
  • Numéro de pourvoi :
    2018/05038
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : LEGAXIA ; LEXIA
  • Classification pour les marques : CL35 ; CL36 ; CL41 ; CL45
  • Numéros d'enregistrement : 4416199 ; 4010966
  • Parties : LEXIA SCP / DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'INPI ; N (Marie-Ange)
  • Décision précédente :INPI, 10 septembre 2018
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Bordeaux
2019-03-26
INPI
2018-09-10

Texte intégral

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

ARRÊT

DU 26 mars 2019 PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE N° de rôle : N° RG 18/05038 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KUAS Décision déférée à la cour : décision rendue le 04 juillet 2018 par le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle de PARIS (OPP18-1113) suivant recours en date du 10 septembre 2018 DEMANDERESSE : SCP LEXIA agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [...] 33070 BORDEAUX régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception représentée par Maître Pierre LANCON, avocat au barreau de BORDEAUX DEFENDEURS: INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [...] CS 50001 92677 COURBEVOIE CEDEX régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception représenté par M. JAUMARD, muni d'un pouvoir spécial Marie-Ange N régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception représentée par Maître Laurent HEYTE, avocat au barreau de LILLE COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 29 janvier 2019 en audience publique, devant la cour composée de : Marie-Hélène HEYTE, président, Jean-Pierre FRANCO, conseiller, Catherine BRISSET, conseiller, qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Véronique S Ministère Public : L'affaire a été communiquée au Ministère Public qui a fait connaître son avis le 7 janvier 2019. ARRÊT : - Contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE Mme Marie-Ange N a déposé, le 29 décembre 2017, la demande d'enregistrement n°4416199 portant sur le signe verbal LEGAXIA. Ce signe est destiné à distinguer notamment les services suivants : 'services juridiques ; médiation ; services d'agences de détectives ; recherches judiciaires ; conseils en propriété intellectuelle'. Le 15 mars 2018, la SCP Cabinet Lexia (ci-après le cabinet Lexia) a formé opposition à l'enregistrement de cette marque, sur la base de la marque française LEXIA, enregistrée le 10 juin 2013, sous le n°4010966. Cet enregistrement porte sur les services suivants : 'services juridiques et judiciaires ; conseil, représentation et assistance juridique ; négociations juridiques ; assistance et représentation judiciaire'. L'opposition formée à l'encontre d'une partie des services de la demande d'enregistrement a été notifiée à la déposante par courrier émis le 23 mars 2018 et cette dernière a présenté des observations en réponse transmises à la société opposante par l'INPI. Par un projet de décision établi le 4 juillet 2018, l'INPI a rejeté l'opposition. Par courrier du 6 juillet 2018, l'INPI a notifié le projet de décision aux parties, leur a donné un délai jusqu'au 10 août 2018 pour présenter leurs observations et dit qu'à défaut, le projet de décision deviendrait définitif le 11 août 2018. Par courrier transmis au guichet unique de greffe le 10 septembre 2018 et enregistré au greffe civil le 12 septembre 2018, le cabinet Lexia a formé un recours contre le projet de décision de l'INPI devenu définitif le 11 août 2018. Il avance que les services proposées par les deux parties sont identiques et s'adressent à un même public, que les deux dénominations sont construites de manière identique et que cela crée un risque de confusion pour les consommateurs. Par mémoire n°2 transmis au greffe le 22 janvier 2019, le cabinet Lexia demande à la cour de : Vu les dispositions des articles R411-20, R 411-21, L 712-3, L 712-4 et L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, Vu la décision du Directeur de l'INPI du OPP18-1113 du 4 juillet 2018, Vu les pièces versées au débat, - juger recevable le recours de la SCP Cabinet Lexia à l'encontre de la décision du Directeur de l'INPI OPP18-1113 du 4 juillet 2018, - juger que les « services juridiques et judiciaires ; conseil, représentation et assistance juridique ; négociations juridiques ; assistance et représentation judiciaire » de la marque LEXIA et les « Services juridiques ; médiation ; services d'agences de détectives ; recherches judiciaires ; conseils en propriété intellectuelle. » de la demande d'enregistrement de la marque LEGAXIA sont identiques, ou à tout le moins, similaires, - juger que les produits et services des deux marques LEXIA et LEGAXIA s'adressent au même public, - en conséquence, dire et juger qu'il existe un risque de confusion entre les deux signes pour l'intégralité des services en cause, - juger que la demande d'enregistrement de la marque LEGAXIA imite la marque LEXIA au regard : * de la similarité visuelle entre les deux signes, * de la similarité verbale entre les deux signes, * de la similarité auditive et phonétique entre les deux signes, * de l'identité conceptuelle et intellectuelle.

En conséquence

, - juger que la demande d'enregistrement de la marque LEGAXIA constitue une imitation de la marque LEXIA n° 13 4010966 détenue par le cabinet Lexia au motif que : * les services sont identiques ou similaires, * les signes sont similaires, - juger que cette imitation crée un risque de confusion pour le consommateur, - juger que la demande d'enregistrement de la marque LEGAXIA doit être rejetée pour les services « Services juridiques ; médiation ; services d'agences de détectives ; recherches judiciaires ; conseils en propriété intellectuelle. », - annuler la décision du directeur de l'INPI en ce qu'il a rejeté l'opposition et accueilli l'enregistrement de la marque pour les services précités, - débouter Mme N de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - condamner le succombant au paiement des entiers frais et dépens de justice. Par conclusions transmises au greffe le 24 janvier 2019, Mme Marie- Ange N demande à la cour de : Vu le principe d'Estoppel, - juger irrecevable et au besoin, mal fondé le recours exercé par la société Lexia, Sur le fond, vu les articles L.712-2, L.712-3 et L.712-4 du code de la propriété intellectuelle, - juger mal fondé le recours exercé par la SCP Lexia à l'encontre de la décision rendue par le Directeur Général de l'INPI le 11 août 2018, - débouter la SCP Lexia de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - condamner la SCP Lexia au paiement des entiers frais et dépens de l'instance. Par courrier transmis au greffe le 19 décembre 2018, le directeur général de l'INPI a présenté ses observations, développées à l’audience, dans lesquelles il précise que : - la comparaison des produis et services s'effectue uniquement au regard des libellés tels que désignés dans le dépôt et non au regard de l'usage qui peut être fait des marques ou de l'activité réelles ou supposées de leurs titulaires. Ainsi, l'institut explique que l'argumentation de la société requérante tenant au fait que les parties exercent pareillement la profession d'avocat et sont soumises à des règles juridiques déontologiques spécifiques qui les empêcheraient de réaliser des activités autres que juridiques est sans effet; - les services ne sont, en tout état de cause, pas similaires. - les signes ont un rythme différent (deux tempos pour la marque antérieure, trois tempos pour le signe contesté) et les préfixes du signe contesté LEG et de la marque antérieure LEX, ne sont pas susceptibles de peser dans l'appréciation du risque de confusion, car ils renvoient à la nature des services reconnus similaires. L'INPI expose que sa décision est parfaitement fondée en ce qu'elle a conclu au rejet de l'opposition. Par observations complémentaires transmises au greffe le 9 janvier 2019 développées à l'audience, le directeur général de l'INPI ajoute que dans ses conclusions du 7 janvier 2019, Mme N remet en cause la similarité retenue par l'INPI entre les 'services d'agence de détective' et certains services de la marque antérieure sans en tirer de conclusions. Il précise que la possibilité d'un recours incident ou d'une demande reconventionnelle n'est pas prévue par la loi dans le cadre du présent recours et que la déposante ne saurait donc contester la décision de l'INPI dans l'une de ses dispositions. Par avis du 7 janvier 2019, le ministère public indique n'avoir aucune observation à formuler. L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 29 janvier 2019. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Il résulte des dispositions de l'article R. 411'20 du code de la propriété intellectuelle que le délai de recours formé devant la cour d'appel contre les décisions du Directeur général de l'institut national de la propriété industrielle est d'un mois et des dispositions de l'article R411'21 que si la déclaration ne contient pas l'exposé des moyens invoqués, le demandeur doit, à peine d'irrecevabilité, déposer cet exposé au greffe dans le mois qui suit la déclaration. En l'espèce la décision du directeur de l'INPI est devenue définitive le 11 août 2018 ; le cabinet Lexia a formé son recours le 10 septembre 2018 et déposé son mémoire le 8 octobre 2018; le recours est donc recevable. Il y a lieu de rappeler que la présente procédure n'a pas la nature d'un appel pour réformation mais constitue un recours en annulation contre un acte administratif individuel ; la possibilité d'un recours incident ou d'une demande reconventionnelle n'est pas prévue par la loi dans le cadre du présent recours et la déposante ne saurait donc contester la décision de l'INPI dans l'une de ses dispositions. Dès lors est irrecevable la demande de Mme N tendant à voir déclarer irrecevable le recours de la SCP cabinet LEXIA au motif pris du principe d'Estoppel, et que la SCP cabinet LEXIA aurait déposé sa marque le 10 juin 2013 alors était en vigueur la marque de l'union européenne LEGAXIA enregistrée depuis le 12 avril 2007, marque étant la propriété conjointe de M. N avocat au barreau de Bruxelles, M. D avocat au barreau de Paris, M. C avocat au barreau de Thessalonique (Grèce) et Mme N avocat au barreau de Lille , laissant présumer que le cabinet Lexia qui avait dû être conseillé excluait la possibilité d'une confusion. Mme N rappelle qu'à l'approche de l'échéance du renouvellement éventuel de la marque Union européenne, M. D étant décédé et ses successeurs non identifiés, M. Georges N et M. C n'ayant pas manifesté l'intention de procéder à un renouvellement de la marque de l'union européenne, elle a souhaité poursuivre l'exploitation de la marque et a pris le parti de déposer cette dénomination en tant que marque française selon sa formalité effectuée auprès de l'INPI le 29 décembre 2017. Il suffira de constater que l'attitude procédurale de la SCP cabinet Lexia n'est pas constitutif d'un changement de position, en droit, de nature à induire notamment Mme N en erreur sur ses intentions ; et l'absence éventuelle de contestation par la SCP cabinet Lexia de l'inscription de la marque de l'union européenne LEGAXIA n'emporte pas à elle seule renonciation à se prévaloir de ses droits dans le cadre de l'inscription de la marque auprès de l'INPI. De même aucune disposition légale n'organise la possibilité d'un recours incident ou d'une demande reconventionnelle de la part de la partie appelée en cause, titulaire de la marque verbale contestée. Ainsi faute d'avoir formé un recours contre la décision de l'INPI dans les conditions et délais prévus par les articles R. 411'20 et R. 411'21 du code de la propriété intellectuelle, Mme N ne peut contester la décision de l'INPI dans l'une quelconque de ses dispositions. Ainsi les conclusions de Mme N remettant en cause la similarité que l'Institut a retenue entre les services d'agence de détective et certains services de la marque antérieure sont non avenues. La marque contestée Legaxia n'étant pas la reproduction à l'identique de la marque invoquée, Lexia, faute de la reproduire sans modification ni ajout en tous les éléments qui la composent, il y a lieu de rechercher s'il existe entre les signes en présence un risque de confusion, lequel doit être apprécié globalement, et le faire en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle, appréciation fondée sur l'impression d'ensemble, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants respectifs. Les services enregistrés pour la marque Legaxia sont, en ce qui concerne la classe 45, similaires à ceux de la marque Lexia, soit des services juridiques et judiciaires offerts par deux cabinets d'avocats, dont l'un a son siège et un bureau à Bordeaux, et l'autre est inscrit au barreau de Lille. Cependant cet élément territorial est sans incidence dès lors que le privilège de multipostulation permet des interventions sur l'ensemble du territoire français, voire européen et qu’un avocat régulièrement inscrit peut plaider ou défendre en tout lieu du dit territoire. La discussion relative aux activités de médiation est sans objet dès lors que, nonobstant les observations de l'INPI sur la notion de médiation et l'activité d'avocat dans ce domaine, l'INPI retient la similarité de services. D'un point de vue visuel, les deux signes sont constitués de lettres majuscules, LEXIA et LEGAXIA., véhiculant un contenu sémantique se rapportant à l'idée de la loi, au regard des trois premières lettres LEG et LEX. Les deux marques sont présentées en capitales d'imprimerie de taille similaire sans présentation ou fantaisie graphique. Au niveau phonétique et visuel, les deux marques LEXIA et LEGAXIA sont composées de deux syllabes et trois syllabes, des deux premières (LE) et trois dernières lettres (XIA) communes et de la même finale A ; les lettres intermédiaires (Ga) sont phonétiquement gommées dans la prononciation du nom, dès lors que le mot 'LEX', à consonance dure est prédominant et la finale IA est commune. Si l'une comprend 7 lettres (LEGAXIA) et l'autre cinq lettres (LEXIA), il est nécessaire de faire un effort d'articulation pour faire apparaître la différence, la syllabe 'ga' par la présence du A étant discrète et facilement avalée entre les lettres initiales et les finales, et donc faiblement distinctive. De plus, les deux marques ne sont pas destinées à être apposés de façon visuelle sur des produits de consommation courante présentés de façon concomitante pour lesquels l'aspect visuel est prépondérant, mais envisagées par l'utilisateur, public d'attention moyenne. Il résulte de ces éléments un risque de confusion dans l'esprit du public dès lors que pris dans leur ensemble ces signes ne présentent pas de différences propres à les distinguer nettement. En conséquence l'opposition de la SCP Cabinet Lexia à l'enregistrement de la marque LEGAXIA est bien fondée. La décision de l'INPI rejetant l'opposition de la SCP Cabinet Lexia et accueillant l'enregistrement de la marque LEGAXIA doit être annulée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR DÉCLARER RECEVABLE le recours de la société cabinet Lexia DÉCLARER IRRECEVABLES les prétentions de Mme N au titre de la fin de non-recevoir tirée du principe d'estoppel DÉBOUTE Mme N de ses prétentions ANNULE la décision de l'INPI du 04 juillet 2018 (OPP 18-1113) rejetant l'opposition de la SCP Cabinet Lexia et accueillant l'enregistrement de la marque LEGAXIA DIT n'y avoir lieu en conséquence à enregistrement de la marque LEGAXIA DIT que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception par le greffe aux parties et au directeur de l'INPI ; DIT n'y avoir lieu à dépens