Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 13 décembre 2022, 20VE02171

Mots clés étrangers · séjour des étrangers · refus de séjour · rapport · médecins · ressort · préfet · arrêté · collège · séjour · vie privée · médicaux · délai · astreinte · preuve · requête · soutenir · transmission

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro affaire : 20VE02171
Type de recours : Excès de pouvoir
Président : M. MAUNY
Rapporteur : Mme Elise TROALEN
Rapporteur public : Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : MAILLARD

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2018 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français à l'expiration d'un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit, d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, sous astreinte de 70 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 10 jours à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n°1909144 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 17 septembre 2018, a enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la demande de titre de séjour de M. B... dans un délai de deux mois en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à l'avocat de M. B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 août 2020, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'arrêté attaqué avait été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le médecin qui a établi le rapport prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne siégeait pas parmi les médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant émis un avis sur sa demande ;

- il s'en remet à ses écritures de première instance s'agissant des autres moyens invoqués en première instance par le requérant qui seront à examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2022, M. B..., représenté par Me Maillard, avocat, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 17 septembre 2018 ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet des Hauts-de-Seine, sous astreinte de 70 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 10 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que le moyen accueilli par les premiers juges est fondé, les éléments produits pour la première fois en appel par le préfet étant dépourvus de caractère probant, et réitère les moyens qu'il avait invoqués en première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.


Considérant ce qui suit

:

1. Par un arrêté du 17 septembre 2018, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de délivrer à M. B..., ressortissant malien né le 17 septembre 1984, le titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français à l'expiration d'un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit. Le préfet des Hauts-de-Seine relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.

2. Le préfet des Hauts-de-Seine produit pour la première fois en appel un courrier du 21 août 2020 par lequel la médecin coordonnatrice de la zone Ile-de-France de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFFI) lui indique le nom de la médecin qui a établi le 22 février 2020 le rapport médical sur l'état de santé de M. B... prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'attestation de la médecin coordonnatrice émise le 21 août 2020 précisant que ce rapport a été établi le 22 février 2020 puis transmis le même jour pour être soumis au collège de médecins. La circonstance que ces documents aient été établis le 21 août 2020 à la suite de la demande du préfet des Hauts-de-Seine par la médecin coordonnatrice et non par la médecin ayant établi le rapport ne saurait suffire à leur ôter leur caractère probant. Ainsi, il ressort de ces documents et de l'avis émis le 17 juillet 2018 par le collège des médecins, produit en première instance, que la médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège. Dans ces conditions, le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables, prévoyant que le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège.

3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

4. En premier lieu, l'avis du collège des médecins, qui a été signé par les trois médecins composant le collège des médecins de l'office, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Alors que cette mention fait foi du caractère collégial de l'avis jusqu'à preuve de contraire, M. B... ne produit aucun commencement de preuve de ce que les médecins n'auraient pas délibéré de façon collégiale conformément à la mention figurant sur cet avis. Par suite, le moyen tiré de ce que cet avis ne serait pas signé et n'aurait pas été pris à l'issue d'une délibération collégiale manque en fait.

5. En deuxième lieu, il ressort de l'avis émis le 17 juillet 2018 que le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le collège n'était ainsi pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour M. B... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que cet avis ne comporterait pas les mentions prévues à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la date de la décision en litige.

6. En troisième lieu, l'arrêté en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B... et l'obliger à quitter le territoire français. Par suite, l'arrêté attaqué est suffisamment motivé.

7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine n'aurait pas procédé à un examen complet de la demande de M. B... ou se serait à tort cru lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII.

8. En cinquième lieu, si M. B..., atteint d'une hépatite B chronique, fait valoir que son état de santé s'est dégradé depuis l'année 2020 et qu'il a alors été mis sous traitement antiviral à compter du mois d'août 2020, il ressort des pièces du dossier que, à la date à laquelle le préfet des Hauts-de-Seine s'est prononcé sur sa demande, sa charge virale était indétectable et qu'il ne prenait aucun traitement pour cette pathologie, seul un suivi régulier étant mis en place. Par suite, en estimant, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que le défaut de prise en charge de son état de santé ne l'exposait pas à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet des Hauts-de-Seine n'a méconnu ni les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 ni celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la date de la décision en litige.

9. En sixième lieu, M. B... est célibataire et sans charge de famille en France et ne se prévaut d'aucun lien personnel particulier qu'il y aurait tissé. S'il fait valoir qu'il réside en France depuis l'année 2013, soit depuis 5 ans à la date de l'arrêté attaqué, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine qu'il n'a quitté qu'à l'âge de 29 ans. Le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français qui lui ont été opposés ne peuvent donc être regardés comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En septième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 8 concernant son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français attaqués soient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de M. B....

11. En huitième lieu, M. B... n'a donné aucune précision sur les soins qui auraient pu être en cours à la date de l'arrêté attaqué. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le délai de 30 jours qui lui a été laissé pour exécuter volontairement la mesure d'éloignement soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais d'instance, ainsi que les conclusions présentées par l'intéressé en appel, doivent être rejetées.

DECIDE :



Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 15 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Mauny, président,

Mme Troalen, première conseillère,

Mme Villette, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

E. A...Le président,

O. MAUNYLa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 20VE02171 002