AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le rapport de M. le conseiller JORDA, les observations de la société civile professionnelle ROUVIERE et BOUTET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par
:
- A... Valérie, épouse Z..., contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6ème chambre, du 18 janvier 1994 qui, pour blessures involontaires et infraction au Code de la route, l'a condamnée à 1 000 francs d'amende et 18 mois de suspension de son permis de conduire pour le délit, 1 500 francs d'amende pour la contravention connexe et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen
de cassation pris de la violation des articles
1382 du Code civil, 4 et 5 de la loi du 5 juillet 1985,
R. 3-1,
R. 4 et
R. 11-1 du Code de la route,
2,
3,
485,
593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme A... seule responsable des conséquences dommageables de l'accident ;
"aux motifs qu'il résulte des témoignages concordants et non contredits de M. X... et de M. Z... que Mme A... a quitté un stationnement, a effectué un demi tour, a franchi une ligne continue et effectué ensuite une marche arrière avant d'être heurtée par la motocyclette de M. X... ;
que si celui-ci a reconnu avoir circulé à une vitesse supérieure à celle autorisée de 50 km/h, qu'il estime à 60 km/h, et ce sur la voie de gauche, il apparaît que, dans le processus de l'accident, la succession rapide de manoeuvres perturbatrices de la prévenue a rendu impossible une manoeuvre d'évitement de la part des usagers circulant sur la chaussée ;
que l'excès de vitesse de faible amplitude reconnu par le motocycliste et le fait de circuler sur la voie de gauche n'apparaissent pas en l'espèce comme une cause de l'accident ;
qu'en effet, la prévenue qui se livrait à différents actes de conduite, paraissait préoccupée par l'exécution de son demi-tour, sans vérifier suffisamment ce qui se passait sur la chaussée, alors qu'il était impossible pour les autres usagers de savoir de quel côté de sa voiture ils pouvaient passer ;
que la preuve de la faute de conduite imputable à la partie civile n'étant pas rapportée il n'y a pas lieu à partage de responsabilité ;
que le jugement entrepris doit ainsi être confirmé ;
"alors, d'une part que la cour d'appel qui admet l'existence d'une double faute aux règles de la circulation commises par M. X..., fautes ayant consisté en un excès de vitesse et une circulation à gauche de la chaussée et ayant nécessairement un lien de causalité avec l'accident ne pouvait refuser de laisser une part de responsabilité à la charge de la victime, conducteur fautif ;
que dès lors, l'arrêt qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé les textes visés au moyen ;
"alors, d'autre part que tout conducteur devant en toute circonstance rester maître de sa vitesse et de son véhicule, la cour d'appel ne pouvait sans violer les articles
R. 3-1 et
R. 11-1 du Code de la route, considérer que l'excès de vitesse commis et reconnu par M. X... n'apparaissait pas comme une cause de l'accident ;
qu'en effet, l'intéressé ayant vu le véhicule de Mme A... en train d'effectuer sa manoeuvre en travers de la chaussée, aurait dû, s'il avait respecté les prescriptions du Code de la route, être en mesure d'éviter l'obstacle, ce qu'il n'a pas fait ;
qu'ainsi, en refusant de retenir les fautes de M. X..., en laissant à sa charge une part de responsabilité, la cour d'appel a à nouveau, violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a exposé sans insuffisance ni contradiction les motifs dont elle a déduit que la victime n'avait commis aucune faute de nature à exclure ou limiter son indemnisation ;
D'où il suit
que le moyen, qui remet en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne peut être admis ;
Sur le premier moyen
de cassation pris de la violation des articles
320 du Code pénal,
L. 14,
R. 6,
R. 4-1 alinéa 3,
R. 233 alinéa 1er du Code de la route,
485,
593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme A... coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a en répression condamnée à une amende de 1 000 francs et 18 mois de suspension du permis de conduire pour le délit et 1 500 francs d'amende pour la contravention au Code de la route ;
"aux motifs qu'il est constant que Mme A... a commis des manoeuvres perturbatrices caractérisant les infractions visées à la prévention ;
que le jugement entrepris doit être confirmé sur le principe de la culpabilité ;
que les pénalités prononcées, adaptées aux circonstances de l'espèce doivent également être confirmées ;
"alors d'une part, que la cour d'appel ne pouvait confirmer les sanctions infligées à la prévenue, notamment la suspension du permis de conduire de 18 mois sans motiver le refus de sursis ou d'aménagement sollicité par l'intéressée ;
qu'ainsi, l'arrêt n'est pas légalement justifié ;
"alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait infliger à la prévenue une amende de 1 500 francs pour la contravention, montant dépassant le maximum légal encouru" ;
Sur la première branche du moyen
;
Attendu qu'en refusant d'assortir du sursis ou d'aménager la suspension du permis de conduire prononcée contre le prévenu, les juges d'appel n'ont fait qu'user de la faculté discrétionnaire dont ils disposent quant à l'application de la peine ;
D'où il suit
que le moyen en cette branche ne saurait être accueilli ;
Mais sur la seconde branche du moyen
;
Vu
lesdits articles ;
Attendu que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date de l'infraction ;
Attendu que, par l'arrêt attaqué, Valérie Z..., poursuivie pour avoir apporté un changement dans l'allure ou la direction de son véhicule sans s'assurer qu'elle pouvait le faire sans danger et sans avertir de son intention les autres usagers, contravention prévue et réprimée par les articles
R. 6 et
R. 233-1 du Code de la route, a été déclarée coupable de cette infraction et condamnée à une amende de 1 500 francs ;
Mais attendu
qu'en statuant ainsi, alors que le maximum de l'amende prévue par les textes susvisés, dans leur rédaction applicable à la date des faits, était de 600 francs, la cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus énoncé ;
Que la cassation est encourue de ce chef ;
Et attendu qu'en raison de l'indivisibilité entre la déclaration de culpabilité et la peine, la cassation doit être étendue à toutes les dispositions relatives à la contravention poursuivie ;
Par ces motifs
,
CASSE et ANNULE, mais en ses seules dispositions relatives à la contravention au Code de la route, l'arrêt de la cour d'appel de Douai, en date du 18 janvier 1994, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Souppe conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Jorda conseiller rapporteur, MM. Jean B..., Blin, Carlioz, Pibouleau, Aldebert, Grapinet conseillers de la chambre, Mmes Y..., Verdun conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Nicolas greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;