Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Multi Trans Route a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision du 10 décembre 2019 par laquelle le président de Montpellier Méditerranée Métropole a préempté les parcelles cadastrées section CA nos 13 et 15 situées sur le territoire de la commune de Fabrègues, ainsi que la décision du 20 mars 2020 par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 2002152 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions susvisées des 10 décembre 2019 et 20 mars 2020 et a enjoint à Montpellier Méditerranée Métropole de proposer à la société Arman F 21, propriétaire initiale des parcelles, puis, en cas de refus, à la société Multi Trans Route, d'acquérir ces parcelles, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement.
Procédures devant la cour :
I - Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022 sous le n° 22TL21608 et un mémoire en réplique enregistré le 7 décembre 2022, Montpellier Méditerranée Métropole, représentée par la SCP CGCB et associés, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 19 mai 2022 et de rejeter la demande présentée par la société Multi Trans Route devant le tribunal administratif de Montpellier ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du 19 mais 2022 en tant qu'il porte injonction de proposer à la société Arman F 21 puis à la société Multi Trans Route de procéder à l'acquisition des parcelles litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de la société Multi Trans Route somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a retenu, pour annuler les décisions en litige, le moyen tiré de l'absence de publication des délibérations par lesquelles le conseil municipal de Fabrègues a institué le droit de préemption ;
- un tel moyen était inopérant en application de la décision du Conseil d'Etat n° 414583 du 18 mai 2018 et n'est pas fondé dès lors qu'il est justifié de la réalité de l'accomplissement des mesures de publicité ;
- par ailleurs, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, les autres moyens invoqués par la société Multi Trans Route devant les premiers juges ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal a prononcé l'injonction susvisée alors que la rétrocession du site porterait une atteinte excessive à l'intérêt général.
Par des mémoires en défense enregistrés le 15 novembre 2022 et le 21 décembre 2022, la société Multi Trans Route, représentée par la SCP SVA, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Montpellier Méditerranée Métropole une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par Montpellier Méditerranée Métropole ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 22 décembre 2022.
II - Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022 sous le n° 22TL21609 et un mémoire en réplique enregistré le 7 décembre 2022, Montpellier Méditerranée Métropole, représentée par la SCP CGCB et associés, demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement du 19 mai 2022 ;
2°) de mettre à la charge de la société Multi Trans Route somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a retenu, pour annuler les décisions en litige, le moyen tiré de l'absence de publication des délibérations par lesquelles le conseil municipal de Fabrègues a institué le droit de préemption ;
- à titre subsidiaire, c'est à tort que le tribunal a prononcé l'injonction susvisée alors que la rétrocession des parcelles porterait une atteinte excessive à l'intérêt général.
Par des mémoires en défense enregistrés le 15 novembre 2022 et le 21 décembre 2022, la société Multi Trans Route, représentée par la SCP SVA, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Montpellier Méditerranée Métropole une somme de 5 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués par Montpellier Méditerranée Métropole ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 22 décembre 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Arroudj, représentant Montpellier Méditerranée Métropole,
- les observations de Me Borkowki, représentant la société Multi Trans Route.
Une note en délibéré présentée pour la société Multi Trans Route, représentée par la SCP SVA, a été enregistrée le 24 mars 2023.
Une note en délibéré présentée pour Montpellier Méditerranée Métropole, représentée par la SCP CGCB et associés, a été enregistrée le 31 mars 2023.
Considérant ce qui suit
:
1. La société Arman F 21, propriétaire des parcelles cadastrées section CA nos 13 et 15 sises au lieu-dit " Les quatre chemins " sur le territoire de la commune de Fabrègues (Hérault), a signé, le 17 septembre 2019, une promesse de vente en vue de la cession de ces parcelles à la société Multi Trans Route. La déclaration d'intention d'aliéner a été adressée le jour même aux services de la commune de Fabrègues. Par une décision du 10 décembre 2019, le président de Montpellier Méditerranée Métropole a décidé d'exercer le droit de préemption urbain pour acquérir les parcelles susmentionnées de la société Arman F 21, aux prix et conditions fixés dans la déclaration d'intention d'aliéner. La société Multi Trans Route a présenté un recours gracieux contre cette décision le 31 janvier 2020, mais le président de la métropole a rejeté ce recours le 20 mars 2020. Ladite société a demandé l'annulation des décisions des 10 décembre 2019 et 20 mars 2020 au tribunal administratif de Montpellier, lequel a, par un jugement du 19 mai 2022, prononcé l'annulation de ces deux décisions et enjoint au président de Montpellier Méditerranée Métropole de proposer à la société Arman F 21, puis, en cas de refus de celle-ci, à la société Multi Trans Route, d'acquérir les parcelles litigieuses, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement. Par la requête n° 22TL21608, Montpellier Méditerranée Métropole relève appel du jugement du 19 mai 2022. Par la requête n° 22TL21609, elle demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu pour la cour de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité des décisions litigieuses :
2. L'article
L. 211-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation futures délimitées par ce plan ainsi que sur tout ou partie de leur territoire couvert par un plan d'aménagement de zone approuvé en application de l'article
L.311-4 ou par un plan de sauvegarde et de mise en valeur rendu public ou approuvé en application de l'article L.313-1. / (...) ". En outre, l'article
R. 211-2 de ce même code mentionne que : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article
L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. / Les effets juridiques attachés à la délibération mentionnée au premier alinéa ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées audit alinéa. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué. ".
3. Il ressort des termes de la décision attaquée du 10 décembre 2019 que le président de Montpellier Méditerranée Métropole a entendu exercer le droit de préemption urbain institué par le conseil municipal de Fabrègues par des délibérations du 6 juillet 1987 et du 29 mars 2006. Si la métropole a versé au dossier les deux délibérations dont s'agit, la seule circonstance qu'elles prévoient leur affichage en mairie pendant un mois et leur publication dans deux journaux locaux ne saurait suffire à établir la réalisation effective de ces mesures de publicité. En ce qui concerne la délibération du 6 juillet 1987, la métropole n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'accomplissement de ces formalités. En ce qui concerne la délibération du 29 mars 2006, s'il est justifié pour la première fois en appel de l'envoi d'un extrait aux journaux " Le Midi-Libre " et " L'Hérault du jour ", ainsi que de la publication de cet extrait dans le premier de ces titres le 2 mai suivant, Montpellier Méditerranée Métropole n'établit pas la réalité de son insertion dans le second journal et n'apporte par ailleurs toujours pas la preuve de son affichage en mairie. Par suite, et à supposer même que la décision de préemption en litige trouve son fondement dans la seule délibération du 29 mars 2006, ce qui n'est au demeurant pas démontré en l'absence de production des plans précisant les zones concernées par l'extension du droit de préemption, la métropole ne peut être regardée comme justifiant du caractère exécutoire de la délibération instituant le droit de préemption urbain. Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal administratif de Montpellier a estimé que les décisions contestées étaient dépourvues de base légale et qu'il a retenu ce moyen, lequel n'était pas inopérant, contrairement à ce que soutient Montpellier Méditerranée Métropole, en se référant à tort aux principes jurisprudentiels régissant l'exception d'illégalité des actes règlementaires, non applicables en l'espèce.
4. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que Montpellier Méditerranée Métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement contesté, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions des 10 décembre 2019 et 20 mars 2020.
En ce qui concerne l'injonction prononcée par le tribunal :
5. L'article
L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article
L. 213-11-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel l'acquisition du bien en priorité. / Le prix proposé vise à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle. A défaut d'accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d'expropriation (...). / A défaut d'acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel sont réputés avoir renoncé à l'acquisition. / Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel ont renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration mentionnée à l'article L. 213-2. ".
6. Il appartient au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens par l'ancien propriétaire ou par l'acquéreur évincé et après avoir mis en cause l'autre partie à la vente initialement projetée, d'exercer les pouvoirs qu'il tient des dispositions des articles
L. 911-1 et suivants du code de justice administrative afin d'ordonner, le cas échéant sous astreinte, les mesures qu'implique l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, d'une décision de préemption, sous réserve de la compétence du juge judiciaire pour fixer, en cas de désaccord, le prix auquel l'acquisition du bien doit être proposée. A ce titre, il lui appartient, après avoir vérifié, au regard de l'ensemble des intérêts en présence, que le rétablissement de la situation initiale ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, de prescrire au titulaire du droit de préemption qui a acquis le bien illégalement préempté, s'il ne l'a pas entre-temps cédé à un tiers, de prendre toute mesure afin de mettre fin aux effets de la décision annulée et, en particulier, de proposer à l'ancien propriétaire puis le cas échéant à l'acquéreur évincé d'acquérir le bien, à un prix visant à rétablir, sans enrichissement injustifié de l'une des parties, les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait illégalement obstacle.
7. Il résulte de l'instruction que, pour justifier sa décision de préempter les parcelles en litige, le président de Montpellier Méditerranée Métropole a indiqué, d'une part, que le site industriel vendu par la société Arman F 21 permettrait de répondre, après réaménagement et raccordement aux réseaux, à la demande élevée des entreprises en recherche de terrains sur la partie ouest du territoire métropolitain et, d'autre part, qu'une partie de ce site pourrait servir à installer un centre technique regroupant les équipes techniques de la métropole affectées au secteur de la " plaine ouest ". Il ressort notamment du procès-verbal de constat établi par un huissier le 24 juin 2022 ainsi que des nombreuses factures produites au soutien de la requête que Montpellier Méditerranée Métropole a déjà réalisé des travaux substantiels pour réaménager les installations existantes, à hauteur de 2,03 millions d'euros, ainsi que pour raccorder le site aux réseaux d'eau et d'assainissement, à hauteur de 1,40 million d'euros. Il en ressort également que les services techniques de la métropole sont déjà installés sur le site et qu'ils y occupent une partie significative des bâtiments réaménagés. Dans ces conditions, eu égard aux sommes importantes investies par Montpellier Méditerranée Métropole sur ce site et compte tenu de la nature de la seule illégalité entachant la décision de préemption, telle que rappelée au point 3 du présent arrêt, le rétablissement de la situation initiale, par la rétrocession des parcelles à leur ancien propriétaire ou à l'acquéreur évincé, porterait à l'intérêt général une atteinte excessive qui ne serait pas justifiée par l'intérêt qui s'attache à la disparition des effets de la décision annulée, notamment pour la société Multi Trans Route et son projet de relocalisation de ses activités. Dans les circonstances de l'espèce, l'appelante est donc fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit aux conclusions en injonction présentées par cette société.
8. Il résulte de ce qui précède que Montpellier Méditerranée Métropole est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier lui a enjoint de proposer à la société Arman F21, puis, en cas de refus de cette dernière, à la société Multi Trans Route, d'acquérir les parcelles en litige.
Sur la demande de sursis à exécution :
9. Le présent arrêt statuant sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 19 mai 2022, les conclusions de Montpellier Méditerranée Métropole tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. Par suite, les conclusions présentées par Montpellier Méditerranée Métropole et la société Multi Trans Route au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2002152 du 19 mai 2022 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions en annulation présentées par Montpellier Méditerranée Métropole dans sa requête n° 22TL21608 est rejeté.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée par Montpellier Méditerranée Métropole dans sa requête n° 22TL21609.
Article 4 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Montpellier Méditerranée Métropole et à la société Multi Trans Route.
Copie en sera adressée à la société Arman F 21.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :
M. Haïli, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article
R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
X. Haïli
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 22TL21608, 22TL21609