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Conseil d'État, 6 juillet 2020, 441314

Synthèse

  • Juridiction : Conseil d'État
  • Numéro d'affaire :
    441314
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Rejet
  • Publication : Inédit au recueil Lebon
  • Nature : Texte
  • Identifiant européen :
    ECLI:FR:CEORD:2020:441314.20200706
  • Identifiant Légifrance :CETATEXT000042100832
  • Avocat(s) : BOUTHORS
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, enregistrée le 19 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Athletic Club Ajaccien (ACA) Football demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l'exécution de la décision du 30 avril 2020 par laquelle le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel a supprimé les matchs de " play-offs " devant opposer les clubs ayant terminé 3ème, 4ème et 5ème de Ligue 2 ainsi que le match de barrage devant opposer le vainqueur de ces play-offs au 18ème de Ligue 1, en tant qu'elle a pour effet le maintien en Ligue 2 du club arrivé en dix-huitième position ; 2°) d'enjoindre à la Ligue de football professionnel de prendre ou de faire prendre par toute instance compétente toutes dispositions permettant l'accès en Ligue 1 du club classé en troisième position de la Ligue 2 ; 3°) de mettre à la charge de la Ligue de football professionnel la somme de 4 000 euros à verser à la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la condition d'urgence est remplie, dès lors qu'elle se trouve dans l'incapacité de concourir, pour la saison 2020-2021, en Ligue 1, alors même que ses résultats sportifs rendaient possible pareille accession, que les échéances sportives à venir sont proches et que les catégories de compétition disputées ont un impact immédiat sur les ressources, l'organisation et l'administration d'un club sportif professionnel ; - il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; - la décision attaquée méconnaît le principe d'éthique sportive, rappelé notamment aux articles L. 131-15-1 et L. 141-3 du code du sport, qui imposait que soient appliqués les règlements sportifs antérieurs à l'introduction du système des play-offs et, par conséquent, l'accession automatique du 3ème de Ligue 2 au championnat de catégorie supérieure ; - le classement arrêté ne repose pas sur un critère purement sportif dans la mesure où tous les clubs n'ont pas rencontré les mêmes adversaires ; - compte tenu des circonstances exceptionnelles, rien ne faisait obstacle à ce que le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel modifie le format de la Ligue 1, de façon à ce que les clubs occupant les places de 18ème de Ligue 1 et de 3ème de Ligue 2, au moment de l'arrêt de la saison 2019-2020, puissent y participer. Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la santé publique ; - le code du sport ; - la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ; - le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ; - le règlement administratif de la Ligue de football professionnel 2019/2020 ; - le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit

: 1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. Sur les circonstances dans lesquelles est intervenue la décision contestée : 2. En raison de l'émergence d'un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux, et de sa propagation sur le territoire français, le ministre des solidarités et de la santé, par plusieurs arrêtés successifs pris à compter du 4 mars 2020, a interdit, de façon de plus en plus stricte, les rassemblements, réunions ou activités mettant en présence de manière simultanée un certain nombre de personnes, et a décidé la fermeture d'un nombre croissant de catégories d'établissements recevant du public. Par un décret du 16 mars 2020, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile à l'exception des déplacements pour des motifs limitativement énumérés. La loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, terme ultérieurement reporté au 10 juillet 2020 par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire. Le Premier ministre, par un décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, a réitéré le principe de l'interdiction des déplacements, la prohibition de tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert et la fermeture de la plupart des établissements accueillant du public, notamment les établissements sportifs couverts et les établissements de plein air, ainsi que les établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques ou sportives. Ce régime juridique est resté applicable, avec quelques ajustements, jusqu'au 11 mai 2020, soit postérieurement à l'édiction de la décision contestée. 3. A partir de l'intervention du décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les déplacements ont été autorisés dans un rayon de cent kilomètres ; a été maintenue l'interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes ; les établissements sportifs couverts sont demeurés fermés ; les établissements sportifs de plein air ont pu organiser la pratique de certaines activités physiques et sportives, mais pas celle des sports collectifs. Le décret du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire a maintenu ce régime juridique, sauf pour l'interdiction des déplacements, dans les départements classés en zone orange ; dans ceux classés en zone verte, la pratique des sports collectifs a été rendue possible pour les sportifs de haut niveau et les sportifs professionnels, à l'exception de toute pratique compétitive, cette dernière réserve n'ayant été levée que par un décret du 21 juin 2020. Par ailleurs, aucun événement réunissant plus de 5 000 personnes ne peut se dérouler sur le territoire de la République jusqu'au 31 août 2020. 4. Lors de sa réunion téléphonique du 30 avril 2020, le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel a décidé : - de prononcer l'arrêt définitif des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 pour la saison 2019/2020 ; - pour la Ligue 1, de tirer les conséquences du fait que toutes les rencontres de la 28ème journée n'avaient pas pu avoir lieu en arrêtant un classement définitif sur la base d'un indice de performance défini comme le quotient issu du rapport entre le nombre de points marqués et le nombre de matchs disputés ; - pour la Ligue 2, d'arrêter un classement définitif sur la base de celui existant à l'issue de la 28ème journée ; - d'enregistrer en conséquences les classements de la Ligue 1 et de la Ligue 2 ; - d'attribuer le titre de champion de France de Ligue 1 au Paris-Saint-Germain et celui de champion de France de Ligue 2 au FC Lorient ; - de ne pas organiser, contrairement aux règles normalement applicables, de matchs de " play-offs " entre les clubs ayant terminé 3ème, 4ème et 5ème de Ligue 2 non plus que le match de barrage aller-retour devant normalement opposer le vainqueur de ces " play-offs " au 18ème de Ligue 1 et, par suite, de prononcer l'accession en Ligue 1 des clubs classés en première et deuxième position de Ligue 2 (FC Lorient et RC Lens) et de prononcer la relégation en Ligue 2 des clubs classés en dix-neuvième et vingtième position de Ligue 1 (Amiens SC et Toulouse FC). 5. La société Athletic Club Ajaccien (ACA) Football demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision ne pas organiser les matchs de " play-offs " entre les clubs ayant terminé 3ème, 4ème et 5ème de Ligue 2 non plus que le match de barrage devant opposer le vainqueur de ces play-offs au 18ème de Ligue 1, en tant qu'elle a pour effet le maintien en Ligue 2 du club arrivé en dix-huitième position. Sur le cadre juridique : 6. Aux termes de l'article L. 131-14 du code du sport : " Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports. " Aux termes de l'article L. 131-15 du même code : " Les fédérations délégataires : 1° Organisent les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux (...). " Aux termes de l'article L. 131-16 du même code : " Les fédérations délégataires édictent : 1° Les règles techniques propres à leur discipline ainsi que les règles ayant pour objet de contrôler leur application et de sanctionner leur non-respect par les acteurs des compétitions sportives (...). " Aux termes de l'article R. 131-32 du même code : " Les règles techniques édictées par les fédérations sportives délégataires comprennent :1° Les règles du jeu applicables à la discipline sportive concernée ; / 2° Les règles d'établissement d'un classement national, régional, départemental ou autre, des sportifs, individuellement ou par équipe ; / 3° Les règles d'organisation et de déroulement des compétitions ou épreuves aboutissant à un tel classement ; / 4° Les règles d'accès et de participation des sportifs, individuellement ou par équipe, à ces compétitions et épreuves. " Par ailleurs, aux termes de l'article L. 132-1 du même code : " Les fédérations sportives délégataires peuvent créer une ligue professionnelle, pour la représentation, la gestion et la coordination des activités sportives à caractère professionnel des associations qui leur sont affiliées et des sociétés sportives (...). " Aux termes de l'article R. 132-1 du même code, une fédération sportive délégataire peut créer une ligue professionnelle dotée de la personnalité morale soit pour organiser les compétitions sportives qu'elle définit, soit pour fixer, pour les compétitions sportives qu'elle définit, leurs conditions d'organisation et celles de la participation des sportifs. En application de l'article R. 132-12 du même code, la réglementation et la gestion des compétitions mentionnées à l'article R. 132-1 relèvent de la compétence de la ligue professionnelle, sous réserve des dispositions des articles R. 132-10 et R. 132-11. 7. En confiant, à titre exclusif, aux fédérations sportives ayant reçu délégation la mission d'organiser des compétitions sur le territoire national, le législateur a chargé ces fédérations de l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif. Les décisions procédant de l'usage par ces fédérations des prérogatives de puissance publique qui leur ont été conférées pour l'accomplissement de cette mission de service public présentent le caractère d'actes administratifs. Le pouvoir d'organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux, conféré aux fédérations délégataires par l'article L. 131-16, peut être exercé par des ligues professionnelles pour la participation aux compétitions qu'elles organisent. Par convention conclue entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnel en application de l'article R. 132-9 du code du sport, la gestion du football professionnel a été déléguée à la Ligue de football professionnel, notamment chargée d'organiser, de gérer et de réglementer le championnat de Ligue 1 et le championnat de Ligue 2. Il appartient en conséquence à la Ligue de football professionnel de réglementer ces compétitions. Sur la demande en référé : 8. La réglementation des compétitions organisées par la Ligue de football professionnel ne comporte pas de dispositions prévoyant les règles à suivre lorsque des circonstances imprévues conduisent à interrompre ces compétitions de façon définitive avant leur terme. Le Premier ministre et la ministre des sports ayant annoncé, à la fin du mois d'avril 2020, que la saison 2019-2020, s'agissant des compétitions de sports collectifs professionnels, et en particulier du football, ne pourrait reprendre, en raison du contexte sanitaire lié à l'épidémie de covid-19, le conseil d'administration de la Ligue a estimé, compte tenu de ces annonces et des contraintes de calendrier, et au regard de la nécessité de préserver la santé de tous les acteurs des rencontres de football, ainsi que de l'intérêt s'attachant à ce que les clubs disposent de la visibilité nécessaire pour gérer l'intersaison et organiser la saison 2020-2021, qu'il convenait de prendre sans attendre la décision d'arrêter de façon définitive les championnats de Ligue 1 et de Ligue 2. Dans de telles circonstances, il appartenait au conseil d'administration, soit, s'il estimait que l'équité sportive ne devait pas conduire à procéder à un classement, de retenir le principe d'une " saison blanche ", soit, dans le cas contraire, de décider selon quelles modalités le classement serait arrêté et, le cas échéant, des relégations et accessions auraient lieu. Le choix de ne pas faire de la saison 2019-2020 une " saison blanche " n'est, en tout état de cause, pas contesté par la requérante. Le moyen tiré de ce que le choix retenu en ce qui concerne le classement, consistant à avoir arrêté un classement définitif sur la base de celui existant à l'issue de la 28ème journée, méconnaîtrait les principes éthiques du sport, au motif que certains clubs avaient rencontré davantage de clubs mieux ou moins bien classés que d'autres, n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Il en va de même du moyen tiré de ce qu'à défaut de pouvoir organiser des " plays-offs " et un match de barrage, le conseil d'administration de la Ligue aurait dû faire application du règlement des compétitions dans sa rédaction antérieure à la saison 2017-2018 et permettre ainsi l'accès automatique en Ligue 1 du 3ème de Ligue 2, quitte à modifier le format de la Ligue 1. 9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition d'urgence, qu'il y a lieu de rejeter la requête de la société Athletic Club Ajaccien (ACA) Football par application des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

------------------ Article 1er : La requête de la société Athletic Club Ajaccien (ACA) Football est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Athletic Club Ajaccien (ACA) Football. Copie en sera adressée à la Ligue professionnelle de football.

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