Cour de cassation, Première chambre civile, 23 novembre 2022, 19-24.473

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2022-11-23
Cour d'appel de Paris
2019-09-25

Texte intégral

CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2022 Cassation sans renvoi M. CHAUVIN, président Arrêt n° 816 F-D Pourvoi n° U 19-24.473 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2022 1°/ M. [Y] [T], domicilié [Adresse 8], 2°/ la société Foucaud, Jean, Deleglise-Hautefeuille, Moga, anciennement dénommée société [T], Foucaud, Jean, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° U 19-24.473 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [X] [L], domiciliée [Adresse 9], 2°/ à la société Crédit immobilier de France développement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Ile-de-France, défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Bruyère, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [T], de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bruyère, conseiller rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à M. [T] et à la SCP Foucaud Jean Deleglise-Hautefeuille Moga du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Ile-de-France.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 septembre 2019), par acte reçu le 5 février 2009 par M. [T] (le notaire), membre de la société civile professionnelle [T], Foucaud, Jean, devenue Foucaud, Jean, Deleglise-Hautefeuille, Moga (la SCP), Mme [L] (l'acquéreur) a, en vue d'une opération de défiscalisation, acquis un terrain à bâtir au moyen d'un prêt consenti par la société Crédit immobilier de France Ile-de-France (le prêteur), avant de conclure un contrat de construction de deux maisons individuelles avec fourniture du plan. 3. A la suite de désordres affectant les constructions, l'acquéreur a assigné le notaire, la SCP et le prêteur en responsabilité et indemnisation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le notaire et la SCP font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à Mme [L] la somme de 30 000 euros en réparation d'une perte de chance de ne pas contracter, alors « qu'en l'absence de risques très importants et manifestes, le devoir de conseil qui incombe au notaire ne porte que sur les risques juridiques et non économiques ou financiers de l'opération ; qu'en relevant, pour retenir une faute du notaire, que celui-ci aurait dû alerter Mme [L] sur le risque d'un endettement de nature à dépasser ses capacités financières, dès lors que l'opération n'aurait correspondu d'évidence ni à ses besoins ni à ses capacités financières, quand une telle appréciation relative aux besoins et aux capacités financières de l'acquéreur à l'acte, dont le notaire n'avait pas à s'informer, ne relevait pas de sa mission, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour

Vu

l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 5. Il résulte de ce texte que le notaire n'est pas soumis à une obligation de conseil et de mise en garde concernant la solvabilité des parties ou l'opportunité économique d'une opération en l'absence d'éléments d'appréciation qu'il n'a pas à rechercher. 6. Pour retenir un manquement du notaire à son obligation de conseil, la cour d'appel a retenu que le notaire ne pouvait ignorer qu'il s'agissait, en l'espace de quelques mois, du troisième investissement de l'acquéreur à l'origine d'un endettement de nature à dépasser les capacités financières d'une personne exerçant la profession de commerciale avec un risque de non remboursement en cas de crise du marché locatif local. Elle en a déduit que, même si le notaire n'a pas d'obligation générale de conseil ou de mise en garde concernant l'opportunité économique de l'opération, il ne peut s'abstenir d'alerter un investisseur lorsqu'il a connaissance d'un comportement inhabituel et à risque dans le cadre d'une opération de défiscalisation ne correspondant, d'évidence, ni à ses besoins ni à ses capacités financières.

7. En statuant ainsi

, alors que le risque d'endettement excessif ne pouvait résulter que de la prise en considération de l'ensemble du patrimoine, des revenus et des charges de Mme [L], qu'il n'appartenait pas au notaire de rechercher, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 10. Le notaire, qui n'avait connaissance que de l'achat par Mme [L] de deux biens immobiliers six mois auparavant, mais qui ignorait les revenus, les charges et la consistance du reste du patrimoine de l'intéressée, et qui n'était pas tenu de procéder à des recherches sur ce point, n'a pas commis de faute en s'abstenant d'attirer l'attention de Mme [L] sur les incidences économiques de l'opération qu'elle envisageait, de sorte que les demandes formées contre lui doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a ordonné la reprise des relations contractuelles entre Mme [L] et la société Crédit immobilier de France développement s'agissant du contrat de prêt conclu le 10 décembre 2008, réitéré par acte authentique du 5 février 2009, en ce qu'il a condamné Mme [L] à payer à la société Crédit immobilier de France développement la somme 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a autorisé Me Henri de Langle à recouvrer directement les frais non compris dans les dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir reçu provision, l'arrêt rendu le 25 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Statuant au fond, rejette la demande de Mme [L] à l'encontre de M. [T] et de la SCP Foucaud, Jean, devenue Foucaud, Jean, Deleglise-Hautefeuille, Moga ; Condamne Mme [L] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Vignes, greffier présent lors du prononcé

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [T] et la société Foucaud Jean, Deleglise-Hautefeuille, Moga. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné solidairement le notaire et la SCP de notaires à payer à Mme [L] la somme de 30 000 euros en réparation d'une perte de chance de ne pas contracter ; AUX MOTIFS QUE « pour juger le notaire fautif et allouer à Mme [L] 30 000 € de dommages-intérêts, le tribunal a considéré qu'il lui appartenait de relever les incohérences de la promesse de vente du terrain laquelle comportait un délai de 25 jours pour conclure la vente et de 60 jours pour obtenir un prêt, sans prévoir d'indemnité d'immobilisation ; qu'il lui reproche encore de ne pas avoir attiré son attention sur les incidences économiques des opérations envisagées alors qu'il avait reçu deux actes de même nature six mois auparavant ; que si les incohérences de la promesse n'imposaient pas au notaire d'alerter Mme [L] dès lors que les deux parties au contrat souhaitaient conclure la vente du terrain litigieux, le notaire ne pouvait ignorer pour avoir enregistré, comme partenaire habituel du conseiller financier (qui lui a confié entre 100 et 150 ventes par an pendant une dizaine d'années de sorte qu'il entretenait avec M. [S] des relations privilégiées), deux actes de même nature, six mois auparavant qu'il s'agissait, en l'espace de quelques mois du 3ème investissement de Mme [L] à l'origine d'un endettement de nature à dépasser les capacités financières d'une personne exerçant la profession de commerciale avec un risque de non remboursement en cas de crise du marché locatif local ; qu'au regard de ces éléments et même si le notaire n'a pas d'obligation générale de conseil ou de mise en garde concernant l'opportunité économique de l'opération, il ne peut s'abstenir d'alerter un investisseur lorsqu'il a connaissance d'un comportement inhabituel et à risque dans le cadre d'une opération de défiscalisation ne correspondant, d'évidence, ni à ses besoins ni à ses capacités financières ; que le jugement sera donc confirmé pour avoir estimé à 30 000 € la perte de chance d'avoir pu, dûment alertée, renoncer à ce 3ème projet » (arrêt, p. 18, in fine, et p. 19, in limine) ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE « sur la responsabilité des notaires, […] le notaire est professionnellement tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur les conséquences, la portée, les effets et les risques des stipulations de l'acte qu'il instrumente ; qu'il doit fournir tous les éléments d'information en sa possession susceptibles d'éclairer ses clients sur la nature et la portée de leurs engagements mais aussi attirer leur attention sur les risques juridiques comme matériels de ces actes ; que ce faisant, il doit s'assurer que les droits et obligations réciproques contractés par les parties répondent aux finalités révélées de leur engagement, qu'ils sont adaptées à leur facultés respectives et sont assortis des stipulations propres à leur conférer leur efficacité, quand bien même ces engagements procéderaient d'un accord antérieur, dès lors qu'au moment de l'authentification cet accord n'a pas produit tous ses effets ou ne revêt pas un caractère immuable ; qu'il appartient au notaire de faire la preuve d'avoir accompli ce devoir ; qu'en l'occurrence, par acte sous seing privé du 5 septembre 2007, enregistré auprès des services fiscaux le lendemain, la société Sud-ouest villages promettait de céder à madame [X] [L] le lot no 13 du terrain cadastré section C nos [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 4], [Cadastre 2] et [Cadastre 1] sis à [Localité 11], moyennant un prix net de 47.000 euros, sous condition suspensive de l'obtention dans le délai de 60 jours d'un prêt, selon les modalités suivantes : capital emprunté : 384.064 euros ; durée : 25 ans ; taux : 5,5% ; qu'il est précisé que le bénéficiaire s'oblige à ce que l'acte notarié qui vaudra levée de l'option soit réalisé avant le 30 septembre 2007, et qu'en cas de défaut de signature de l'acte authentique, la promesse deviendrait nulle et non avenue, le promettant reprenant la libre disposition du terrain ; qu'il est encore indiqué que si toutes les conditions suspensives se réalisent, mais que le bénéficiaire ne lève pas l'option, l'indemnité d'immobilisation sera acquise de plein droit au promettant ; qu'il est aussi dit qu'à défaut de conclusion de la vente faute de réalisation de l'une des conditions, cette indemnité serait reversée au bénéficiaire ; que l'indemnité était expressément stipulée de zéro euro ; qu'il est encore acquis aux débats que maître [Y] [T] était le notaire instrumentaire de 2 précédents actes d'acquisition de terrains à bâtir pour y édifier des maisons individuelles, conclus par madame [X] [L], les 20 et 24 juin 2008, aux termes desquels elle déclarait la première fois payer le prix comptant, les fonds trouvant leur origine dans un emprunt auprès de la société anonyme Crédit foncier de France, de 294.063 euros, et la seconde fois, qu'elle réglait comptant le prix de 51.000 euros, sans précision sur l'origine des sommes ; que le 5 janvier 2009, madame [X] [L] concluait par devant le même notaire l'acte d'acquisition du terrain susdit, y déclarant régler le prix au moyen d'un crédit de 393.525 euros, au taux initial de 5,80% l'an ; qu'elle réitérait par un second acte authentique du même jour, par devant le même officier ministériel, le contrat de crédit conclu le 10 décembre 2008, spécifiant outre ces modalités une mensualité de 2.449,98 euros ; que le contrat prévoyait que le montant du prêt ne pourrait être libéré que sur justification du versement de l'apport personnel tel qu'indiqué à l'offre, soit 12.162 euros ; que d'emblée, il convient de relever que madame [X] [L] ne peut pas imputer à faute à maître [Y] [T] de ne l'avoir pas informée du caractère peu rentable de l'opération, dans la mesure où, chargé d'assurer l'authentification des actes et d'en assurer l'efficacité juridique et pratique, cet aspect ne relève pas de sa mission, sauf à avoir eu connaissance d'une difficulté y afférent, ce qui n'est pas établi ; que par ailleurs, le règlement du lotissement d'où résulterait l'interdiction de construire 2 maisons individuelles sur le même lot n'étant pas produit, et la lettre d'un tiers notaire qui le remarque, sans qu'on sache de quel lotissement il parle, ne pouvant pallier ce défaut, l'argument tiré de cette irrégularité ne peut pas prospérer ; que pas plus madame [X] [L] ne saurait reprocher au défendeur le caractère hâtif de la procuration qu'il lui faisait parvenir sans que soit expiré le délai de réflexion de 10 jours de la réception de l'offre le 20 novembre 2008, et que les parties s'accordent à dater du 28 novembre 2008, puisque, faute d'être versée aux débats, ses termes demeurent inconnus, si bien que le tribunal n'est mis en position de connaître son éventuelle ambiguïté ; mais que ceci dit, le notaire, dont l'obligation de conseil est inhérente à sa profession, se devait d'aviser madame [X] [L], en sa qualité de partie au contrat, sur les incohérences résultant de la promesse de vente du terrain, qui ouvrait un double délai incompatible de 25 jours pour réitérer l'acte de vente, sous peine d'une nullité ou d'une caducité dont les contours restaient singulièrement opaques, et de 60 jours pour l'obtention d'un prêt sous certaines conditions, dont la défaillance ou l'accomplissement spécialement régi était sans objet, faute d'indemnité d'immobilisation, aucune autre sanction n'étant prévue ; qu'il est encore faux de prétendre, comme le fait maître [Y] [T], que la condition suspensive de financement du terrain ait été stipulée au seul bénéfice du promettant, alors qu'au contraire elle protège le bénéficiaire de la promesse d'un engagement qu'il ne pourrait tenir, étant observé qu'ici, le taux de l'emprunt dépassait les prévisions de cette condition ; qu'il est manifeste qu'il devait éclairer l'intéressée sur ce point, peu important qu'il n'ait connu sa volonté de se dédire ; qu'il se devait aussi d'attirer son attention sur les conséquences économiques des actes combinés de prêt et d'acquisition du terrain en vue de la construction de maisons sur plan, de rapport, dans la mesure où il était informé de 2 autres opérations similaires, conclues en son étude devant lui 6 mois auparavant, par le même acquéreur, dont l'une financée au moyen d'un crédit, l'autre d'une manière non précisée, d'autant que rien n'évoquait la possibilité que cet acquéreur fût professionnel des affaires, et ce, peu important que l'offre ait été acceptée hors sa vue, puisque au moment de l'authentification cet accord n'avait pas produit tous ses effets et ne revêtait pas un caractère immuable, en tant qu'il formait un ensemble contractuel avec la promesse de vente, dont la pérennité incertaine a été relevée et qu'au reste l'apport personnel, qui conditionnait la délivrance des fonds, n'était pas payé ; que faute de pièces, maître [Y] [T] ne fait pas la preuve d'avoir accompli dans sa complétude son devoir de conseil, s'agissant de l'opération en la cause, et d'avoir singulièrement éclairé la demanderesse sur les conséquences et risques des actes authentifiés ; que cette faute, génératrice de responsabilité dans les conditions de l'article 1382 ancien du code civil, doit être retenue à son encontre ; qu'en conséquence, en application de l'article 16 de la loi du 29 novembre 1966, qui dit que chaque associé répond sur l'ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu'il accomplit et qu'une telle société est solidairement responsable avec lui des conséquences dommageables de ces actes, la responsabilité de la société civile professionnelle [Y] [T], Denys Foucaud et Philippe Jean est aussi engagée du même fait ; qu'en revanche, le préjudice en lien direct et nécessaire avec la faute ne saurait porter sur une autre opération que celle précisément envisagée aux débats, et ainsi sur les conséquences de l'investissement fait dans des conditions seraient-elles similaires à [Localité 10] ; qu'au demeurant, ce préjudice ne peut s'appréhender qu'en la perte d'une chance de n'avoir pas contracté, et la réparation de cette perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'aussi, sera-t-il en l'espèce évalué à la somme de 30.000 euros ; que maître [Y] [T] et la société civile professionnelle [Y] [T], Denys Foucaud et Philippe Jean seront condamnés solidairement à ce paiement » (jugement, p. 21-24) ; 1°) ALORS QU'en l'absence de risques très importants et manifestes, le devoir de conseil qui incombe au notaire ne porte que sur les risques juridiques et non économiques ou financiers de l'opération ; qu'en relevant, pour retenir une faute du notaire, que celui-ci aurait dû alerter Mme [L] sur le risque d'un endettement de nature à dépasser ses capacités financières, dès lors que l'opération n'aurait correspondu d'évidence ni à ses besoins ni à ses capacités financières, quand une telle appréciation relative aux besoins et aux capacités financières de l'acquéreur à l'acte, dont le notaire n'avait pas à s'informer, ne relevait pas de sa mission, la cour d'appel a violé l'article 1240 du code civil ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le risque d'endettement excessif pris par une partie qui souscrit un prêt doit s'apprécier au regard de l'ensemble de ses revenus et charges, ainsi qu'en considération de son patrimoine ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le risque que prenait Mme [L] en souscrivant le prêt litigieux ne présentait aucun caractère excessif, dès lors qu'il résultait des pièces produites par la banque qu'elle percevait tant des revenus de son travail importants - 7 212,08 euros par mois en 2008 - que des revenus immobiliers, tandis qu'elle ne supportait que de très faibles charges pour se loger et qu'elle disposait d'un patrimoine conséquent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné solidairement le notaire et la SCP de notaires à payer à Mme [L] la somme de 30 000 euros en réparation d'une perte de chance de ne pas contracter ; AUX MOTIFS QUE « le jugement sera donc confirmé pour avoir estimé à 30 000 € la perte de chance d'avoir pu, dûment alertée, renoncer à ce 3ème projet » (arrêt, p. 19, in limine) ; ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QUE « le préjudice en lien direct et nécessaire avec la faute ne saurait porter sur une autre opération que celle précisément envisagée aux débats, et ainsi sur les conséquences de l'investissement fait dans des conditions seraient-elles similaires à [Localité 10] ; qu'au demeurant, ce préjudice ne peut s'appréhender qu'en la perte d'une chance de n'avoir pas contracté, et la réparation de cette perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'aussi, sera-t-il en l'espèce évalué à la somme de 30.000 euros ; que maître [Y] [T] et la société civile professionnelle [Y] [T], Denys Foucaud et Philippe Jean seront condamnés solidairement à ce paiement » (jugement, p. 24) ; 1°) ALORS QU'un manquement du notaire à son devoir de conseil n'est pas causal s'il n'est pas démontré que, mieux informé, le bénéficiaire de ce conseil aurait pu éviter le dommage ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner le notaire à payer une somme de 30 000 euros à Mme [L], que cette dernière aurait perdu une chance de renoncer, dûment alertée du risque d'endettement excessif, au projet immobilier litigieux, sans rechercher, comme il lui était demandé, si, au regard de ses motifs et des perspectives de l'opération, il existait une probabilité que la demanderesse à l'action ait effectivement pris cette décision, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil ; 2°) ALORS QU'en toute hypothèse, le notaire ne peut répondre des risques étrangers au devoir de conseil auquel il lui est reproché d'avoir manqué ; qu'en se bornant à affirmer que, pour condamner le notaire à payer une somme de 30 000 euros à Mme [L], que cette dernière aurait perdu une chance de renoncer à son projet immobilier, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le préjudice invoqué par celle-ci n'était pas étranger au devoir de conseil auquel le notaire aurait manqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil