COUR D'APPEL DE NANCY ARRÊT DU 04 FEVRIER 2020
Première Chambre Civile Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/01448- N° Portalis DBVR-V-B7D-EL4E
Décision déférée à la Cour : décision de l'Institut National de la Propriété Industrielle de COURBEVOIE, réf. 18.4543/MBR, en date du 07 mars 2019 devenue définitive le 11 avril 2019
DEMANDERESSE AU RECOURS : Société LE SHORTBUS, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [...] 54000 NANCY Représentée par Me Olivier GIRARDOT de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau de NANCY
DÉFENDEUR AU RECOURS : INPI - INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE, pris en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié [...] CS 50001 92677 COURBEVOIE CEDEX Représenté par Madame Christine LESAUVAGE, juriste, régulièrement munie d'un pouvoir de Monsieur Pascal F, Directeur général de l'INPI
APPELÉE EN CAUSE : Société MAMIE BURGER, prise en la personne de son représentant légal, M. Mathieu S, pour ce domicilié au siège social, sis [...] 75010 PARIS Non représentée bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (signé le 21/10/2019).
Le dossier ayant été régulièrement communiqué au Ministère public.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article
786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 décembre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, et Madame Claude O, Magistrat honoraire, chargée du rapport,
Greffier, lors des débats : Madame Céline P ;Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, Monsieur Yannick FERRON, Conseiller, Madame Claude O, Magistrat honoraire,
À l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 04 février 2020, en application de l'article
450 alinéa 2 du code de procédure civile,
ARRÊT : réputé contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 04 février 2020, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article
450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame P, Greffier ;
FAITS ET PROCÉDURE
: La société Le Shortbus a déposé le 10 août 2018 une demande d'enregistrement de la marque verbale «MAMIE BRANCHEE», enregistrée sous le numéro 18 4 475 623 pour désigner les produits et services des classes 21, 32, 33, 35 et 43 de la classification internationale.
Le 31 octobre 2018, Monsieur S, titulaire de la marque verbale française antérieure «MAMIE BURGER», déposée le 2 décembre 2014 sous le numéro 14 4 138 527 pour désigner les produits et services des classes 29, 30, et 43 de la classification internationale, a formé opposition à l'enregistrement de la marque «MAMIE BRANCHEE».
Par décision devenue définitive le 11 avril 2019, le Directeur Général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a reconnu l'opposition partiellement justifiée et rejeté partiellement la demande d'enregistrement pour les produits et services suivants : «bières; eaux minérales (boissons); eaux gazeuses; boissons à base de fruits; jus de fruits; sirops pour boissons; préparations pour faire des boissons; limonades; nectars de fruits; sodas; apéritifs sans alcool; boissons alcoolisées (à l'exception des bières); vins; vins d'appellation d'origine protégée; vins à indication géographique protégée; services de restauration (alimentation); services de bars; services de traiteurs».
La société Le Shortbus a formé recours contre cette décision le 5 août 2019.
Dans le dernier état de ses écritures notifiées par voie électronique le 12 novembre 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des prétentions, moyens et arguments, elle demande, sur le fondement des dispositions de l'article 909 du Code deProcédure Civile de déclarer irrecevables les conclusions de Monsieur l Général de l'INPI, de déclarer son recours recevable et bien fondé et en conséquence d'annuler la décision contestée.
Sur le fond, la société Le Shortbus expose que les produits et services communs avec la marque antérieure ne concernent que ceux de la classe 43, que les concepts des deux services de restauration sont radicalement différents de sorte qu'il ne peut exister aucun risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne et que ce risque n'existe pas davantage au regard des signes eux-mêmes que ce soit au plan visuel, phonétique ou intellectuel. Elle ajoute que le terme «Mamie» est utilisé en attaque dans un grand nombre de marques de sorte que l'élément déterminant est «Branchée», lequel ne peut être assimilé à celui de «Burger» ; l'appréciation d'ensemble qui doit prévaloir, sans qu'il y ait lieu de s'attacher plus particulièrement au terme «Mamie» comme c'est le cas dans la décision contestée, conduit à exclure toute imitation de la marque antérieure.
Par observations notifiées le 8 novembre et reçues 12 novembre 2019, Monsieur l Général de l'INPI a conclu à la confirmation de la décision contestée et par de nouvelles observations en date du 15 novembre, il a conclu à la recevabilité de ses observations précédentes.
Sur la comparaison des produits et services, il expose les services de restauration (alimentation); services de bars et services de traiteurs sont communs à la marque antérieure et à la demande d'enregistrement, et qu'il existe une réelle complémentarité entre ces services et les bières ; eaux minérales(boissons) ; eaux gazeuses ; boissons à base de fruits ; jus de fruits ; sirops pour boissons ; préparations pour faire des boissons ; limonades; nectars de fruits; sodas; apéritifs sans alcool ; boissons alcoolisées (à l'exception des bières) ; vins ; vins d'appellation d'origine protégée ; vins à indication géographique protégée de la demande d'enregistrement. La décision a écarté tout risque de confusion avec les autres produits et services visés par la demande de sorte qu'il n'existe aucun grief pour la requérante.
Sur la comparaison des signes, il est relevé que le risque de confusion comprend le risque d'association par lequel le consommateur pourrait concevoir qu'il se trouve en présence d'une déclinaison de marques appartenant à une même entreprise ou à des entreprises liées ; que les deux signes en présence ont la même construction, un terme d'attaque identique et que les différences entre « BURGER » et « BRANCHEE » ne suffisent pas à écarter tout risque de confusion dès lors que le terme « MAMIE » est parfaitement distinctif au regard des produits et services en présence, le fait que 125 marques comportent ce terme ne pouvant conduire à le considérer comme banal au regard des 946 502 marques en vigueur en France dans les classes 32, 33 et 43.Le terme « MAMIE » est dominant dans le signe contesté, le terme « BRANCHEE » venant le qualifier, de même qu'il l'est également dans la marque antérieure, le terme « BURGER » étant faiblement distinctif. Il existe donc un risque sérieux que le consommateur perçoive le signe contesté comme une déclinaison de la marque antérieure.
Le risque de confusion est encore aggravé par la grande proximité des produits et services en cause.
La société Mamie Burger, régulièrement appelée en cause n'a pas comparu.
Le ministère public auquel l'affaire a été communiquée s'en est rapporté à l'appréciation de la Cour.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 3 décembre 2019.
SUR CE :
Sur la recevabilité des observations de Monsieur l Général de l'INPI
Le recours formé devant la cour d'appel contre les décisions du directeur général de l'Institut National de la Propriété Industrielle en matière de délivrance, rejet ou maintien des titres de propriété industrielle est un recours en annulation régi par les dispositions des articles L 411-4 et suivants et R 411-19 et suivants du Code de la propriété intellectuelle et non un recours en réformation gouverné par le code de procédure civile. Les dispositions de l'article
909 du code de procédure civile ne trouvent donc pas à s'appliquer ici de sorte que le moyen tiré de l'irrecevabilité des observations déposées par Monsieur l Général de l'INPI doit être écarté.
Sur la comparaison des produits et services
La demande d'enregistrement de la marque verbale « MAMIE BRANCHEE » porte partiellement sur des services identiques à ceux de la marque verbale antérieure à savoir « services de restauration (alimentation) ; services de bars ; services de traiteurs ».
La circonstance que les « concepts » sous lequel la marque antérieure et celui de l'enseigne MAMIE BRANCHEE sont exploités soient différents est sans influence sur la comparaison des produits et services qui ne doit être opérée qu'en considération des seuls libellés de la marque et de la demande d'enregistrement.
Il est de principe que la protection conférée par une marque s'étend non seulement aux produits et services identiques à ceux de sonlibellé, mais également aux produits et services similaires par leur nature, leur fonction ou leur destination ou en raison de leur lien de complémentarité.
Il ne saurait sérieusement être contesté que les différentes boissons énumérées dans la demande d'enregistrement et relevant des classes 32 et 33 sont, par nature même, complémentaires de ceux des services de restauration, de bars, et de traiteurs.
Toute similarité avec les autres produits et services énumérés dans la demande d'enregistrement ayant été écartée par la décision contestée, les observations de la société requérante sur ce point sont donc sans objet.
Sur la comparaison des signes
Visuellement, il s'agit de deux signes purement verbaux comportant chacun deux termes ayant en commun le terme « MAMIE » écrit de la même manière, auquel est accolé le terme « BURGER » d'une part et « BRANCHEE » d'autre part.
Phonétiquement,» BURGER » et « BRANCHEE » n'ont en commun que la seule lettre d'attaque B et le fait qu'il s'agisse respectivement de mots de deux syllabes.
Conceptuellement, si les deux signes sont fondés sur une forme d'antinomie entre le premier et le second terme, la signification des termes seconds est clairement différente, « BURGER » renvoyant à un produit alimentaire connu alors que « BRANCHEE » est un adjectif qualificatif.
Considérant les signes globalement, le consommateur d'attention normale comprend que dans la marque antérieure « MAMIE » qualifie le produit et renvoie donc à un hamburger fabriqué par ou comme Mamie, alors que dans la demande d'enregistrement le procédé est inverse, le terme « BRANCHEE » qualifie « MAMIE » et évoque dès lors une Mamie moderne, sans référence à un quelconque produit ou service.
Sur le risque de confusion
Il est de jurisprudence constante que le risque de confusion, qui comprend le risque d'association, s'apprécie de manière globale, en se fondant sur l'impression générale d'ensemble conférée par les marques, mais en tenant compte toutefois de leurs éléments distinctifs et dominants. Il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, et notamment des similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles. De plus un faible degré de similitude des produits et services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement.Il convient donc d'analyser de façon objective si un consommateur d'attention moyenne serait susceptible d'attribuer une origine commune aux produits et services commercialisés sous les signes en présence.
Dans la marque antérieure, le terme «BURGER» est par nature même peu distinctif dès lors qu'il désigne ou peut désigner le produit commercialisé. Le terme « MAMIE » ajoute peu à la distinctivité de la marque dès lors qu'il est apte à définir plus précisément le produit lui- même.
Dans le signe « MAMIE BRANCHEE » au contraire, les deux termes sont parfaitement distinctifs, pris isolément ou en combinaison au regard des produits et services qu'il désigne, dont ils n'induisent aucune évocation, sans que l'on puisse affirmer que le terme MAMIE soit dominant autrement que d'une façon purement grammaticale, sauf à s'éloigner par trop d'une appréciation globale du signe.
Ainsi, si comme il déjà été relevé ci-dessus, les produits et services désignés par la marque et la demande d'enregistrement sont identiques ou à tout le moins présentent un haut degré de similarité, en revanche, les ressemblances visuelles et phonétiques ne portent que sur la reprise du terme MAMIE utilisé de telle manière qu'il n'existe pas de réelle similitude intellectuelle entre les signes.
Dès lors, le risque de confusion résultant, pour consommateur d'attention moyenne, d'une possible association liée à la déclinaison d'une marque appartenant à une même entreprise ou à des entreprises économiquement liées, risque qui serait envisageable si le terme second désignait, comme dans la marque antérieure, un produit, n'est pas établi.
En conséquence, la décision contestée sera annulée.
PAR CES MOTIFS
:
LA COUR, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Rejette l'exception tirée de l'irrecevabilité des observations de Monsieur l de l'Institut National de la Propriété Industrielle notifiées le 8 novembre 2019,
Annule la décision rendue par Monsieur l Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle sur opposition formée à l'enregistrement de la marque « MAMIE BRANCHEE » numéro 18 4 475 623 par la société Le Shortbus, décision devenue définitive le 11 avril 2019.Ordonne l'inscription du dispositif du présent arrêt au Registre National des Marques.
Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame P, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.