TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 28 avril 2017
3ème chambre 3ème section N° RG : 15/02502
Assignation du 05 février 2015
DEMANDERESSES S.A.R.L. ELIZE R ZI de Champigny 97224 DUCOS
Société GRAND ECRAN HOLDING SA [...] L-2530 LUXEMBOURG représentées par Me Olivier HUGOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2501 & Me Emmanuelle B, Avocat au barreau de Martinique
DÉFENDERESSE Société V.A.R.P SARL dont le nom commercial est "LA KAZ" [...] 75001 PARIS représentée par Me Hugues BOUGET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1752
COMPOSITION DU TRIBUNAL Béatrice F. Premier Vice-Président Adjoint Carine G, Vice-Président Florence BUTIN, Vice-Présidente assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier
DEBATS À l'audience du 31 janvier 2017 tenue en audience publique
JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort
FAITS ET PROCÉDURE
: Les parties La société GRANDECRAN HOLDING est une société de droit luxembourgeois, qui est titulaire, suivant contrat de cession de marques consentie par la Société des Snacks Elizé Matillon (dite "SEM"), le 17 décembre 2010, des marques suivantes :- une marque française semi-figurative « MADRAS » n°03 3 243 671, déposée le 2 septembre 2003 et enregistrée 6 février 2004, comprenant la photographie d'un sandwich de pain rond, pour les produits des classes 29 et 30 suivants : « Pain rond, viande hachée, viande, œuf, oignon, ketchup, moutarde », renouvelée le 12 janvier 2014 (publié le 7 mars 2014) pour une durée de 10 ans (pièces demanderesses n°1 et 3),
- une marque française verbale « SUPER MADRAS » n°03 3 243 670, déposée le 2 septembre 2003 et enregistrée 6 février 2004, pour les produits des classes 29 et 30 suivants : « Pain rond, viande hachée, viande, œuf, oignon, ketchup, moutarde », également renouvelée pour 10 ans le 12 janvier 2014 (publication du 7 mars 2014) (pièces n°2 et 4). Elle a déposé, le 2 mai 2011, auprès de PINPI, les deux marques suivantes : - une marque française verbale « MADRAS » n°11 3 827 903 (enregistrée le 13 janvier 2012), pour des produits et services des classes 16, 29, 30 et 43 et notamment pour les produits suivants : viande, œufs, farine, pain et sandwichs, en classes 29 et 30 (pièce n°11); - une marque française verbale « SUPER MADRAS » n° 11 3 827 902, (enregistrée 26 août 2011), pour des produits et services des classes 16, 29, 30, 32 et 43 et notamment pour les produits suivants : viande, œufs, farine, pain et sandwichs, en classes 29 et 30 (pièce n°12).
La SARL ELIZÉ RESTAURATION, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Fort-de-France (Martinique) a été créée en février 2012 (pièce 2 de la défenderesse) pour développer notamment sur le territoire français les enseignes « SNACK ELIZE » et « SNACK ELIZE E » dont la spécialité est présentée comme étant le sandwich créé en 1970, durant le carnaval, par Mme Denise E et dénommé par celle-ci (d'après les demanderesses) « MADRAS », qui contient un steak haché et un œuf au plat "à cheval" ; ce sandwich a été décliné en plusieurs versions : "SUPER MADRAS" (œuf à cheval avec une tranche de fromage), "DOUBLE MADRAS" (œuf à cheval avec deux steaks) et "DOUBLE SUPER MADRAS" (Double Madras avec deux tranches de fromage).
Par contrat en date du 24 février 2012, la société GRANDECRAN HOLDING a concédé à la société ELIZÉ RESTAURATION une licence non exclusive d'exploitation de marque visant les marques « MADRAS » n° 11 3 827 903 et « SUPER MADRAS » n° 11 3 827 902 (pièces 10, 11 et 12 des demanderesses).
La société V.A.R.P., immatriculée le 13 octobre 2010 au RCS de Paris, a pour activité le "snacking sur place ou à emporter, création et gestion de fonds de commerce de snacking" et indique être spécialisée dans la restauration rapide ; elle précise qu'elle exploite un établissement "La Kaz" au [...] 1 er qu'elle présente comme le premiervéritable snack "caribéen" à Paris, et un autre dénommé "O'MAKI by La Kaz" au [...] 18 ème proposant des spécialités aux saveurs d'Afrique.
Le litige :
Les demanderesses expliquent que dans le cadre d'une surveillance mise en place sur internet visant à protéger leurs droits sur le signe « MADRAS », elles ont constaté que la société V.A.R.P. commercialisait dans ses restaurants de l'enseigne « LA KAZ » des sandwichs dénommés « MADRAS », « SUPER MADRAS », « DOUBLE MADRAS » et « DOUBLE SUPER MADRAS ».
Elles ont ainsi fait délivrer à la société V.A.R.P. une sommation interpellative le 6 septembre 2013 par huissier de justice puis une mise en demeure par lettre de leur avocat du 11 septembre 2013, d'avoir à cesser immédiatement toute exploitation des marques « MADRAS » et « SUPER MADRAS ». Un constat d'huissier de justice dressé le 17 octobre 2013 atteste du contenu du site www.la- kaz.com (pièce demanderesse n°8) et en particulier des mentions portées sur la carte laquelle propose des plats dénommés "Madras", "Double Madras", "Super Madras" et "Double Super Madras".
Estimant que ces agissements constituaient des contrefaçons de leurs marques, les sociétés GRANDECRAN HOLDING et ELIZE R ont, par acte d'huissier de justice du 5 février 2015, assigné la société V.A.R.P. devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et indemnisation du préjudice subi.
Par leurs conclusions notifiées par voie électronique le 9 juin 2016, les sociétés GRANDECRAN HOLDING et ELIZE R présentent au tribunal les demandes suivantes :
Vu les articles L. 711-2, L. 713-2, L. 713-3, L. 716-1, L. 716-14, L. 713- 2,
L. 716-1,
L. 716-3 et
L. 716-14 du Code de la propriété intellectuelle, Vu l’article
1382 du Code Civil,
- DIRE ET JUGER que la société GRANDECRAN HOLDING, en sa qualité de titulaire des marques françaises n°03 3 243 671 et n°03 3 243 670, est recevable à agir sur le fondement de la contrefaçon ;
- DIRE ET JUGER qu’ELIZE R, en sa qualité de licencié, est recevable à agir sur le fondement du parasitisme et de la concurrence déloyale ;
- DIRE ET JUGER que la société GRANDECRAN HOLDING rapporte la preuve d'un usage sérieux et ininterrompu des marques françaises n°03 3 243 671 et n°03 3 243 670 et de leur caractère distinctif;
- DIRE ET JUGER que la société V.A.R.P. ne rapporte pas la preuve de l'absence de caractère distinctif des marques françaises n°03 3 243 671etn°03 3 243 670;- DIRE ET JUGER que l'utilisation et la reproduction des signes « MADRAS » et « SUPER MADRAS » pour désigner des sandwichs commercialisés dans ses restaurants, V.A.R.P. a commis des contrefaçons par reproduction des marques françaises n°11 3 827 903 et n°11 3 827 902 ;
- DIRE ET JUGER que l'utilisation et la reproduction des signes « DRASMA » et « SUPER DRASMA » pour désigner des sandwichs commercialisés dans ses restaurants, la société V.A.R.P. se rend coupable de contrefaçon par imitation des marques françaises n°11 3 827 903 etn°113 827 902;
- DIRE ET JUGER que l'utilisation et la reproduction des signes MADRAS, SUPER MADRAS, DRASMA et SUPER DRASMA constituent des agissements parasitaires au préjudice de la société ELIZE RESTAURATION.
EN CONSÉQUENCE: - DÉBOUTER la société V.A.R.P. de l'ensemble de ses fins de non- recevoir et notamment de ses demandes tendant à voir prononcer la déchéance ou l'annulation des marques françaises n°03 3 243 67 et n°03 3 243 670;
- ORDONNER à la société V.A.R.P. de cesser toute reproduction ou imitation des signes « MADRAS », « SUPER MADRAS », « DRASMA », « SUPER DRASMA » et de tout autre signe susceptible de contenir ces signes, pour désigner des sandwichs, dans un délai de 8 jours suivants la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée ;
- CONDAMNER la société V.A.R.P. à payer à la GRAND ECRAN HOLDING une somme de 200.000 euros de dommages et intérêts correspondant au montant des redevances qui auraient dû être payées si la société V.A.R.P. avait sollicité l'autorisation pour exploiter les Marques ;
- CONDAMNER la société V.A.R.P. à payer à la société GRAND ECRAN HOLDING une somme de 50.000 euros en réparation du préjudice moral résultant des agissements contrefaisants ;
- CONDAMNER la société V.A.R.P. à payer à la société ELIZE RESTAURATION une somme de 500.000 euros de dommages et intérêts en réparation des agissements déloyaux et parasitaires ;
- ORDONNER la publication de la décision à intervenir dans un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour : « Par jugement du , le Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné V.A.R.P. SARL en sa qualité d'exploitant des établissements de l'enseigne « LA KAZ » et « O 'MAKI BY LA KAZ » pour avoir commis des contrefaçons des marques MADRAS etSUPER MADRAS au préjudice de la société GRANDECRAN HOLDING ».
- DIRE ET JUGER que la publication du jugement devra être publiée :
- dans deux journaux ou publications (y compris électroniques) au choix de la société GRAND ECRAN HOLDING, aux frais de la société V.A.R.P., dans la limite de 3.000 € HT. par insertion ; et - en haut de la page d'accueil du site internet www. la-kaz. com, en caractère apparents (minimum Arial 16) et pendant une durée ininterrompue de soixante jours.
- CONDAMNER la société V.A.R.P. à payer à GRAND ECRAN HOLDING et à ELIZE R la somme de 10.000 euros en application de l'article
700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Maître Olivier HUGOT, conformément à l'article
699 du Code de procédure Civile ; - DÉBOUTER la société V.A.R.P. de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles et de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ; - ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Les demanderesses font essentiellement valoir que : - elles fondent leur action en contrefaçon et en parasitisme sur une atteinte commise par la société V.A.R.P. à rencontre des marques françaises "MADRAS" n° 11 3 827 903 et "SUPER MADRAS" n°1 1 3 827 902 uniquement, - cette action est recevable comme fondée depuis l'assignation sur l'ensemble des marques "MADRAS" et "SUPER MADRAS" de sorte qu'il n'y a pas de demande nouvelle ; le moyen invoqué en défense tiré de l'irrecevabilité des demandes au nom du principe de l'immutabilité du litige doit être écarté, - les demandes additionnelles formulées par la société ELIZÉ RESTAURATION au titre d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme sont fondées sur la licence qu'elle détient sur les marques de la société GRANDECRAN HOLDING de sorte qu'elles ont un lien étroit avec les demandes en contrefaçon présentées par cette dernière, et doivent être déclarées recevables, - la société V.A.R.P. est irrecevable à contester la validité des marques n°03 3 243 671 et 03 3 243 670 qui ne sont pas invoquées, (absence d'intérêt à agir), - en tout état de cause, la preuve de l'utilisation de ces marques n°03 3 243 671 et 03 3 243 670 est apportée, le signe "MADRAS" étant utilisé dans l'ensemble des établissements "S ELIZE" depuis 40 ans et par l'ensemble des enseignes du Groupe ELIZE avec l'accord du propriétaire des marques, - les allégations de la société V.A.R.P. tendant à obtenir l'annulation des marques n°03 3 243 671 et n°03 3 243 670 pour défaut de caractère distinctif sont infondées et doivent être écartées,- la société V.A.R.P. a commis des contrefaçons par reproduction des marques MADRAS (marques françaises MADRAS n°11 3 827 903 et SUPER MADRAS n°11 3 827 902) entre 2012 et 2014 et commet depuis 2015 des contrefaçons par imitation par utilisation des termes "DRASMA" et "SUPER DRASMA", lesquels sont visuellement, phonétiquement et conceptuellement similaires aux signes des marques invoquées, - le montant des redevances qui auraient été dues si la société V.A.R.P. avait sollicité l'autorisation d'utiliser les marques s'élève au minimum à 200.000 € (calculé au regard d'une redevance de 1,5% du chiffre d'affaires réalisés par les établissements SNACKS ELIZE, avec un minimum garanti de 20.000 € par établissement et par an et pour 4 établissements exploités par la société V.A.R.P.), - les agissements ont causé un préjudice moral à la société GRAND ECRAN HOLDING, - en utilisant le signe MADRAS, la société V.A.R.P. a cherché à bénéficier de la notoriété des sandwichs MADRAS commercialisés par les S ELIZE et s'est placée directement dans le sillage de ELIZE R, commettant ainsi des actes parasitaires, - la demande reconventionnelle pour procédure abusive n'est pas fondée.
Par ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2016, la société V.A.R.P. demande au tribunal de :
Vu les articles 4,
65,
70, 31, 122, 124, et
126,
32-1,
515,
700 et
699 du Code de procédure civile ; Vu les articles
L. 716-5 ; L. 714-5 ; L. 711-2 ; L. 714-3 ;
L. 713-2 et
L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle ; Vu l’article
9 et
1382 du Code civil ;
IN LIMINE LITIS :
- DONNER ACTE que les demanderesses ne fondent plus leurs demandes sur la prétendue contrefaçon des marques « MADRAS » n °03 3 243 671 et « SUPER MADRAS » n°03 3 243 670 déposées auprès de l’INPI le 2 septembre 2003 et qu'elles abandonnent leurs demandes à ce sujet;
- CONSTATER, DIRE ET JUGER que les demanderesses ont modifié radicalement le cadre du litige et que leurs demandes incidentes formées pour la première fois dans leurs conclusions du 24 novembre 2015 ne se rattachent pas avec un lien suffisant à leurs demandes originaires présentées dans le cadre de leur assignation du 5 février 2015 ;
- CONSTATER, DIRE ET JUGER qu'en toute hypothèse, la société ELIZE RESTAURATION ne peut agir en parasitisme sur les mêmes faits qu'elle arguait, dans le cadre de son assignation, de contrefaçon ; En conséquence,- DÉCLARER les sociétés ELIZE RESTAURATION et GRAND ECRAN HOLDING irrecevables en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et les en DÉBOUTER,
- DÉCLARER, à tout le moins, la société ELIZE RESTAURATION irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'en DÉBOUTER,
À TITRE PRINCIPAL ET RECONVENTIONNEL : sur la nullité et/ou la déchéance des marques litigieuses
- CONSTATER, DIRE ET JUGER que les marques « MADRAS »n°11 3 827 903 et « SUPER MADRAS » n°11 3 827 902 déposées à l’INPI le 2 mai 2011 par la société GRAND ECRAN HOLDING n'ont pas de caractère distinctif pour désigner les produits visés dans leur enregistrement ;
- DÉCLARER la société GRAND ECRAN HOLDING mal fondée en son action en contrefaçon des marques « MADRAS » n°11 3 827 903 et « SUPER MADRAS » n°11 3 827 902 ;
- DÉCLARER la société ELIZE RESTAURATION mal fondée en parasitisme concernant la prétendue utilisation illicite par la société V.A.R.P. des marques « MADRAS » n°11 3 82 7 903 et « SUPER MADRAS » n°11 3 827 902 ;
- CONSTATER, DIRE ET JUGER que la société GRAND ECRAN HOLDING ne démontre pas avoir fait un usage sérieux au sens des dispositions de l'article
L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle des marques « MADRAS » n°03 3 243 671 et « SUPER MADRAS » n°03 3 243 670 depuis le 17 octobre 2007 ;
- CONSTATER, DIRE ET JUGER qu'au jour des actes argués de contrefaçon, soit le 17 octobre 2013, la société GRAND ECRAN HOLDING était déchue de ses droits sur les marques « MADRAS » n°03 3 243 671 et « SUPER MADRAS » n°03 3 243 670 ;
En conséquence,
- PRONONCER la nullité des marques « MADRAS »n°11 3 827 903 et « SUPER MADRAS »n°113 827 902 pour absence de caractère distinctif;
- PRONONCER la déchéance de GRAND ECRAN HOLDING sur les marques « MADRAS » n°03 3 243 671 et « SUPER MADRAS » n°03 3 243 670 depuis le 17 octobre 2007 ;
- DÉCLARER les sociétés ELIZE RESTAURATION et GRAND ECRAN HOLDING irrecevable , en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et les en DÉBOUTER,
À TITRE SUBSIDIAIRE :- CONSTATER, DIRE ET JUGER qu'en toute hypothèse, V.A.R.P. n 'a pas commis de contrefaçon des marques « MADRAS » n°11 3 827 903 et « SUPER MADRAS » n°113 827902 au sens de l'article
L. 713-2 et
L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle à l'encontre de GRAND ECRAN HOLDING ;
- CONSTATER, DIRE ET JUGER que la société V.A.R.P. n'a pas commis de parasitisme à l'encontre de ELIZE R ;
- CONSTATER, DIRE ET JUGER qu'à tout le moins, ELIZE R et GRAND ECRAN HOLDING n'ont subi aucun préjudice du fait des actes prétendument argués de contrefaçon et/ou de parasitisme;
- DÉCLARER les sociétés ELIZE RESTAURATION et GRAND ECRAN HOLDING mal fondées en leurs demandes indemnitaires en ce compris leurs demandes de publication ;
- CONSTATER, DIRE ET JUGER que la société V.A.R.P. a cessé, à titre conservatoire, d'utiliser le terme « MADRAS » et « SUPER MADRAS » pour désigner ses sandwichs sur son site internet de sorte que les mesures d'interdictions sollicitées par les demanderesses sont en toute hypothèse sans objet ;
En conséquence,
- DÉBOUTER les sociétés ELIZE RESTA URATION et GRAND ECRAN HOLDING de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause
- DÉBOUTER les sociétés ELIZE RESTAURATION et GRAND ECRAN HOLDING de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- CONSTATER, DIRE ET JUGER que les sociétés ELIZE RESTAURATION et GRAND ECRAN HOLDING ont intenté la présente procédure de façon abusive ;
- CONDAMNER les sociétés ELIZE RESTAURATION et GRAND ECRAN HOLDING à verser à la société V.A.R.P. la somme de 10.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive ;
- ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir sur le fondement de l'article 515 du CPC, nonobstant appel ou caution ;
- CONDAMNER les sociétés ELIZE RESTAURATION et GRAND ECRAN HOLDING à verser à la société V.A.R.P. la somme de 10.000€ au titre de l'article
700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Maître Hugues BOUGETLa défenderesse soutient, pour l'essentiel, que : - les demanderesses ont introduit leur instance sans savoir sur quelles marques elles avaient des droits, ni même de quelle nature (propriété, licence...) seraient ces droits, de sorte qu'elles ont tenté de « sauver » leur procédure en modifiant leurs demandes, - sans que cela ne constitue une reconnaissance de sa part du bien- fondé des allégations des demanderesses, elle a, après la sommation du 6 septembre 2013 et la mise en demeure du 11 septembre 2013, à titre conservatoire, modifié le nom de ses sandwichs (en l'occurrence en « DRASMA » et « SUPER DRASMA ») afin d'éviter toute difficulté à ce sujet, - les demanderesses sont irrecevables à agir à l'encontre de la société V.A.R.P. que ce soit sur le fondement de la contrefaçon de marque ou sur celui du parasitisme : -en raison de la violation du principe de l'immutabilité du litige, les demanderesses ayant fondé leurs demandes en contrefaçon dans leur assignation sur les marques n°03 3 243 671 et 03 3 243 670 puis abandonné ce fondement pour invoquer par leurs conclusions du 24 novembre 2015, les marques "MADRAS" n°3827903 et "SUPER MADRAS" n°3827902, de sorte qu'elle ont invoqué un titre différent, -la demande additionnelle de la société ELIZE RESTAURATION au titre de la concurrence déloyale et parasitaire est sans lien avec les demandes originaires (articles
4,
65 et
70 du code de procédure civile), -la société ELIZÉ RESTAURATION était dépourvue d'intérêt à agir en contrefaçon de marques dans la mesure où elle n'est que licencié à titre non exclusif des marques de 2011, et ne peut en tout état de cause agir en parasitisme sur les mêmes faits qu'elle invoquait dans son assignation au titre de la contrefaçon,
- sur le fond : - les marques invoquées sont nulles pour défaut de caractère distinctif, - la société GRANDECRAN HOLDING est déchue de ses droits sur les marques n°03 3 243 671 et 03 3 243 670 en l'absence de preuve d'un usage sérieux au sens de l'article
L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle depuis le 17 octobre 2007, - en tout état de cause, la preuve d'actes de contrefaçon par reproduction des marques n'est pas rapportée (seul un constat sur internet dressé un an et demi avant l'assignation étant produit), et s'agissant de la contrefaçon par imitation, les signes MADRAS et DRASMA d'une part, et SUPER MADRAS et SUPER DRASMA d'autre part, ne présentant pas de ressemblances visuelles, phonétiques ou intellectuelle, aucun risque de confusion n'étant créé entre ces signes, - les préjudices invoqués ne sont pas établis, - l'action en parasitisme de la société ELIZÉ RESTAURATION est mal fondée, cette dernière n'étant pas propriétaire du "concept" du "fast- food" antillais, ni du terme MADRAS, et l'intéressée ne démontrant aucunement qu'un sandwich contenant un œuf à cheval constituerait une valeur économique fruit d'un savoir-faire ou d'investissements particuliers réalisés par elle, d'autant qu'elle ne commercialise pas ses produits sous l'enseigne Snacks ELIZE, le préjudice est inexistant,- sa demande pour procédure abusive est bien fondée.
La société V.A.R.P. a communiqué six pièces complémentaires (n°14 à 19) le 5 septembre 2016.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2016 et l'audience de plaidoiries a eu lieu le 31 janvier 2017.
Pour un exposé complet de l'argumentation des parties il est, conformément à l'article
455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.
MOTIVATION :
Sur la recevabilité des demandes des sociétés GRAND ECRAN HOLDING et ELIZÉ R :
Sur la recevabilité des demandes de la société GRAND ECRAN HOLDING :
La société V.A.R.P. soutient que les demanderesses qui ont fondé leurs demandes originaires sur les marques MADRAS (n°3243671) et SUPER MADRAS (n°3243671), sur lesquelles la société ELIZÉ RESTAURATION ne disposait au surplus d'aucun droit, sont irrecevables à présenter de nouvelles demandes sur des marques postérieures.
Les demanderesses soutiennent que les demandes formulées dans leur assignation s'appuyaient sur quatre marques, à savoir les marques semi-figuratives MADRAS n° 03 3 243 671 et SUPER MADRAS n°03 3 243 670 de 2003 et les marques verbales MADRAS n°3 827903 et SUPER MADRAS n°3 827902 ; elles estiment être en droit de choisir de fonder dorénavant leurs demandes sur les seules marques verbales et d'abandonner les demandes fondées sur les deux précédentes marques.
Sur ce,
Il résulte de l'article
70 du code de procédure civile que les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l'espèce, par leur assignation délivrée le 15 février 2015 à la société V.A.R.P. les sociétés GRANDECRAN HOLDING et ELIZÉ R exposaient d'abord que "les sandwichs portant la dénomination de "MADRAS" et de "SUPER MADRAS" sont exploités par les S ELIZE depuis 1969. (...) La société ELIZE a toujours commercialisé ces sandwichs sous cette appellation depuis, et a enregistré la marque MADRAS selon le dépôt n°3243671 du 2 septembre 2003 et la marque SUPER MADRAS, selon dépôt n°3243670 en date du 2 septembre 2003 aux fins de protéger les dites marques. En 2011, la société ELIZE RESTAURATION a cédé les marques MADRAS etSUPER MADRAS à la société GRAND ECRAN HOLDING, laquelle en a licencié l'exploitation à titre exclusif. La société GRAND ECRAN HOLDING est ainsi titulaire des quatre marques françaises sur les signes "MADRAS", "SUPER MADRAS", "DOUBLE MADRAS" et "DOUBLE SUPER MADRAS". La marque française "MADRAS" n°3827903 vise les classes 16, 29 et 43. La marque française "SUPER MADRAS" n°3827902 couvre les classes 16, 29, 30, 32 et 43. La marque française "DOUBLE MADRAS" n°3827909 couvre les classes 16, 29, 30 et 43. La marque française "DOUBLE SUPER MADRAS" n°3827906 couvre les classes 16, 29, 30 et 43. " Elles expliquaient ensuite qu'elles avaient découvert, dans le cadre d'une surveillance mise en place sur internet visant à protéger leurs marques, que des restaurants exploitaient des sandwichs sous ces mêmes marques, notamment les restaurants dénommés "Caribbean food/ La Kaz" situés à Paris au [...], au [...] au [...], que la carte était mise en ligne sur le site www.la-kaz.com et qu'elles avaient mis en demeure la société V.A.R.P. de cesser cette exploitation en septembre 2013.
La partie "discussion" de l'assignation exposait que l'exploitation des signes "MADRAS" et "SUPER MADRAS" sans autorisation constitue une contrefaçon des marques appartenant à la société GRAND ECRAN HOLDING et dont la société ELIZE RESTAURATION est licencié exclusif, et qu'une réparation du préjudice subi était demandé.
Le dispositif de cet acte introductif d'instance demandait en particulier au tribunal d'ordonner l'interdiction à la société V.A.R.P. de poursuivre les actes de contrefaçon sous astreinte financière, de condamner cette dernière à indemniser la société GRAND ECRAN HOLDING pour l'atteinte portée à sa marque et la société ELIZE RESTAURATION pour l'atteinte à ses droits sur les marques en cause en tant que licencié exclusif. Le bordereau de pièces figurant en page 12 de l'assignation visait notamment les pièces suivantes : les certificats d'enregistrement et de renouvellement des marques "MADRAS" (pièces 1 et 3) et "SUPER MADRAS" (pièces 2 et 4), le contrat de cession des marques "MADRAS" et "SUPER MADRAS" (pièce 5) et la publication de la cession à l'INPI (pièce 6).
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 juin 2016, les demanderesses précisent en entête de la page 13 que "L’action en contrefaçon et en parasitisme des demanderesses se fonde sur une atteinte commise par V.A.R.P à l’encontre des marques françaises « MADRAS » n°11 3 827 903 et « SUPER MADRAS » n°11 3 827902, uniquement"
Même si la lecture de l'assignation laissait effectivement penser, comme le souligne la défenderesse, que les demandes initialesétaient principalement fondées sur les marques originaires de 2003, les demandes qui résultent à présent des dernières écritures des demanderesses tendent à faire reconnaître la contrefaçon par reproduction et par imitation des marques verbales "MADRAS" n°3827903 et "SUPER MADRAS" n°3827902, qui comportent le même élément verbal principal, à savoir "MADRAS" que les marques de 2003.
Ces dernières demandes présentent ainsi un lien suffisant au sens de l'article
70 du code de procédure civile avec les premières demandes et doivent être déclarées recevables.
Sur la recevabilité de l’action de la société ELIZÉ RESTAURATION
La société V.A.R.P. soutient que la société ELIZÉ RESTAURATION est irrecevable en son action en ce qu'elle n'est que licenciée à titre non exclusif des marques litigieuses, de sorte qu'elle ne pouvait agir, en application de l'article
L. 716-5, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle, qu'en intervenant volontairement à l'instance et non pas comme en l'espèce, conjointement avec le titulaire des marques, et en ce qu'en présentant de nouvelles demandes au titre du parasitisme, elle contrevient au principe de l'immutabilité du litige.
Toutefois, il convient de souligner que la société ELIZÉ RESTAURATION ne fonde plus ses demandes sur la contrefaçon de marques mais sur le comportement parasitaire de la société V.A.R.P. et ce sur le fondement de la responsabilité de droit commun en application de l'article
1240 du code civil (anciennement 1382), de sorte que le moyen tiré des dispositions de l'article
L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que : Toute partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre, est inopérant.
Par ailleurs, une partie qui ne dispose pas d'un droit privatif sur le titre de propriété industrielle, est recevable à agir en concurrence déloyale, peu important que les éléments sur lesquels elle fonde sa demande soient les mêmes que ceux invoqués par le titulaire de la marque au titre de la contrefaçon.
En l'espèce, la société ELIZÉ RESTAURATION reproche à la défenderesse d'avoir cherché à bénéficier de la notoriété des produits commercialisés par les S ELIZE et en se plaçant dans son sillage. Les faits invoqués concernent donc notamment l'activité développée par l'usage des signes MADRAS et SUPER MADRAS par la défenderesse, de sorte qu'ils sont liés aux demandes initiales en contrefaçon des marques constituées des mêmes signes par un lien suffisant au sens de l'article
70 du code de procédure civile. En conséquence, les demandes présentées sur le fondement des actes de parasitisme par la société ELIZÉ RESTAURATION sont recevables.Sur la validité des marques invoquées :
Sur la déchéance de la société GRAND ECRAN HOLDING sur les marques n°03 3 243 671 et 03 3 243 670 :
La société V.A.R.P. demande au tribunal de prononcer la déchéance de la société GRANDECRAN HOLDING de ses droits sur les marques MADRAS n°03 3 243 671 et SUPER MADRAS n° 03 3 243 670 en l'absence de preuve d'un usage sérieux au sens de l'article
L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle depuis le 17 octobre 2007.
Il est toutefois acquis que les demandes en contrefaçon de marques soutenues dans le dernier état de ses prétentions par la société GRAND ECRAN HOLDING sont fondées sur les seules marques « MADRAS » n° 11 3 827 903 et « SUPER MADRAS » n° 11 3 827 902 (conclusions n°2 des demanderesses, page 14 in fine).
Dans ces conditions, la société V.A.R.P. est irrecevable à solliciter du tribunal le prononcé de la déchéance d'autres marques, une telle demande n'étant pas liée aux demandes dont est saisi le tribunal par un lien suffisant au sens de l'article
70 du code de procédure civile.
Sur les marques « MADRAS » n° 11 3 827 903 et « SUPER MADRAS »n°11 3 827 902 :
La défenderesse soutient que ces marques doivent être annulées pour absence de distinctivité, le terme « MADRAS » étant le terme usuel pour désigner une spécialité de sandwich typiquement antillais, défini par exemple comme "un gros hamburger plus que complet (steak, fromage, œuf, salade, tomate, sauce madras, piment selon les goûts/' par le site "album.aufeminin.com" (pièce 6 défenderesse), de sorte que ce terme est générique pour désigner le produit ou les ingrédients qui le composent.
Les demanderesses, qui soulignent que les pièces invoquées par la défenderesse sont postérieures au dépôt des marques, répondent que le signe MADRAS n'est pas un terme générique pour désigner des sandwichs, que lorsqu'il est utilisé dans ce sens il est systématiquement associé à ceux commercialisés par les S ELIZE et qu'il n'est pas connu par une partie significative du public pour désigner un sandwich. Le terme MADRAS ou SUPER MADRAS n'est pas descriptif et les marques en cause sont valables.
Sur ce,
En application des dispositions de l'article L711-2 b/ du code de la propriété intellectuelle, sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service. Lecaractère distinctif s'apprécie à la date du dépôt, par rapport aux produits désignés et au public auquel la marque est destinée.
La marque verbale française MADRAS n°3 827903 vise les produits suivants : - en classe 16 : Produits de l'imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; articles de papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l'exception des meubles) ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; caractères d'imprimerie ; clichés ; papier ; carton ; boîtes en carton ou en papier ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; calendrier ; instruments d'écriture ; objets d'art gravés ou lithographies ; tableaux (peintures) encadrés ou non ; aquarelles ; patrons pour la couture ; dessins ; instruments de dessin ; mouchoirs de poche en papier ; serviettes de toilette en papier ; linge de table en papier ; papier hygiénique ; couches en papier ou en cellulose (à jeter); sacs et sachets (enveloppes, pochettes) en papier ou en matières plastiques pour l'emballage ; sacs à ordures en papier ou en matières plastiques ; - en classe 29 : Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; graisses alimentaires ; beurre ; charcuterie ; salaisons ; crustacés (non vivants) ; conserves de viande ou de poisson ; fromages ; boissons lactées où le lait prédomine ; - en classe 30 : Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farine et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; glace à rafraîchir ; sandwiches, pizzas ; crêpes (alimentation) ; biscuiterie ; gâteaux ; biscottes ; sucreries ; chocolat ; boissons à base de cacao, de café, de chocolat ou de thé ; - en classe 43 : Services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ; crèches d'enfants ; mise à disposition de terrains de camping ; maisons de retraite pour personnes âgées ; pensions pour animaux.
La marque verbale française MADRAS n°3 827903 vise, outre l'ensemble de ces mêmes produits, les produits suivants : - en classe 30 : épices - en classe 32 : Bières ; eaux minérales et gazeuses ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons ; limonades ; nectars de fruit ; sodas ; apéritifs sans alcool
Ces marques sont constituées du terme MADRAS, auquel est ajouté le préfix "SUPER" dans la seconde marque invoquée.Les parties soulignent toutes deux que le "Madras", et ses déclinaisons, est présenté comme un sandwich devenu une spécialité antillaise, commercialisé en particulier, en Martinique et en Guyane constitué d'un pain rond et d'un steak haché, outre d'autres ingrédients, vendus en particulier par les S Elizé en Martinique (pièces 19 à 25 des demanderesses) ou par des vendeurs ambulants sur la place des Palmistes à Cayenne (Guyane) d'après l'article paru le 12 octobre 2011 sur le site www.franceguvane.fr (pièce n°18 de la société V.A.R.P.).
Les demanderesses établissent, en produisant des copies d'extraits de blogs datant de 2008 ou 2009 (pièces 21 et 23) ou l'article intitulé "S Elizé : Le Mac Do à l'antillaise du 28 janvier 2009 (pièce 22), que les sandwichs "MADRAS" ou "SUPER MADRAS" ont une réelle notoriété en Martinique comme étant le "burger antillais" commercialisé depuis de longues années par les S ELIZE d'abord à Fort-de-France, puis dans différentes localités de l'île. Le site internet album.aufeminin.com, dont un extrait est produit en pièce 6 par la défenderesse, qualifie ainsi le Madras comme un "gros hamburger plus que complet originaire de la Martinique"
Toutefois, si on ne peut contester cette notoriété locale, il ne ressort pas des éléments versés aux débats que le terme Madras soit attribué, par le public de la France entière - client des établissements de restauration rapide - à de tels produits.
Le terme Madras peut en revanche faire référence au tissu à carreaux colorés couramment utilisé en Martinique. Les demanderesses exposent d'ailleurs que c'est le nom donné à ce tissu qui a guidé le choix de ce terme pour dénommer le sandwich Madras ; ainsi Mme Martine P (assistante de direction et responsable d'exploitation des S Elizé de 1969 à 2004) atteste que le nom des sandwichs en cause, créés par Mme Denise E en 1969, a été choisi "car la superposition des couleurs de ce sandwich faisait penser aux couleurs du "tissus madras' 3 local du pays" (pièce demanderesses n°25-l).
Dans ces conditions, le terme MADRAS, s'il peut être évocateur de l'île de la Martinique par la reprise du nom utilisé pour désigner un tissu typique de cette région, apparaît ainsi arbitraire pour désigner les produits visés aux enregistrements des marques en cause, et en particulier les ingrédients constituant les sandwichs commercialisés par les S ELIZE. Il n'est ainsi pas descriptif des produits en cause, et notamment des ingrédients viande, œufs, farine, pain et sandwichs.
Dès lors, les marques ne désignent pas une caractéristique des produits et doivent être considérées comme distinctives ; elles sont donc valables.
Sur la contrefaçon :La société GRAND ECRAN HOLDING soutient que la commercialisation entre 2012 et 2014 par la société V.A.R.P. de sandwichs dénommés MADRAS et SUPER MADRAS dans ses deux restaurants LA KAZ et O'MAKI BY LA KAZ situés à Paris constitue des actes de contrefaçon par reproduction, sans autorisation, des marques dont elle est titulaire (marques verbales françaises MADRAS n°11 3 827 903 et SUPER MADRAS n°11 3 827 902) qui désignent notamment en classe 30 les "sandwichs". Elle estime que les actes de contrefaçon se poursuivent par l'utilisation par la société V.A.R.P., pour désigner ces mêmes produits, des termes "DRASMA" et "SUPER DRASMA", lesquels sont des imitations de ses marques (reprise du mot MADRAS en "verlan"), ces signes étant visuellement, phonétiquement et conceptuellement similaires aux signes des marques invoquées, l'inversion des deux syllabes « MA » et « DRAS » ne pouvant suffire à écarter le risque de confusion auprès du public qui associera le terme DRASMA comme une déclinaison possible de la marque MADRAS et qui se méprendra sur son origine, car il sera amené à croire que les établissement LA KAZ sont l'adaptation métropolitaine des SNACKS ELIZE.
La société V.A.R.P. conteste la contrefaçon invoquée. Elle souligne que la preuve de l'usage reproché des termes MADRAS et SUPER MADRAS ne résulte que du seul procès-verbal dressé le 17 octobre 2013, soit 18 mois avant l'assignation, qui fait état de l'usage de ces termes dans la carte du menu de la défenderesse ; les photographies produites en demande censées représenter son restaurant situé aux Halles (à Paris) n'ont aucune force probante en l'absence de date ou d'authentification par huissier de justice et la simple capture d'écran de la page Facebook "LA KAZ" censée dater du 12 septembre 2012 mentionnant Madras dans un menu, ne constituant pas non plus un élément probant. L'utilisation invoquée ne constitue pas un usage à titre de marque. En outre, elle souligne qu'elle a pris soin, sans reconnaître la contrefaçon invoquée mais pour éviter des difficultés, de modifier les termes litigieux pour désigner ses "burgers" antillais et retenir les termes DRASMA et SUPER DRASMA qui ne constituent pas l'imitation des marques de la société GRAND ECRAN HOLDING (les lettres ne se trouvent pas à la même place, la consonance n'est pas la même, le terme choisi "DRASMA" n'a aucune signification particulière). La société GRAND ECRAN HOLDING n'est pas propriétaire du fonds de commerce des S ELIZE de sorte qu'elle ne peut pas revendiquer un risque de confusion entre ces derniers et les établissements LA KAZ. En outre, aucun risque de confusion n'est établi, les S ELIZE ne sont connus qu'aux Antilles et non en région parisienne où la société V.A.R.P. commercialise les sandwichs litigieux
Sur ce,
Les actes reprochés par la société GRAND ECRAN HOLDING visent successivement d'une part la reproduction des termes constituant sesmarques, d'autre part des termes imitant ceux-ci, de sorte qu'il convient d'examiner ces faits successivement.
Sur l'usage des termes MADRAS et SUPER MADRAS :
L'article
L713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ;
En l'espèce, il résulte du procès-verbal dressé par huissier de justice le 17 octobre 2013 (pièce 8) que le site internet de la société V.A.R.P., www.la-kaz.com/la-carte, présente dans la carte proposés en "caribean food" un plat dénommé "MADRAS" avec la légende suivante "Avec un nom aussi exotique qui évoque le voyage, le Madras ne pouvait être que dépaysant Joyeuse farandole d'oignons, tomates, cheddar et steak, le tout dans un pain burger maison avec sa sauce lov, il est tout simplement authentique. Cette collation haute en couleur a quitté la Martinique pour s'exiler sur une île de dégustation nommée La Kaz", en quatre déclinaisons : Madras (classique) comprenant un steak haché, cheddar, salade, oignons, Double Madras (avec 2 steaks hachés), Super Madras (un steak haché avec un œuf) et Double Super Madras avec 2 steaks hachés et 2 œufs (annexe 5 du procès-verbal) ; ce site internet précise en outre les adresses de ses établissements, à savoir La Kaz C, [...], au [...] ( procès-verbal, annexe 4).
Il en résulte que les termes MADRAS et SUPER MADRAS, constituent une reproduction à l'identique, sans modification ni ajout des marques invoquées, pour désigner des produits expressément visés au dépôt des marques de la demanderesse MADRAS n°11 3 827 903 et SUPER MADRAS n°11 3 827 902.
La contrefaçon par reproduction reprochée est donc constituée.
Sur l'usage des termes DRASMA et SUPER DRASMA :
L'article
L713-3 du même code précise que : "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d'une marque, ainsi que l’usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l’usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement "
L'existence ou non d'actes de contrefaçon s'apprécie au regard des degrés de similitudes entre les signes et entre les produits et servicesdésignés, en vue de déterminer s'il existe dans l'esprit du public concerné un risque de confusion comprenant un risque d'association, lequel est analysé en tenant compte de tous les facteurs pertinents au cas d'espèce.
Pour déterminer si les produits et/ou services sont similaires, il est tenu compte notamment de leur nature, de leur destination, de leur utilisation, de leur mode de commercialisation ainsi que de leur caractère concurrent ou complémentaire.
L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux- ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.
En l'espèce, il est constant que la société V.A.R.P. commercialise des sandwichs dénommés DRASMA et SUPER DRASMA composés de steak haché, cheddar, salade, oignons - et œuf pour le second. La société V.A.R.P. ne conteste d'ailleurs pas le fait qu'elle propose des sandwichs qu'elle qualifie de "burger antillais" sous ces dénominations dans ses établissements situés La KAZ situé [...] 1 er et "O'MAKI" situé [...] 18 eme - elle conteste en revanche exploiter un établissement [...].
Les marques MADRAS n°11 3 827 903 et SUPER MADRAS n°11 3 827 902 visent en particulier les produits suivants : viande, pain, produits laitiers, œufs, sandwichs, qui sont les ingrédients utilisés dans les sandwichs proposés sous les appellations DRASMA et SUPER DRASMA. Les produits visés sont donc similaires.
La marque française MADRAS n°11 3 827 903 est constituée de 6 lettres et deux syllabes, le son d'attaque étant le son "MA". La marque SUPER MADRAS n° 113 827 902 est constituée du signe de la marque précédente précédée du préfixe "super".
Le terme critiqué - "DRASMA"- est constitué des mêmes 6 lettres et également de deux syllabes, commence par le son DRA. Il n'a aucun sens particulier. Le second signe invoqué reprend ce même terme avec le suffixe "SUPER".
Même si les lettres composant le terme principal des signes en présence, à savoir D-R-A-S-M-A, sont identiques, l'impression produite par le signe DRASMA est très différente du signe principal des marques invoquées, l'inversion des syllabes n'apparaissant pas de façon évidente. Contrairement à ce qu'affirme la société GRAND ECRAN HOLDING le signe DRASMA n'est pas une reproduction par "effet miroir" du terme MADRAS et sa prononciation ne permet pas de reconnaître d'emblée le signe de la marque. Le terme "DRASMA" n'a aucun sens conceptuel et n'évoque nullement les Antilles. Enfin l'adjectif SUPER, qui exprime une supériorité, est faiblement distinctif dans la seconde marque invoquée. Dans ces conditions, ces différences visuelles et phonétiques des signes en présence sonttelles que, nonobstant l'utilisation des mêmes lettres pour le signe principal, elles ne sont pas de nature à introduire dans l'esprit du consommateur normalement informé et raisonnablement avisé de la catégorie des produits en cause, à savoir le consommateur de sandwichs, un risque de confusion susceptible de le conduire à leur attribuer une origine commune ou à les rattacher à des entreprises économiquement liées.
Les demandes présentées au titre de la contrefaçon de marque par l'utilisation des termes "DRASMA" et "SUPER DRASMA" doivent être rejetées.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire :
La société ELIZÉ RESTAURATION soutient que la société V.A.R.P., qui a choisi d'exploiter des établissements de restauration rapide de type "caribéen" vendant des produits identiques aux sandwichs "MADRAS", a manifestement utilisé le signe MADRAS puis DRASMA pour se placer dans le sillage de la société ELIZÉ RESTAURATION qui a pour objet le développement d'un réseau d'enseignes "SNACKS ELIZE" qui commercialise les sandwichs typiques de cette chaîne. En commercialisant un sandwich identique à ceux des S ELIZE, dont elle souligne l'origine antillaise, la société V.A.R.P. laisse supposer qu'elle a obtenu l'autorisation de la société ELIZÉ RESTAURATION pour le faire. Le préjudice est certain et doit être réparé par une indemnisation fixée à 500.000 euros au regard de la perte de chance de bénéficier des redevances qu'elle aurait perçues si un contrat de master franchise avait été signé avec la société V.A.R.P., de l'appropriation par V.A.R.P. des investissements dans la défense et la promotion de ses marques, ainsi qu'au regard des économies faites ainsi par la société V.A.R.P..
La société V.A.R.P. souligne que pour caractériser l'existence d'acte de parasitisme, il est nécessaire d'établir que des éléments qui sont le fruit d'un travail intellectuel, d'un savoir-faire, ou d'investissements ayant donc, une valeur économique, sont la propriété de celui qui s ' en prévaut et ont été repris par un tiers qui cherche donc à tirer profit indûment des efforts d'autrui pour exploiter sur le marché son propre produit. Elle estime que la société ELIZÉ RESTAURATION lui reproche d'avoir créé un établissement de restauration rapide caribéen et commercialisé un sandwich de type "burger aux goûts des îles", alors qu'elle n'est pas propriétaire du concept d'un tel commerce ni du terme "Madras" et que la défenderesse n'utilise pas l'enseigne SNACKS ELIZE ; aucun risque de confusion n'est établi.
Sur ce,
Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 (anciennement 1382) du code civil, les comportements fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dansl'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui procurant à leur auteur, un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.
En l'espèce, il est établi que la société ELIZÉ RESTAURATION a été créée pour développer des enseignes « SNACK ELIZE » et « SNACK ELIZE E » sur le territoire français et tout autre pays selon les opportunités comme cela résulte de l'extrait du RCS ; elle établit avoir consenti des contrats de franchise avec deux sociétés pour l'ouverture d'enseignes reprenant le nom S ELIZE. Il résulte en outre des pièces versées aux débats que ces établissements, implantés en Martinique, qui adoptent une signalétique spécifique, commercialisent des sandwichs de type "burger", et en particulier les sandwichs avec un steak haché, un œuf et parfois du fromage dénommés "MADRAS" ou "SUPER MADRAS" objet des marques évoquées précédemment sur lesquelles elle bénéficie d'une licence non exclusive et qui apparaissent être le produit "phare" des S ELIZE en Martinique.
La société V.A.R.P. a ouvert des établissements de restauration rapide, sous l'enseigne LA KAZ, proposant des sandwichs "exotiques", comme le "Bokit de la Guadeloupe", l'Agoulous, le Bouchon réunionnais, des tapas créoles mais également le sandwich MADRAS rebaptisé DRASMA qu'elle présente, comme souligné précédemment de la façon suivante : "Avec un nom aussi exotique qui évoque le voyage, le Madras (ou Drasma) ne pouvait être que dépaysant. Joyeuse farandole d'oignons, tomates, cheddar et steak, le tout dans un pain burger maison avec sa sauce lov, il est tout simplement authentique. Cette collation haute en couleur a quitté la Martinique pour s'exiler sur une île de dégustation nommée La Kaz " (procès-verbal du 17 octobre 2013, annexe 5 et procès-verbal du 2 juillet 2015 annexe 3, pièces 8 et 33 de la demanderesse, et pièce défenderesse n°8). La société V. A.R.P. a ainsi commercialisé ces sandwichs en faisant une référence expresse à la Martinique. Par l'usage de la dénomination "MADRAS" pour désigner un burger aux saveurs de la Martinique, et en proposer des déclinaisons dénommés comme dans les S ELIZE de Martinique "SUPER MADRAS" ou "DOUBLE MADRAS", la défenderesse a pu susciter l'intérêt d'une clientèle martiniquaise ou plus largement antillaise, implantée en région parisienne, qui pouvait penser y trouver les spécialités proposés par ces "snacks" dont la notoriété en Martinique est établie.
Ce faisant, la société V.A.R.P., même si elle fait valoir ajuste titre que la société ELIZE RESTAURATION ne peut pas revendiquer un monopole sur les "burgers antillais", a indéniablement cherché àcapter la clientèle qui connaissait le Madras des S ELIZE, pour vendre ses propres produits, peu important qu'elle ait par la suite modifié l'appellation des produits litigieux. Ce comportement doit être regardé comme fautif et engageant la responsabilité de la société V.A.R.P. sur le fondement de l'article
1240 du code civil.
Sur les mesures réparatoires :
Au titre de la contrefaçon au bénéfice de la société GRAND ECRAN HOLDING :
Selon l'article
L716-14 du code de la propriété intellectuelle, les dommages et intérêts sont alloués en considération des conséquences économiques négatives - dont le manque à gagner - subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé à leur titulaire du fait des agissements relevés. La juridiction peut allouer, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il est porté atteinte.
L'usage contrefaisant des termes MADRAS et SUPER MADRAS par la société V.A.R.P. résulte d'après le constat effectué par l'huissier de justice le 17 octobre 2013 des mentions figurant sur le site internet www.la-kaz.com présentant la carte de ses établissements dénommés "La Kaz C" et La Kaz R". La durée exacte de l'utilisation contrefaisante n'est pas établie ; il est en revanche clair qu'elle a cessé comme cela résulte des constatations réalisées par l'huissier de justice le 2 juillet 2015 (pièce 33 demanderesses, annexe 3 du P.V.), la société V.A.R.P. soutenant avoir effectué cette modification à la suite de la sommation délivrée en septembre 2013. Les conditions et la durée d'utilisation des signes litigieux dans les établissements de la société V.A.R.P. ne sont pas établies avec certitude ; en effet les simples photographies reproduites par la société GRAND ECRAN HOLDING dans ses conclusions ou la capture d'écran de la page Facebook des établissements La KAZ qui montrent une photographie d'un sandwich avec la mention "Menu Lé ou lov : Madras, frites et boisson" avec la date du 12 septembre 2012 (pièce 27) ne suffisent pas à établir que l'usage des termes litigieux a perduré pendant toute la période entre 2012 et 2014 comme soutenu par la société GRAND ECRAN HOLDING dans 4 établissements de la société V.A.R.P., de sorte que la durée des actes contrefaisants est limitée.
Si l'usage des signes MADRAS et SUPER MADRAS pour commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux distribués sous les marques éponymes a nécessairement entraîné une diminution de leur pouvoir distinctif constituant leur valeur patrimoniale, cette diminution de valeur est toutefois relative, eu égard à la durée limitée des actes contrefaisants et en ce que le site interneten cause ne mentionnait les signes des marques qu'une fois chacune pour désigner un sandwich et ne renvoyait qu'à deux adresses de restaurants situés à Paris ([...] [...]) soit dans un périmètre géographique limité.
Dans ces conditions, le préjudice de la société GRAND ECRAN HOLDING sera suffisamment réparé par l'allocation d'une somme de 5.000 euros pour chacune des marques concernées, soit 10.000 euros en tout.
La société GRAND ECRAN HOLDING, qui n'exploite pas les marques en cause et ne commercialise pas les sandwichs qui portent leur nom, n'établit pas le préjudice moral qu'elle estime subir du fait que les clients des S ELIZE pourraient être trompés par le comportement de la défenderesse qui leur ferait croire que les établissements La Kaz leur sont liés. Sa demande à ce titre sera écartée.
Au titre de la concurrence déloyale et parasitaire au bénéfice de la société ELIZE RESTAURATION :
La société ELIZE RESTAURATION sollicite une indemnisation de 500.000 euros au titre du comportement parasitaire de la société défenderesse en invoquant les bénéfices perdus du fait que la société V.A.R.P. s'est dispensée de conclure un contrat de franchise et d'assumer les conditions financières qui y sont attachées (droit d'entrée, droit de formation initiale par établissement et redevances de franchise) ; elle invoque aussi son préjudice lié à la perte de chance de pouvoir signer un contrat de franchise pour le développement des S ELIZE en région parisienne et l'économie réalisée par la défenderesse qui a pu profiter de la notoriété des S ELIZE sans bourse délier et sans payer de redevance.
Le fait pour la société défenderesse d'avoir commercialisé des sandwichs sous une dénomination susceptible de faire référence aux S ELIZE ne peut pas être assimilé à l'exploitation d'un établissement de cette enseigne sous franchise, de sorte que la référence aux conditions financières des contrats de franchise invoqués en demande ne peut être pertinente. Toutefois, au vu des éléments soumis au débat, le préjudice subi par la société ELIZE RESTAURATION au titre du comportement parasitaire de la société V.A.R.P. justifie l'allocation à son profit d'une indemnité de 10.000 euros.
Les autres mesures :
Les mesures d'interdiction n'ont pas lieu d'être prononcées dès lors que les atteintes ont cessé par la modification des mentions de la carte des établissements à enseigne La KAZ.
La demande de publication n'étant pas nécessaire à la réparation des atteintes relevées, elle sera également rejetée.Sur la demande reconventionnelle :
Les demandes de la société GRAND ECRAN HOLDING étant partiellement accueillies, la demande présentée par la société V.A.R.P. en dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
Sur les autres demandes :
La défenderesse qui succombe supportera la charge des dépens et sera condamnée à verser aux sociétés GRAND ECRAN HOLDING et ELIZÉ R , qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article
700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 5.000 euros.
L'exécution provisoire n'étant pas justifiée au cas d'espèce, il n'y a pas lieu de l'ordonner.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Déclare recevable l'action en contrefaçon intentée par la société GRAND ECRAN HOLDING en qualité de titulaire des marques françaises verbales « MADRAS » n°11 3 827 903 et « SUPER MADRAS »n°11 3 827 902;
Déclare la société ELIZÉ RESTAURATION recevable à agir en concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société V.A.R.P. ;
Déclare la société V.A.R.P. irrecevable en sa demande reconventionnelle en déchéance de la marque française semi- figurative « MADRAS » n°03 3 243 671 et de la marque française verbale « SUPER MADRAS » n°03 3 243 670 ;
DIT que les marques françaises verbales « MADRAS » n°11 3 827 903 et « SUPER MADRAS » n°11 3 827 902 sont valables ;
DIT qu'en utilisant les signes « MADRAS » et « SUPER MADRAS » pour désigner, sur son site internet, des sandwichs commercialisés dans ses restaurants, la société V.A.R.P. a commis des actes de contrefaçons par reproduction des marques françaises n°11 3 827 903 et n°11 3 827 902;
REJETTE les demandes au titre de la contrefaçon par usage des signes "DRASMA" et "SUPER DRASMA" ;
CONDAMNE la société V.A.R.P. à payer à la société GRANDECRAN HOLDING une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des actes de contrefaçon commis à son préjudice ;REJETTE la demande de la société GRANDECRAN HOLDING au titre du préjudice moral ;
DIT que la société V.A.R.P., en commercialisant des sandwichs en faisant référence à la Martinique sous la dénomination "MADRAS" utilisée dans les S ELIZE de Martinique, a commis, à l'égard de la société ELIZE RESTAURATION des actes de concurrence déloyale et parasitaires, qui engagent sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 - devenu 1240 - et suivants du code civil;
CONDAMNE la société V.A.R.P. à payer à la société ELIZE RESTAURATION, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice généré par les actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
REJETTE les demandes d'interdiction et de publication du jugement ;
REJETTE la demande reconventionnelle pour procédure abusive présentée par la société V.A.R.P. ;
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE la société V.A.R.P. aux dépens qui seront recouvrés directement au profit de Me Olivier HUGOT ;
CONDAMNE la société V.A.R.P. à payer aux sociétés GRANDECRAN HOLDING et ELIZÉ R la somme 5.000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile.
DIT n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;