Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème Chambre, 10 novembre 2022, 21LY00598

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
  • Numéro d'affaire :
    21LY00598
  • Type de recours : Fiscal
  • Décision précédente :tribunal administratif de Grenoble, 6 janvier 2021
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000046561242
  • Rapporteur : Mme Audrey COURBON
  • Rapporteur public :
    Mme LESIEUX
  • Commentaires :
  • Président : M. PRUVOST
  • Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Lyon
2022-11-10
tribunal administratif de Grenoble
2021-01-06

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure La SARL Esprit du Midi a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Par un jugement n° 1803514 du 31 décembre 2020, rectifié par une ordonnance du 6 janvier 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 26 février 2021, la SARL Esprit du Midi, représentée par le cabinet Jurisophia Savoie, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la réduction de ces impositions et intérêts de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'indemnité qu'elle a perçue de son client, qui correspond à un dépôt de garantie, ne constitue pas la rétribution d'une prestation de service rendue à titre onéreux selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, reprise par une décision de la cour administrative d'appel de Lyon du 31 octobre 2007 ; - l'indemnité en litige avait pour seul objet de compenser le préjudice subi par le vendeur en cas de défaut d'exécution du contrat par l'acquéreur, et non de créer une faculté de dédit au bénéfice de ce dernier, selon les termes de l'avant-contrat repris dans le procès-verbal de carence dressé par le notaire, de telle sorte qu'elle ne constitue pas des arrhes au sens du code civil. En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction. Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit

: 1. La SARL Esprit du Midi, qui exerce une activité de promotion immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. A l'issue de ce contrôle, l'administration lui a notifié, selon la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, à raison, notamment, de la soumission à cette taxe du dépôt de garantie versé par un client ayant conclu avec elle un contrat de réservation portant sur la vente en l'état futur d'achèvement d'un chalet d'habitation situé à Chamonix, qu'elle a conservé après inexécution par ce client de son obligation d'achat. La SARL Esprit du Midi relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents à ce chef de rectification. 2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, relatif aux ventes d'immeubles à construire, dans sa version applicable au litige : " La vente prévue à l'article L. 261-10 peut être précédée d'un contrat préliminaire par lequel, en contrepartie d'un dépôt de garantie effectué à un compte spécial, le vendeur s'engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie d'immeuble. (...) Les fonds déposés en garantie sont indisponibles, incessibles et insaisissables jusqu'à la conclusion du contrat de vente. / Ils sont restitués, dans le délai de trois mois, au déposant si le contrat n'est pas conclu du fait du vendeur, si la condition suspensive prévue à l'article L. 312-16 du code de la consommation n'est pas réalisée ou si le contrat proposé fait apparaître une différence anormale par rapport aux prévisions du contrat préliminaire. / Est nulle toute autre promesse d'achat ou de vente. ". 3. La SARL Esprit du Midi a conclu avec un client, le 26 juillet 2012, un contrat de réservation portant sur la vente en l'état futur d'achèvement d'un chalet d'habitation situé à Chamonix (Haute-Savoie) pour un prix de 5 912 786 euros. En application de ce contrat, le client a versé, en novembre 2012, un dépôt de garantie d'un montant de 295 693,30 euros, correspondant à 5 % du prix de vente. Après avoir reçu notification de l'acte de vente le 29 juillet 2013, l'intéressé a refusé de le signer malgré plusieurs sommations effectuées par voie d'huissier. Un procès-verbal de carence a été dressé par le notaire en charge de la vente le 15 novembre 2014, constatant l'inexécution, par ce client, de ses engagements contractuels. La société Esprit du Midi a alors comptabilisé, en novembre 2014, un produit exceptionnel sur opération de gestion correspondant au montant de ce dépôt de garantie, qu'elle n'a pas soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. 4. La SARL Esprit du Midi fait valoir que la somme versée à titre de dépôt de garantie, qu'elle a conservée à la suite de la renonciation de l'acheteur, est sans lien direct avec un service individualisable rendu à titre onéreux au sens de l'article 256 du code général des impôts, dès lors qu'elle a pour objet de l'indemniser du préjudice subi du fait de l'inexécution par ce dernier de ses engagements contractuels, en se référant aux termes du contrat de réservation repris dans le procès-verbal de carence, qui font état de la perte liée à la nécessité, pour le vendeur, de rechercher un nouvel acquéreur et précise que cette garantie ne constitue pas des arrhes, au sens du code civil, permettant aux partie de se dédire de leurs engagements. Toutefois, la qualification donnée par les parties au contrat est, en elle-même, sans incidence sur le régime fiscal applicable à l'indemnité en litige. Et il résulte des dispositions précitées de l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation, applicables aux opérations de vente en l'état futur d'achèvement, que le contrat préliminaire conclu entre les parties a pour objet la réservation, par le vendeur, d'un bien immobilier à construire au profit de l'acquéreur et que cette réservation s'effectue " en contrepartie d'un dépôt de garantie effectué à un compte spécial ". Dans ces conditions, la somme correspondante, conservée par le vendeur en cas de désistement de l'acheteur, doit être regardée comme constituant la rémunération du service rendu de réservation du bien au profit du futur acquéreur, qui est individualisable et comme présentant, avec ce service, un lien direct. Elle est donc, à ce titre, passible de la taxe sur la valeur ajoutée. 5. Il résulte de ce qui précède que la SARL Esprit du Midi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Esprit du Midi est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Esprit du Midi. Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, Mme Caraës, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2022. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY00598