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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10 mars 2023, 19/15935

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'Aix-en-Provence
10 mars 2023
Conseil de Prud'hommes de Marseille
18 septembre 2019

Texte intégral

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE Chambre 4-1

ARRÊT

AU FOND DU 10 MARS 2023 N° 2023/88 Rôle N° RG 19/15935 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BFAUC [J] [I] épouse [B] C/ SA AUCHAN FRANCE Copie exécutoire délivrée le : 10 MARS 2023 à : Me Christelle SANTIAGO, avocat au barreau de MARSEILLE Me Marie-dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 18 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01293. APPELANTE Madame [J] [I] épouse [B], demeurant [Adresse 1] comparante en personne assistée de Me Christelle SANTIAGO, avocat au barreau de MARSEILLE INTIMEE SA AUCHAN FRANCE, demeurant [Adresse 2] représentée par Me Marie-dominique POINSO-POURTAL, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Cyril VILLATTE DE PEUFEILHOUX, avocat au barreau de MARSEILLE *-*-*-*-* COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023. ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2023 Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *** Madame [J] [I] a été embauchée en qualité de caissière le 22 avril 1991 par la SA AUCHAN FRANCE. Elle occupait en dernier lieu le poste d'hôtesse de caisse et percevait une rémunération mensuelle brute de base de 1682,83 euros, outre 88,10 euros de prime d'ancienneté ainsi qu'une prime annuelle équivalente à un mois de salaire brut. Son salaire mensuel moyen brut était donc de 1911,17 euros. Madame [B] a été en arrêt de travail à compter du 21 janvier 2016. Elle a été reconnue travailleur handicapé le 26 octobre 2016. Lors d'une visite médicale de pré-reprise le 6 janvier 2017, le médecin du travail a estimé qu'une reprise sans aménagement n'était pas compatible avec l'état de santé de la salariée, a pris attache avec le SAMETH et a procédé à l'étude de poste le 19 janvier 2017. Lors de la visite médicale de reprise le 18 avril 2017, le médecin du travail a déclaré Madame [B] « inapte à reprendre son poste ce jour : cette décision fait suite à l'étude de poste du 19/1/17 et des conditions de travail du 19/1/17, ainsi qu'avec les entretiens avec l'employeur du 6/1/17 et l'examen médical du 6/1/17 et de ce jour. Reclassement souhaitable sur un poste sédentaire avec accès faciles, comme cela a été étudié avec le SAMETH et la direction. Inapte à reprendre son poste actuel ». Par courrier du 18 avril 2017, la SA AUCHAN FRANCE a informé Madame [J] [I] épouse [B] qu'elle était à la recherche d'une solution de reclassement et que sa situation serait étudiée par la commission de reclassement. Le même jour, l'employeur a remis à Madame [B] une invitation à assister à la réunion de la commission de reclassement le jeudi 20 avril à 2017 à 11h30. Lors de la réunion de la commission de reclassement, étaient identifiés deux postes de reclassement d'agent administratif à [Localité 3] (91), lesquels seront proposés à Madame [B] par courrier recommandé du 21 avril 2017. Par courrier recommandé du 17 mai 2017, Madame [J] [I] épouse [B] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 29 mai, puis elle a été licenciée le 1er juin 2017 pour inaptitude et « impossibilité de reclassement consécutif au refus des propositions de reclassement effectuées ». Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre et sollicitant sa réintégration et, subsidiairement, des indemnités de rupture, Madame [J] [I] épouse [B] a saisi la juridiction prud'homale par requête du 22 juin 2018. Par jugement du 18 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Marseille a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la SA AUCHAN FRANCE à payer à Madame [J] [I] épouse [B] la somme de 569,72 euros au titre du rappel de la prime annuelle et la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a dit que le jugement bénéficierait de l'exécution provisoire de droit sur les créances et dans la limite des plafonds définis par l'article R.1454-28 du code du travail, a fixé la moyenne des 12 derniers mois de salaire à 1911,17 euros, a débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraire et a condamné la société AUCHAN aux entiers dépens. Ayant relevé appel, Madame [J] [I] épouse [B] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions d'appelante notifiées par voie électronique le 9 janvier 2020, de : DIRE ET JUGER que Madame [B] est recevable et bien fondée en ses présentes demandes. RÉFORMER le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Marseille en ce qu'il a débouté Madame [B] de ses demandes (sauf en ce qui concerne la condamnation de la société AUCHAN au paiement de la prime de vacances). Et statuant de nouveau : CONSTATER que la société AUCHAN France, compte tenu de son objective mauvaise foi dans l'application des dispositions de l'article L.1226-2-1 du code du travail relatives à la recherche de reclassement d'un salarié devenu inapte, a manqué à son obligation de recherche de reclassement de bonne foi de sa salariée devenue inapte. DIRE ET JUGER que le licenciement prononcé à l'encontre de Madame [B] s'avère dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait de la violation par l'employeur de son obligation préalable de reclassement. DIRE ET JUGER que la rupture du contrat de travail querellée est intervenue dans des conditions particulièrement vexatoires. En conséquence, A TITRE PRINCIPAL : ORDONNER la réintégration de Madame [B] au sein des effectifs de la société AUCHAN avec maintien de ses avantages acquis. CONDAMNER la société AUCHAN au paiement de la somme de 10'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. A TITRE SUBSIDIAIRE en cas de désaccord de l'employeur sur la réintégration de Madame [B] : CONDAMNER la société AUCHAN à payer à Madame [B] les sommes suivantes : - 35'356,64 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail ; - 5733,51 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 573,35 euros au titre des congés payés y afférents ; - 10'000 euros au titre du préjudice subi du fait du caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail. EN TOUT ETAT DE CAUSE : CONFIRMER en tant que de besoin la condamnation de la société AUCHAN à payer à Madame [B] la somme de 569,72 euros au titre du rappel de salaire sur la prime annuelle due pour l'année 2016. DIRE ET JUGER que l'ensemble des sommes mises à la charge de la société AUCHAN produiront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Marseille. CONDAMNER la société AUCHAN FRANCE à payer à Madame [B] la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. LA CONDAMNER également aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Christelle SANTIAGO sur son affirmation de droit. La SA AUCHAN FRANCE demande à la Cour, aux termes de ses conclusions d'intimée formant appel incident notifiées par voie électronique le 19 mars 2020, de : CONFIRMER le jugement attaqué sauf en ce qu'il a : -par erreur matérielle, dit et jugé « le licenciement sans cause réelle et sérieuse », -condamné la société AUCHAN à la somme de 569,72 euros au titre de rappel de la prime annuelle, -condamné la société AUCHAN à la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -condamné la société AUCHAN aux entiers dépens. ET STATUANT A NOUVEAU : DIRE ET JUGER que la société AUCHAN a parfaitement respecté ses obligations en matière de reclassement, allant même au-delà de ses obligations légales. En conséquence, DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [I] repose sur une cause réelle et sérieuse. En conséquence, DÉBOUTER Madame [I] de l'intégralité de ses demandes formulées tant à titre principal (réintégration) qu'à titre subsidiaire. DIRE ET JUGER que Madame [I] ne pouvait prétendre au paiement de la prime annuelle. En conséquence, DÉBOUTER Madame [I] de sa demande formulée à ce titre. DÉBOUTER Madame [I] de toutes ses autres demandes. CONDAMNER Madame [I] à la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 10 novembre 2022.

SUR CE

: Sur le licenciement : Madame [J] [I] épouse [B] fait valoir que la société AUCHAN FRANCE, qui compte plus de 250 établissements dans l'hexagone et plus de 50'000 salariés dans ses effectifs, a convoqué la salariée à une réunion de reclassement à peine 48 heures après l'avis d'inaptitude, soit le 20 avril 2017, et que dès le lendemain de cette réunion, elle va se contenter de proposer à Madame [B] deux postes situés à plus de 800 km de son domicile, alors même que la société savait pertinemment que la salariée, présentant une ancienneté de plus de 26 ans, était propriétaire de son logement situé à [Localité 4], avait un enfant scolarisé à [Localité 4] et son mari salarié à [Localité 4], et qu'elle ne pourrait accepter ces propositions ; qu'ainsi, l'employeur n'a accordé à la recherche de reclassement de sa salariée que 3 jours, lui proposant des postes totalement incompatibles avec sa situation personnelle et familiale ; que cette seule diligence de la société AUCHAN ne saurait constituer une recherche loyale et effective de reclassement et que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. La SA AUCHAN FRANCE soutient que, conformément à ses obligations légales, elle a immédiatement procédé à des recherches de reclassement compatibles avec les préconisations du médecin du travail et a convoqué l'ensemble des acteurs utiles au reclassement de la salariée ; qu'elle a pris le soin de se rapprocher à nouveau du médecin du travail afin que ce dernier précise éventuellement ses dernières conclusions ; que Madame [I] était présente à la commission de reclassement ; qu'en sa présence, la société AUCHAN a pris le soin, en lien avec le médecin du travail, un membre du CHSCT et le planificateur d'identifier parmi les emplois disponibles deux postes compatibles avec les préconisations du médecin du travail ; que Madame [I] n'a jamais prétendu, tant au cours de la commission de reclassement que suite aux propositions de postes qui lui ont été faites et pas davantage dans le cadre de l'entretien préalable que des postes disponibles et compatibles avec son état de santé ne lui auraient pas été proposés ; qu'aucun poste compatible avec les préconisations du médecin du travail n'était disponible dans la région ; que les postes de reclassement ont été soumis à l'avis des délégués du personnel, qui n'émettront aucune objection sur les postes proposés ; que les deux postes ont été proposés à Madame [I] par courrier daté du 21 avril 2017 ; que Madame [I] ne prendra jamais la peine de répondre à la société AUCHAN, ne serait-ce que par la négative ; qu'au regard de ce qui précède, la société AUCHAN a parfaitement respecté ses obligations légales, allant même au-delà pour tenter de reclasser sa salariée ; que l'obligation de reclassement est en tout état de cause réputée satisfaite au regard notamment des dispositions de l'article L.1226-2-1 du code du travail et qu'il y a lieu de débouter Madame [J] [I] de ses demandes. *** La SA AUCHAN FRANCE a remis en main propre à Madame [B] un courrier du 18 avril 2017 lui annonçant que la société était à la recherche d'une solution de reclassement, lui a remis en main propre à la même date un courrier du 18 avril 2017 invitant la salariée à assister à la réunion de la commission de reclassement en date du 20 avril 2017 à 11h30 et, également, a sollicité le médecin du travail, par courrier du 18 avril 2017, en ces termes : « Votre avis d'inaptitude totale ne laisse pas apparaître suffisamment de suggestions ou préconisations nous permettant d'envisager des mesures de reclassement précises et adaptées. Nous vous remercions de nous indiquer les postes existants dans notre entreprise susceptibles de correspondre aux restrictions médicales que vous avez émises ou qui pourraient avec un aménagement ou une formation être susceptibles de convenir ». Le médecin du travail, ayant reçu le courrier de la société AUCHAN en main propre le 18 avril 2017, a répondu le même jour : « Un reclassement est souhaitable dans un poste sédentaire dont les accès sont compatibles avec l'état de santé. Le SAMETH est venu étudier avec vous toutes les solutions qu'il était possible de mettre en 'uvre : rien de raisonnable n'a été trouvé sur le site' » (pièce 5 versée par l'employeur). La SA AUCHAN FRANCE produit le compte rendu de la réunion de la commission de reclassement du 20 avril 2017, dans lequel il est précisé qu'à l'occasion de l'étude de poste et des conditions de travail réalisée le 19 janvier 2017 par le médecin du travail, « la recherche d'un autre poste dans l'établissement a également été effectuée par le médecin du travail. M. [T] (RRH) énumère les postes envisagés : -Employé Qualifié Libre Service Alimentaire et non alimentaire Poste non compatible avec les contre-indications du médecin du travail. -Employé Qualifié Réserve en Logistique Poste non compatible avec les contre-indications du médecin du travail », étant observé que ces précisions n'ont pas été contredites par les participants à la réunion de la commission de reclassement, notamment Madame [W], médecin du travail, laquelle a signé le compte rendu de la réunion, mais également Madame [I], Madame [S], élue CHSCT, et Monsieur [V], Chargé de planification. Ledit compte rendu poursuit ainsi : « M. [T] indique, conformément aux dispositions légales, qu'il est nécessaire d'analyser maintenant les postes existants au sein de l'entreprise et du groupe, susceptibles d'être occupées par Mme [J] [I]. Sont donc passés en revue les différents postes publiés dans l'état des postes en mobilité au sein du groupe Auchan (cf pièce jointe) en date du 17/04/2017. Il apparaît que deux postes sont vacants au sein du groupe : Agent Administratif, niveau 3 Service Approvisionnement à ATAC-Entrepôt [Localité 3] (91), Agent Administratif, niveau 3, Services Généraux à ATAC-Entrepôt [Localité 3] (91). En conclusion, il ressort de l'avis des participants que le reclassement à ces postes pourrait être envisageable ». Les délégués du personnel ont également été consultés sur le reclassement de Madame [J] [I], lors d'une réunion extraordinaire du 21 avril 2017 à 14h30, et notamment sur les deux propositions de reclassement à ATAC-Entrepôt [Localité 3] (91), le compte rendu de réunion des délégués du personnel mentionnant que « Les élus n'ont pas d'observations à formuler ». La SA AUCHAN FRANCE a adressé à Madame [J] [I] épouse [B], par courrier du 21 avril 2017, les deux postes proposés en reclassement à ATAC-Entrepôt [Localité 3] (91), s'agissant des deux postes d'agent administratif niveau 3, demandant à la salariée de répondre dans un délai de 10 jours à compter de la réception du courrier et l'informant qu'à défaut de réponse positive de sa part dans le délai de 10 jours, la société considérerait que la salariée refuse la proposition de reclassement. Madame [J] [B] produit un extrait des offres d'emploi d'AUCHAN RETAIL publiées à la date du 23 juin 2017 dont il résulte, selon la salariée, que de nombreux postes étaient à pourvoir dans la région PACA et qu'ils n'ont pas été examinés par l'employeur ni proposés à la salariée. Il n'est pas discuté que Madame [B] avait exercé successivement, au sein de la SA AUCHAN FRANCE, des postes d'employée administrative et commerciale, de vendeuse et d'hôtesse de caisse (selon certificat de travail du 15 juin 2017) et qu'elle avait acquis le 28 octobre 2015 un titre professionnel de "comptable assistant" (pièces 17 et 18 versées par la salariée), de même qu'il n'est pas discuté que la salariée avait occupé des fonctions d'hôtesse de caisse-standardiste Camelia dans les bureaux situés au sein du magasin (pièces 16 et 19 versées par la salariée). Toutefois, il résulte du compte rendu de la réunion de la commission de reclassement que les membres de cette commission ont "passé en revue les différents postes publiés dans l'état des postes en mobilité au sein du groupe Auchan" et que seuls deux postes ont été identifiés comme étant vacants et compatibles avec les préconisations du médecin du travail. Madame [J] [B] n'a pas prétendu, dans le cadre de la réunion de la commission de reclassement à laquelle elle a participé, ni postérieurement aux propositions de reclassement qui lui ont été adressées, que les membres de ladite commission n'avaient pas examiné l'ensemble des postes proposés en mobilité au sein du groupe AUCHAN. Elle n'a pas répondu au courrier du 21 avril 2017 de son employeur lui proposant les deux postes de reclassement d'agent administratif, niveau 3, à ATAC-Entrepôt [Localité 3] (91), et n'a pas alors prétendu que d'autres postes auraient été disponibles, dans la région PACA. Au vu de la procédure suivie par l'employeur, de l'examen par la commission de reclassement réunie le 20 avril 2017 des différents postes publiés en mobilité au sein du groupe AUCHAN et de l'identification de deux seuls postes de reclassement, compatibles avec les préconisations du médecin du travail, proposés à la salariée, il est établi que la SA AUCHAN FRANCE a rempli loyalement et sérieusement son obligation de recherches de reclassement conformément aux dispositions de l'article L.1226-2 du code du travail, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient. En conséquence, la SA AUCHAN FRANCE pouvait rompre le contrat de travail de Madame [B] du fait du refus par cette dernière des deux emplois proposés dans les conditions prévues à l'article L.1226-2 du code du travail, ce conformément aux dispositions de l'article L.1226-2-1 du même code. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que le licenciement de la salariée était fondé sur une cause réelle et sérieuse, sauf à rectifier la disposition du jugement ayant dit par erreur matérielle que le licenciement était "sans cause réelle et sérieuse". Madame [J] [I] épouse [B] est donc déboutée de ses demandes de réintégration et de condamnation à titre de dommages intérêts, ainsi que de ses demandes subsidiaires en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. S'agissant de la demande en paiement de dommages-intérêts au titre des conditions vexatoires de la rupture de son contrat de travail, Madame [J] [B] invoque la mauvaise foi de l'employeur dans l'accomplissement de son obligation de reclassement. Toutefois, alors qu'il a été jugé ci-dessus que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de reclassement et alors que la salariée n'invoque pas de circonstances brutales ou vexatoires qui auraient entouré la mesure de licenciement, il n'est pas démontré que la rupture du contrat de travail présenterait un caractère vexatoire. Madame [B] ne verse par ailleurs aucun élément justifiant de l'existence d'un préjudice. En conséquence, la Cour déboute Madame [B] de sa demande de dommages-intérêts au titre de conditions vexatoires qui auraient entouré son licenciement. Sur le rappel de la prime annuelle : Le premier juge a rappelé les dispositions de l'article 3.7 de la Convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, relatives aux conditions d'attribution de la prime annuelle ("3.7.1 Un an d'ancienneté dans l'entreprise au moment du versement. 3.7.2 Être titulaire d'un contrat de travail en vigueur au moment du versement. Les salariés dont le contrat de travail n'est pas suspendu depuis plus de 1 an au moment du versement répondent à cette condition") et, après avoir constaté que Madame [B] remplissait ces conditions et qu'elle n'avait perçu, au titre de la prime annuelle, que la seule somme de 1176 euros, a accordé à la salariée un rappel de prime annuelle d'un montant de 569,72 euros (salaire du mois de novembre : 1746,48 euros - 1176 euros déjà perçus). La SA AUCHAN FRANCE critique le jugement en affirmant que "l'acompte de juin est supprimé au-delà de 30 jours d'absence non indemnisés entre le 1er novembre de l'année antérieure et le 30 avril de l'année en cours" et que la salariée a totalisé plus de 30 jours d'absence non indemnisés entre le 1er novembre 2016 et le 30 avril 2017. Elle conclut donc que Madame [I] n'a logiquement rien perçu au titre de la prime annuelle 2017 et qu'elle doit être déboutée de sa demande. Cependant, la réclamation de la salariée porte sur la prime annuelle au titre de l'année 2016 et non au titre de l'année 2017. À défaut de démontrer ni même de prétendre que la salariée ne remplirait pas les conditions conventionnelles d'attribution de la prime annuelle au titre de l'année 2016, la SA AUCHAN FRANCE est déboutée de sa demande au titre de son appel incident. La Cour confirme le jugement en ce qu'il a accordé à Madame [B] la somme de 569,72 euros au titre du rappel de la prime annuelle. Sur l'article 700 du code de procédure civile : L'équité n'impose pas qu'il soit fait application, au cas d'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Les dispositions du jugement relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées. Chacune des parties conservera à sa charge ses dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud'homale, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à application de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne chaque partie à conserver la charge de ses propres dépens. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT Ghislaine POIRINE faisant fonction