Vu la procédure suivante
:
Par une ordonnance de renvoi, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis au tribunal administratif de Montpellier, en application de l'article
R. 351-8 du code de justice administrative, la requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 14 juin 2021, présentée par M. A B.
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 juin 2021 et le 22 mars 2022 et le 27 octobre 2022, mémoires qui n'ont pas été communiqués, M. A B demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 28 avril 2021 par laquelle le maire de Deyme a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle ;
2°) d'enjoindre au maire de Deyme de lui accorder la protection fonctionnelle dans le cadre de la procédure devant le tribunal correctionnel et de lui rembourser les frais occasionnés, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Deyme une somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le maire a méconnu le principe d'impartialité, en se prononçant lui-même sur une demande de protection fonctionnelle au titre d'agissements constitutifs de harcèlement mettant en cause son propre comportement ;
- il est victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral qui justifiaient l'octroi de la protection fonctionnelle.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 août 2021 et le 18 octobre 2022 la commune de Deyme représentée par Me Egea-Ausseil, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B.
La commune fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention volontaire enregistré le 24 février 2022, le syndicat SUD CT 31 conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. B.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bayada, première conseillère,
- les conclusions de Mme Moynier, rapporteure publique,
- et les observations de M. B.
Considérant ce qui suit
:
1. M. B, adjoint technique territorial de 2e classe au sein de la commune de Deyme, admis à la retraite pour invalidité le 13 mai 2020, a formé, par courrier du 3 mars 2021, une demande de protection fonctionnelle qui lui a été refusée par décision du 28 avril 2021. Par sa requête, M. B en demande l'annulation.
Sur l'intervention volontaire du syndicat Sud Collectivités territoriales 31 :
2. Aux termes de l'article
R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. () Le président de la formation de jugement () ordonne, s'il y a lieu, que ce mémoire en intervention soit communiqué aux parties et fixe le délai imparti à celles-ci pour y répondre. Néanmoins, le jugement de l'affaire principale qui est instruite ne peut être retardé par une intervention. ". Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. En l'espèce, le syndicat Sud Collectivités territoriales 31, justifie, au regard de son objet statutaire, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien de la requête de M. B. Son intervention doit dès lors être admise.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. D'une part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, repris à l'article
L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre, à l'appui de sa demande de protection fonctionnelle, des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement.
5. D'autre part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dont les termes ont été repris aux articles
L. 134-1 et
L. 134-5 du code général de la fonction publique : " A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. () La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ".
6. Si la protection résultant des dispositions rappelées au point précédent n'est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l'un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
7. Il résulte du principe d'impartialité que le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de tels actes ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l'autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné.
8. Enfin, aux termes de l'article
L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales : " En cas d'absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le maire est provisoirement remplacé, dans la plénitude de ses fonctions, par un adjoint, dans l'ordre des nominations et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par le conseil ou, à défaut, pris dans l'ordre du tableau ". Aux termes de l'article
L. 2122-18 du même code : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et à des membres du conseil municipal ".
9. Il résulte des dispositions précitées de l'article
L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales que le maire, qui n'aurait pas délégué cette fonction, est en principe compétent pour se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle émanant des agents de sa commune. Toutefois, face à une telle demande qui viserait des faits de harcèlement moral le concernant personnellement et qui comporterait les éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement, tels que mentionnés au point 3, il se trouve en situation de ne pouvoir se prononcer sans méconnaître les exigences qui découlent du principe d'impartialité, et il lui appartient, pour le motif indiqué au point 6, de transmettre celle-ci à l'un de ses adjoints ou à l'un des conseillers municipaux dans les conditions prévues à l'article
L. 2122-17 du même code.
10. M. B se plaint d'agissements imputés au maire et à plusieurs élus de la commune qui ont eu pour conséquence une dégradation de son état de santé. Il expose avoir été victime de comportements maltraitants, de reproches incessants et de récriminations en public de la part du maire de Deyme, et fait notamment état d'une altercation, survenue le 31 juillet 2019, au cours de laquelle il a été violemment pris à partie par ce dernier en public. Il précise en outre avoir déposé le 1er août 2019 une plainte pénale pour harcèlement moral. Dans ces circonstances, les faits relatés par M. B, dont l'absence de toute matérialité ne résulte pas de l'instruction, qui mettent en cause le maire de Deyme, sont ainsi susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral et ne peuvent dès lors se rattacher à l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dans ces conditions, le maire de Deyme ne pouvait légalement, sans manquer au principe d'impartialité, se prononcer lui-même sur la demande de protection fonctionnelle de M. B.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B est fondé à demander l'annulation de la décision du 28 avril 2021.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Par ailleurs, M. B, qui n'est pas représenté par un avocat, ne justifie pas de frais non compris dans les dépens qu'il aurait spécifiquement exposés dans le cadre de la présente instance. Les conclusions présentées à ce titre doivent, dès lors, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention volontaire du syndicat Sud Collectivités territoriales 31 est admise.
Article 2 : La décision du maire de Deyme du 28 avril 2021 est annulée.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A B, au syndicat Sud collectivité territoriales 31 et à la commune de Deyme.
Délibéré après l'audience du 21 avril 2023, à laquelle siégeaient :
M. Besle, président,
Mme Bayada, première conseillère,
Mme Bossi, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2023.
La rapporteure,
A. BayadaLe président,
D. Besle
La greffière,
B. Flaesch
La République mande et ordonne au préfet de Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Montpellier, le 12 mai 2023.
La greffière,
B. Flaesch