Cour de cassation, Première chambre civile, 15 mai 2019, 18-17.896

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2019-05-15
Cour d'appel de Grenoble
2018-03-06

Texte intégral

CIV. 1 CH.B COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 mai 2019 Cassation partielle sans renvoi Mme BATUT, président Arrêt n° 445 F-D Pourvoi n° Z 18-17.896 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Statuant sur le pourvoi formé par M. H... M..., domicilié [...] , contre l'arrêt rendu le 6 mars 2018 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. V... M..., domicilié [...], 2°/ à Mme Q... K..., domiciliée [...], défendeurs à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 2 avril 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Reygner, conseiller rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Reygner, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de M. M..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que F... M... est décédé le [...] , laissant pour lui succéder son épouse, Mme K..., et ses deux fils issus d'une première union, H... et V... ; que des difficultés sont survenues lors des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession ;

Sur le premier moyen

, ci-après annexé :

Attendu que M. H... M... fait grief à

l'arrêt de dire qu'il devra rapport à la succession du don manuel de 15 245 euros reçu en octobre 1987 pour le pourcentage représentatif de ce don par rapport au prix d'achat de l'appartement situé à [...], soit 17,86 % de la valeur de ce bien à la date du partage ; Attendu que sous le couvert de griefs de dénaturation et de manque de base légale au regard de l'article 860-1 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, la portée d'éléments de preuve, appréciés souverainement par les juges du fond ; qu'il ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen

, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée

sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen

:

Vu

l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que, pour accueillir

la demande de Mme K... et M. V... M... tendant à voir dire qu'il leur appartiendra de choisir le notaire chargé de poursuivre les opérations de comptes, liquidation et partage au sein de la SCP I...-U...-G...-B...-J..., à l'exception de M. J..., l'arrêt énonce que M. H... M... ne conclut pas sur ce point ;

Qu'en statuant ainsi

, alors que M. H... M... demandait dans ses conclusions la confirmation du chef de dispositif du jugement commettant le président de la chambre des notaires de Haute-Savoie ou son délégataire pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage, la cour d'appel a dénaturé ces écritures et violé le principe susvisé ;

Et vu

les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'il appartiendra à Mme K... et à M. V... M... de choisir le notaire chargé de poursuivre les opérations de comptes, liquidation et partage au sein de la SCP I...-U...-G...-B...-J..., à Cluses, à l'exception de M. J..., l'arrêt rendu le 6 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Confirme le jugement rendu le 20 février 2017 par le tribunal de grande instance de Grenoble en ce qu'il commet le président de la chambre des notaires de Haute-Savoie ou son délégataire pour procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de F... M... ; Condamne Mme K... et M. V... M... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt. Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. H... M.... PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Monsieur H... M... devra rapport à la succession de F... M... du don manuel de 15.245 euros reçu en octobre 1987 pour le pourcentage représentatif de ce don par rapport au prix d'achat de l'appartement sis [...] , soit 17,86 % de la valeur de l'appartement à la date du partage ; AUX MOTIFS QUE M. H... M... a procédé à l'acquisition d'un bien immobilier à [...], suivant acte authentique signé le 5 novembre 1987, ayant immédiatement suivi, chronologiquement, le don manuel reçu de son père à hauteur de 100.000 francs en octobre 1987 ; qu'il ressort des termes de l'acte authentique de vente de ce bien que le financement de cet achat, d'un montant de 560.000 francs a été fait au moyen d'un prêt du Crédit Agricole à hauteur de 262.900 francs et d'un apport personnel des époux M... à hauteur de 297.100 francs ; qu'en page 8 de l'acte authentique, il est indiqué que l'offre de prêt a été reçue par l'emprunteur le 3 octobre 1987 ; qu'il s'en déduit que la demande de prêt comportant la mention de l'apport personnel auquel s'engageait l'emprunteur est concomitante du don manuel consenti par le défunt ; que ce don portait sur une somme d'argent qui a été déposée sur les comptes des époux M... qui en ont mécaniquement tenu compte pour déterminer leur apport personnel auprès de l'établissement prêteur ; qu'en tout état de cause et surtout, comme l'ont relevé les premiers juges, la lettre de Me J..., notaire chargé du règlement de la succession, à M. H... M... en date du 24 avril 2013 (pièce n° 5 de l'appelant) doit nécessairement s'interpréter comme signifiant que M. H... M... avait admis devant ce notaire que l'achat de l'appartement de [...] avait été en partie financé à l'aide du don manuel reçu de son père ; que dans sa réponse au notaire du 6 mai 2013 (pièce n° 6) M. H... M... ne conteste absolument pas que son appartement de [...] ait été acquis en partie au moyen du don manuel de 100.000 francs, mais s'élève contre le traitement par le notaire, selon lui différencié et injuste, des dons manuels entre son frère et lui ; qu'en conséquence, la preuve en est faite de ce que M. H... M... a employé le don manuel de 100 000 francs reçu en octobre 1987 à l'achat d'un appartement en novembre 1987 à [...] ; que le jugement sera purement et simplement confirmé en ce qu'il a fait application de l'article 860-1 du Code civil et dit que le rapport du don manuel devait être de la proportion de ce don manuel dans la valeur de l'appartement de [...] à la date du partage, soit à concurrence de 17,86 % de cette valeur dès lors que le don manuel de 100.000 francs avait contribué au financement de l'acquisition de ce bien dans cette proportion. 1°) ALORS QUE la lettre de Maître Z... J... du 24 avril 2013, adressée à Monsieur H... M..., mentionnait : « Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'indiquer si la somme de 15.000,00 € qui vous a été donnée en 1987, et qui a été remployée dans l'achat de votre bien de [...], avait été déclarée auprès de l'administration fiscale » ; que s'il résultait de cette lettre que Maître J... affirmait que la somme de 15.000 euros avait été remployée dans l'achat du bien de [...], il n'en résultait aucunement que Monsieur H... M... aurait admis un tel remploi ; qu'en affirmant néanmoins que cette lettre devait nécessairement être interprétée « comme signifiant que M. H... M... avait admis devant ce notaire que l'achat de l'appartement de [...] avait été en partie financé à l'audience du don manuel reçu de son père », la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 2°) ALORS QUE la lettre de Monsieur H... M... du 6 mai 2013, adressée à Maître J..., indiquait (p. 2 § 5) : « Je vous précise donc que le montant de 15.000,00 Euros ou 100.000 F donné par mon père a été affecté à l'achat de la cuisine intégrée et du ménager installée avant notre emménagement en janvier 1988 dans ce nouveau logement » ; que Monsieur H... M... indiquait ainsi que la somme ayant fait l'objet du don manuel avait eu pour objet, non pas l'acquisition de l'immeuble, mais l'achat de meubles meublant ; qu'en affirmant néanmoins que, dans sa réponse au notaire du 6 mai 2013, Monsieur H... M... ne contestait pas que son appartement avait été acquis en partie au moyen du don manuel de 100.000 Francs, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ; 3°) ALORS QU'en se bornant à indiquer que la demande de prêt immobilier formée par Monsieur H... M..., comportant la mention d'un apport personnel, était concomitante du don manuel consenti par le défunt, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre à établir que la somme ayant fait l'objet du don manuel aurait servi à l'acquisition du bien immobilier, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 860-1 du Code civil. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur H... M... de sa demande d'expertise judiciaire ; AUX MOTIFS QUE comme l'ont rappelé les premiers juges, dont la Cour s'approprie la motivation sur ce point, cette demande ne peut être accueillie dès lors qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve, ce en vertu de l'article 145 du Code de procédure civile, alors de plus, que M. M... H... demande des investigations sur une période de plus de dix ans en arrière sans commencement de preuve de ce que son frère aurait bénéficié, au fil des années, de dons manuels de la part de son père, ce alors même que les sommes auraient été données à partir de fonds indivis entre son père et sa seconde épouse ; que le jugement sera donc confirmé sur ce point en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise ; ALORS QU'en se bornant à affirmer qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve et que Monsieur H... M..., qui sollicitait une expertise des comptes bancaires, ne versait aux débats aucun commencement de preuve de ce que son frère aurait bénéficié, au fil des années, de dons manuels de la part de son père, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce commencement de preuve résultait de ce que les extraits de comptes bancaires versés aux débats présentaient de nombreuses opérations inexpliquées et paraissant anormales, ce qui justifiait d'ordonner une mesure d'expertise ayant pour objet d'expliquer ces mouvements de compte, qui pouvaient correspondre à des dons manuels, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du Code de procédure civile. TROISIEME MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé qu'il appartiendra à Madame Q... K... et à Monsieur V... M... de choisir le notaire chargé de poursuivre les opérations de compte, liquidation et partage au sein de la SCP I...-U...-G...-B... J..., à Cluses, à l'exception de Maître J... ; AUX MOTIFS QUE, vu l'article 1364 du Code de procédure civile, les intimés demandent à voir désigner tout autre notaire que Me J... au sein de la même SCP de notaires, tandis que l'appelant ne conclut pas sur ce point ; qu'en conséquence, il sera dit que le notaire chargé de poursuivre les opérations de compte liquidation et partage sera choisi par les intimés au sein de la même SCP I...-U...-G...- B...-J..., à Cluses, à l'exception de Me J... ; ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, Monsieur H... M... s'opposait expressément à la désignation d'un notaire exerçant au sein de la SCP I...-U...- G...-B...-J... et sollicitait la confirmation du jugement de première instance, ayant désigné le Président de la Chambre des notaires de Haute-Savoie ou son délégataire, pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage ; qu'en affirmant néanmoins que Monsieur H... M... ne concluait pas sur ce point, pour décider, « en conséquence », que le notaire chargé de poursuivre les opérations de compte, liquidation et partage serait choisi au sein de la même SCP I...-U...-G...-B...-J..., à l'exception de Maître J..., la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions d'appel de Monsieur H... M..., en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les conclusions des parties.